Province Législature Session Type de discours Date du discours Locuteur Fonction du locuteur Parti politique Québec 29e 2e Discours du budget 25 mars 1971 M. Raymond Garneau Ministre des Finances PLQ M. Garneau : M. le Président, au cours de l'exercice 71-72, le budget des dépenses nettes du gouvernement du Québec dépassera $4 milliards. On comprendra facilement que des dépenses publiques de cet ordre exercent une influence marquée non seulement sur notre économie, mais sur tous les aspects de la vie de notre société. Si nous avons mis l'accent sur le développement économique, nous n'avons pas négligé pour autant les objectifs sociaux et culturels que nous devons poursuivre simultanément. Étant donné l'ampleur que prend le budget et l'étendue des problèmes que doit aborder le discours du budget lui-même, je me suis quelque peu écarté de la présentation habituelle. Cette année, je dépose trois annexes. La première porte sur la situation économique; la deuxième donne le résultat de l'exercice 70-71 et explique les changements apportés à la présentation des comptes et une troisième reproduit les notes explicatives qui ont accompagné la publication des crédits 71-72. Cette façon de procéder aura pour résultat de raccourcir mon exposé, tout en donnant aux membres de cette Assemblée des renseignements plus détaillés qu'auparavant. Une présentation claire des faits pour en faire ressortir l'essentiel, une analyse que nous voulons aussi réaliste que possible des sujets qui doivent retenir notre attention sur le plan économique et fiscal, voilà ce qui caractérise l'exposé budgétaire de ce soir. On trouve dans cet exposé quatre parties: l'examen des résultats financiers 70-71, les prévisions de l'exercice 71-72,un examen des questions fiscales et finalement une revue de nos relations avec le gouvernement fédéral dans le domaine économique et fiscal. Dans l'ensemble, l'année 1970 aura été au Québec, comme ailleurs au Canada et dans plusieurs pays, une année de faible croissance économique. Le produit national brut québécois ne s'est accru que de 6.5 % en regard de 10. 5 % l'année précédente. Le chômage s'est situé à 7. 9 % en moyenne, au cours de 1970, alors qu'il a été de 6.9 % en 1969. Qu'il me soit cependant permis de signaler que l'accroissement du chômage a été moins fort au Québec, 1.0 %, que dans l'ensemble du pays, 1.2 %. De même, certains indices économiques ont montré au Québec des signes de vigueur plus forte ou de faiblesse moindre que dans l'ensemble du pays. C'est ainsi, par exemple, que la mise en chantier de nouveaux logements urbains s'est accrue de 8.8 % au Québec alors qu'elle a accusé une baisse de 11 % dans l'ensemble du pays. C'est ainsi, également, que la valeur des expéditions des industries manufacturières s'est accrue de 1.8 % au Québec en regard de 0.7 % seulement pour le reste du pays. Notre économie ne peut demeurer à l'abri des grands courants économiques qui se manifestent au Canada et aux États-Unis. Par exemple, le produit national brut canadien ne s'est accru que de 7.5 % en regard d'une hausse de 10 % en 1969. L'augmentation de l'ensemble des prix a été de 4.2 % tandis que l'accroissement de la production en termes réels n'a été que de 3.3 % Aux États-Unis, le ralentissement a été encore plus marqué. Pour la première fois depuis dix ans, le produit national brut, exprimé en termes réels, a connu une baisse en 1970. L'annexe 1 que je dépose donne le détail de la situation économique selon les estimations les plus récentes. Analysons maintenant les revenus et les dépenses. Vous retrouverez à l'annexe II qui sera distribuée tout à 1 'heure tous les détails, avec tableaux à l'appui, donnant en résumé le résultat pour l'exercice financier 70/71. Cette annexe explique également les changements qui ont été effectués au cours de l'exercice à la manière de comptabiliser les transactions et de présenter les états financiers. Comme c'est la pratique chez la plupart des gouvernements au pays, nous présentons l'état global des comptes budgétaires. Nous ne ferons donc plus la distinction entre les dépenses courantes et les immobilisations pour les fins de l'établissement du surplus ou du déficit. Toutefois, afin de faciliter les comparaisons avec les prévisions de juin dernier, les états financiers de l'exercice 70/71 sont également présentés selon l'ancienne méthode. En prenant la méthode utilisée dans le dernier discours du budget, les revenus de l'exercice 70/71 seront de $3,511 millions, alors que les dépenses ordinaires s'élèveront à $3,430 millions, laissant ainsi un surplus de $81 millions au compte ordinaire. Les prévisions, le 18 juin dernier, étaient de $72 millions. Comme les immobilisations seront de $276 millions, le déficit global s'élèvera à $195 millions alors que ce déficit global avait été estimé à $207 millions en juin dernier. Signalons en passant que pour l'exercice 69/70, le déficit des comptes budgétaires avait été de $231 millions. Le tableau 3 de l'annexe II fournit les principales comparaisons entre les prévisions budgétaires du 18 juin 1970 et les résultats probables de l'exercice qui s'achève. On remarquera que les différences sont très minimes: les recettes fiscales sont pratiquement entrées tel que prévu et les dépenses, dans l'ensemble, correspondent aux prévisions originales. En fait, les dépenses globales de l'exercice 70/71 ne sont que de $29 millions supérieures à celles qui ont été prévues le 18 juin dernier. Le déficit aux comptes budgétaires sera inférieur de $13 millions à la prévision originale. Cette concordance entre les prévisions de juin 1970 et les résultats probables ne doit pas masquer les changements que nous avons effectués en cours d'année à notre politique de dépenses, grâce à la surveillance constante que mes collègues ont exercée sur leurs divers programmes de dépenses. Je tiens à les remercier de leur collaboration et du souci qu'ils ont manifesté à bien administrer les deniers publics. Dans plusieurs secteurs, nous avons modifié notre action en vue d'influencer l'évolution de la situation économique et sociale. C'est ainsi que la Loi de l'aide sociale a entraîné des déboursés additionnels de $40 millions, ce qui a contribué à soutenir pour autant le pouvoir d'achat de cette partie de la population qui doit recourir à l'aide de l'État. À la Voirie, les mandats spéciaux et les crédits supplémentaires ont permis de régler certains engagements de l'année précédente et de répondre à des besoins additionnels pour l'entretien des routes. Surtout, nous avons, dès l'automne dernier, fait démarrer un programme d'immobilisations additionnelles de $100 millions, dont les déboursés pour l'exercice 70/71 s'élèveront à $13 millions; il s'agit principalement de la partie ouest de l'autoroute est-ouest à Montréal. En outre, conformément à la politique d'assainissement des dépenses publiques préconisée à plusieurs reprises par le premier ministre, nous avons fait inscrire, dès 70/71, des dépenses qui auraient pu être effectuées au cours de l'exercice suivant. C'est ainsi qu'au cours de l'exercice qui se terminera le 31 mars prochain, nous aurons versé $11 millions à la ville de Montréal pour le déficit de Terre des Hommes; le budget initial prévoyait $5.5 millions pour le déficit de 1969 et un montant identique avait été promis pour celui de 1970. Mentionnons en passant qu'aucun engagement ferme n'a été pris en 1971 concernant Terre des Hommes, et aucun crédit n'est prévu à cette fin. Un autre engagement prévoyait le paiement, avant le 30 avril 1971, de $7.5 millions à la Communauté urbaine de Montréal comme subvention spéciale pour le service de la dette du métro. Ce montant a également été prévu au dernier budget supplémentaire. Enfin, une subvention spéciale de $500,000 a été octroyée à la ville de Québec, en raison de son rôle de capitale. En dernier lieu, nous avons entrepris la mise à jour des finances des hôpitaux. C'est pourquoi nous avons demandé à l'Assemblée nationale de voter des crédits supplémentaires de $32 millions au titre de l'assurance-hospitalisation pour le paiement de comptes déjà vérifiés se rapportant aux années 1968, 1969 et 1970. En somme, la plus grande partie des mandats spéciaux et des crédits supplémentaires a servi à acquitter des engagements contractés antérieurement, à assainir les finances des hôpitaux et à assurer la mise en chantier de nouveaux projets d'investissements. Le dernier discours du budget annonçait que nous espérions présenter à l'avenir les états financiers d'une façon plus conforme à la pratique moderne. Les tableaux 10 et Il de l'annexe n donnent respectivement les revenus et les dépenses de l'exercice 70/71 selon cette nouvelle méthode de comptabilisation. Ainsi qu'il est expliqué plus en détail dans cette annexe, l'on passe, dans la présentation des états financiers, d'une comptabilité de caisse mitigée à une comptabilité d'exercice mitigée. C'est ainsi, par exemple, que les recettes de l'impôt sur le revenu des particuliers et de la taxe de vente, qui s'appliquent au mois de mars 1971, mais qui ne seront encaissées qu'en avril, ont été inscrites comme revenu de l'exercice 70/71 et portées aux comptes à recevoir du 31 mars 1971. Elles n'apparaissent pas comme revenu de l'exercice 71/72 selon ce qui se serait produit si nous avions conservé l'ancienne méthode de comptabilisation. On remarquera que les revenus sont plus élevés de $144 millions. Il s'agit là d'une régularisation comptable qui n'affecte que les résultats de 70/71. De même, les dépenses, selon la nouvelle méthode de comptabilisation, sont moindres de $45 millions. Plusieurs raisons expliquent cette différence, mais la principale tient au fait que, selon les concepts du budget global et de la dette nette, il ne faut pas inclure l'amortissement puisque les immobilisations sont déjà comprises dans le total des dépenses et n'apparaissent plus à l'état de l'actif et du passif. Inclure l'amortissement équivaut à compter la même dépense deux fois: une fois comme dépense d'immobilisation et une autre fois comme amortissement. Par contre, il a fallu prévoir $9 millions de plus comme compensation aux municipalités au titre de la taxe de vente. Le déficit global de $6 millions qu'indiquent les états de 70/71, dressés selon la nouvelle méthode, diffère donc de $189 millions ($144 millions aux revenus et $45 millions aux dépenses) de celui de $195 millions déterminé par l'ancienne méthode. Tout changement dans la façon de présenter les comptes comporte des difficultés de comparaisons non seulement avec l'exercice précédent, mais aussi avec celui qui suit. C'est ainsi qu'il faut user de prudence en comparant les chiffres de 71/72 avec ceux de 70/71, même s'ils sont tous les deux présentés selon la nouvelle méthode de comptabilisation. Il faut se rappeler que l'année en est une de transition entre les deux méthodes et que certains postes, pour 70/71 seulement, comprennent des entrées fiscales de 13 mois. C'est ce qui explique que le rendement de certaines taxes semble n'accuser qu'une faible hausse en 71/72: d'autres, comme la taxe de vente et la taxe sur les carburants, semblent diminuer. En raison du passage de la comptabilité de caisse à la comptabilité d'exercice, certaines catégories de revenu pour 70/71 donnent effectivement, ainsi que je viens de le dire, les résultats de 13 mois, alors que ceux de 71 /72 sont bien de 12 mois. Une fois la période de transition passée, c'est-à-dire l'an prochain, ces difficultés ne se présenteront plus. Lors du dernier discours du budget, nous avions estimé à $280 millions les besoins d'emprunts au cours de l'exercice. En fait, comme l'indique le tableau 7 de l'annexe nous avons effectué des emprunts d'une valeur nominale de $324 millions. Par ailleurs, le déficit aux comptes budgétaires de $195 millions et les opérations extrabudgétaires nettes de $128 millions ont produit des besoins financiers - de toute nature - de $323 millions. En juin dernier, les besoins d'emprunts de l'Hydro-Québec pour la période du 1er avril 1970 au 31 mars 1971 avaient été estimés à $160 millions. En fait, l'Hydro-Québec a emprunté $226 millions. Cela lui procurera une plus grande flexibilité pour son programme de financement de l'exercice 71/72. Bref, les emprunts du gouvernement lui-même et de l'Hydro-Québec se sont élevés à$550 millions en 70/71, dans un marché monétaire qui a été particulièrement difficile au cours des sept premiers mois de l'exercice. Analysons maintenant l'exercice 71/72. Si la croissance économique a été moins forte en 1970, les perspectives pour l'année 1971 sont beaucoup plus encourageantes. Les politiques monétaire et fiscale expansionnistes ont clairement remplacé les restrictions qui ont caractérisé la première partie de 1970. On prévoit même que la production nationale au Canada s'accroîtra de 8.5 % en 1971; en termes réels, la hausse sera d'environ 4.5 %. Au Québec, les perspectives d'accroissement du produit national brut sont sensiblement les mêmes, mais la hausse des prix sera de l'ordre de 3.5 %. Dans plusieurs secteurs, la croissance au Québec sera même plus marquée que dans l'ensemble du pays. Que l'on songe aux investissements massifs qui se feront dans le domaine minier, dans celui de 1 'habitation et dans le secteur public. L'année 1971 sera caractérisée par une reprise marquée de l'économie. Notre programme de dépenses a été préparé à la fois en tenant compte de cette reprise et en vue de l'activer. Le budget des dépenses pour l'exercice 71/72 sera de $4,151 millions. Cette prévision se compare à des dépenses probables de $3,661 millions pour l'année qui s'achève, soit une augmentation de 13.4 %. Tel que je l'ai indiqué en déposant les crédits, le programme de dépenses pour 71-72 a été conçu à partir des objectifs suivants: 1)assurer une participation active des dépenses de l'État à la reprise de l'activité économique par l'accroissement des dépenses d'immobilisations; 2)limiter le plus possible le taux de croissance des dépenses courantes, sauf pour les programmes ayant une incidence plus immédiate sur le soutien de l'activité économique; 3)assurer une partie du rattrapage des sommes dues aux commissions scolaires; 4) faire coïncider le niveau des dépenses apparaissant au budget avec le niveau réel de dépenses dans le secteur des affaires sociales, compte tenu des nouvelles politiques de gestion proposées par le ministère des Affaires sociales. Les immobilisations nettes seront de $358 millions, comparativement à des dépenses probables de $276 millions pour l'exercice 70/71, soit une augmentation de $82 millions ou 29.7 % Cependant, les dépenses brutes, c'est-à-dire avant contributions du gouvernement fédéral et remboursements, passent de $315 millions à $436 millions, soit une augmentation de $121 millions ou de 38.5% Mais, ce n'est pas tout. Certaines dépenses courantes ou extrabudgétaires provoquent des investissements de plusieurs centaines de millions de dollars. C'est ainsi, par exemple, que des dépenses budgétaires de $12 millions et des déboursés extrabudgétaires de $17 millions consentis à la Société d'habitation entraîneront des investissements d'au-delà de $200 millions. Il en est de même pour le développement de l'équipement dans les domaines de l'éducation et de la santé où des dépenses budgétaires de $128 millions au titre de subventions d'investissements correspondent à des programmes de construction encore plus considérables. Pour toutes les autres dépenses, à l'exception des immobilisations, l'augmentation est de $408 millions soit 12 % en regard des dépenses probables de 70/71. Cette croissance est relativement faible, surtout si l'on tient compte du montant de $50 millions prévu au ministère de l'Éducation pour l'assainissement des finances des commissions scolaires. Cette somme contribuera à combler une partie du retard accumulé au cours des dernières années dans le paiement des subventions d'équilibre budgétaire. Cette opération se continuera au cours des années prochaines. En 70/71, comme nous nous étions engagés à le faire lors du discours du budget de l'an dernier, nous n'avons pris aucun retard additionnel dans le paiement de ces subventions. Sans ce montant spécial, l'accroissement des dépenses courantes ne serait que de 10.5 %. Même si l'accroissement des dépenses est surtout marqué aux immobilisations, c'est encore à l'Éducation et aux Affaires sociales que l'on retrouve le gros du budget. Toutefois, le taux de croissance de ces deux secteurs pris ensemble a marqué un ralentissement notable en 70/71. Le ralentissement sera encore plus prononcé en 71/72. En effet, le taux de croissance, calculé sur une base identique, est de 15.5 % en 70/71, alors qu'il a été de 17.6 % en 69/70; il sera de 11.2 % en 71/72. En excluant les $50 millions de rattrapage concernant les subventions d'équilibre budgétaire aux commissions scolaires, ce taux de croissance pour les Affaires sociales et l'Éducation ne serait que de 9.2 %. Il faut souligner aussi que le programme de dépenses 71/72 ne contient pas de provision spécifique pour le coût du renouvellement des conventions collectives dans le secteur public. D'abord, on ne saurait prévoir, d'une façon très précise, un coût qui, justement, résultera d'une négociation. En outre, toute somme que nous aurions identifiée aux crédits comme réserve pour le renouvellement des conventions aurait pu être interprétée comme une décision unilatérale de la part de l'employeur. Toutefois, tel qu'indiqué lors du dépôt des crédits, ceux-ci contiennent des réserves implicites en ce qui concerne tant les fonctionnaires et les ouvriers que les employés du secteur parapublic. Quand il y aura lieu de préparer des crédits supplémentaires à cette fin, nous pourrons estimer plus précisément les réserves implicites déjà acquises. Il est donc clair que, plus tard cette année, nous aurons à établir à la fois le montant définitif des crédits requis pour le renouvellement des conventions collectives ainsi que les moyens à prendre pour les financer. L'état 2 indique que les revenus atteindront $3,880 millions au cours de l'exercice 1971/7 2. Nous avons vu que les dépenses seront de $4,151 millions, ce qui laisse un déficit de $271 millions. Les déboursés extrabudgétaires sont évalués à $195 millions, ce qui donnerait un montant de $466 millions à financer. Mais, comme à l'habitude, une partie des crédits votés ne seront pas utilisés; ils serviront à compenser l'accroissement des comptes à recevoir et une partie des besoins financiers. En conséquence, c'est une somme de $415 millions qu'il nous faut trouver soit par une augmentation des impôts, soit par des emprunts. Nous avons décidé qu'il n'y aurait pas d'augmentation de taxes. Cette année, plus que jamais, le gouvernement du Québec fait porter ses efforts sur le développement économique. Les consommateurs et les entreprises ne pourraient contribuer vraiment à la reprise qui s'amorce si leurs ressources additionnelles étaient réduites par de nouvelles charges fiscales. Le présent budget se veut donc expansionniste tant du côté de la dépense que de celui du financement. Un programme d'emprunts de l'ordre de $415 millions est réaliste dans les conditions actuelles du marché, surtout si l'on tient compte du fait que le gouvernement fédéral prêtera $58 millions en vertu du programme d'aide pour le développement, annoncé l'automne dernier par le ministre des Finances du Canada, et $7 millions pour des projets dans les zones spéciales. Il nous restera donc une somme de $350 millions à financer sur les divers marchés. Nous comptons d'abord revenir à la méthode des obligations d'épargne, qui permet au petit épargnant de participer à l'expansion du secteur public tout en ayant en main un titre de bon rendement et de grande liquidité. Il est difficile, à ce moment-ci, de prévoir la somme exacte qu'une émission d'obligations d'épargne pourrait rapporter. Nous anticipons, cependant, devoir recourir au marché régulier pour environ $300 millions, soit sensiblement le même montant qu'en 70/71, puisque nous avons emprunté sur ce même marché $324 millions. Pour sa part, l'Hydro-Québec compte emprunter $250 millions en regard de $226 millions en 70/71. Le total des emprunts du gouvernement et de l'Hydro-Québec atteindra donc $665 millions en 71 /72, dont environ $550 millions sur les marchés réguliers. En 70/71, le total des emprunts a été de $550 millions, dont $520 millions sur les marchés réguliers. L'amélioration des conditions d'emprunts qui s'est manifestée depuis quelques mois et l'assouplissement de la politique monétaire permettront de réaliser ce programme. En plus des dépenses d'immobilisations du gouvernement et de celles qui découlent des programmes de construction financés en partie par des subventions, d'autres organismes publics apportent, à divers titres, une importante contribution à la vie économique. C'est ainsi, par exemple, que l'Hydro-Québec portera, en 1971, ses dépenses d'immobilisations à $380 millions; celles-ci avaient été de $280 millions en 1970. Cet accroissement de $100 millions, ou 36 %, reflète l'accélération de la construction des lignes de transport d'énergie en provenance des chutes Churchill et un budget de $7 millions, en regard de $700,000 en 1970, pour le projet de la baie James. Les déboursés extra budgétaires prévoient un investissement de $12 millions dans le capital-actions de Sidbec; il s'agit d'une autre tranche d'une souscription que le gouvernement s'était engagé à faire. Le programme de modernisation et de développement de cette société se poursuit; les dépenses en immobilisations de Sidbec et de Dosco passent de $19.5 millions en 1970 à $44 millions en 1971, grâce à l'augmentation du capital-actions souscrit par l'État et à la garantie que nous avons accordée sur un emprunt contracté par Sidbec auprès de la Caisse de dépôt et placement. Face aux difficultés financières qu'éprouve actuellement la Société générale de financement et certaines de ses filiales, le premier ministre a demandé à un groupe de travail, présidé par M. Robert de Coster, sous-ministre de l'Industrie et du Commerce, de faire des recommandations à ce sujet. Le groupe a remis son rapport dernièrement et a proposé une série de mesures destinées à assainir la situation de cette société. Parmi celles-ci, il recommande que l'État modifie la structure du capital de la Société générale de financement afin de lui permettre d'absorber, à même le capital que le gouvernement a souscrit, les pertes se rapportant à certaines entreprises créées pour fins de développement économique. Nous entendons donner suite à cette recommandation afin de décharger la société d'un boulet trop lourd à traîner et d'améliorer la position des autres actionnaires, y compris les caisses populaires. Cette première opération effectuée, la Société de financement fonctionnerait pour un certain temps avec les fonds qu’elle possède déjà. Toutefois, le gouvernement est disposé à y investir du capital additionnel en fonction de projets précis. A cet égard, nous voulons modifier la pratique passée selon laquelle on faisait voter de temps à autre des investissements dans la SGF. Nous proposerons que le gouvernement soit autorisé à souscrire du capital additionnel à l'intérieur d'un montant autorisé. Chaque versement spécifique serait soumis à l'approbation du conseil des ministres. Cette façon de procéder serait plus souple et permettrait à l'État de bien s'assurer que les fonds nouveaux seront affectés à des projets liés aux autres mesures de développement. Dans le domaine de la fiscalité provinciale, nous avons proposé à cette Assemblée une série de mesures destinées à fournir au ministère du Revenu des outils additionnels en vue de prévenir l'évasion fiscale. Celui-ci se doit, en effet, d'avoir à sa disposition tous les moyens nécessaires pour exercer efficacement son mandat aussi bien contre les contribuables récalcitrants qu'à l'endroit de ceux qui fraudent le fisc. La prévention de l'évasion fiscale est l'un des éléments importants d'une saine administration publique. Car il ne suffit pas de bien gérer les dépenses de l'État, mais il importe également d'avoir un régime fiscal équitable en même temps qu'efficace. Avant de songer à imposer de nouvelles taxes, l'État a le devoir de percevoir celles qui lui sont dues. C'est plus qu'une question de bonne gestion; c'est aussi un devoir de simple justice à l'égard de la très grande majorité des contribuables qui paient consciencieusement les impôts que l'État exige d'eux. Nous modifions en même temps le taux de l'intérêt qu'il faut acquitter sur les impôts impayés. Le taux antérieur était trop bas et incitait certains contribuables à se financer à même les fonds publics. Par contre, l'État utilisera le même taux pour calculer les intérêts que lui-même devra verser sur les remboursements des impôts payés en trop. On atteindra ainsi un plus grand degré d'équité fiscale. Cette mesure fera disparaître l'anomalie qui provenait du fait que le ministère du Revenu ne payait que 3 % d'intérêt sur les remboursements d'impôt alors qu'il exigeait 6 % sur ce qu'on lui devait. Les amendements aux lois fiscales que nous avons soumis à cette Assemblée permettront aux cultivateurs, aux pêcheurs, aux artistes et aux athlètes professionnels d'étaler leurs revenus sur un certain nombre d'années. On sait que les revenus de ces contribuables peuvent varier très fortement d'une année à l'autre. Comme les taux de l'impôt sur le revenu sont progressifs, les fluctuations prononcées du revenu de ces personnes leur causent un certain préjudice. Nous convenons volontiers que d'autres catégories de personnes sont susceptibles d'avoir des revenus qui fluctuent fortement d'une année à l'autre et qu'il serait juste d'étendre le privilège de l'étalement du revenu à tous les contribuables qui sont dans les mêmes circonstances. C'est d'ailleurs ce que propose la réforme fiscale du gouvernement fédéral. Si la nouvelle législation fédérale nous convient, nous pourrons nous-mêmes l'inscrire dans notre Loi de l'impôt sur le revenu des particuliers; sinon, nous élargirons notre formule d'étalement en y incluant d'autres catégories de contribuables dont les revenus sont instables. Nous modifierons l'immatriculation des véhicules de commerce. A l'heure actuelle, l'imposition de ces véhicules est calculée sur leur poids net, c'est-à-dire à l'exclusion de la charge normale. Dans les autres provinces, on se sert du poids brut, c'est-à-dire du poids du véhicule lui-même et de sa charge. Une telle norme est plus juste, puisque c'est le poids brut qui entre en considération pour établir la résistance des ponts et des routes. En outre, ce nouveau... Attendez donc un peu, vous êtes donc bien pressés, je vais vous dire ce qui en est. Ce nouveau mode d'immatriculation s'inscrit dans le cadre d'une politique de contrôle du poids des véhicules lourds sur les routes du Québec. Nous venons d'ailleurs de présenter des crédits comportant une augmentation de $1,300,000 au ministère des transports, afin de permettre à ce ministère à exercer une meilleure surveillance des véhicules commerciaux qui empruntent nos routes. Il est bien évident que cette nouvelle norme d'immatriculation des véhicules commerciaux entraînera la réduction des taux actuels. Notre but n'est pas d'augmenter le fardeau fiscal de nos entreprises de transport, mais de mieux le répartir en utilisant un mode d'imposition plus équitable. L'an dernier, nous avons proposé, lors du discours du budget, d'accorder un allègement aux mères de famille qui travaillent à l'extérieur du foyer et d'apporter des amendements majeurs à l'impôt successoral. Le dégrèvement fiscal pour les mères de famille qui travaillent s'inscrit dans le cadre de l'ensemble de la politique sociale. Depuis le dernier discours du budget, le gouvernement fédéral a présenté un livre blanc sur la sécurité du revenu. Le Québec a, lui aussi, élaboré les grandes lignes de sa politique sociale en s'inspirant du rapport Castonguay-Nepveu. Des conférences fédérales-provinciales ont porté sur l'ensemble de ces problèmes qui ont fait l'objet de sérieuses discussions. Devant ces faits nouveaux, il est devenu évident que le projet de dégrèvement que nous avions préparé n'aurait qu'un effet transitoire. Il était donc préférable d'attendre e dénouement de ces pourparlers pour mieux parvenir à l'objectif que nous visons. Le réaménagement de l'impôt successoral est lié de très près à l'imposition des gains de capital. Le gouvernement a en main, depuis avril 1970, le rapport d'un groupe de travail proposant des modifications majeures à l'impôt successoral. Ces modifications tiennent évidemment compte de l'impôt sur le revenu tel qu'il existe à l'heure actuelle. Or; l'éventuelle imposition des gains de capital, surtout la présomption de gains au moment du décès, pourrait signifier une modification substantielle de l'impôt successoral si l'on veut atténuer l'impact de deux impositions simultanées: l'imposition des gains de capital et l'impôt successoral. Nous préférons attendre qu'une décision soit prise au sujet de l'imposition des gains de capital, avant de procéder à la révision de notre impôt successoral. A cet égard, nous pourrions, soit imposer différemment le gain de capital, si la nouvelle législation fédérale ne nous convient pas, soit en atténuer certains effets nocifs par une modification de notre propre impôt successoral. Lors de la conférence des ministres des Finances, tenue à Winnipeg en juin dernier, le Québec, comme les autres provinces d'ailleurs, a non seulement fait connaître son point de vue sur les principaux points du livre blanc de la réforme fiscale, mais a soumis des propositions concrètes sur plusieurs aspects de cette réforme. Le comité du Sénat et celui de la Chambre des communes qui avaient été constitué pour étudier le livre blanc de la réforme fiscale ont fait, dans les rapports qu'ils ont soumis l'automne dernier, des recommandations analogues aux nôtres sur plusieurs points. Il semble bien que le gouvernement fédéral n'a pas encore arrêté sa position définitive, tout en laissant entendre que sa législation serait déposée au cours du printemps. Il serait trop long de revenir sur chacun des points que nous avons soulevés lors de la conférence de Winnipeg. La déclaration du Québec à cette conférence a d'ailleurs été rendue publique et a soulevé beaucoup d'intérêt. Qu'il me suffise cependant de revenir sur deux des sujets alors discutés: l'imposition des industries extractives et l'intégration de l'impôt sur les bénéfices des sociétés à l'impôt sur le revenu des particuliers. Le problème que soulevait l'imposition de l'industrie extractive a été résolu en partie au cours de l'automne dernier, à la suite des nouvelles propositions du ministre fédéral des Finances. Ces modifications sont dues pour une bonne part aux efforts déployés par le premier ministre du Québec. Ce sont ces changements qui ont déclenché l'annonce d'investissements miniers de plusieurs centaines de millions de dollars au Québec. Malgré ces modifications, il reste d'autres problèmes importants à résoudre. Par exemple, la définition de dépenses de mise en valeur aux fins du calcul de l'épuisement gagné ou mérité demeure encore incertaine. Il semblerait que le gouvernement fédéral refuse d 'y inclure les immobilisations nécessaires au transport et à la manutention du minerai, de même qu'à l'installation de l'infrastructure requise pour l’établissement de villes minières. Nous croyons toujours que le gouvernement fédéral devrait élargir la définition de dépenses de mise en valeur qui doit servir de base au calcul de l'épuisement gagné ou mérité. Autrement, c'est la croissance à long terme de l'industrie minière qui sera ralentie. En outre, à défaut d'un tel élargissement, on incite les compagnies minières à remettre aux gouvernements provinciaux la charge des infrastructures qui accompagnent nécessairement tout développement dans des régions nouvelles. Un autre problème sur lequel il importe d'insister de nouveau, c'est celui de l'intégration de l'impôt sur le revenu des sociétés à l'impôt sur le revenu des particuliers. Pour des raisons de simplicité administrative et surtout de croissance économique, le Québec, à l'instar de plusieurs autres provinces, d'ailleurs, a proposé que l'on conserve, en l'améliorant, le régime actuel d'intégration fondé sur le dividende plutôt que de recourir, selon le livre blanc, à une réforme d'intégration fondée sur l'impôt payé par les sociétés. En effet, la mise en application du régime d'intégration proposé dans le livre blanc susciterait un grand nombre de difficultés d'ordre administratif et économique. La structure des entreprises n'est pas aussi simple que le laissent entendre les exemples contenus dans le livre blanc. Plusieurs entreprises se possèdent les unes les autres, et il n'est pas toujours facile de retracer les profits de l'une jusqu'au particulier qui est actionnaire de l'autre. Les difficultés inhérentes au système d'intégration nous semblent donc quasi insurmontables. Elles se compliquent davantage lorsqu'il y a juxtaposition de plusieurs entreprises ayant des ramifications internationales. Pour une province qui, comme le Québec, perçoit ses propres impôts, l'intégration serait quasi impossible. Comment, par exemple, ferait-on pour attribuer à un contribuable québécois l'impôt payé à une autre juridiction par une société qui n'a pas de place d'affaires chez nous? Comment ferions-nous pour retracer l'impôt ainsi payé par la société ? En plus de difficultés d'ordre administratif et d'embarras de toutes sortes' pour les entreprises et pour le fisc québécois, le régime d'intégration fondé sur l'impôt payé par la société irait à l'encontre des mesures d'incitation à la croissance. En fait, les incitations fiscales, sous forme d'amortissement ou autrement, seraient neutralisées puisque l'avantage conféré à une entreprise serait retiré à l'actionnaire, celui-ci étant limité à un dégrèvement égal à l'impôt effectivement payé par la compagnie. L'actionnaire d'une compagnie qui profiterait d'incitations fiscales, grâce à l'amortissement ou autrement, se trouverait placé dans une situation défavorable par rapport à celui qui est actionnaire d'une compagnie qui ne reçoit pas de telles incitations. Le régime d'intégration proposé par le livre blanc fédéral risque donc de compromettre les efforts que les gouvernements déploient pour assurer une croissance équilibrée. Nous convenons volontiers que le régime d'intégration fondé sur l'impôt payé présente certains attraits du point de vue théorique. Ainsi, grâce à une mécanisation très poussée et avec une perception centrale unique, il pourrait peut-être à la rigueur fonctionner malgré les difficultés que je viens d'expliquer. Cependant, en raison de ces mêmes difficultés et aussi parce qu'il attache une grande importance à la perception de ses impôts, le Québec pourrait difficilement l'adopter. Avant qu'il ne soit trop tard, je demande de nouveau au gouvernement fédéral de tenir compte des observations des provinces sur ce point majeur de la réforme fiscale. Nous ne sommes pas les seuls à nous opposer au régime d'intégration proposé; les autres provinces n'en veulent pas non plus. C'est pourquoi le Québec a proposé, lors de la conférence de Winnipeg, un régime beaucoup plus simple qui atteindrait sensiblement le même degré d'équité et de neutralité fiscales et qui, par surcroît, ne pénaliserait pas les petites entreprises puisqu'il permettrait de conserver le taux préférentiel d'impôt sur la première tranche des bénéfices de ces petites sociétés. L'une des caractéristiques du régime fiscal canadien est son haut degré d'uniformité à travers le pays, même pour les impôts que les provinces perçoivent elles-mêmes. Le Québec estime qu'il est souhaitable qu'il y ait, à moins de raisons particulières, concordance entre les définitions de l'assiette fiscale adoptées par les diverses juridictions. Il y a grand danger que ce soit le contraire qui devienne la règle si le gouvernement fédéral adopte le régime d'intégration proposé. Le Québec, et même l'Ontario qui a laissé entendre qu'elle percevrait elle-même son propre impôt sur le revenu des particuliers si la réforme fiscale était faite selon le livre blanc fédéral, pourrait fort bien n'avoir d'autre choix que de conserver, en l'améliorant, le régime actuel du crédit pour dividende. Nous exhortons donc fortement le gouvernement fédéral à réviser ses positions pendant qu'il est encore temps au lieu de provoquer l'anarchie fiscale par des changements dont les autres juridictions ne veulent pas. C'est parce que la croissance économique demeure notre objectif fondamental que j'insiste sur ces points particuliers des propositions fédérales. Cela ne veut pas dire que nous négligeons l'objectif d'une meilleure répartition du fardeau fiscal. Bien au contraire, nous partageons totalement les préoccupations d'équité fiscale que manifeste par ailleurs le livre blanc de M. Benson. Mais cet objectif, il faut bien s'en rendre compte, ne sera pleinement atteint que si l'essor économique est assuré. Quelques mots, maintenant, sur la fiscalité municipale. Dans le domaine de la fiscalité municipale, nous avons adopté également plusieurs mesures destinées à aider nos gouvernements locaux. J'ai mentionné précédemment les diverses subventions spéciales inscrites aux budgets supplémentaires 70/71. Pour l'exercice 71/72, nous prévoyons une subvention de $1,750,000 à la ville de' Québec, soit $1.5 million comme contribution spéciale pour le rôle qu'elle joue en tant que capitale et $250,000 pour l'aider à financer le coût de récentes fusions. Également, le gouvernement s'est engagé auprès de la Communauté urbaine de Montréal à effectuer un transfert de ressources qui sera de $9.5 millions en 1972 et qui s'accroîtra de 20 % par année pendant la phase active de construction du métro. Cet engagement a permis de faire démarrer un programme de travaux évalués à $700 millions sur dix ans. Depuis 1966, le gouvernement verse aux municipalités une subvention en guise d'impôt foncier sur ses propres biens-fonds. Le montant prévu à ce titre pour l'exercice 71/72 est de $2,600,000. En outre, à compter de l'exercice 71, les municipalités pourront imposer les CEGEP et les universités à raison de $25 par élève, ce qui leur procurera un revenu supplémentaire d'environ $3 millions par année. Mon collègue, le ministre des Affaires municipales, soumettra à cette Assemblée une nouvelle loi destinée à régir l'évaluation foncière à travers le Québec. Cette loi sera accompagnée d'un manuel d'évaluation. Il soumettra également des modifications importantes au code municipal et à la Loi des cités et villes en vue de doter les municipalités de pouvoirs d'imposition mieux définis et plus uniformes. L'uniformisation des rôles d'évaluation et des pouvoirs d'imposition constitue la condition essentielle de toute réforme en profondeur de la fiscalité municipale. C'est le meilleur moyen, en effet, d'évaluer la richesse foncière des municipalités et leur effort fiscal relatif. Ces réformes dans le domaine de l'évaluation et de l'imposition municipales font suite aux recommandations de la commission Bélanger et à celles de deux groupes de travail qui ont étudié ces questions à la demande du ministre des Affaires municipales. Comme on le sait, la taxe de vente constitue aussi une recette fiscale importante pour les municipalités; pour 70/71, celles-ci recevront$146 millions, soit près de 15 % de leurs revenus globaux. La nouvelle comptabilité d'exercice a d'ailleurs donné une augmentation de $9 millions à ce titre. En outre, cette compensation aux municipalités sert d'élément de péréquation puisqu'elle tient compte de la perception régionale dans la proportion de 40 % et de la perception provinciale dans la mesure de 10 % Elle contribue à réduire sensiblement les disparités de revenus et favorise ainsi les municipalités moins fortunées. Il n'en reste pas moins que les municipalités, comme les autres gouvernements d'ailleurs, sont aux prises avec certains problèmes fiscaux. Le gouvernement entend présenter pour étude à la prochaine conférence provinciale-municipale des propositions destinées à aider les municipalités et à apporter certains correctifs à la répartition de la taxe de vente. Qu'il suffise pour le moment de donner brièvement l'essentiel de nos préoccupations au sujet de la fiscalité municipale. Nous n'avons pas l'intention de nous lancer dans des projets de financement ou d'organisation municipale qui deviendraient éventuellement insoutenables pour le trésor public. En plus de reconnaître les besoins réels ou les situations particulières comme celles qui existent nécessairement à Montréal et à Québec, en raison, l'une de sa taille et l'autre de son rôle particulier de capitale, nous devrons plutôt définir le cadre général à l'intérieur duquel nous pourrons effectuer un transfert de ressources en faveur des municipalités. Nous n'avons pas encore arrêté définitivement les mesures que nous entendons soumettre à la conférence provinciale-municipale. Dans leurs grandes lignes, cependant, ces mesures s'inspireraient des principes suivants: a) La compensation aux municipalités en guise de taxe de vente serait modifiée pour tenir compte de l'effort fiscal. b) Montréal et Québec, de même que les communautés urbaines dont elles font partie, seraient traitées comme des cas spéciaux. c) À l'intérieur de certaines limites, l'impôt foncier scolaire serait réduit au bénéfice des municipalités. d) Le transfert des ressources, financières ou fiscales, serait fait suivant une proposition globale avec étalement sur une période d'années. e) Finalement, le régime fiscal des municipalités devrait être rationalisé en prenant comme point de départ l'établissement de meilleures normes d'évaluation et l'uniformisation des pouvoirs de taxation. À l'intérieur de ce cadre général, les municipalités obtiendraient des ressources additionnelles qui seraient forcément limitées par la capacité de payer du contribuable québécois. Je voudrais maintenant traiter, pendant quelques minutes, des relations avec le gouvernement fédéral. Il convient, d'abord, d'indiquer que l'action du gouvernement du Québec découle de notre politique basée sur la rentabilité du fédéralisme. N'oublions pas, en effet, que les relations fiscales et économiques entre le gouvernement fédéral et les provinces constituent l'un des éléments les plus importants du fédéralisme canadien. Sans contredit, elles furent et demeurent l'un des principaux instruments de son évolution. C'est pourquoi nous avons cru essentiel, lors de la conférence de Winnipeg et à plusieurs reprises depuis, de souligner qu'il fallait exploiter le plus possible les avantages du fédéralisme, tout en insistant, évidemment, sur l'amélioration nécessaire de son fonctionnement et sur les adaptations qui s'imposent. Sur le plan financier, la conférence de Winnipeg s'est soldée par un certain nombre d'avantages pour le Québec. Il n'est pas nécessaire ici de les passer de nouveau en revue. Il est préférable plutôt d'indiquer sur quels points nous avons, depuis ce temps, entrepris de faire porter nos efforts. Nous pensons en particulier à la péréquation et au partage fiscal, deux questions qui ont retenu l'attention des divers gouvernements québécois depuis déjà bon nombre d'années. Cet intérêt se comprend aisément. Par exemple, nul ne saurait nier que la péréquation est devenue l'une des techniques majeures de répartition de la richesse entre les provinces canadiennes. La formule actuelle de péréquation est en vigueur depuis 1967. Elle a pour but de combler l'insuffisance du rendement des impôts de certaines provinces. Les revenus provinciaux sont groupés en seize catégories, chacune ayant une assiette imposable uniformisée pour toutes les provinces, à laquelle on applique un taux national moyen d'imposition pour en calculer le rendement théorique ou potentiel. La différence entre ce rendement potentiel et le rendement réel des impôts d'une province détermine les paiements de péréquation. Ainsi, si le rendement réel des impôts d'une province est inférieur au rendement potentiel, cette province a droit à des paiements de péréquation. Pour montrer la dimension des sommes en cause, notons que le Québec a reçu pour l'ensemble des arrangements fiscaux de 1967, qui comprennent la péréquation proprement dite et des contributions à des programmes spéciaux, notamment d'enseignement, $440 millions en 69/70, $633 millions en 70/71 et nous prévoyons recevoir $723 millions pour 71/72. Est-ce à dire qu'il y a lieu d'accepter telle quelle la formule actuelle de péréquation? Non, parce que nous croyons qu'elle peut être améliorée de façon appréciable. Il suffit d'en accentuer le caractère de redistribution puisque, fondamentalement, la péréquation est une technique de répartition de la richesse entre les provinces. Nous avons donc demandé qu'elle soit examinée dans ce contexte plus général et, nous le pensons, plus juste. Essentiellement, nous voudrions qu'elle reflète le besoin de recourir aux emprunts, car ceux-ci fournissent en quelque sorte une indication de la capacité fiscale d'une province et sont, de plus, facilement mesurables aux fins de la péréquation. Enfin, il nous paraîtrait nécessaire que les paiements de péréquation tiennent compte des impositions municipales et scolaires, de même que d'un indice destiné à mesurer l'effort fiscal qu'une province requiert de ses contribuables par rapport à celui d'une autre province. Outre la péréquation, on sait que le Québec réclame depuis longtemps une révision du partage fiscal de façon à mieux tenir compte des responsabilités financières accrues des provinces. Il l'a fait à Winnipeg en juin dernier et chaque fois que l'occasion s'est présenté depuis. Notre position en faveur d'un nouveau partage fiscal se fonde, en effet, sur l'accroissement plus rapide des dépenses provinciales et municipales que celui des dépenses fédérales. Cette croissance plus rapide a été démontrée hors de tout doute par les travaux du Comité du régime fiscal en 65/66. Ces travaux servirent de base aux négociations qui devaient conduire aux arrangements fiscaux pour la période de 1967/72. Le gouvernement du Québec a continué d'utiliser cette argumentation, qui demeure tout à fait valable, aux réunions subséquentes des ministres des Finances. En 1969, les travaux de prévision des dépenses et des revenus publics ont été repris sur une base annuelle et ont confirmé les résultats antérieurs. Comme il a été démontré à plusieurs reprises les dépenses provinciales ont un caractère prioritaire puis qu'elles portent en grande partie sur l'éducation, la santé, le bien-être, la rénovation urbaine, le développement des richesses naturelles, domaines qui sont tous de juridiction provinciale. Les provinces doivent être capables de les financer par un accès adéquat aux champs d'imposition. Il existe, bien sûr, de nombreux programmes spéciaux qui visent, soit des secteurs particuliers, soit le développement régional et qui font l'objet d'accords entre le gouvernement fédéral et les provinces. Ils se multiplient et s'étendent à des domaines qui ne faisaient pas précédemment l'objet de propositions. Partant d'une situation de fait, nous avons tenu à retirer le maximum d'avantages pour le Québec. C'est le cas, par exemple, du programme des zones spéciales. Mais, ces programmes compliquent notre administration et ralentissent souvent les prises de décision. C'est pourquoi le Québec préfère des transferts plus globaux (la péréquation et l'élargissement des champs d'imposition) et qui répondent à nos priorités. Nous convenons toutefois que ces mécanismes ne sont pas nécessairement adaptés à la solution de problèmes de courte période. C'est pourquoi le gouvernement du Québec a proposé un mécanisme qui fournirait aux provinces une compensation financière qui permettrait de corriger l'impact régional d'une situation conjoncturelle défavorable ou les effets négatifs de certaines politiques monétaires ou fiscales sur nos revenus. Il s'agit de la Caisse d'aide conjoncturelle, toujours à l'étude par le gouvernement fédéral et qui, sous une forme ou sous une autre, devrait faire partie des résultats des négociations des arrangements fiscaux. Ainsi donc, péréquation améliorée et partage des impôts plus réaliste, voilà, sur le plan des relations fiscales Québec-Ottawa, les deux questions sur lesquelles nous allons concentrer notre attention au cours des prochains mois. Il s'agit, pour nous, de questions essentielles. C'est grâce à l'amélioration et au raffinement de ces moyens d'action que le fédéralisme canadien deviendra de plus en plus rentable sur le plan économique et mieux accepté par la population. Nous avons accompli certains progrès dans cette direction, au cours des derniers mois, mais il reste beaucoup de chemin à faire. Nous comptons bien le parcourir avec réalisme et aussi avec fermeté. À plusieurs reprises dans le passé, j'ai souligné que la voie du développement économique est parsemée d'embûches qui tantôt prennent la forme de l'insuffisance de projets d'investissement, tantôt de marchés plus ou moins stables, tantôt de la croissance trop rapide des prix et des coûts. Sur cette voie difficile du développement économique, les recettes les plus sûres sont encore celles du travail, du réalisme, de l'audace, de l'esprit d'entreprise qui doivent se déployer à l'intérieur d'une société disciplinée, consciente de ses capacités mais aussi de ses limites. C'est en ayant ces données à l'esprit que le présent budget a été préparé. Nous avons voulu faire participer le plus possible les dépenses de l'État à la reprise de l'activité économique, d'une part en mettant l'accent sur les investissements et en freinant la croissance des autres dépenses et, d'autre part, en n'augmentant pas les taxes. Au réalisme dont nous avons fait preuve, je crois, doit s'associer celui de toute la population. Nous ne pouvons pas à la fois accroître nos investissements d'une façon substantielle et nous payer en même temps le coût additionnel pour des services accrus même si, au demeurant, ces services peuvent être désirables, voire même souhaitables. Il fallait faire des choix, nous les avons faits. Nous avons opté pour ce qui nous paraissait être le plus conforme aux priorités et aux besoins du Québec.