Province Législature Session Type de discours Date du discours Locuteur Fonction du locuteur Parti politique Québec 31e 3e Discours du budget 18 avril 1978 M. Jacques Parizeau Ministre des Finances et du Revenu ainsi que Président du Conseil du trésor PQ M. Parizeau : M. le Président, il y a un an, j'invitais les Québécois à jeter un regard lucide sur l'état de leurs finances publiques. Cet exercice, il fallait absolument le faire, puisque le budget que je présentais alors était directement tributaire de la situation financière héritée du précédent gouvernement. De fait, en avril 1977, j'avais bien peu à annoncer aux citoyens du Québec, sinon notre ferme détermination à restaurer le plus tôt possible des équilibres financiers malmenés par trois ans de progression désordonnée des dépenses publiques. Cet effort de remise en ordre, nous l'avons poursuivi depuis un an. Ce soir, je suis donc heureux de présenter à cette Chambre et aux Québécois le premier budget qui soit le produit direct du genre d'administration que nous avons pratiquée depuis notre arrivée au pouvoir; en d'autres mots, le premier résultat réel de notre gestion financière propre, au fond le premier véritable budget dont le gouvernement du Parti québécois soit entièrement et totalement responsable. Pour ce discours sur le budget 1978/79, je suivrai le plan suivant: d'abord, j'effectuerai une analyse de la conjoncture économique de 1977 et des équilibres financiers qui en découlent; en second lieu, je traiterai de la conjoncture de 1978 et du budget de cette année, c'est-à-dire les revenus et les dépenses, sans oublier la question du financement; troisièmement, j'annoncerai une réforme fiscale que j'entends soumettre à l'Assemblée nationale et, avant de conclure, je dirai un mot de la fiscalité municipale. Commençons, M. le Président, par la situation économique de 1977. L'an dernier, à l'occasion du discours sur le budget, j'avais prévu que la production du Québec augmenterait en 1977 de 3,5% en termes réels et que, dans ces conditions, le chômage se situerait, en moyenne, à 9,3%. Il s'en faut de beaucoup que ces objectifs aient été atteints. En fait, la production nationale ne s'est accrue que de 2,6% et le chômage a atteint en moyenne 10,3%. On peut sans doute se consoler de cette piètre performance en se comparant aux autres. Le ministre des Finances du gouvernement fédéral avait prévu une croissance d'au moins 4%. Elle a été, en fait, de 2,6% comme pour le Québec. Dans la plupart des pays de l'OCDE les mêmes espoirs ont été déçus. Il n'y a guère qu'aux États-Unis où ce qui avait été prévu s'est réalisé. Il n'en reste pas moins que de telles comparaisons sont de pauvres consolations. L'année 1977 aura été marquée au Québec par des affaissements dans certains secteurs qui ont été et sont encore sérieux. Déjà, j'avais signalé l'an dernier que le maintien d'un niveau satisfaisant de constructions domiciliaires me paraissait problématique. Et pourtant, c'est de ce côté qu'il fallait chercher une compensation pour la fin de la grande vague de construction qui a accompagné à Montréal la préparation des Jeux olympiques. En fait, la montée rapide du nombre de logements inoccupés à Montréal a provoqué une baisse importante des mises en chantier. Heureusement, cependant, la demande de logements reste forte dans plusieurs autres régions. L'industrie manufacturière, de son côté, a connu de sérieux reculs. En fait, nous avons perdu 29000 emplois manufacturiers en 1977, dont 20000 environ dans les secteurs du vêtement, du textile, de la bonneterie, de la chaussure et du meuble. Une avalanche d'importations a mis en péril un grand nombre d'entreprises dans ces secteurs et ce n'est qu'à la fin de l'année que des mesures de protection exceptionnelles ont commencé à avoir un certain effet. En outre, l'industrie minière, à l'exception de l'amiante, a connu une très mauvaise année en raison de l'encombrement des marchés internationaux. Derrière ces affaissements sectoriels se profile une demande des consommateurs plus faible que prévue. C'est là un phénomène presque générai dans le monde occidental en 1977, et qui est largement responsable de la lenteur de la reprise. Parmi les facteurs favorables au Québec on doit en souligner trois. D'une part, les investissements ont augmenté sans doute moins rapidement qu'on ne le prévoyait il y a neuf ou dix mois, mais plus rapidement que dans le reste du Canada, soit 10,2% au Québec comparativement à 5,5% pour le reste du Canada. D'autre part, la dévaluation du dollar canadien par rapport à plusieurs monnaies a permis d'accélérer certains types d'exportations, d'améliorer le caractère concurrentiel de certaines industries domestiques et d'augmenter les marges de profit. Une partie de l'effet de cette dévaluation ne se fera sentir d'ailleurs que graduellement. Enfin, il faut souligner que le gouvernement du Québec a rapidement pris un certain nombre de mesures de soutien à l'intérieur des marges étroites dans lesquelles il était forcé d'opérer. J'aurai l'occasion de revenir sur cette question un peu plus loin. On trouvera, en annexe au discours du budget, une analyse plus précise et détaillée de l'état de la situation économique en 1977. On s'étonnera sans doute, M. le Président, que je n'aie pas souligné jusqu'ici les effets de l'incertitude politique qu'aurait provoquée l'arrivée au pouvoir du Parti québécois comme un des facteurs de ralentissement de l'économie. Je n'ai pourtant pas l'intention de passer sous silence l'analyse de ce qui a donné lieu à tant de discussions toute l'année. Même si ce genre de considérations n'est pas normalement de celles que l'on trouve dans un discours sur le budget, il serait irresponsable de ma part de faire comme si le débat politique sur l'avenir du Canada se poursuivait sur quelque autre planète. Il ne fait pas de doute que l'arrivée au pouvoir d'un parti indépendantiste et social-démocrate a provoqué, à la fois chez beaucoup d'anglophones et dans les milieux d'affaires, au mieux de l'inquiétude et, au pire, de l'affolement, en passant par toutes les gammes de la mauvaise humeur. L'insistance du nouveau gouvernement à affirmer ses objectifs n'aidait d'ailleurs pas à tranquilliser les inquiets. De tout cela, je suis parfaitement conscient. Nous avons donc connu une année d'affrontements largement verbaux, nettement politiques même, où il est très difficile, de part et d'autre, dois-je dire, de distinguer ce qui est discussion sur l'avenir de l'économie et ce qui est la poursuite d'une longue opposition sur l'organisation de la société et l'avenir du Québec. Du côté gouvernemental, des gens qui se font dénoncer depuis dix ans comme des radicaux plus ou moins terroristes ont eu des réactions d'impatience qu'explique un vieux contentieux qui commence souvent avec la mise en prison de certains de leurs amis en octobre 1970. Du côté anglophone ou du côté patronal, les abus de langage n'ont pas non plus manqué. Dénoncer le salaire minimum à $3 alors que, sous l'ancien gouvernement, un salaire minimum de $2.87 était accepté, c'est du symbolisme et de l'enfantillage. Faire un plat avec des règlements de la loi 101 applicables aux sièges sociaux, alors qu'ils ne sont pas encore connus et que la loi en fait spécifiquement des exceptions, cela est de la politique dans le sens le plus traditionnel. Et c'est d'ailleurs de bonne guerre. Une économie ne vit pas de politique seulement et, en fait, elle ne vit surtout pas de politique. Elle prospère dans le cadre d'une gestion correcte et prudente de la part de l'État et de perspectives d'expansion et de profit pour les entreprises. Ce ne sont pas les discours qui ont fait augmenter les importations de vêtements et ce ne sont pas des discours qui les feront reculer. Le référendum influence fort peu le prix du cuivre à Londres. Et ce n'est pas le débat sur l'unité nationale qui a provoqué la construction de trop d'hôtels au centre de Montréal. Je reconnaîtrai tout au plus que les discussions politiques au Québec sont responsables de la mise sur le marché de quelques milliers de maisons dans l'ouest de la métropole et que ceci a pesé sur les nouvelles constructions l'an dernier. Le gouvernement du Québec, par une gestion extrêmement prudente tout le long de l'année dernière, a clairement démontré son intention à la fois de ne pas jeter l'argent par les fenêtres, d'aider la reprise des investissements industriels et de lutter contre le chômage. Chacun de ces objectifs mérite qu'on s'y arrête. J'avais dénoncé, dans le discours sur le budget d'avril 1977, le feu d'artifice qui avait marqué la gestion des fonds publics, en particulier en 1975/76 et 1976/77. J'avais indiqué qu'il était temps de siffler la fin de la récréation. Les dépenses budgétaires, pour 1977/78, avaient été fixées à $11 535 000 000. Les estimations que je présente ce soir indiquent qu'elles auront été de $11 505 000 000, y compris le budget supplémentaire de l'automne dernier. Néanmoins, cela représente une hausse de 12,7% par rapport à une croissance de l'économie en dollars courants de 9%. C'est encore beaucoup trop. Nous ferons mieux encore cette année. L'État doit cesser d'alimenter des pressions inflationnistes et de gruger à la fois la consommation et l'investissement. La relance des investissements exigeait une réduction du fardeau fiscal des entreprises. En 1977, le gouvernement fédéral a annoncé une série de dégrèvements qui représentaient environ $100 millions de moins à payer pour les entreprises Qui opèrent au Québec. De son côté, le gouvernement du Québec a adopté plusieurs mesures qui réduisaient, en 1977, de $30 millions les impôts des sociétés et de $75 millions cette année. Ce dernier montant représente, à lui seul, une réduction de plus de 12% de ce que les sociétés paient en impôt sur les profits au gouvernement du Québec. Alors qu'à peu près rien n'a été consenti jusqu'ici aux particuliers, on conviendra que, pour un gouvernement social-démocrate, une telle politique est plutôt inaccoutumée et demande, en tout cas, un sain réalisme. Enfin, dans la lutte contre le chômage, le gouvernement a mis l'accent sur des formes de création d'emplois qui ont l'avantage d'être productives plutôt que somptuaires ou franchement inutiles comme on en a trop vu dans le passé. L'augmentation considérable des travaux de sylviculture, les projets régionaux de développement agricole, le programme de construction d'infrastructures agricoles, comme les silos à grain ou le drainage souterrain, l'accélération de la construction de logements sociaux, publics ou coopératifs, le programme de travaux communautaires, le saisissant succès des programmes de réparation d'écoles ou d'hôpitaux, l'élargissement des normes de financement de la Société de développement industriel, l'aide temporaire apportée aux mines de cuivre sont autant d'exemples d'un effort délibéré d'appliquer des ressources là où elles sont le plus susceptibles de soutenir, de maintenir ou de créer de l'emploi. Il va de soi que, sans la collaboration étroite et tout aussi spécifique du gouvernement fédéral, de tels efforts ne peuvent avoir que des effets partiels et parfois décevants. J'aurais, pour ma part, souhaité qu'après un aussi bon départ dans la voie de la protection des secteurs mous ou traditionnels le gouvernement fédéral agisse plus rapidement à l'égard du textile ou du vêtement, aussi rapidement, en tout cas, qu'il l'a fait à l'égard de la chaussure. De même, les subventions accordées par le MEER aux entreprises de la région de Montréal retardent indûment. À l'égard des travaux à entreprendre à Montréal et à Québec, dans les zones portuaires, nous avons à peine dépassé ce qu'un humoriste appelait des "paroles verbales". Si, comme je le soulignais tout à l'heure, on a gardé, tout au cours de 1977/78, un strict contrôle des dépenses, il n'en reste pas moins que la progression plus lente que prévu de l'économie a réduit la croissance de nos revenus autonomes. Cette baisse a été toutefois compensée, en partie, par l'accroissement des transferts fédéraux. En effet, le gouvernement fédéral a mal calculé ses propres projections d'impôt, ce qui a eu pour résultat de faire perdre de l'argent à toutes les provinces anglophones et d'en faire gagner au Québec. Au bout du compte, le Québec a eu, pour 1977-1978, des besoins d'emprunt de $955 millions au lieu des $900 millions qui avaient été prévus. L'Ontario avait prévu des besoins de financement de $1 077 000 000. Sans qu'il en soit de sa responsabilité, notre voisin se retrouve avec des besoins de $1 616 000 000. On conviendra que le contraste, pour nous, n'a rien d'éprouvant. M. le Président, je demande ici le consentement de l'Assemblée pour que ce tableau que je dépose soit reproduit au journal des Débats, de même que les autres tableaux que je déposerai durant ce discours. En tout cas, dès janvier 1978, nous commencions à emprunter pour l'année financière en cours. L'Hydro-Québec aura besoin, au cours de la présente année, de $2 milliards. Les trois quarts de cette somme sont déjà disponibles en emprunts et en lignes de crédit. Le gouvernement du Québec est à peine moins exubérant. L'avance prise dans les emprunts et les montants disponibles à la caisse de dépôt, sur la base du partage habituel de ses prêts entre les secteurs privé et public, l'assure déjà de plus de 50% des fonds dont il aura besoin l'an prochain. En pratique, entre le 1er avril 1977 et le 31 mars 1978, les marchés financiers ont fourni au gouvernement et à l'Hydro-Québec plus d'argent que durant toute autre année de leur histoire. Ce qui démontre à quel point le Québec est menacé d'une fuite de capitaux et sème la méfiance. Si l'incertitude provoque de tels résultats, on n'a vraiment pas besoin de certitude. On se rappellera que le premier ministre du Québec a souvent affirmé, avant le 15 novembre 1976, que nous détenions la lourde triple couronne de l'endettement accéléré, des taxes excessives et du chômage. En moins de deux ans, le gouvernement du Québec aura renversé la situation dans deux secteurs où il dispose de leviers importants. Ainsi, l'endettement a été réduit à un point où les besoins totaux de financement pour l'année qui vient de se terminer ne représentent plus que 9% de nos revenus, alors que le même pourcentage est de 14% pour l'Ontario, et d'environ 25% pour le gouvernement fédéral. D'autre part, les mesures fiscales que j'annoncerai plus loin indiqueront avec quelle résolution le gouvernement entend s'attaquer au fardeau fiscal des Québécois. Quant au dernier fleuron de cette couronne, le chômage, les résultats obtenus sont moins probants en grande partie parce que les principaux leviers de la politique économique sont toujours dans les mains du gouvernement fédéral. Cette situation ne nous enlève rien de notre détermination, mais elle limite nos résultats. Voilà, je pense, ce qu'il fallait quand même dire à la fin d'une année qui, inévitablement, aura été marquée par des tensions sérieuses mais qui, je le pense, doit aboutir à une plus grande sérénité. Elle doit aussi aboutir à une collaboration plus étroite entre ceux qui ont entre leurs mains, dans le secteur privé comme dans le secteur public, dans le secteur coopératif comme dans le secteur syndical, l'avenir de l'économie du Québec. Passons maintenant aux perspectives économiques pour 1978. Elles ont déjà donné lieu à deux prévisions majeures. D'une part, celle du ministre des Finances du Canada qui, à l'occasion de son dernier budget, annonçait un rythme de croissance d'un peu moins de 5%. D'autre part, celle du ministre des Finances de l'Ontario qui, à l'occasion de son discours sur le budget, prévoyait pour sa propre province un taux de croissance de 4,3%. Compte tenu des perspectives d'investissement, force nous est de rabattre un peu cet optimisme. En effet, pour le Canada tout entier, on prévoit une hausse des investissements totaux de 5,4% en dollars courants. Compte tenu de la hausse probable des coûts de construction, ces intentions indiquent en fait une chute de 2% environ du volume des investissements. Manifestement, la reprise est plus malaisée au Canada qu'on ne l'avait prévue. Sans doute devant ces difficultés d'aboutir, certains, plusieurs même, sont tentés de rendre responsable l'arrivée au pouvoir du présent gouvernement du Québec. Il y a six mois, on voulait expliquer l'économie du Québec sur cette base; depuis quelque temps, c'est le Canada tout entier qui en dépendrait. C'est nous faire beaucoup d'honneur quant à notre influence, en tout cas. Récemment, le Conference Board du Canada dressait la liste des obstacles à la reprise des investissements. Par ordre d'importance, on notait: l'ingérence des gouvernements dans les décisions des entreprises, les capacités excédentaires, la concurrence étrangère, les menaces à l'unité nationale, les politiques fiscales et les coûts de financement. Cette façon de ranger les facteurs me paraît assez réaliste. Il y a des causes profondes et bien connues à la paresse des investissements et à la morosité des investisseurs. Manifestement, le gouvernement canadien éprouve encore des difficultés considérables à s'attaquer aux causes et à guérir les effets. Je serais personnellement étonné que la croissance au Canada dépasse 4% cette année. Il faut maintenant placer, si l'on peut dire, le Québec par rapport à cette projection. Pour ce faire, il faut tenir compte de facteurs qui sont communs à tout le Canada. C'est ainsi, par exemple, que l'impact de la dévaluation n'est pas encore totalement absorbé, comme je le disais tout à l'heure, et devrait faire croître encore les exportations pendant un certain temps. De même les ventes au détail devraient progresser plus rapidement. Cependant, certains facteurs joueront plutôt à la baisse du rythme de croissance. Il est évident, par exemple, que le Québec est le seul endroit au Canada présentement où, pour les raisons que j'ai déjà expliquées, on trouve une alliance de certains chefs de file des milieux de la presse, des anglophones et des affaires pour répandre à longueur de semaine les bruits les plus fous et les plus faux sur l'état de l'économie. Cela n'est pas très grave en raison de l'outrance des attitudes, mais c'est tout de même embêtant. Rien n'est plus étonnant que de constater la morosité qui s'est emparée de certains hommes d'affaires, bien que leurs entreprises aient enregistré, en 1977, les plus hauts profits de leur histoire. Cela passera avec un peu de patience et de bonne volonté, mais, dans l'intervalle, cela n'aide pas. Dans un tout autre ordre d'idées, je reste préoccupé par les lenteurs administratives qui touchent la construction de logements, autant privés que publics, et les travaux municipaux qui l'accompagnent. Il y a là un rythme d'exécution qu'il faut accélérer et cela me paraît de la plus grande urgence. La coordination de trois paliers de gouvernements et d'une demi-douzaine d'agences et de ministères se prête à des détours et à des circonvolutions qui auraient dû attirer depuis longtemps la verve des caricaturistes. À l'opposé, certains leviers devraient s'exercer avec force cette année. C'est ainsi que les investissements de l'Hydro-Québec et de la Société d'énergie de la Baie James devraient augmenter de plus de $650 millions par rapport à l'an dernier. À titre d'illustration de l'importance de ce montant, disons qu'il s'agit de près de 6% des investissements totaux au Québec. Ajoutés à la reprise des travaux à l'usine d'eau lourde de Laprade et, de façon générale, à la hausse importante prévue dans le secteur manufacturier, on doit donc s'attendre à ce que les investissements totaux, au Québec, augmentent de 4,2%. En second lieu, les mesures que j'annoncerai tout à l'heure devraient contribuer, de façon non négligeable, à la reprise de la demande des consommateurs. Jumelées aux programmes de relance déjà en cours, ces mesures marqueront clairement le caractère expansionniste que le gouvernement du Québec entend donner à ses politiques. Pour toutes ces raisons, c'est donc à environ 4% que je prévois la croissance de l'économie du Québec pour 1978. C'est moins que ce que le gouvernement fédéral prévoit, un peu moins que ce que le gouvernement de l'Ontario attend, mais, me semble-t-il en tout cas je l'espère assez réaliste et probablement du même ordre que ce que l'économie canadienne devrait connaître. De toute façon, le niveau du chômage restera très élevé. En effet, la main-d’œuvre continue de croître à un rythme accéléré, reflétant à la fois l'entrée sur le marché du travail des citoyens nés au début des années soixante, alors que le taux de natalité était encore élevé, et l'arrivée sur le même marché d'un nombre croissant de femmes mariées. L'augmentation prévue de la main-d’œuvre active sera de l'ordre de 75 000 personnes. Les industries de services, y compris les administrations publiques, augmentent, bon an mal an, le nombre de leurs employés de 50 000 à 55 000 personnes. Il faut donc que l'industrie, le secteur des mines, la construction et, secondairement, l'agriculture embauchent plus de 25 000 personnes de plus chaque année pour que le chômage baisse. En 1977, l'industrie manufacturière a perdu, avons-nous dit, 29 000 emplois dont 20 000 dans les secteurs traditionnels. Les autres secteurs en ont aussi perdu quelques milliers. La création nette d'emplois ne fut donc que de 25000, soit le tiers de l'augmentation de la main-d’œuvre active. On comprend dès lors l'accent que, depuis plusieurs mois, le gouvernement du Québec a placé sur un programme de protection temporaire, que seul le gouvernement fédéral peut accorder aux industries traditionnelles. L'élimination de la taxe de vente pour un an sur les vêtements, la chaussure et les meubles va jouer dans le même sens. Si le Québec récupère les emplois qu'il a perdus dans ces secteurs, et qu'on y ajoute ce que les industries de services créent de toute façon, 70 000 ou 75 000 emplois apparaissent et le chômage plafonne. Tout gain d'emplois dans les autres industries, dans les mines, dans la construction, contribue alors à abaisser le chômage. Dans ce sens, le chômage sera d'autant plus rapidement réduit au Québec qu'Ottawa acceptera d'agir sur la base des données que je viens d'indiquer. Comme je l'ai déjà signalé, le démarrage a été bon, mais les suites commencent à se faire attendre. Et tant que nous ne connaîtrons pas mieux les intentions du gouvernement fédéral, on ne peut que prendre pour acquis que le chômage se maintiendra en 1978 à peu près au même niveau que celui qu'on a connu l'année dernière. Je ne peux, cependant, insister trop fortement sur le fait que des décisions que prendra le gouvernement fédéral, autant aux négociations du GATT à Genève que dans ses tractations à l'égard des pays à bas salaires, dépendent des milliers d'emplois au Québec. Quant au rythme de l'inflation, j'estime qu'il devrait être, au cours de 1978, de l'ordre de 7%. Cela est inférieur à ce que nous avons connu l'année dernière, mais il faut convenir que la majeure partie de l'effet sur les prix intérieurs de la dévaluation du dollar canadien a déjà été absorbée. Le budget de cette année, M. le Président, est établi à partir d'une comptabilité qui n'est pas tout à fait la même que celle dont le gouvernement se servait jusqu'à maintenant. En effet, en raison des conséquences de la réforme fiscale dont je ferai état tout à l'heure, le mode de financement des programmes de santé est modifié. De même, les premières mesures correctrices, annoncées dans le budget de l'an dernier à l'égard des fonds de pension et appliquées cette année, amènent d'importantes modifications à la présentation des comptes. Enfin, on a profité de tous ces changements pour améliorer la présentation de l'actif et du passif à court terme du gouvernement. On trouvera, dans l'annexe III au discours sur le budget, une réconciliation de l'ancienne et de la nouvelle présentation comptable. Je doute beaucoup que ces changements provoquent de forts mouvements d'opinion publique, mais leur publication en annexe sera précieuse pour tout analyste des budgets gouvernementaux. Cela étant dit, je vais aborder maintenant successivement les revenus, les dépenses et les emprunts de l'État tels qu'ils sont prévus pour l'année en cours, c'est-à-dire 1978-1979. Commençons par les revenus. Le tableau des revenus qui suit indique que, pour l'année en cours, les recettes du gouvernement seront de $12,3 milliards. Ce montant peut difficilement donner lieu à des explications ou à des commentaires tant que l'on n'aura pas abordé la réforme fiscale dans le prochain chapitre. On évitera donc de le commenter ici. À la suite, cependant, de la description de tous les changements apportés à la fiscalité, on indiquera dans un tableau l'impact de chacune des mesures sur les recettes totales. Je dépose, M. le Président, le tableau 2 qui fait partie du discours du budget. Passons aux dépenses budgétaires. Les dépenses budgétaires, comme l'indique le tableau 3 que je dépose ici, se chiffreront par $13,335 milliards en 1978/79, soit une augmentation, sur la même base comptable, de 10,5% par rapport aux dépenses de l'an dernier. Pour la première fois depuis longtemps, les dépenses de l'État ne progresseront donc pas plus rapidement que la production nationale en dollars courants. Ces dépenses budgétaires ont été établies à partir des étapes suivantes: en premier lieu, on établit ce qu'on appelle les budgets de base, c'est-à-dire le coût des programmes existants. À cette occasion, on procède à un certain nombre de compressions qui paraissent nécessaires. On m'excusera ici de prendre un peu de temps de cette Assemblée pour décrire les opérations dont il s'agit. Cette année, l'établissement des budgets de base a donné lieu à une série de démarches exprimant fort bien le désir du gouvernement de forcer les ministères à « dégraisser », si je peux m'exprimer ainsi, un peu de leur substance. D'une part, on a exigé que tous les programmes existants soient recalculés à partir d'une baisse de 1 pour cent des effectifs. Cela, il faut le comprendre, n'est qu'un début. D'autre part, on a supprimé des budgets de base une partie des crédits qui, trop souvent, aboutissent en crédits périmés; on a pris l'habitude de constituer des coussins, des réserves, qu'il n'est ni utile, ni sain de maintenir. En 1977/78, on évalue à $400 millions le montant des crédits périmés. C'est trop. Finalement, on a exigé une coupure de 10% de certaines subventions qui sont traînées depuis des années, sans vraiment se poser de question sur leur à-propos. Il est temps qu'une sélection se fasse. En outre, des compressions ponctuelles ont commencé. Un examen général est en cours de tous les systèmes d'informatique du gouvernement. Les premiers résultats sont déjà spectaculaires. En 1978/79, on évalue à $4 millions la réduction des dépenses sur la seule utilisation du temps-machine contre une augmentation de capacité de traitement des données qui atteindra rapidement 60%. Toutes les directives du Conseil du trésor à l'égard de l'embauche de services professionnels, de la préparation des plans et devis, de la location des services techniques ou d'outillage, de contrats de tous genres ont été révisées de façon à étendre systématiquement le système des fichiers et les soumissions publiques. Les premiers résultats ne se sont pas fait attendre. C'est ainsi, par exemple, que, dans le placement de la publicité gouvernementale, le coût des commissions est tombé brutalement de 15% aux environs de 9%. En outre, il est nécessaire, comme je l'ai annoncé l'an dernier, de réexaminer le rythme d'expansion de certains programmes. C'est ainsi qu'une étude a été entreprise de la hausse des dépenses des universités. Je dois souligner, à ce sujet, que le Conseil des ministres a autorisé deux gestes d'une portée financière indiscutable. D'une part, les étudiants étrangers verront leurs frais de scolarité tripler à partir de septembre prochain. L'Ontario a déjà procédé ainsi en 1976. Près de 10000 étrangers étudient maintenant au Québec et coûtent à la collectivité près de $40 millions par an. Nous ne sommes pas assez riches pour être plus généreux que la province voisine. Il n'est pas question que le Québec tourne le dos à ses responsabilités à l'égard des étudiants qui lui viennent du Tiers-Monde, mais il doit équilibrer ses devoirs et ses ressources. En second lieu, on a gelé, à même les crédits des universités pour 1978/79, un montant de $18 millions pour ramener le taux réel de croissance aux environs de 8%. Les universités, comme tout le secteur public, doivent être amenées à choisir entre ce qui est essentiel et ce qui n'est qu'utile. Le ministère de l'Éducation et les universités le comprennent, ce dont nous devons leur savoir gré. De même, il faudra d'ici peu réexaminer les budgets de construction des universités. Avec ses sept universités, le Québec investit au rythme de $60 millions par an dans les installations universitaires alors que l'Ontario, qui en a 17, se débrouille depuis 1972 avec moins de $20 millions par an. Des espaces additionnels exigent du personnel additionnel qui finit toujours par se retrouver dans les budgets de base. Bref, la nature a horreur du vide. Le Québec a trop besoin de logements publics ou sociaux, de centres d'accueil ou d'hôpitaux pour malades chroniques pour que l'on ne se pose pas de sérieuses questions sur la répartition des investissements. Dans le secteur social, un réexamen des budgets de base est aussi en cours. Le problème majeur dans ce domaine vient de ce qu'un petit nombre d'hôpitaux ont accumulé depuis quelques années des déficits considérables en embauchant bien plus de personnel que nécessaire. En second lieu, un bon nombre de lits d'hôpitaux, surtout à Montréal, sont sous-utilisés. Enfin, comme je le signalais plus haut, il manque de lits pour malades chroniques et de foyers d'accueil. Il faut donc ramener le personnel, dans les hôpitaux publics, à un niveau normal et trouver les effectifs nécessaires pour les nouveaux établissements. Tout cela peut se faire de façon humaine et sans tension, à la condition que ce soit convenablement organisé, ce à quoi s'emploie avec énergie le ministre des Affaires sociales avec l'aide du Conseil du trésor. Voilà un certain nombre d'exemples précis des compressions auxquelles sont soumis les budgets de base. Ils seront, cependant, fortement affectés au cours de l'année qui vient par le résultat des conventions collectives qui doivent être signées, en particulier par les fonctionnaires, les infirmières et un groupe d'enseignants. Le premier ministre a déjà annoncé les grandes lignes de la politique salariale que le gouvernement entend suivre. Il me semble important, à l'occasion du discours sur le budget, de réitérer le principe fondamental qui guidera les négociations: le secteur public ne doit pas chercher à devancer les rémunérations versées sous forme de salaires et de bénéfices marginaux par le secteur privé. L'objectif fondamental consiste à reconnaître que la plupart des rattrapages du secteur public par rapport au secteur privé sont depuis longtemps terminés et qu'il commence même à apparaître une avance de l'un par rapport à l'autre. Si l'on permettait à cette avance de se maintenir ou de s'accélérer, on arriverait à ce résultat étonnant que les quatre cinquièmes de la population verraient leurs impôts augmenter pour payer à un cinquième de la population un niveau de rémunération qu'ils n'ont pas. Voilà ce que l'on devait dire, brièvement, des budgets de base pour 1978/79. Il s'ajoute à ces budgets trois types de dépenses: des ajustements financiers, le programme de stimulation de l'économie et de soutien de l'emploi et les nouvelles priorités. Trois types d'ajustements financiers ont une particulière importance. Il s'agit de la réduction des arrérages dus aux commissions scolaires, de la mise en vigueur des premières mesures correctrices applicables aux fonds de retraite et de l'intégration des opérations financières de la Régie de l'assurance-maladie. Pendant de nombreuses années, le gouvernement a négligé de payer aux commissions scolaires la totalité des sommes qui leur étaient dues sous forme de subventions. On a donc assisté à une hausse considérable des dettes de ces organismes auprès des banques à charte. En 1976/77, ces dettes ont dépassé $400 millions. Leur réduction se produit graduellement. L'an dernier, déjà, un effort considérable a été fait et cette année un versement de $130 millions aura lieu, si bien qu'à la fin de 1978/79 les dettes bancaires devraient être inférieures à $135 millions, ce qui est un montant raisonnable compte tenu des délais inévitables dans la préparation et l'approbation des budgets. Dans ce domaine aussi, le gouvernement montre sa volonté d'assainir les finances. L'an dernier, j'ai indiqué à quel point était inquiétante la situation de deux de nos régimes de retraite: celui des enseignants et celui des fonctionnaires. La pratique banale de considérer comme revenus les cotisations des employés et, comme dépenses, les prestations versées fait planer sur les contribuables pour l'avenir un poids écrasant, lorsque les premières deviendront nettement inférieures aux secondes. Les mesures correctrices s'étendront sur deux ans, ainsi que j'avais annoncé. Dès cette année, des opérations budgétaires incluront uniquement la contribution du gouvernement comme employeur ainsi que les intérêts sur la provision accumulée sur RREGOP. Ces montants sont ensuite considérés dans un compte non budgétaire comme revenu auquel s'ajoutent les cotisations des employés. Les prestations et remboursements versés en contrepartie de ces revenus sont également comptabilisés à ce compte non budgétaire. Le programme de stimulation de l'économie et de soutien de l'emploi a été lancé au cours de l'automne dernier. Il s'étend sur seize mois et il est évident que les sommes déboursées avant le 31 mars 1978 ont peu d'importance par rapport à celles qui apparaîtront cette année. En effet, c'est à$190 millions que s'établit pour l'année en cours le coût de ce programme pour le gouvernement du Québec, dont $158 millions au titre des dépenses budgétaires. Sans répéter ici la liste des projets qui a été dévoilée le 21 octobre 1977, il n'est peut-être pas inutile de retracer les grandes lignes du programme lui-même. Le premier principe de base qui sous-tend le programme a trait à l'accélération ou au lancement de nouveaux investissements à caractère industriel dans le sens le plus large du terme. Par l'élargissement des pouvoirs des prêts de la SDI, on a rendu admissibles des investissements dans plusieurs secteurs industriels qui éprouvaient de la difficulté à se financer. Deuxièmement, le gouvernement du Québec a décidé d'investir des montants importants dans les secteurs primaires de l'économie, bien au-delà de ce qui s'était fait jusqu'ici. En troisième lieu, un accent spécifique a été placé sur des travaux publics particulièrement susceptibles d'accroître l'emploi en période de chômage. Quatrièmement, un programme expérimental de création d'emplois communautaires a été mis en place, pour lequel $13 millions sont réservés en 1978/79, mais qui, s'il réussissait au-delà des espoirs qu'on lui porte, pourrait compter sur une expansion appréciable de son budget. Contrairement aux projets fédéraux à caractère communautaire, du genre Initiatives locales ou Canada au travail, qui sont temporaires et qui se terminent habituellement au moment même où les espoirs ont été soulevés, le programme québécois veut faire apparaître des emplois à caractère permanent dans le cadre de projets qui présentent une possibilité raisonnable de couvrir un jour leurs frais. Enfin, un cinquième volet est constitué de sommes affectées à l'habitation, aux fins d'effectuer divers travaux de restauration aussi bien de maisons que d'écoles désaffectées. Un vaste programme d'isolation des logements dont le ministre de l'Énergie a déjà décrit les modalités fait aussi partie de ce volet. Tout cela ayant été décrit déjà au cours de l'automne, il faut maintenant aborder les priorités additionnelles qui ont été mises au point dans le cadre du présent budget. Les nouvelles priorités portent sur des dépenses totales de $150 millions. Plus de la moitié de cette somme est affectée à l'aménagement du territoire. Les travaux de voirie régionale constituent le bloc le plus important de ces nouveaux projets auxquels s'ajoutent les investissements qui permettront de mieux contrôler le débit des eaux dans la région de Montréal. De plus, les mesures reliées à la révocation des concessions forestières, à l'accessibilité aux zones de chasse et de pêche et à l'aménagement d'un parc fluvial dans la région de Montréal auront un impact important à court et à long terme sur l'exploitation et l'utilisation du territoire québécois. Le Fonds de développement régional, de son côté, voit ses ressources augmenter de $17 millions. Le gouvernement se devait également d'adopter diverses mesures permettant de répondre aux besoins sociaux les plus urgents. Plus de $50 millions seront consacrés à ce secteur, dont $24 millions pour le développement des centres d'accueil et des centres hospitaliers. Les personnes âgées, surtout celles qui ne désirent pas être admises dans les centres d'accueil, pourront ainsi compter sur de nouveaux services offerts à domicile. À cette fin, environ 500 auxiliaires familiales seront engagées. Les autres mesures sociales consistent principalement en la poursuite du programme de distribution gratuite du lait dans les écoles, initié l'an dernier, et à l'extension de la gratuité des soins dentaires pour les enfants de douze et treize ans. En outre, des sommes ont été allouées pour permettre l'expansion des services de garderie. Dans les domaines de la culture et des loisirs, de nombreux projets seront amorcés ou réalisés au cours de l'année à venir. En raison de la forte demande, des subventions seront accordées au niveau municipal pour des équipements de loisir et, au niveau régional, pour des centres de ski, camps de vacances et autres projets similaires. Enfin, la création de nouvelles bibliothèques municipales, l'extension de la couverture des bibliothèques centrales de prêt et le développement de Radio-Québec permettront de servir une plus grande partie de la population. Quant aux dépenses non budgétaires du gouvernement, M. le Président, elles sont composées essentiellement de participations en capital-actions et prêts et avances, surtout à des sociétés d'État. Ces déboursés, dont la croissance a été beaucoup trop rapide dans le passé, sont évalués pour 1978/79 à $252 millions. En 1974/75, les entreprises du gouvernement avaient besoin de $142 millions et, au cours de chacune des années suivantes, le montant s'est élevé aux environs de $180 millions. En 1977/78, ce qui devait coûter $200 millions a finalement coûté $270 millions, surtout en raison du programme de relance et des besoins de SIDBEC. Certaines des sociétés d'État sont dotées de par la loi d'une contribution annuelle connue. Mais de telles contributions, parfois versées parce qu'une difficulté financière était apparue, se révèlent, malgré tout, insuffisantes. Si certaines des entreprises d'État ne seront, de par leur nature même, jamais rentables, il faut reconnaître que, pour la plupart de celles qui sont appelées à le devenir, les espoirs ne se sont guère traduits dans la réalité. Des entreprises à caractère nettement commercial, plusieurs années après leur création, sont incapables d'emprunter à la banque sans la garantie de l'État et ne bouclent leur fin d'année qu'avec l'aide du fonds consolidé. Dans certains cas, le recours à l'État, qui devait être exceptionnel, est devenu une bonne habitude qui n'est plus remise en cause. On commence à voir apparaître dans le secteur public une cour des miracles commerciaux et industriels qui est coûteuse pour le contribuable et injuste pour le secteur privé qui lui livre concurrence. Il n'est d'ailleurs pas sain que la gérance de ces entreprises puisse ainsi compter sur un actionnaire tolérant, paternel et inépuisable. La mise au point de critères de performance n'étant cependant pas encore terminée, il y a peu à dire cette année encore sur les modifications qui doivent être apportées au système de gestion des sociétés gouvernementales. Je me permets cependant de souligner, avant qu'on puisse en arriver à des correctifs, que la baisse des sommes affectées au crédit agricole vient de ce que dorénavant les banques et les caisses populaires prendront en charge ces opérations de prêts selon une entente intervenue avec l'Office du crédit agricole. D'autres dépenses non budgétaires pourront apparaître en cours d'année. C'est ainsi que les programmes d'aide à l'industrie de la pâte et du papier doivent encore être précisés. Enfin, à ces dépenses non budgétaires, on devra maintenant ajouter un poste de solde positif qui a trait, ainsi qu'on l'a indiqué précédemment, aux contributions et aux versements des régimes de retraite. Ces opérations étaient antérieurement présentées comme dépenses budgétaires ne requérant pas de financement. En résumé, les crédits budgétaires pour l'année 1978/79 seront de $13 335 milliards et les prêts et investissements non budgétaires sont estimés à $252 millions. Enfin, le compte des régimes de retraite apportera une source de financement de $312 millions. Je me permets de déposer le tableau no 4 sur les opérations financières du gouvernement. J'en viens maintenant aux besoins de financement pour l'année fiscale 1978/79. À plusieurs reprises, on m'a suggéré qu'en raison de la situation économique je devrais accepter, en 1978/79, un niveau d'emprunts plus élevé que celui de l'an dernier. C'est ce que je compte faire, sans toutefois atteindre le niveau excessif d'il y a deux ans. Les besoins totaux de financement prévus seront de $1250 millions. Soit dit en passant, c'était à peu près le montant que me suggérait le Conseil du patronat. Le tableau qui suit indique comment on en arrive à ce montant, et je viens de le déposer. Il est évident que les emprunts du gouvernement ne peuvent être dissociés des besoins d'emprunts du reste du secteur public et, à cet égard, on sait que l'Hydro-Québec aura besoin, au cours de la présente année, de $2 milliards. Face à de telles sommes, arrêtons-nous un peu afin de décrire précisément le type de stratégie qui sera suivi. On établira, à cet effet, une distinction très nette entre les besoins du gouvernement, d'une part, ceux de l'Hydro-Québec, d'autre part, et ceux de certaines sociétés d'État. Le gouvernement du Québec pourrait financer tous ces besoins avec les ressources de la Caisse de dépôt et placement du Québec au même titre que d'autres provinces canadiennes financent leurs déficits avec le Canada Pension Plan. En 1978, la Caisse de dépôt et placement recevra du Régime des rentes du Québec, de la Régie de l'assurance automobile et de divers autres déposants plus de $1 milliard. Grâce aux revenus sur les dépôts, l'actif total de la Caisse de dépôt et placement augmentera de près de $1,5 milliard, soit largement plus qu'il n'en faut pour satisfaire tous les besoins du gouvernement. On sait cependant que le gouvernement actuel, comme ceux qui l'ont précédé, ne veut pas suivre la voie des provinces anglophones. Les ressources de la Caisse de dépôt et placement doivent être disponibles non pas seulement pour l'État, pour l'Hydro-Québec, pour les municipalités et pour divers organismes publics, mais aussi pour le secteur privé. Dans ces conditions, j'attends de la Caisse de dépôt et placement que, cette année, elle investisse de $750 millions à $800 millions dans les titres de dettes directs ou garantis du Québec. De cette somme, environ $600 millions sont réservés pour le gouvernement lui-même, c'est-à-dire près de la moitié de ses besoins. Pour le reste, on mettra cette année un solide accent sur le marché canadien. À cet effet, trois types de titres seront privilégiés. Premièrement, j'ai l'intention de faire, cette année, une émission d'obligations d'épargne qui sera mise sur le marché le 1er juin. Contrairement aux émissions antérieures, ces obligations seront destinées aux petits épargnants. Cette année, chaque détenteur sera limité à un montant très inférieur à celui des émissions précédentes et, pour la première fois, on introduira la retenue à la source chez quelques employeurs importants, tels que le gouvernement du Québec, l'Hydro-Québec et la ville de Montréal. Deuxièmement, j'ai l'intention de poursuivre les expériences que nous avons déjà effectuées à deux reprises consistant à émettre des obligations à court terme d'environ trois à six ans d'échéance. Ces obligations sont mises sur le marché directement par le ministère des Finances et fournissent surtout aux institutions financières un type de titre qui correspond à leur besoin de liquidité. Les gouvernements des provinces n'ont jamais, à mon avis, suffisamment exploité cette partie du marché, et les deux premières émissions ont indiqué qu'il y avait là une demande substantielle. Troisièmement, le gouvernement du Québec continuera d'émettre des obligations à long terme. Une première émission, venant à échéance en 1998, d'un montant de $85 millions, a été placée auprès des compagnies d'assurance-vie, révélant à la fois l'appui sans équivoque des compagnies d'assurance-vie en général au financement du Québec et la situation très spéciale, pour ne pas dire anachronique, de la Sun Life. Pour le moment, je n'envisage donc que peu d'emprunts à l'étranger. En ce qui a trait au financement de l'Hydro-Québec, les perspectives sont tout à fait différentes. En 1978, en 1979 et en 1980, l'Hydro-Québec aura besoin d'emprunter, au total, $6 milliards. Bien que l'on puisse diviser en trois tranches annuelles ce financement, il faut voir cette opération comme un tout. En effet, après 1980, les besoins d'emprunts pour la baie James seront plus faibles et l'autofinancement de l'Hydro-Québec plus élevé. Dans l'intervalle, cependant, nous sommes tout de même en face d'une opération de financement parmi les plus importantes jamais réalisées où que ce soit dans -le monde. Déjà, un consortium formé de toutes les banques canadiennes, appuyées par plusieurs des plus importantes banques internationales, a assuré à l'Hydro-Québec un financement de trois quarts de milliard de dollars pour l'année 1978 et une ligne de crédit d'un demi-milliard de dollars sur laquelle l'Hydro-Québec pourrait tirer en tout temps au cours des années qui viennent. Sur le marché canadien proprement dit, l'Hydro-Québec devrait normalement pouvoir emprunter de la Caisse de dépôt et des investisseurs canadiens eux-mêmes environ $300 millions à long terme. Cela veut donc dire que, si l'on ne veut pas toucher à la ligne de crédit ouverte par les banques canadiennes, il faut aller chercher environ $900 millions. Une partie de cette somme a déjà été empruntée en Allemagne et en Suisse. Le reste est à venir. Finalement, il faut dire un mot des emprunts de certaines sociétés d'État et, en particulier, de l'achat par la Société nationale de l'amiante de la compagnie Asbestos Corporation. La somme nécessaire à cette acquisition n'a pas été incorporée aux projections d'emprunts de cette année puisqu'on ne sait pas encore très bien ni le moment, ni les modalités, ni le montant de la transaction. Lorsque les études quant à la détermination du prix des actions seront terminées, alors les négociations s'amorceront entre le gouvernement et la General Dynamics. On n'envisage pas plus de difficulté à réaliser cette opération qu'il n'y en a eu à financer SIDBEC-NORMINES ou Donohue Saint-Félicien au début de 1977. J'en arrive maintenant, M. le Président, à la réforme de l'impôt sur le revenu des particuliers et aux autres mesures fiscales. Sans aucune modification au régime actuel des impôts, les revenus autonomes du gouvernement devraient s'accroître de 13,7%, ce qui est largement supérieur à l'accroissement de la production au Québec en 1978. Une telle augmentation des revenus autonomes du gouvernement signifie un fardeau fiscal de plus en plus lourd pour les contribuables. Examinons concrètement ce que donne notre régime fiscal actuel. Le revenu moyen du travailleur au Québec était, en 1977, d'environ $12730 alors qu'il se situait à $10360 deux ans plus tôt. Une partie de cette hausse n'a servi qu'à compenser l'augmentation des prix - cela, nous le savons tous-le reste pourrait normalement être considéré comme la part de ce travailleur dans l'enrichissement collectif. Elle existe cette part, mais l'impôt en a grugé plus de 60%. Si l'on ajoute à cela l'augmentation des taxes foncières, on doit en conclure qu'à toutes fins utiles les travailleurs n'ont rien retiré de plus pour eux-mêmes depuis trois ans. Comment veut-on qu'une économie ait un dynamisme quelconque quand l'État enlève à la plupart de ses citoyens la quasi-totalité de leurs gains réels? On a beau dire que l'État est important, il ne peut exercer ce genre de voracité sans compromettre l'avenir de l'économie et l'équilibre de la société. Alors que l'an dernier, M. le Président, je ne pouvais que déplorer de ne pouvoir procéder aux rectifications qui s'imposaient, un des résultats principaux de la gestion des deniers publics par le gouvernement est d'avoir dégagé une marge de manœuvre suffisante pour réduire substantiellement le fardeau fiscal des Québécois qui avait pris des allures confiscatoires. Le gouvernement a donc résolu de procéder à plusieurs réductions d'impôts qui découlent d'une réforme du régime fiscal, de la mise en vigueur d'une formule d'indexation et l'introduction de crédits d'impôts applicables aux taxes foncières. Dégageons, en premier lieu, les grandes lignes de la réforme fiscale proprement dite. Sur cette base, on peut, je pense, à la fois améliorer l'équité du système et entraîner des allégements importants du fardeau. Cette réforme se traduit par quatre types de mesures: le réaménagement des exemptions personnelles, la simplification du calcul de l'impôt, la modification de la table des taux d'imposition et l'introduction de mesures plus restrictives visant les dépenses de certains contribuables. Le principe général qui a guidé l'élaboration de ce qui suit veut qu'un citoyen contribue au financement de l'État selon sa capacité de payer. Ainsi, dans une première étape, il a été décidé de porter de $1900 à $2700 l'exemption de personne mariée. Notre système fiscal actuel pénalise nettement le couple où un des conjoints ne travaillent pas à l'extérieur. On peut s'en rendre compte à partir de la comparaison suivante. Un individu taxé comme célibataire a droit à une exemption de base de $1600, à une déduction uniforme de $100 pour frais médicaux et dons de charité et enfin à un palier de $2000 de revenu imposé à taux nul, soit une exemption totale de $3700. Si deux conjoints travaillent à l'extérieur, ils sont taxés tous les deux comme s'ils étaient des célibataires et ont donc droit, tous les deux, aux exemptions et déductions dont je viens de parler. Par contre, le conjoint qui ne travaille pas à l'extérieur donne à l'autre conjoint qui travaille le droit à une exemption de $1900 et, advenant qu'il ait des revenus propres ou un emploi à temps partiel, à une exonération des premiers $500, soit au total $2400, pas plus. En faisant passer de $1900 à $2700 l'exemption de personne mariée et de $500 à $1000 l'exonération du revenu net du conjoint à charge, je porte à $3700 l'exemption supplémentaire dont peut bénéficier un contribuable marié dont le conjoint n'a pas de revenus propres substantiels. Cette mesure avantagera plus de 700000 couples dont un seul des conjoints a un travail rémunéré et elle permet d'atténuer l'injustice du présent système qui fait qu'actuellement, pour des ménages qui ont le même revenu, celui où il n'y a qu'un salaire paie bien plus d'impôt que celui qui en a deux. Dans la même veine, l'exemption pour un enfant ou autre personne à charge de 18 ans et plus est portée de $550 à $900. Les enfants de cet âge ne sont plus admissibles aux allocations familiales. Ils peuvent continuer à être à charge parce qu'ils ne trouvent pas de travail, sont handicapés ou sont aux études. Avec cette augmentation, le fardeau des parents sera comparable à celui qui est applicable à ceux qui ont des enfants de 16 ans et 17 ans. De plus, ces exemptions ne seront réduites que lorsque le revenu net de la personne à charge excédera $2000, soit $950 de plus que présentement. Je crois que pour les étudiants cela aura une certaine signification. L'exemption en raison d'âge est portée de $1000 à $1500. Les contribuables âgées de 65 ans et plus sont, pour la plupart, dépendants de leurs pensions de sécurité de la vieillesse, des prestations de la Régie des rentes, de l'épargne qu'ils ont accumulée ou de leur revenu de travail, ce dernier constituant d'ailleurs une source importante de revenu. En effet, près de 60% des contribuables âgés de 65 ans à 69 ans et près du quart de ceux âgés de 70 ans et plus dépendent de revenus de travail. Or, il y a lieu d'accorder à ces citoyens qui ont contribué pendant de nombreuses années au progrès de la société une exemption en raison d'âge plus généreuse que jusqu'à maintenant. Parallèlement, la déduction accordée à certaines personnes handicapées, ou au contribuable qui a une telle personne à sa charge, est portée à $1500 aussi. À ces modifications, s'ajoutent trois dispositions qui sont destinées à simplifier la structure de l'impôt. C'est ainsi, comme je le disais précédemment, que la table d'impôt actuelle prévoit que les premiers $2000 du revenu imposable sont taxés à un taux nul. Je propose de remplacer cette disposition par l'augmentation de l'exemption de base de $1600 à $3600. De plus, les contributions des particuliers au financement des programmes de santé, qui constituent en fait un impôt régressif sur le revenu, sont supprimées. Cependant, les contributions des employeurs demeurent. Et, finalement, la formule utilisée pour le calcul de l'impôt à payer sur les dividendes reçus de corporations canadiennes est alignée sur la méthode utilisée par le gouvernement fédéral. Troisième étape dans la réforme, la table des taux d'imposition est totalement modifiée. Il est temps que cesse cette pratique qui consiste à avoir une table de taux sans doute progressive, mais à laquelle on greffait des impôts comme ceux des programmes de santé qui étaient proportionnels jusqu'à un certain niveau de revenu, puis franchement régressifs. De telles combinaisons aboutissaient à une sorte de camouflage. Apparemment, nous avions le régime fiscal d'une société qui se voulait juste. En pratique, on disposait d'un système beaucoup moins progressif qu'il ne semblait avec, en outre, toutes sortes d'échappatoires qui permettaient à certains citoyens de réduire considérablement leur fardeau fiscal, en invoquant divers types de dépenses. La nouvelle table, sans autre greffe que les contributions au Régime de rentes, comportera 21 paliers au lieu de 8, permettant d'exiger du contribuable un effort mieux proportionné à son revenu imposable. Le taux minimum d'imposition passera de 16% à 13%, alors que le taux maximum atteindra 33% au lieu de 28% présentement en vigueur. Les taux seront plus bas pour les revenus faibles et plus élevés pour les hauts revenus. Dans ce sens, la nouvelle table sera à la fois plus juste et plus redistributive que la table actuelle. J'ai indiqué plus tôt comment de nombreuses échappatoires venaient en quelque sorte contredire les objectifs de progressivité du régime fiscal. Quelques-unes furent éliminées l'an dernier. Ce soir, j'annonce le premier jalon d'une révision en profondeur des politiques concernant l'admissibilité aux fins du calcul de l'impôt de certaines dépenses. Quoiqu'il ne soit pas question de remettre en cause un des principes fondamentaux de la fiscalité, c'est-à-dire la déductibilité des dépenses encourues pour gagner un revenu, les politiques actuelles ont permis des déductions élevées, parfois abusives, qui exigent certaines modifications. Afin de rendre la déduction des dépenses d'automobiles plus conforme aux coûts réels encourus pour fins d'affaires, de nouvelles règles distinguant entre les dépenses liées à la possession d'un véhicule et celles attribuables à son utilisation sont introduites à compter de cette année. Ainsi, tes frais fixes, qui devraient de toute façon être supportés par le .contribuable qui utilise une automobile à des fins personnelles, tels que le coût d'immatriculation et d'assurance, sauf la dépense additionnelle pour usage commercial du véhicule, ainsi que les frais d'intérêt, ne sont plus déductibles. Quant à l'allocation du coût en capital, elle est dorénavant limitée à un cinquième de l'allocation à laquelle le contribuable aurait droit si son automobile était utilisée uniquement à des fins d'affaires; de plus, le coût en capital aux fins du calcul de l'allocation ne peut excéder $7500 ou $9000, selon qu'il s'agit d'une voiture standard ou d'une familiale. Enfin, l'ensemble des frais variables, tels que essence, entretien et réparation, continue d'être déductible selon les règles actuelles, sauf, cependant, un minimum de $75 par mois réputé être encouru à des fins personnelles. Des règles de concordance sont prévues pour les véhicules loués ou fournis par l'employeur à ses employés. Ces règles ne s'appliquent pas au contribuable qui utilise un véhicule uniquement aux fins de gagner un revenu, ni à celui qui détient un permis pour le transport de passagers contre rémunération, par exemple un taxi. Ces changements visent essentiellement à assurer une plus grande équité entre les salariés et les travailleurs autonomes, en limitant les échappatoires dont pouvaient se prévaloir ces derniers. À l'opposé, d'autres contribuables ne peuvent déduire certaines dépenses encourues pour gagner un revenu. Afin de corriger cette lacune, les contributions à un comité paritaire et à l'Office de la construction du Québec sont désormais déductibles du revenu au même titre que les cotisations syndicales et professionnelles. De même, les frais juridiques encourus en vue de recouvrer ou de faire réviser un montant de pension alimentaire sont dorénavant déductibles du revenu. Arrêtons-nous ici un instant, car l'effet de toutes les mesures qui viennent d'être annoncées mérite d'être brièvement illustré. Il s'agit, en effet, de réductions d'impôts totalisant, pour l'année d'imposition en cours, $313 millions, dont $201 millions pour la nouvelle table d'impôt, $125 millions pour la hausse de l'exemption de personne mariée et $17 millions pour la hausse des exemptions pour les personnes à charge et les personnes âgées. Ceci représente une réduction globale de l'impôt sur le revenu de 7,5%, mais elle est très inégalement répartie. Tel que je l'avais indiqué à l'occasion du dernier budget, la cible que doit viser toute réforme fiscale est le salarié moyen qu'on a abusivement écrasé d'impôts depuis de nombreuses années. En 1978, le salaire industriel moyen, au Québec, sera d'environ $13700. Examinons donc ce qu'apporte au contribuable qui gagne ce revenu le nouveau régime. Supposons que sa femme ne travaille pas à l'extérieur et que le couple a deux enfants. Selon le régime actuel, il paierait, en 1978, au gouvernement du Québec $1374 d'impôt. Avec les modifications que je viens d'annoncer, il en paiera $1083, soit une réduction de $291. Il s'agit d'une baisse de 21%. Si notre individu type a un enfant de 18 ans ou plus à sa charge, l'impôt tombera de $367, donc de 29%. Quant au contribuable marié qui ne gagne que le salaire minimum, il paierait aujourd'hui $225 d'impôt. Avec la nouvelle table, il ne paiera plus d'impôt au Québec. Les réductions d'impôts annoncées dans la présente réforme profitent, en fait, à tous les contribuables imposés comme mariés et dont le revenu est d'environ $30 000 ou moins. 700 000 couples, comme je l'ai dit tout à l'heure, plus de 1 400 000 personnes sont ainsi avantagées. Les contribuables taxés comme célibataires, qu'ils soient mariés ou non, ne retirent pas d'aussi grands avantages de la réforme, ce qui ne veut pas dire qu'ils soient négligeables. Il n'en reste pas moins qu'environ 1 500 000 de ces contribuables dont le revenu net inférieur à $22 000 verront aussi leurs impôts baisser. Quant aux contribuables de 65 ans et plus qui sont taxés comme célibataires, ils profitent d'avantages fiscaux pour tous les revenus jusqu'à$25 000. Pour les couples mariés de 65 ans et plus, les avantages sont plus grands encore. Nous accordons donc ainsi des réductions d'impôt à plus de 90% des personnes âgées au Québec. C'est donc d'une réforme majeure qu'il s'agit, réduisant substantiellement le fardeau des petits et des moyens salariés. Elle augmente, cependant, celui des contribuables les plus riches. C'est ainsi que le contribuable taxé comme célibataire et dont le revenu est de $100 000 verra son impôt augmenter de $3500. Les déductions à la source seront ajustées à partir du 1er juillet et un remboursement pour les six premiers mois de l'année 1978 parviendra aux contribuables au début de 1979, lorsqu'ils compléteront leurs déclarations d'impôt. Je me permets d'insister sur le caractère, c'est important ces jours-ci, permanent de ces mesures. Mais, M. le Président, ce n'est pas tout. J'annonce en effet ce soir qu'à partir du 1er janvier 1979 le gouvernement du Québec commencera à indexer son nouveau régime d'imposition. La formule adoptée est originale et exige un certain nombre de commentaires. Refuser, comme le gouvernement du Québec l'a fait jusqu'ici, toute forme d'indexation aboutissait à une augmentation déguisée des impôts. L'inflation s'accompagnait d'une hausse des revenus qui pouvait fort bien ne pas comporter d'amélioration du pouvoir d'achat, mais qui accroissait le fardeau fiscal réel du contribuable. Les formules pour corriger une telle situation varient d'un pays à un autre. Les États-Unis, la Grande-Bretagne, l'Allemagne de l'Ouest n'ont que des ajustements occasionnels sur une base discrétionnaire. La France a opté pour un mode de compensation automatique qui ne s'applique cependant qu'au-delà d'un certain seuil d'inflation. Le gouvernement fédéral canadien et les provinces ces anglophones accordent une compensation intégrale et automatique. La formule canadienne a le principal inconvénient d'enlever aux gouvernements, en cas de récession - on s'en rend compte ces jours-ci - la marge de manœuvre nécessaire pour stimuler efficacement l'économie sans avoir à envisager des niveaux aberrants de déficit. Pour pallier cet inconvénient et, cependant, cesser de voler le citoyen, je propose donc la formule suivante. Dorénavant, on indexera chaque année toutes les exemptions personnelles. De cette façon, le niveau de revenu jugé implicitement essentiel pour couvrir les frais minima de subsistance et, à ce titre, non imposé, augmentera au taux d'indexation. La formule, M. le Président, sera donc moins avantageuse pour les hauts revenus. En outre, chaque année, le ministre des Finances annoncera le taux d'indexation qui s'appliquera à l'année suivante. Ce taux sera en fonction, d'une part, du taux d'inflation appréhendé et, d'autre part, de ce que le gouvernement peut payer compte tenu des objectifs de dépenses qu'il croit nécessaires. En vertu de ces principes, j'annonce ce soir que le taux d'indexation retenu pour 1979 sera de 6%. Cette décision réduira encore le fardeau fiscal des contribuables en 1979 de $142 millions. Tous les contribuables profiteront de cette mesure. Pour la majorité d'entre eux, elle aboutira à une réduction d'impôt de $40 à $100 par année, ce qui s'ajoute évidemment aux effets de la réforme dont j'ai déjà fait état. Le contribuable marié gagnant le salaire industriel moyen y gagnera $72, soit une baisse de 6,7% de son impôt à payer, alors que celui qui gagne $40 000 en tirera un peu plus de $100, soit 1,3% de son impôt à payer. Le crédit d'impôt foncier constitue la troisième mesure visant à réduire les impôts que j'ai le plaisir d'annoncer ce soir. La hausse des taxes foncières dans un grand nombre de municipalités place un fardeau souvent insupportable sur le dos du contribuable à revenu modeste. S'il est locataire, le contrôle des loyers n'évite pas qu'il ait à payer la hausse de taxe que subit son propriétaire. S'il est lui-même propriétaire, il a souvent acheté une maison en tenant compte de ce que les taxes étaient assez faibles dans la municipalité qu'il avait choisie pour y habiter. Quatre ou cinq ans plus tard, les taxes ont parfois doublé ou triplé, sans d'autres recours pour notre propriétaire que d'avoir à vendre et d'aller habiter ailleurs, s'il le peut, pour réduire ses charges. Le cas de retraités est plus pénible encore. Ils sont trop souvent chassés des maisons ou des appartements qu'ils habitent depuis des années, par des hausses de taxes qu'ils ne peuvent payer, et ils vont grossir les rangs de ceux qui attendent une place dans une HLM ou dans un foyer d'accueil. Dans le cas de ces personnes de 65 ans et plus, tout ce qui existe actuellement est un remboursement de taxe scolaire pouvant aller jusqu'à $125 pour un propriétaire et jusqu'à $75 pour un locataire. Il est temps d'aller beaucoup plus loin et de chercher à soulager les effets les plus régressifs de l'impôt foncier pour l'ensemble des citoyens les moins bien nantis. À cette fin, j'annonce ce soir qu'à partir du 1er janvier 1979 sera établi pour tous les contribuables un crédit d'impôt foncier déductible de l'impôt québécois et remboursable dans la mesure où il excède l'impôt à payer. Ce crédit d'impôt sera disponible aussi bien pour les propriétaires que pour les locataires. Dans le cas de ces derniers, le crédit s'appliquera à la quote-part des taxes foncières attribuables au logement habité. Ce crédit d'impôt sera calculé de la façon suivante: il sera égal à 40% des taxes foncières payées par le contribuable, moins 2% du revenu imposable du ménage. Aux fins du calcul du crédit d'impôt, les taxes foncières maximums dont l'on tiendra compte seront de $1000; le crédit d'impôt pourra donc atteindre $400. Quelques exemples simples feront comprendre la mécanique du système. Prenons le cas d'un jeune couple dont le mari gagne $15000 et dont l'épouse se consacre à l'éducation de leurs deux enfants en bas âge. La maison qu'ils ont achetée en banlieue est grevée de taxes foncières qui, à cause des charges d'aqueduc et d'égout, atteignent $1200. Le crédit d'impôt sera égal à $244 soit 20% de son impôt foncier. Si d'autre part un couple locataire dont le mari ne gagne que $10000 n'arrive pas, là où il travaille, à se loger à moins de $200 par mois, montant dont le cinquième est composé de taxe foncière, le crédit d'impôt sera de $132, soit 28% de son impôt foncier. En fait, ce crédit d'impôt permettra de compenser substantiellement les contribuables les plus durement touchés par la hausse des taxes foncières dans les municipalités où un développement rapide a entraîné un accroissement important du fardeau de l'impôt foncier et, d'une façon plus générale, de protéger les contribuables à revenu modeste contre la hausse générale des taxes foncières que nous avons connue depuis quelques années. Pour les personnes de 65 ans et plus, le crédit d'impôt que j'annonce ce soir ne pourra être inférieur en tout cas à ce qu'elles reçoivent actuellement au titre de remboursement d'impôt foncier scolaire. C'est à $76 millions que l'on évalue le coût de ces crédits d'impôts en 1979. On trouvera dans la brochure intitulée "Renseignements supplémentaires", une série de tableaux indiquant l'effet de toutes ces modifications du régime de l'impôt sur le revenu sur diverses catégories de contribuables. Je souhaiterais en donner ici quelques exemples, en retenant trois types de revenus: celui du contribuable qui gagne l'équivalent du salaire industriel moyen prévu en 1978, soit $13700, celui du contribuable qui gagne la moitié moins, c'est-à-dire à peu près le salaire minimum, et celui du contribuable qui gagne la moitié de plus, c'est-à-dire aux environs de $20000. Je retiens quelques cas significatifs: celui du contribuable marié dont la femme ne travaille pas à l'extérieur; celui de deux contribuables mariés qui tous les deux travaillent à l'extérieur et donc, sont taxés comme célibataires; celui, enfin, des personnes de 65 ans et plus. Je dépose, M. le Président, les tableaux qui décrivent pour ces contribuables typiques les réductions totales d'impôt que les mesures que je viens d'indiquer vont provoquer. Sans vouloir lire ces tableaux, je noterai simplement ceci. C'est que tôt, en 1978 et en 1979, les modifications que je viens d'annoncer permettent à ces contribuables typiques de voir leur impôt baisser de n'importe quoi entre $300 et $800 par année. De tels tableaux, cependant, amènent divers commentaires. Je dois reconnaître que la plupart des contribuables auront des augmentations de salaire en 1979 et que les chiffres qui apparaissent aux tableaux que je viens de déposer n'en tiennent pas compte. Je reconnais, d'autre part, que l'évolution du crédit d'impôt, que j'incorpore dans ces tableaux, est très approximative pour chacune des catégories de contribuables. Elle offre, cependant, un ordre de grandeur et on en trouvera le mode de calcul dans les "Renseignements supplémentaires - Impôts". D'autres classes de contribuables obtiennent moins que ce qui est indiqué dans les quelques tableaux qui précèdent, d'autres davantage. Mais ces tableaux suffisent pour donner une idée de l'ampleur de la réforme qui est annoncée ce soir. J'aborde maintenant d'autres mesures fiscales. D'abord, les réductions de taxes visant les entreprises. J'ai eu l'occasion de dire déjà à quel point, en 1978/79, les réductions d'impôts accordées aux compagnies par les gouvernements du Canada et du Québec l'an dernier représentent un solide allégement du fardeau fiscal. On doit, cependant, à l'égard de certains secteurs, aller plus loin encore. Tel que je l'ai annoncé mercredi dernier, la taxe de vente de 8% est, à compter de ce soir, supprimée sur toutes les chambres d'hôtel au Québec. Les repas payés selon le plan dit américain, c'est-à-dire inclus dans le prix de la chambre, seront aussi exemptés de la taxe de vente. Enfin, on supprimera à partir de minuit ce soir la taxe sur les frais de service inclus dans le prix des repas, dans la mesure où ces frais seront versés en pourboire aux employés. Ce n'est un secret pour personne que l'industrie hôtelière du Québec traverse une très mauvaise période. La construction simultanée de plusieurs grands hôtels à Montréal n'a fait que précipiter une crise qu'on entrevoyait depuis déjà un certain temps. Le~ propriétaires d'hôtels se plaignent, à juste titre d'ailleurs, d'un fardeau fiscal particulièrement éprouvant et cela se reflète inévitablement par un niveau trop élevé du prix des chambres. La décision du gouvernement de l'Ontario de supprimer la taxe de vente sur les chambres d'hôtel jusqu'à la fin de 1979 a été la goutte (mais quelle goutte!) qui a fait déborder le vase. Au total, c'est de $20 millions, en 1978/79, que baissera le fardeau fiscal de l'industrie hôtelière. Ces mesures et la construction du Palais des congrès devraient contribuer à relancer l'industrie touristique, surtout si le dollar canadien demeure pendant un certain temps encore à un niveau inférieur au dollar américain. Dans un autre secteur d'activités, un effort additionnel de caractère fiscal doit être entrepris. L'industrie minière éprouve, sauf dans le secteur de l'amiante, de sérieuses difficultés. On a suggéré depuis quelques mois des moyens de réduire les impôts sur les profits de l'industrie minière. Plus tard, quand les mines auront recommencé à faire des profits, on pourra discuter de cette question. Pour le moment, améliorer le régime d'impôt sur les profits des mines de cuivre serait d'une ironie assez sombre. Il vaut mieux chercher à réduire les coûts de production. À cet égard, la mesure que le gouvernement a choisie est de réduire la taxe sur le carburant, qui est actuellement de $0.25 sur le mazout et de $0.19 sur l'essence, à $0.03 seulement pour les véhicules circulant hors route et utilisés dans les opérations minières. Il s'agit là d'une réduction de coût, pour l'industrie minière, d'environ $8 millions pour une année entière. On extensionnera d'ailleurs la même mesure aux véhicules circulant hors route dans les exploitations forestières et à ceux des grandes exploitations agricoles qui ne sont pas encore exemptées de la taxe sur les carburants. Cette dernière mesure se traduira par une réduction des coûts de production de $2 millions environ. Enfin, en vue d'améliorer la situation concurrentielle de l'industrie d'enregistrement de son et d'images, la taxe de vente applicable sur le prix des films, rubans magnétiques et magnétoscopiques, des enregistrements sur disques et autres biens de même nature est abolie à compter de minuit ce soir, lorsque ces biens sont acquis en vue d'une diffusion publique. Cette mesure constituera un stimulant de $2 millions pour l'industrie en question. Voilà, M. le Président, les mesures que je souhaite introduire ce soir pour aider l'expansion de certaines industries. Il y a là $32 millions de réduction qui, comme je l'ai déjà indiqué, joints aux $175 millions que représente cette année la valeur des réductions fiscales accordées par nous et par Ottawa l'an dernier aux entreprises qui opèrent au Québec, soulignent le souci d'accélérer les investissements, d'améliorer les rentabilités et de faciliter la reprise. De ces $207 millions de réduction fiscale, les deux gouvernements en partagent à peu près également le coût. On conviendra que, dans un contexte politique peu soucieux de mettre en valeur les efforts du gouvernement du Québec à ce sujet, je ne peux éviter de souligner pesamment que ceux qui croient que le présent gouvernement souhaite l'atrophie du secteur privé vont finir par constater qu'il s'y prend bien mal, si vraiment c'était là sa politique. M. le Président, les réductions des impôts dont je viens de faire l'énumération et qui toucheront à la fois les particuliers et certaines industries vont s'accompagner de hausses de certaines taxes qui ne feront pas plaisir, comme toutes les hausses de taxes, mais qui correspondent à un objectif assez précis: celui de percevoir des droits sur des biens et services qui ne sont ni essentiels, ni même parfois utiles, et en certains cas franchement nocifs pour l'environnement. À partir de minuit ce soir, l'impôt sur les cigarettes passera de 0,8 cent à 1,08 cent par cigarette. Si vous me le permettez, M. le Président, je voudrais souligner l'arrivée en cette Chambre du député de Jean-Talon. Je suis certain qu'il nous fait plaisir, des deux côtés de la Chambre de le revoir. Le taux de taxe sur les cigares et le tabac à pipe passera de 25% à 30%. La taxe payable sur les cigares, dont les prix de vente n'excèdent pas dix cents l'unité, est portée à 2 cents. Cette mesure porte les taxes, M. le Président, au même niveau qu'en Ontario. Elle satisfera les non-fumeurs, fera payer les fumeurs davantage pour leur mauvaise habitude et, surtout, rapportera $48 millions. Depuis une quinzaine d'années, l'utilisation de contenants non consignés sous forme de bouteilles ou de canettes se répand de plus en plus. À peine 1 % des contenants était de ce type en 1960. Aujourd'hui, 20% des contenants sont non consignés, les canettes de métal en représentant l'essentiel. Cette prolifération a des inconvénients notoires: elle augmente le volume des déchets solides, elle accroît le coût énergétique de la fabrication des contenants et, enfin, elle multiplie les déchets sauvages. À partir du 1er juin prochain, j'introduirai un droit de $0.05 sur les contenants non consignés de boissons gazeuses et de bière de moins de 16 onces et de 10 cents sur ceux de 16 onces ou plus. Ce droit sera payable par les embouteilleurs et les importateurs. Le consommateur qui ne veut pas payer ce droit n'aura pas qu'à acheter des contenants consignés. Comme les habitudes ne changent pas du jour au lendemain, j'estime à $18 millions le rendement de la mesure proposée cette année. Les recettes devraient baisser par la suite. En troisième lieu, conformément à une intention déjà exprimée dans le budget de l'an dernier, j'ai l'intention de percevoir des droits sur les concours publicitaires et sur les appareils dits d'amusement. Ces droits prendront effet dès que sera sanctionnée la Loi modifiant la Loi de la Régie des loteries et courses qui devrait être présentée à l'Assemblée nationale d'ici quelques jours. C'est à $10 millions qu'on évalue les recettes provenant des mesures qui seront alors prises. Voilà, M. le Président, les éléments désagréables que j'avais à rapporter à cette Chambre aujourd'hui. On conviendra qu'ils ne portent que sur des consommations qui n'ont rien d'essentiel et que les taxes ainsi prélevées contribueront à financer, en partie, le coût d'une réforme fiscale dont l'importance est sans commune mesure avec le fardeau additionnel que l'on impose à ce que d'aucuns considéreraient comme diverses formes de pollution. Quant aux droits sur la bière, on m'a suggéré à plusieurs reprises de les accroître. Mais il a finalement été décidé de ne pas toucher à ce « bien culturel ». Par ailleurs, je propose de détaxer certains biens essentiels aux handicapés. Déjà, les ventes de membres artificiels, les prothèses dentaires et les appareils ophtalmiques et orthopédiques sont exemptés de la taxe de vente. Dans le but de généraliser ce régime d'exemption en regard des biens essentiels aux personnes handicapées, à compter de minuit ce soir seront exemptées de la taxe de vente au détail les ventes à des personnes handicapées de tout appareil conçu pour suppléer à une déficience physique tel que les béquilles, les chaises roulantes, les régulateurs cardiaques, les prothèses orales, les poumons d'acier, les reins artificiels et autres biens de même nature. De plus, est remboursée la taxe de vente perçue à l'achat d'un véhicule transformé pour en permettre la conduite à une personne qui n'a pas l'usage de ses membres inférieurs, ainsi qu'à l'achat d'un véhicule transformé afin d'être utilisé principalement pour le transport, dans un but non lucratif, de telles personnes. Et avant d'aborder un autre chapitre, M. le Président, je vais me permettre simplement un petit couplet qui s'appelle meilleure perception. Enfin, de façon à rendre plus efficace la perception des impôts et des taxes, les bouteilles de bière vendues aux détenteurs de permis d'établissements servant des boissons alcooliques seront identifiables- ce n'est pas le cas actuellement- et les notes de repas en duplicata seront introduites. Cela n'a l'air de rien, mais il y a plus qu'on ne pense là-dedans, M. le Président. Passons maintenant à un autre chapitre de ce discours du budget qui a trait à la réforme des droits successoraux. Depuis quelques années, le gouvernement a réduit annuellement de 20% les taux d'impôt sur les successions. L'an dernier, j'avais refusé de supprimer la dernière tranche de 20% en annonçant que toute la question de ces droits allait être à examiner. L'une des recommandations de la Commission royale d'enquête sur la fiscalité, la commission Carter, était l'abolition de tout impôt successoral. Cependant, cette recommandation doit être interprétée dans le contexte d'alors, c'est-à-dire comme allant de pair avec J'imposition des legs entre les mains des héritiers et la taxation complète des gains en capital. Or, le gouvernement fédéral n'a pas adopté cette définition de l'assiette compréhensive de l'impôt sur le revenu; il a plutôt opté pour une solution de compromis, soit l'imposition de la moitié du gain en capital. Ce faisant, il laissait ouverte la question de savoir si un impôt sur les successions, sans doute moins lourd qu'autrefois, ne devrait pas être maintenu. Enfin, pour favoriser les personnes recevant un bien agricole ou des actions de compagnies privées, des droits sur ces biens seront... Manifestement, M. le Président, j'ai des problèmes avec mes... De plus, dans la mesure où l'impôt sur le gain en capital est déductible de la valeur de la succession, toute double imposition est évitée. Ainsi, toute argumentation invoquant la double imposition à cause de la juxtaposition de ces deux modes de taxation n'est, en fait, qu'une tempête dans un verre d'eau. D'ailleurs, l'Ontario a affirmé son intention de maintenir des droits successoraux en procédant à une réforme substantielle de son régime d'imposition des successions. Aussi, les droits successoraux doivent être maintenus. En effet, l'impôt sur le revenu ne prenant pas compte la richesse des contribuables, un impôt successoral permet de mitiger cette lacune et d'améliorer l'équité du système d'imposition dans son ensemble; il constitue en outre l'outil de contrôle par excellence pour lutter contre l'évasion fiscale. Présentement, les droits successoraux varient selon l'importance de la succession de même que la valeur des biens transmis à chaque bénéficiaire. C'est un système fort complexe qui nécessite trois tables de taux et une panoplie d'exemptions variant selon le degré de parenté des héritiers avec le défunt. Ainsi, l'importance des droits exigibles sur un legs de $100000 d'un père à son fils varie de l'exemption totale à un taux d'imposition pouvant atteindre plus de $15%, selon que ce legs provient d'une succession plus ou moins importante. Le nouveau régime, effectif pour les successions ouvertes après minuit ce soir, vise à éviter de telles situations de sorte que, à legs égaux, des bénéficiaires comparables paient les mêmes droits. Une seule table de taux d'imposition est utilisée, les taux variant de 20% à 35%. Par ailleurs les exemptions actuelles sont remplacées par les exemptions suivantes, toutes appliquées contre le legs à chacun des bénéficiaires plutôt que contre la masse successorale. Exemption totale des legs entre conjoints. Ce que l'on se transmet entre conjoints ne sera pas taxable. Exemption de $75000 aux enfants et autres personnes à charge du défunt, la partie non utilisée de l'exemption par un enfant du défunt étant transférable aux héritiers du défunt qui sont les descendants de cet enfant ou de son conjoint. Exemption supplémentaire pouvant atteindre $50000 aux enfants et autres personnes à charge du défunt âgés de moins de 26 ans. Exemption supplémentaire pouvant atteindre $50 000 pour les enfants ou personnes à charge du défunt atteint d'une infirmité mentale ou physique. Exemption administrative de $5000 pour les autres bénéficiaires de façon à accélérer le règlement des petits legs. Enfin, pour favoriser les personnes recevant un bien agricole ou des actions de compagnies privées, les droits sur ces biens sont réduits de moitié et leur paiement pourra être étalé sur une période de sept ans. Étant donné les modifications apportées aux droits successoraux, il faut également apporter des changements majeurs à l'impôt sur les dons, le complément de tout système d'impôt sur les successions. C'est ainsi qu'à compter de minuit ce soir les dons entre conjoints sont complètement exemptés. De plus, dans ce même esprit de simplification, les taux d'imposition variant actuellement de 15% à 50% sont remplacés par un taux unique de 20%, soit le taux minimum d'imposition des droits successoraux. L'ensemble de ces mesures pour une année entière d'application rapportera $25 millions. Plus que son rendement, cependant, le nouvel impôt sur les successions reflète le souci de consolider le principe de la participation des citoyens au coût du fonctionnement de la société dans laquelle ils vivent, selon leurs moyens et leur capacité de payer, en remplaçant un régime archaïque par un système simple et équitable. Si on voulait résumer, M. le Président, tout ce que je viens d'annoncer, on pourrait donc dire ceci: Le gouvernement du Québec accorde ce soir' une réduction d'impôt sur le revenu à 90% de ses contribuables; les Québécois recevront ainsi plus de $300 millions cette année et, en 1979, c'est de $500 millions que leur impôt sur le revenu sera déduit. Avant de clore ce chapitre de la réforme fiscale, on me permettra cette seule observation. Au terme de ses six années d'administration, le précédent gouvernement tirait sa fierté d'avoir présenté, dit-il, six budgets successifs sans hausses de taxes. Fait étrange, les Québécois devenaient en même temps les contribuables les plus taxés du Canada. Les Québécois apprécieront sûrement le fait que le nouveau gouvernement réussisse, lui, à accorder une baisse à la fois substantielle et générale des impôts après seize mois de pouvoir. De la même façon, d'ailleurs, le milieu des affaires saura certes évaluer l'impact économique de cette injection de fonds. Passons maintenant à la fiscalité municipale. Au cours des mois de février et de mars, de nombreuses consultations ont eu lieu avec les maires des plus importantes municipalités du Québec, avec l'Union des municipalités et l'Union des conseils de comté. Il s'agissait d'examiner une proposition de modification en profondeur de tout le régime de la fiscalité municipale afin, d'une part, d'accroître leurs ressources et, d'autre part, de mieux asseoir leur autonomie. Je tiens d'ailleurs à souligner ce soir la généreuse collaboration dont ont fait preuve les autorités municipales et leurs représentants tout au long des séances de travail que nous avons tenues à cette occasion. Le gouvernement a décidé qu'il était préférable de poursuivre pendant quelques mois encore l'examen de la question et le ministre des Affaires municipales l'a inscrite à l'ordre du jour de la conférence provinciale-municipale qui se tiendra au début de juin. Dans l'intervalle, cependant, quelques gestes doivent être posés pour poursuivre la réforme de l'évaluation foncière amorcée depuis quelques années et pour continuer d'augmenter les ressources des municipalités. Les gestes que je vais maintenant annoncer devraient soulager les finances municipales dans une certaine mesure, en attendant des politiques de plus grande portée. Dans le but d'améliorer l'équité et la compréhension de la fiscalité foncière et dans la perspective d'une réforme éventuelle du régime fiscal des municipalités, la Loi sur l'évaluation foncière sera révisée de manière à assurer l'assiette uniforme requise. Les "Renseignements supplémentaires-Impôts" contiennent une énumération complète de ces mesures. Certaines dispositions fiscales de la Loi sur l'évaluation foncière seront aussi modifiées. Ainsi, le plafond de $0.30 par $100 d'évaluation sur les immeubles des secteurs public et parapublic assujettis au paiement d'une compensation sera porté à $0.50 par $100 d'évaluation, sans excéder pour autant le taux de la taxe foncière générale décrété par les municipalités. Cette mesure devrait procurer aux municipalités des revenus additionnels de quelque $16 millions en 1978. L'article 100 de la Loi sur l'évaluation foncière permet au ministre du Revenu, pour le compte des corporations municipales, d'imposer une taxe foncière équivalant à 10% des revenus nets de l'année précédente provenant de l'exploitation d'un réseau de téléphone, télécommunications et câblodistribution. Cette loi sera modifiée de telle sorte que dorénavant la taxe équivaudra à 5% des revenus bruts de ces compagnies, comme c'est le cas en Ontario. Dans cette province, la taxe rapporte bien plus qu'au Québec, avec ce résultat assez étonnant que les tarifs payés par les Québécois servent à payer une partie des taxes foncières dans la province voisine. Il est temps, plus que temps, de faire disparaître cette anomalie. Certains revenus seront cependant exclus de la base de calcul de la taxe foncière. On en trouvera la liste dans les "Renseignements supplémentaires-impôts". Cette taxe imposée sur les revenus bruts des compagnies de télécommunications sera redistribuée aux corporations municipales pour l'équivalent des deux tiers à compter de 1979. Elle rapportera aux municipalités des revenus additionnels de l'ordre de $17 millions. Pour alléger le fardeau des contribuables et, par le fait même, pour leur permettre de supporter l'augmentation des taxes municipales pour l'année 1978, je propose que les rôles d'évaluation scolaire de 1978/79 soient gelés au niveau de l'année précédente, sauf pour y inscrire les nouvelles constructions. Avec l'application d'une telle mesure, il nous est maintenant possible d'uniformiser les dates d'évaluation et de dépôt des rôles. Dorénavant, le 1er janvier devient la date de référence unique pour déterminer la valeur marchande des immeubles aux fins municipales et scolaires. Le gel des rôles d'évaluation scolaire dégagera des revenus potentiels additionnels de $29 millions pour les municipalités en 1978. Toutefois, ces mesures ne s'appliquent qu'aux commissions scolaires dont l'évaluation imposable est conforme aux directives émises par le ministère de l'Éducation. Dans le discours sur le budget 1977/78, le gouvernement s'engageait à indexer les taux de subventions per capita qui sont versées aux municipalités. Cette indexation se poursuit cette année et les taux sont majorés de 8,4% soit l'accroissement de l'indice des prix à Montréal pour l'année civile écoulée. En outre, le programme de subventions aux municipalités urbaines s'étendra, dès 1978, aux municipalités ayant une population comprise entre 5000 et 10000 habitants. Ces municipalités se verront appliquer le taux afférent à celles qui ont une population de 10 000 à 20 000 habitants, soit $6.94 per capita. Cette mesure procurera, en 1978, des revenus additionnels de $3 millions à 64 municipalités qui n'étaient pas touchées par ce programme. L'échelle des taux des subventions per capita sera telle que présentée au tableau numéroté 8, M. le Président. Si l'on combine l'indexation des taux de même que l'augmentation de la population des municipalités touchées depuis un an, le coût global de ce programme passera de $55,4 millions à$63,7 millions en 1978-1979. L'ensemble des mesures annoncées fournira aux municipalités les ressources qui apparaissent au tableau 9, c'est-à-dire M. le Président, $70,2 millions. Les mesures, en somme, que je viens de présenter assurent quelque $70 millions de plus aux municipalités, dont $53 millions seront payables cette année. Cet effort du gouvernement est important et, bien qu'il ne règle pas tous les problèmes, il permettra aux municipalités de compter sur des ressources plus élevées. Toutefois, seule une réforme majeure de la fiscalité municipale au sujet de laquelle, disons-le, les discussions sont maintenant solidement amorcées, pourrait prétendre fournir l'encadrement nécessaire à une remise en ordre favorisant la saine gestion et le développement normal des affaires municipales. Ceci étant dit, M. le Président, j'en arrive à la conclusion de ce discours sur le budget. Je dois dire que c'est avec une certaine fierté que j'en arrive à la fin de celui-ci. L'an dernier, à pareille date, nous héritions d'une situation financière ardue, semée d'embûches, hypothéquée par quelques années de dépenses somptuaires et, dans certains cas, folichonnes. Nous avons passé une année de remise en ordre, de coupures budgétaires, d'austérité, même. La situation économique était à ce point détériorée que la tentation était forte de continuer à jeter de l'argent par les fenêtres. Nous avons résisté à la tentation, pratiqué la frugalité en prenant le risque de ne pas être compris. Pourtant, je pense que nous l'avons été. La remise en ordre est loin d'être terminée. Certains programmes doivent encore être examinés et leurs coûts réduits. La perception des impôts exige encore beaucoup d'améliorations. Mais enfin, après un an d'efforts, une marge de manœuvre est apparue, dont la majeure partie est consacrée à la réduction des impôts. La diminution du fardeau fiscal des citoyens m'est apparue comme la principale des priorités cette année. Sans doute, pour l'amorcer, ai-je accepté d'augmenter le niveau des emprunts. Mais cela est pensable et faisable parce que, depuis un an, le crédit du Québec s'est maintenu envers et contre tous, mais surtout malgré les efforts persistants, farouches et parfois scandaleux de ceux qui ont cherché à jouer la politique du pire. Le chantage économique et financier n'a pas gagné la partie. Le Québec a connu une année qui, sur le plan du chômage, a été terrible. Mais le redressement s'opère, les perspectives s'éclairent, la remontée sera lente, mais elle se fera par le travail de millions de Québécois qui découvrent dans la fierté retrouvée l'assurance de l'avenir. Il ne me reste qu'un regret. Celui de ne pouvoir opérer la réorganisation des dépenses et la réduction des impôts qu'à l'égard de la moitié des ressources des Québécois. Quand le jour viendra où le Québec sera maître de ses ressources et de son économie, on pourra enfin terminer ce qui, cette année, n'est qu'un départ et l'assurance de jours meilleurs. M. le Président, je propose, conformément à l'article 127 du règlement que l'Assemblée nationale approuve la politique budgétaire du gouvernement.