Province Législature Session Type de discours Date du discours Locuteur Fonction du locuteur Parti politique Québec 31e 4e Discours du budget 27 mars 1979 M. Jacques Parizeau Ministre des Finances et du Revenu ainsi que Président du Conseil du trésor PQ M. Parizeau : M. le Président, l'an dernier à pareille date, la plupart des pays du monde occidental étaient placés devant une situation économique somme toute assez semblable. Le chômage s'était considérablement accru, le rythme d'inflation sans doute moins élevé que deux ans auparavant restait préoccupant. La relance de l'activité économique se heurtait à des obstacles tenaces. D'une part, dans une foule d'industries, les capacités excédentaires de production étaient anormalement élevées. D'autre part, la crainte d'une recrudescence du chômage s'était traduite par une forte accumulation d'épargnes. Les gouvernements, de leur côté - en tout cas, plusieurs d'entre eux - avaient à ce point gonflé leurs déficits depuis quelques années que l'on voyait mal la poursuite indéfinie d'une telle tendance. Enfin, les taux de change avaient acquis depuis 1974 une flexibilité que l'on n'avait pas connue depuis la deuxième guerre mondiale. La crise du pétrole et les flambées inflationnistes d'intensité très variable d'un pays à un autre ont fait voler en éclats le bel équilibre des taux de change. Certaines monnaies se sont fortement appréciées, d'autres comme la canadienne se sont affaissées. Si l'on ajoute à tout cela une méfiance graduellement plus forte des citoyens à l'égard des gouvernements et de l'efficacité de leurs politiques, et l'impact psychologique universel de l'adoption de la proposition 13 en Californie, on comprendra mieux l'espèce de désarroi qui a saisi depuis plus d'an an aussi bien les analystes de l'économie que les gouvernements. Et, comme on le verra un peu plus loin, ce désarroi est loin de s'être estompé. Les recettes plus ou moins automatiques du passé n'ont plus la même saveur. Nous sommes à l'aube d'une nouvelle cuisine, et toute nouvelle cuisine comporte des risques. Au total, la progression de l'activité économique des pays développés n'a pas été mauvaise en 1978. Elle fut même brillante au Japon, bonne aux États-Unis et, un peu partout ailleurs, elle rejoint des taux de croissance réelle de 3 ou de 3,5 pour cent. Cela reste néanmoins nettement insuffisant pour résorber le chômage et bien en dessous des capacités de production. Au Canada, le gouvernement fédéral a cherché à relancer l'économie par diverses réductions de taxes dont on peut se demander si elles avaient assez de force, de continuité et si elles étaient vraiment les plus appropriées. L'incitation financière faite aux provinces de réduire temporairement leur taxe de vente est au bout du compte largement responsable, une fois l'épisode terminé, d'une chute radicale des ventes d'automobiles et d'un quatrième trimestre particulièrement lent. Il faut dire que la marge de manœuvre d'un gouvernement qui en était rendu à emprunter plus du quart de ses revenus n'était pas très grande. En outre, la poursuite pendant toute l'année 1978 de la chute du dollar canadien, accompagnée d'une hausse rapide des taux d'intérêt aux États-Unis, a forcé la Banque du Canada à pratiquer une politique monétaire restrictive qui était fort peu appropriée à la relance de l'activité économique. À première vue, en terminant l'année avec une augmentation du volume de la production de 3,4 pour cent, le Canada n'a fait ni mieux, ni pire que bien d'autres pays. Il était placé au centre de mouvements contradictoires sur lesquels il avait peu de prise. Néanmoins, derrière cette façade un peu terne, se profilaient certains changements profonds dont l'interprétation est susceptible d'avoir des conséquences majeures sur 1979 et 1980, de même que sur le choix et les paris auxquels les gouvernements devront faire face. Au Québec, l'année 1978 a été marquée par quelques solides virages et par la persistance de certains problèmes tenaces. Ce fut l'année du démarrage d'une réforme fiscale en profondeur dont l'implantation se fait sur une période de deux ans et dont, d'ailleurs, certaines des pièces majeures seront annoncées dans le présent discours sur le budget. On 'connaît l'origine de cette réforme. Pendant quatre années successives, l'essentiel de l'augmentation du pouvoir d'achat des Québécois avait été absorbé par l'augmentation des taxes et des impôts au plan provincial et municipal. Cela ne pouvait pas durer. Un nouveau régime d'impôt fut donc mis en vigueur, réduisant le fardeau fiscal de 90% des contribuables et faisant en sorte que, pour la première fois, le contribuable marié qui gagne un salaire voisin du salaire industriel moyen soit moins taxé qu'en Ontario. En même temps, on annonçait l'indexation des exemptions personnelles. Et pour compléter, le crédit d'impôt pour taxes foncières scolaires et municipales a été introduit pour l'année 1979. Enfin, on s'est attelé à une réforme fondamentale de la fiscalité municipale. Tout ce bel arrangement a été, toutefois, bouleversé par l'affaire de la taxe de vente. En faisant cavalier seul, c'est-à-dire en exemptant de la taxe de vente les vêtements, les textiles, les chaussures et les meubles, le gouvernement du Québec a payé le prix d'une originalité dont tout le monde s'accorde à reconnaître qu'elle a été remarquablement efficace. Le gouvernement fédéral a distribué directement aux particuliers le montant de sa contribution à l'opération. Le gouvernement du Québec, pour compenser et rétablir l'équilibre de sa caisse, a dû reporter d'un an l'indexation des exemptions personnelles. Il n'en reste pas moins que du 1er juillet 1978 jusqu'à mai prochain, le gouvernement du Québec aura injecté $750 millions de réduction d'impôt dans l'économie, pour une part d'une façon permanente et, pour une autre, de façon temporaire. En même temps, l'Opération solidarité économique a, par le truchement d'investissements publics, d'aide à l'entreprise privée et d'expériences nouvelles comme le programme d'emplois communautaires, joué solidement dans le sens de la reprise. Enfin, l'impact de la dévaluation du dollar canadien s'est fait sentir. Les exportations de papier journal, de bois de sciage et d'aluminium, en particulier, on fait un bond en avant. De leur côté, les manufacturiers québécois ont graduellement regagné une part du marché aux dépens de leurs concurrents étrangers. Cela a été considérablement facilité par l'imposition de contingents d'importations par le gouvernement fédéral dans le cas du textile, du vêtement et de la chaussure. Mais le même phénomène est apparu dans d'autres secteurs. Le meuble, par exemple, a retrouvé ses marchés en Ontario et dans l'Ouest. Les petites et moyennes entreprises, en particulier, éparpillées comme elles le sont sur l'ensemble du territoire, ont fortement profité de cette substitution des importations. Si bien qu'au moment où débute l'année 1979, la situation économique du Québec semble se présenter à peu près de la façon suivante: Les zones sombres demeurent très préoccupantes. Le relèvement des investissements productifs est faible, inégal, peu convaincant. La construction domiciliaire singulièrement à Montréal ne se redresse pas à cause du fort taux de logements vacants et ce, en dépit d'une hausse spectaculaire de la construction de logements publics par la Société d'habitation du Québec. Les ventes au détail dans les secteurs détaxés ont fortement progressé. Mais dans l'ensemble, la performance totale des ventes au détail n'a rien de spectaculaire, le taux d'épargne s'étant stabilisé à un haut niveau. Cependant, les expéditions des entreprises ont considérablement augmenté à la fois à cause des exportations et de la substitution des importations. Un an plus tôt, les usines n'utilisaient qu'à peine plus de 80% de leur capacité de production. À la fin de 1978, les usines de papier ou d'aluminium fonctionnaient à plein et, dans l'ensemble, le pourcentage d'utilisation des capacités approchait 90%. Le chômage, si on fait abstraction des variations saisonnières, a commencé à baisser. La reprise de l'emploi est particulièrement remarquable dans l'industrie manufacturière. Le résultat global est d'autant plus significatif que le secteur public a cessé de contribuer à la croissance de l'emploi. Même si le gouvernement du Québec agence plusieurs de ses programmes dans le sens de la relève de l'économie, le contrôle serré établi en 1977 de ses dépenses courantes se produit sans relâche. Grâce surtout au relèvement de l'industrie manufacturière, l'augmentation du volume de la production au Québec en 1978 aura été de 3,5%. Ce n'est pas encore fabuleux et c'est tout à fait insuffisant pour réduire de façon significative le chômage, mais enfin, si comme résultat cela est encore désolant, en comparaison de ce qui s'est fait ailleurs, c'est consolant. Sur le plan de l'équilibre des finances du gouvernement du Québec, les projections préparées il y a un an ont été singulièrement bouleversées ainsi que l'on peut s'en rendre compte par le tableau suivant. M. le Président, je demande ici le consentement de l'Assemblée pour que ce tableau, ainsi que les autres tableaux que je déposerai durant ce discours soient reproduits au journal des Débats. Il y a une série de constatations et de leçons à tirer du tableau que je viens de déposer. Commençons par les opérations budgétaires. La chute des revenus par rapport aux prévisions est de $240 millions. Environ les trois quarts de ce trou sont imputables à Ottawa, en particulier à cause de sa décision de ne pas rembourser au gouvernement du Québec $185 millions en contrepartie de l'opération taxe de vente. En fait, pour ce qui a trait aux revenus autonomes du gouvernement du Québec, ceux qui sont perçus par nous, la révision est à la baisse de $74 millions. Elle est due, d'abord, à une réduction des rentrées prévues d'impôt sur les revenus, parce que les salaires ont augmenté un peu moins rapidement que prévu. Cette réduction d'environ $140 millions par rapport aux prévisions est toutefois compensée par une hausse de $77 millions des recettes prévues des taxes de vente au détail. Une chute par rapport aux prévisions de revenus de 0,8% de nos revenus autonomes n'est pas dramatique. Quant aux dépenses probables, elles seront de $60 millions, soit moins 0,5% plus élevées que prévu. L'excédent est dû essentiellement à l'effet du taux de change et du haut niveau des taux d'intérêt sur le service de la dette. Un contrôle même féroce de l'ensemble des dépenses n'a pu pallier cet excédent. Pour ce qui a trait aux opérations non budgétaires, les placements, prêts et avances sont de $46 millions plus élevés que prévu à cause, d'une part, de certains délais à transférer aux banques de financement du prêt agricole, d'autre part, à l'accroissement d'activité à la Société d'habitation du Québec et, enfin, à un prêt additionnel à SIDBEC. Arrêtons-nous là un instant. La somme de la chute de nos revenus autonomes, de la hausse de nos dépenses et des avances que nous avons dû faire aux sociétés d'État se monte à $180 millions. On notera dans le tableau que j'ai déposé qu'au poste "autres comptes" apparaît une augmentation de $130 millions. La majeure partie de cette somme est due à une meilleure gestion des comptes à recevoir et notamment à une vaste opération de récupération de comptes dus au ministère du Revenu, parfois depuis plusieurs années. Des cotisations envoyées en 1974, 1975 ou 1976 n'avaient jamais été perçues. La décision fut donc prise d'aller percevoir, dans un premier temps, tous les comptes d'impôts ou de taxes de plus de $3000, ce grâce à l'embauche de 150 employés occasionnels. Il me fait plaisir de rendre hommage ici au travail de ces serviteurs temporaires de l'État qui, depuis huit mois, nettoient le livre des comptes à recevoir et réintroduisent un peu de justice élémentaire dans notre système de perception. En tout cas, il est clair que les rentrées exceptionnelles au titre des autres comptes, dont je viens de parler, ont compensé à une cinquantaine de millions près les équilibres budgétaires qui relèvent du gouvernement du Québec. La décision du gouvernement fédéral de ne pas rembourser le Trésor québécois dans l'affaire de la taxe de vente a eu un effet d'une bien plus grande ampleur. Nous ne sommes pas, cependant, au bout de nos peines. On constate, au tableau que j'ai déposé, que les remboursements d'emprunts augmentent de $90 millions par rapport à ce qui était prévu. C'est là l'effet de l'augmentation des taux d'intérêts. Il fut un temps au Québec où on trouvait supérieurement intelligent de permettre aux souscripteurs d'obligations d'épargne d'en acheter jusqu'à $50000 par émission. Un individu qui s'en paie une tranche pareille n'est pas exactement un petit épargnant. Il sera inévitablement sensible aux hausses des taux d'intérêts sur le marché et, comme les obligations d'épargne sont encaissables en tout temps, il ne se privera pas de les encaisser s'il peut faire davantage d'argent avec d'autres titres. Comme si un tel laxisme n'était pas suffisant, le précédent gouvernement a permis aux caisses populaires d'acheter, elles aussi, des obligations d'épargne jusqu'à concurrence de $50000 par caisse. Les caisses populaires ont beau être du mouvement coopératif, ce ne sont pas des organismes de charité. Devant la hausse des taux d'intérêt, elles ont demandé, le même jour, l'encaissement de $64 millions d'obligations d'épargne. Sans doute ont-elles souscrit le même montant en obligations à terme qui leur furent offertes par le ministère des Finances et sans doute les sorties de fonds causées par les particuliers furent-elles compensées par d'autres emprunts. On comprendra mieux, cependant, après cette brève description, pourquoi l'émission d'obligations d'épargne de juin dernier, la première du présent gouvernement, fut limitée à $10000 par détenteur et que les caisses populaires en furent exclues. Le Québec n'a pas encore accès à une banque centrale et ne peut pas prendre le risque d'accumuler de l'eau dans la cale sans avoir de pompe à sa disposition. Je remercie, cependant, vivement le précédent gouvernement de m'avoir laissé non seulement $375 millions de salaires à payer, $400 millions d'arrérages dus aux commissions scolaires, une dette olympique financée à des taux élevés et à si court terme que la construction du mât du stade en était compromise, non seulement un déficit actuariel de $5,5 milliards au titre des fonds de pension, mais aussi quelques centaines de millions d'obligations d'épargne encaissables en tout temps, donc à la merci de n'importe quelle hausse de taux d'intérêt. Les arrérages de salaires ont été payés, les arrérages aux commissions scolaires sont payés pour les deux tiers. La dette olympique a été reconvertie pour une échéance plus longue et à des taux d'intérêt inférieurs. Comme je l'indiquerai plus loin, le gouvernement du Québec commencera à amortir cette année le déficit actuariel de ses fonds de pension. Et tout en remboursant les plus gros détenteurs 'd'obligations d'épargne, nous avons modifié la formule de ces obligations dans le sens d'une prudence élémentaire. Mais quel héritage, M. le Président! À une époque où tous les efforts devraient se concentrer sur la lutte au chômage et à la réduction des impôts. Quoi qu'il en soit, l'écart entre les emprunts prévus, c'est-à-dire $1 250 000 000, et les emprunts effectivement réalisés, $1 574000000, soit $324 millions, est pour l'essentiel attribuable à deux causes: le refus d'Ottawa de rembourser le gouvernement du Québec et les encaissements d'obligations d'épargne. Cela n'est pas plaisant mais, au moins, on peut considérer cela comme des incidents de parcours qui, heureusement, n'engagent pas l'avenir. Les prévisions économiques pour 1979 ont été esquissées au milieu de 1978, un peu partout en Amérique du Nord, avec la plus grande simplicité et à partir d'une prémisse indiscutable: l'année 1979 serait marquée aux États-Unis par une récession pas nécessairement très sérieuse mais, en tout cas, significative. Dans ces conditions, puisque le Canada vend la majeure partie de ses exportations aux États-Unis, puisque les gouvernements canadiens suivent des politiques assez restrictives, puisque les investissements sont encore paresseux et qu'on ne voit pas de relance majeure de la demande des particuliers, la conclusion était inévitable: la croissance au Canada en 1979 serait plus faible qu'en 1978. Elle avait été l'an dernier d'environ 3,5%. Elle ne serait cette année que de 2,5%. Je simplifie un peu la démonstration, mais sans, je pense, la caricaturer. Depuis quelques mois, cependant, les perspectives ont un peu changé. En premier lieu, il est moins certain que l'année 1979 soit si mauvaise pour l'économie américaine. Le quatrième trimestre de 1978, en particulier, a été remarquable. La belle unanimité a cédé la place à passablement d'interrogations. Peut-être le ralentissement ne viendrait-il qu'à la fin de 1979, voire 1980. Au risque, cependant, de paraître hétérodoxe, il faut souligner que du point de vue du Canada, les règles de jeu sont, depuis dix-huit mois ou deux ans, profondément modifiées. Pendant ce temps, ce taux de change du dollar canadien en dollar américain est tombé de près de 14%. Depuis la fin de 1976, le dollar canadien a perdu plus de 30% par rapport à plusieurs des monnaies européennes, et près de 43% par rapport au yen japonais. Notre génération n'a jamais vécu un tel mouvement. Les répercussions qu'on peut attendre d'un tel bouleversement des taux de change sont difficiles à cerner parce qu'on n'en a jamais connu de pareil. Forcément, les secteurs de production qui sont de traditionnels exportateurs ont connu et connaissent encore des profits fabuleux et ont augmenté leurs ventes jusqu'à atteindre, comme je l'ai dit précédemment, leur pleine capacité de production. Pour ces entreprises, profiter de la dévaluation ne posait pas de difficulté particulière. Elles ont l'habitude des marchés étrangers et savent comment le faire. À l'opposé, il y a une foule de petits ou de moyens fabricants pour qui les exportations sont un aspect secondaire, marginal ou même inexistant de leurs affaires. Avant de se rendre compte que leurs prix ont baissé des deux cinquièmes en Allemagne ou au Japon, avant de savoir comment en profiter, cela prend du temps. Dans certains cas, l'occasion passe sans qu'on en ait profité. Déjà, en 1978, on a vu ces fabricants, quoiqu'en nombre encore insuffisant, percer sur le marché international, singulièrement au cours des derniers mois. Jusqu'où le mouvement peut-il se poursuivre? Surtout, si l'on tient compte de ce que les hausses de salaires jusqu'ici, ont été relativement modérées, contribuant à conserver aux exportateurs canadiens leur caractère concurrentiel. En outre, les importations de produits fabriqués sont maintenant beaucoup plus chères sur le marché canadien. Ainsi qu'on l'a noté auparavant, une foule de manufacturiers canadiens augmentent leurs ventes en conséquence. 1: y a de la place pour l'expansion. Le Canada est un des pays industrialisés qui importe une forte proportion de ce qu'il consomme. Un déplacement de 10% de la demande de produits importés par des produits locaux peut entraîner une augmentation de la production nationale et de l'emploi qui changerait profondément les perspectives économiques de l'année. Ajoutons à tout cela que, comme on l'a déjà signalé, l'industrie travaille à près de 90% de sa capacité. Ajoutons enfin que le rapport des inventaires aux livraisons des usines est actuellement à son plus bas niveau depuis quinze ans et qu'il va falloir bientôt reconstituer les inventaires. Les producteurs d'acier, de papier journal, de certains produits chimiques commencent déjà à rationner leurs clients. Que va-t-il maintenant se passer? Il n'y a vraiment que deux scénarios possibles. En fonction du premier, les investissements manufacturiers vont subir une accélération rapide. Cela implique deux conditions: d'une part, que les milieux d'affaires croient que le taux de change va rester bas pendant un certain temps et, d'autre part, que l'on n'assistera pas à une autre flambée des salaires. Les perspectives d'investissement publiées récemment par Statistique Canada ne sont pas sans doute aussi expansionnistes qu'on le voudrait. D'un autre côté, à la fin de 1978, les commandes d'équipement et de machinerie ont atteint des sommets absolument inédits. Le second scénario reviendrait à dire que, devant le caractère temporaire de la dévaluation et le risque de progression rapide des salaires, il n'y a pas lieu pour le moment d'accroître les capacités de production. Dans la mesure où la demande est trop forte pour être satisfaite dans les conditions présentes, on laissera simplement monter les prix. Il va de soi que si un tel scénario se produisait, la Banque du Canada serait incitée à pratiquer une politique plus restrictive encore que ne le justifierait l'état de la balance des paiements, hâtant ainsi le ralentissement de l'économie et la remontée du taux de change. Comme j'y faisais allusion plus tôt, ce genre d'alternative est trop inédit pour qu'on puisse choisir à coup sûr. Le premier scénario me paraît, cependant, le plus probable et je m'attends donc à une remontée graduelle des investissements des entreprises en 1979 en réponse aux forces du marché dont il a été question. Les perspectives sont moins bonnes pour ce qui a trait à la construction domiciliaire. On ne devrait pas voir de nette amélioration dans ce secteur cette année, en raison du nombre assez élevé de logements vacants. On reste, cependant, sous l'impression que le creux de la vague est maintenant passé. Pour ce qui a trait aux investissements publics, la situation est troublée par certains déplacements de très fortes masses d'argent. Le volume des travaux à la baie James va plafonner cette année. Cependant, en contrepartie, le gouvernement du Québec a approuvé au milieu de 1978 un programme considérable de travaux publics à réaliser par les ministères et les réseaux de l'Éducation et des Affaires sociales. On cherche à accélérer la réalisation de ce programme, auquel on a ajouté plus récemment le début des travaux sur le mât du stade olympique et de ceux du palais des congrès à Montréal. J'aurai d'ailleurs J'occasion de revenir sur cette question. Il semble donc que les travaux du secteur public québécois, à l'exclusion de la baie James, pourraient, aux conditions que j'exprimerai tout à l'heure, augmenter de près de 20% en 1979-1980. On doit seulement déplorer qu'en arrêtant les travaux sur le site de l'usine d'eau lourde de La Prade, le gouvernement fédéral non seulement déchire un contrat commercial en bonne et due forme, mais fait disparaître un énorme chantier dans la région de Trois-Rivières. En dépit de cela, les investissements publics vont, une fois de plus, apporter une contribution positive cette année à l'expansion de l'économie. Venons-en maintenant aux dépenses des consommateurs. Les ventes au détail n'ont pas été un bien grand accélérateur de l'économie depuis deux ans et risqueraient de ne pas J'être davantage cette année. Dans un premier temps, devant la menace du chômage, les consommateurs ont considérablement accru leur taux d'épargne. Dans un deuxième temps, qui se poursuit d'ailleurs, la hausse du prix des aliments a freiné l'expansion des ventes d'autres produits, et ce n'est qu'à cause des chutes temporaires des taxes de vente et de réductions, temporaires à Ottawa, permanentes au Québec, de l'impôt sur le revenu que J'on a évité que la demande pour les produits non alimentaires ne se contracte. Cette année, vient s'ajouter l'effet d'une progression des salaires assez nettement inférieure à celle que l'on avait connue au milieu de la présente décennie. En fait, les règlements de conventions collectives que l'on connaît aussi bien dans les secteurs publics que privés au Canada marquent souvent un léger recul du pouvoir d'achat qui correspond d'ailleurs à l'appauvrissement relatif de J'économie canadienne, comme ce fut d'ailleurs le cas dans d'autres économies occidentales. Même en supposant, d'une façon réaliste, que le taux d'épargne soit en baisse et que, dans ces conditions, la progression des ventes au détail va se poursuivre d'une façon satisfaisante, on ne peut voir là, à moins de nouveaux changements dans les impôts, un des moteurs de l'économie du Canada et du Québec pour 1979. Tout compte fait, en excluant l'effet des mesures que le présent gouvernement entend prendre, on en arrive à la conclusion suivante: advenant un ralentissement de l'économie américaine dès le milieu de 1979 et peu de pénétration des fabricants canadiens à l'étranger et sur le marché canadien en déplacement des importations, un taux de 2,5% de croissance de la production semble raisonnable. Selon le niveau auquel le dollar canadien se situera, l'augmentation des prix varierait entre 7 et 8%. Et le chômage serait, pour toute J'année, à un niveau légèrement supérieur à celui que nous avons connu en 1978. Si l'on suppose, cependant, une meilleure performance des manufacturiers, un déblocage de leurs investissements et le rétablissement d'un niveau plus raisonnable des inventaires, on pourrait atteindre un rythme d'expansion analogue à celui de 1978, soit d'environ 3,5%. Comme la population active augmentera moins rapidement en 1979 qu'au cours des années antérieures, la probabilité serait alors excellente que baisse enfin, de façon significative, le niveau de chômage. La réponse va venir, bien sûr, des hommes d'affaires eux-mêmes et de la façon dont ils vont profiter des possibilités exceptionnelles qui s'offrent à eux d'accroîtra le niveau de leurs affaires. Elle viendra aussi, cette réponse, de l'aptitude des gouvernements à poser les gestes appropriés pour assurer en 1979 une relance véritable et capitaliser sur les signes de relèvement qui se sont multipliés tout au long de 1978. Passons maintenant. M. le Président, à la revue des politiques budgétaires et fiscales du gouvernement pour l'année qui vient. Pour simplifier l'examen des modifications qu'on a l'intention d'apporter aux dépenses et aux revenus, on les regroupera en fonction de six objectifs qui découlent non seulement du jugement que l'on peut porter sur la situation actuelle, mais aussi des deux derniers budgets du Québec. Les objectifs ont, en effet, la curieuse habitude de ne pouvoir être tous atteints ensemble et en un an. Le premier objectif, chronologiquement et encore peut-être en importance, est de remettre de l'ordre dans un tas informe de dépenses qui obéit davantage à la sédimentation qu'à la politique économique. Une foule de programmes se sont épaissis sans que l'on sache trop pourquoi, simplement parce qu'ils étaient là. Le personnel s'est accumulé dans des anses ou des baies administratives parce que le courant y était moins fort qu'ailleurs. Dans cet ordre d'idées, l'année 1978 a été marquée par certains gestes d'importance. C'est ainsi que les plans de redressement budgétaires des hôpitaux ont été mis en application. Des hôpitaux dont le personnel avait été indûment enflé vont devoir, surtout par attrition, ramener leurs effectifs à un niveau plus raisonnable. Ainsi vont disparaître des dizaines de millions de dollars de déficits qui en seraient rapidement devenus des centaines si des mesures de contrôle n'avaient été introduites. De même, tous les ministères et organismes dont le budget relève du Conseil du trésor ont jusqu'au 1er avril 1980 pour réduire leurs effectifs de 2,5%. Une banque centrale de postes affectera les nouveaux effectifs rendus nécessaires par l'apparition de nouveaux programmes de dépenses. Les commissions scolaires et les ministères ne recevront à peu près rien au titre de l'indexation des dépenses de fonctionnement autres que les salaires. Cela, dans le premier cas, devrait les inciter à mieux contrôler l'expansion encore anormalement élevée du personnel non enseignant et, dans le deuxième cas, devrait amener un réexamen des dépenses courantes dont la pertinence n'est pas toujours évidente. Bien d'autres opérations sont en cours. C'est ainsi que, devant une dépense de près de $100 millions de médicaments distribués aux assistés sociaux et aux personnes âgées, on s'est demandé s'il était nécessaire de payer le prix de détail sur chaque flacon. Considérant que, sur cette somme, il y a, M. le Président, pour $16 millions de tranquillisants, on peut valablement se poser la question de savoir si un appel d'offres pour toute la quantité désirée ne produirait pas quelque différence dans le prix. Les résultats obtenus en Saskatchewan grâce à cette formule sont trop probants pour que l'on ne jette pas un coup d'œil de ce côté. De même est-il surprenant que l'article 12 de la Loi de l'aide sociale, en vertu duquel un assisté social qui se voit offrir un emploi et qui le refuse peut se faire supprimer ses allocations, n'ait été à peu près pas utilisé depuis quatre ans. Nous en sommes rendus à fermer certains chantiers par manque de main-d’œuvre. Ce genre de paradoxe ne peut durer et l'article 12, avec tous les ménagements humains nécessaires, se doit d'être appliqué. Ne nous trompons pas sur le sens de ce réexamen général des grands programmes de dépenses existants. Les économies que l'on peut faire de ce côté sont autant d'ajouté à la marge de manœuvre pour de nouveaux programmes, pour de nouvelles priorités et, bien sûr, pour de nouvelles baisses d'impôts. Il arrive, évidemment, que l'opération n'aille pas aussi rapidement qu'on le souhaiterait. Dans le discours sur le budget de l'an dernier, j'avais indiqué à quel point la situation des sociétés d'État était préoccupante. Si certaines remplissent remarquablement bien le rôle qui leur a été dévolu, d'autres tournent à la caricature coûteuse. Certains gestes ont été posés depuis ce temps. C'est ainsi que le ministre de l'Industrie et du Commerce a modifié l'organisation et l'administration de certaines sociétés. Il s'en faut de beaucoup cependant que la situation ait suffisamment changé. Il fallait, dans un premier temps, que le gouvernement s'équipe de personnel spécialisé capable d'analyser la situation de ses sociétés. L'opération est maintenant terminée et il faut espérer que les résultats en 1979 seront plus brillants qu'en 1978. Le deuxième grand objectif du budget a trait à la poursuite de l'assainissement du déficit actuariel des fonds de pension administrés par le gouvernement. J'ai indiqué, à l'occasion du discours sur le budget d'avril 1977, il Y a déjà deux ans, dans quel état il était. Pendant des générations, le gouvernement a considéré comme revenus les cotisations de ses employés, et comme dépenses, les pensions à payer annuellement. Le vieillissement du personnel et l'indexation des pensions ont donc fait apparaître un gigantesque déficit dont j'ai dit qu'il dépassait $5,5 milliards lorsque nous sommes arrivés au pouvoir et qui atteignait, au 31 décembre 1978, $7 milliards. Comme je l'ai indiqué, une telle situation ne pouvait durer. En raison des dettes que nous avait laissées l'ancien gouvernement, il a fallu procéder par étapes. Le seul geste prudent posé par l'ancien gouvernement a été de comptabiliser ses contributions d'employeur dans un nouveau fonds de pension qu'il avait lui-même créé, le RREGOP. Mais les intérêts qui devaient être affectés à ce fonds ne l'ont jamais été. Selon le programme que j'avais annoncé en 1977, j'ai fait comptabiliser en 1978 les intérêts sur le RREGOP, soit $60 millions. Pour cette année, j'avais annoncé que je commencerais à comptabiliser dans un compte spécial non budgétaire les contributions d'employeur applicables aux anciens fonds de pension des fonctionnaires et des enseignants et autres fonds qui n'ont pas été intégrés au RREGOP, ce qui n'avait jamais été fait. En plus, je commencerai à amortir le déficit actuariel. De tels gestes impliquent des sommes énormes. Les intérêts à comptabiliser au titre du RREGOP représentent en 1979/80, $83 millions, les contributions d'employeur sur les autres fonds de pension, $161 millions, et le montant prévu pour amortir le déficit actuariel, $175 millions, c'est-à-dire que les mesures que j'avais annoncées à l'occasion du discours sur le budget de 1977 représentent, cette année, dans les dépenses totales du gouvernement, $419 millions, alors que le dernier budget présenté par le précédent gouvernement ne prévoyait rien à ces titres. De cette façon et en continuant de porter de pareilles charges dans les années qui viennent, je ne peux pas faire disparaître immédiatement le déficit actuariel, mais je pense qu'il sera possible de le réduire graduellement. C'est là l'une des pièces maîtresses de la remise en ordre des finances du Québec à laquelle le gouvernement s'est adressé. Tout n'est cependant pas pénible dans cette opération. Ce qui est affecté aux dépenses nous revient comme source de financement. Un gouvernement a tout de même le droit de se financer à même ce qu'il met de côté. À cause de notre façon de réduire le déficit des fonds de pension, nous accroissons pour une part nos dépenses, bien sûr, nous réduisons l'expansion des dépenses des ministères évidemment, mais nous mettons de côté de quoi financer une partie de nos déficits. Le troisième objectif visé consiste à réduire le rythme d'expansion .des salaires dans le secteur public. J'ai eu l'occasion d'indiquer ailleurs à quel point cet objectif est devenu essentiel. Dans l'ensemble, les employés du secteur public sont mieux rémunérés que ceux du secteur privé. Il y a des exceptions, bien sûr, mais, dans la grande majorité des cas, un effort significatif est à faire, surtout si l'on tient compte de la rémunération globale, c'est-à-dire en incluant dans la comparaison les bénéfices marginaux. Cette situation a deux conséquences distinctes. La première, à laquelle on a déjà fait allusion, c'est que très rapidement il va falloir mettre un terme à la réduction des impôts si la masse salariale qui constitue plus de la moitié du budget augmente de 15% par an, alors que le produit national brut - donc l'assiette des impôts - n'augmente que de 10% par année. On aura beau réaliser toutes les économies que l'on voudra, éliminer tous les gaspillages, on finira par se heurter à un mur. La seconde conséquence, c'est que les quatre cinquièmes des travailleurs vont devoir se cotiser pour payer les salaires du cinquième restant dont la rémunération est plus élevée que la leur. Il est remarquable à cet égard que les syndicats dont les conventions collectives viennent à échéance le 30 juin prochain demandent un salaire minimum de $265 par semaine. Cette demande représente l'équivalent du salaire industriel moyen au Québec en 1978. En somme, parce qu'on travaille dans le secteur public, on voudrait que le minimum de rémunération se situe au niveau de la moyenne des rémunérations des travailleurs du secteur privé. Il y a là une forme d'iniquité surprenante qui met en valeur une fois de plus la nécessité de modérer des appétits qui ne correspondent plus à la réalité. Il faut cependant comprendre que le ralentissement qui est visé ne peut se produire du jour au lendemain. Quel que soit ce qui a été offert par exemple aux syndiqués dont la convention collective vient à échéance le 30 juin prochain, ils recevront tous automatiquement, en vertu des contrats signés il y a trois ans, au cours de la dernière nuit de leur convention, une augmentation égale au taux d'inflation de l'année précédente moins 3 1/2%. Sur une année entière, cette augmentation de dernière minute vaut à elle seule environ $200 millions. La situation est invraisemblable, mais l'État doit respecter sa signature. Il va de soi cependant qu'il compte dans ses offres pour l'année suivante de ce grand feu d'artifice nocturne. Le quatrième objectif a trait à la mise en place des priorités de dépenses du gouvernement pour l'année 1979/80. Elles sont de divers ordres: économique, social et culturel. À ces fins, environ $300 millions ont été affectés. Dans le domaine culturel, les priorités sont nombreuses, mais on retiendra d'abord et avant tout la mise en place du plan d'action dans le secteur de l'enseignement primaire et secondaire, non seulement parce qu'en termes financiers l'opération est la plus coûteuse des priorités culturelles, mais surtout parce qu'elle est destinée à aborder de front le problème de la qualité de l'enseignement dont tant de gens se plaignent depuis plusieurs années. Le programme annoncé par le ministre de l'Éducation engagera dès cette année des modifications profondes du régime. L'augmentation de la programmation de Radio-Québec et l'extension de son réseau de diffusion, la mise en marche de la Société de développement des industries culturelles, la création de l'institut de recherche sur la culture, la relance de l'opéra, une augmentation très importante de l'aide aux bibliothèques publiques sont autant de gestes qui marqueront aussi cette année de nouvelles étapes dans la politique culturelle du gouvernement du Québec. Quant aux priorités socio-économiques, elles sont, en tout cas pour un bon nombre d'entre elles, suffisamment imbriquées les unes dans les autres pour qu'il ne soit pas toujours facile d'établir une ligne de démarcation stricte entre ce qui est social et ce qui est économique. Sans doute la distinction est-elle claire au niveau de certains services sociaux. C'est ainsi, par exemple, que des augmentations significatives sont accordées aux centres locaux de services communautaires, aux garderies d'enfants et aux soins à domicile. Dans le cas des CLSC, l'augmentation des budgets vise surtout à donner à ceux qui fonctionnent correctement les moyens nécessaires à leur opération. Le rendement très inégal des CLSC a fait que depuis quelque temps les augmentations de budget étaient parcimonieuses en attendant qu'on y voit plus clair. Il n'en reste pas moins qu'il est temps de donner plus de ressources à ceux dont la performance est acceptable. Le budget affecté aux garderies d'enfants se situera à $22500000. Il s'agit de la poursuite d'une décision prise depuis déjà deux ans et qui a eu ses effets. On se rappellera qu'en 1976/77 le gouvernement n'avait dépensé que $4 400 000 à cette fin. Pour ce qui a trait aux soins à domicile pour personnes âgées, on constatera que le gouvernement a augmenté depuis son élection les budgets de $25 millions à $44 millions. L'idée derrière cette mesure était que si des personnes âgées veulent rester chez elles, il est préférable et moins coûteux de leur fournir les services dont elles ont besoin plutôt que de les inciter à habiter dans les HLM ou les centres d'accueil. L'idée était bonne et reste bonne. Le résultat le fut moins. Les réseaux institutionnels ont utilisé une partie des sommes disponibles pour satisfaire des besoins de personnel dont les rapports avec les personnes âgées était de proximité variable. Cette année, la formule est modifiée. Les institutions du réseau des Affaires sociales, tels les CRSSS, les CSS et les CLSC ne pourront mettre la main sur leur part qu'après avoir distribué les sommes qui reviennent aux organismes bénévoles d'aide à domicile. Ce doux chantage devrait améliorer l'utilisation des fonds. D'autres programmes sociaux sont introduits pour la première fois: tel est le cas, par exemple, de la gratuité des prothèses auditives jusqu'à 35 ans. En outre, un programme d'allocations familiales additionnelles sera créé pour les enfants handicapés. De loin cependant, la plus spectaculaire des mesures sociales qui seront introduites cette année sera un programme de supplément de revenu pour les travailleurs. On le sait, il s'agit là d'un programme tout à fait nouveau dans notre système social. Il consiste à vouloir aider financièrement non pas ceux qui ne travaillent pas, mais ceux qui travaillent et dont les moyens financiers les placent aux plus bas échelons de l'échelle des revenus. Cette initiative cherche à résoudre un des problèmes majeurs auxquels les sociétés modernes ont à faire face. Celui qui ne travaille pas et qui a des charges de famille reçoit des allocations sociales qui, invariablement, tendent à s'approcher ou même à dépasser le revenu de celui qui travaille au salaire minimum, surtout si ce dernier a un emploi saisonnier. La réponse à ce paradoxe a été d'augmenter le salaire minimum. Mais alors les conséquences de ce relèvement sur une foule d'entreprises sont telles qu'apparaît la possibilité du chômage de ceux que justement l'on voulait aider. La solution est de compenser les charges familiales de celui qui travaille à des niveaux de rémunérations qui sont voisins du salaire minimum. C'est ce qui sera fait cette année. Selon le revenu de la famille et le nombre des enfants, le revenu additionnel payé par le gouvernement variera. L'an prochain, on verra à étendre la formule aux couples sans enfant et aux personnes seules qui travaillent, mais dont les revenus restent notoirement inférieurs à un minimum acceptable. Ce programme, qui est l'amorce véritable d'un programme de revenu minimum garanti, a été mis au point par le ministre d'État au développement social et représente au Québec une innovation majeure dont les répercussions, à la fois sur le marché du travail et les programmes d'aide sociale, devraient se prolonger pendant plusieurs années. Une seconde priorité majeure dans l'aide financière directe à l'emploi est constituée d'un volet qui, au fur et à mesure des années, s'est enrichi et développé. Le précédent gouvernement avait inauguré un programme d'aide au travail, administré par le ministère du Travail et de la Main-d’Oeuvre et destiné à subventionner l'emploi d'assistés sociaux. Il avait inauguré aussi un programme d'emplois agricoles, destiné à l'embauche, surtout pendant l'été, des chômeurs et des assistés sociaux. Il n'y avait, lorsque le précédent gouvernement est arrivé au pouvoir, qu'une dizaine de millions de dollars dans ces deux programmes. Mais, au moins, c'était un départ et un bon départ. Tout en enrichissant ces deux programmes, le présent gouvernement ajoutait l'an dernier un programme d'une quinzaine de millions de dollars pour la création d'emplois dans des entreprises de caractère communautaire. Les résultats ont été excellents, si bien que, cette année, ce programme sera élargi. En outre, on introduit pour la première fois un programme d'aide et de subvention à l'emploi des jeunes. On y affecte $20 millions. Mais le ministre des Finances a convenu avec le ministre d'État au développement social que toute somme récupérée au-delà de $20 millions dans une administration plus serrée des $940 millions affectés au bien-être social pourrait être disponible pour l'expansion de ce programme d'aide à l'emploi des jeunes. Le chômage est un scandale. Mais le chômage des jeunes est une tare sociale qui peut se payer pendant longtemps. L'opinion publique est constamment alertée par la situation plus ou moins dramatisée des étudiants. On ne lui répète pas assez souvent que, chez les 18 à 24 ans non étudiants, le taux de chômage dépasse 18 pourcent. Les priorités proprement économiques sont essentiellement orientées vers l'investissement. Compte tenu du diagnostic qui a été posé précédemment et des discussions du récent sommet économique de Montebello, il serait étonnant qu'il en soit autrement. On abordera d'abord la question des investissements industriels et commerciaux, puis les investissements dans les services publics. Dans le premier cas, plusieurs lignes de force se dégagent. D'abord, le relèvement de l'agriculture a été si prononcé depuis quelque temps que l'on aurait tort de ne pas poursuivre dans la même voie. Le drainage souterrain, les travaux mécanisés, les silos à la ferme et les silos régionaux, la hausse des plafonds de prêts aux exportations, l'agrandissement de la raffinerie de sucre de Saint-Hilaire, l'expansion des activités de SOQUIA, l'investissement dans les troupeaux, tout cela mêle l'activité privée et les initiatives gouvernementales avec un bonheur que le progrès de notre agriculture confirme constamment. Dans l'industrie forestière et papetière, des changements majeurs s'annoncent. La réduction des coûts de production et les augmentations de capacité ont donné lieu à un plan précis de financement au ministère des Terres et Forêts qui passe, au moment où ces lignes sont écrites, par les affres habituelles des tractations fédérales-provinciales, mais qui sera réalisé. Il est fondamental que, tablant sur les profits énormes que leur vaut la dévaluation, les entreprises de pâtes et papiers au Québec accroissent leur capacité et réduisent leurs coûts. Il est remarquable qu'à cet égard le ministère et les compagnies aient atteint une sorte de compréhension mutuelle porteuse de progrès sérieux. $15 millions seront consacrés par ailleurs à l'aide à la petite et à la moyenne entreprise innovatrice. Tout ce qui a été dit jusqu'ici sur les chances étonnantes qui s'offrent à l'industrie manufacturière à l'heure actuelle justifie une telle action. De même d'ailleurs se justifie l'élargissement des pouvoirs d'intervention de la Société de développement industriel dont l'aide aux secteurs traditionnels, l'an dernier, a été à la fois rapide et spectaculaire et dont l'aire d'opération peut encore être élargie. À cet égard, un crédit touristique sera créé pour soutenir ce qui est devenu l'une de nos plus grandes industries. Il reste à déterminer si ce crédit touristique sera administré par une nouvelle société d'État ou par la Société de développement industriel. L'examen de l'efficacité de l'une et de l'autre formule déterminera le choix du gouvernement. Des sommes additionnelles sont prévues au titre de l'énergie. Une politique a été élaborée qui vise à la fois à encourager les investissements dans la conservation de l'énergie, dans la recherche de sources nouvelles d'énergie, dans l'utilisation accrue du gaz au moyen de capitaux privés et publics et dans l'exploration systématique du sous-sol québécois. L'industrie minière proprement dite profitera de fonds additionnels mis à la disposition de SOQUEM et, il faut bien le dire, du relèvement sur les marchés internationaux du prix des métaux. De son côté, la Société nationale de l'amiante recevra des sommes accrues pour poursuivre son programme d'implantation avec le secteur privé d'usines de transformation de la fibre d'amiante. Quant aux sommes nécessaires pour l'achat ou la nationalisation de la Société Asbestos, on n'en tient pas compte pour le moment, tant que l'opération ne sera pas terminée. Enfin, tel qu'annoncé, le gouvernement introduira cette année une société d'exportation destinée à appuyer ce qui, dans les circonstances actuelles, est un des grands champs d'expansion possible de J'industrie québécoise. Trop d'entreprises, petites et moyennes en particulier, n'ont pas encore réussi à saisir tous les avantages qu'elles peuvent retirer du bouleversement des taux de change dont j'ai parlé pour que J'on ne cherche pas à mettre à leur disposition toute l'aide technique et financière dont le gouvernement est capable. Il reste une préoccupation à souligner qui me paraît sérieuse et qui pourrait devenir dramatique d'ici peu de temps. Les secteurs traditionnels du textile, du vêtement, de la chaussure et du meuble, qui, en 1977, ont perdu 20000 emplois et dont des pans entiers étaient menacés de disparition, ont été sauvés par des mesures radicales. Le gouvernement fédéral a accepté de poursuivre pendant trois ou quatre ans une politique de contingentement à la fois solide et sérieuse à l'égard de trois de ces secteurs. Le gouvernement du Québec a retiré toute taxe de vente sur les produits des quatre secteurs pendant un an. Comme je le signalais précédemment, la Société de développement industriel a vu ses pouvoirs de prêts et de subventions élargis d'urgence pour pouvoir aider ces secteurs. Le ministère québécois de l'Industrie et du Commerce a facilité de toute espèce de façons l'aide à l'exportation pour ceux qui voulaient en profiter. J'attends toujours les signes de la reprise des investissements dans ces secteurs; c'est pourquoi il est important que l'on s'entende bien sur l'objectif. Pendant trois ans, les gouvernements vont aider de façon exceptionnelle ces activités traditionnelles. On fera tout ce qui est nécessaire en fonction d'un objectif précis. C'est qu'au bout de trois ans, ces industries soient concurrentielles avec les producteurs des États-Unis et de l'Europe de l'Ouest. On ne leur demandera pas de l'être avec Taïwan ou la Corée. Ce n'est pas possible. Mais je dois solennellement avertir les dirigeants de ces industries qu'ils ne doivent pas compter, à l'expiration de ces trois années, sur un appui exceptionnel du gouvernement. Les réorganisations et la modernisation auxquelles ils doivent se livrer, c'est maintenant que cela doit se produire. Voilà pour les investissements privés et les gestes que l'État cherche à poser pour leur permettre de profiter de l'exceptionnelle conjoncture qui s'est présentée. Pour ce qui a trait aux investissements publics, j'ai eu l'occasion d'en dire un mot précédemment. Notre problème, comme gouvernement, est d'en accélérer la réalisation avec l'aide de nos partenaires des commissions scolaires et des conseils d'administration d'hôpitaux, de centres d'accueil ou d'universités. Tout ce qui était demandé n'a pas été accordé. L'augmentation de la construction est évidemment une priorité dans l'état actuel de l'économie. Mais les espaces disponibles attirent la clientèle et le personnel. Comme je l'indiquais l'an dernier, la nature immobilière, comme toute autre, a horreur du vide. Et le gouvernement ne va pas, d'une part, mettre l'accent sur un resserrement des personnels et, d'autre part, sur une expansion générale des superficies. Il n'en reste pas moins qu'après qu'on aura examiné les besoins, les plans d'équipement approuvés l'été dernier prévoient pour 1979-1980 une augmentation substantielle par rapport à l'année qui se termine. Dans la région métropolitaine de Montréal, en particulier, les investissements des réseaux de l'éducation et des affaires sociales doivent passer de $129 millions en 1978-1979 à $255 millions cette année. Si l'on ajoute à cela le démarrage des travaux sur le mât du stade olympique et le centre des congrès, tous ces projets approuvés vont jouer nettement dans le sens de l'expansion. À condition qu'ils soient réalisés! L'expérience des années antérieures n'est pas, à cet égard, particulièrement enthousiasmante. La direction du programme OSE, constituée des ministres d'État au développement économique, au développement social et à l'aménagement, va jouer à cet égard un rôle primordial. Un grand nombre des priorités économiques et sociales dont on a fait état précédemment seront réalisées sous sa surveillance. De même, si la réalisation technique des projets d'immobilisation dans le secteur public continue de relever des mêmes autorités que précédemment, la direction de OSE disposera de pouvoirs permettant d'accélérer ce qui tarde, de réveiller ce qui dort et de ramener ce qui s'égare. Le cinquième objectif, M. le Président, de la politique budgétaire a trait aux modifications dans le régime des impôts. Je ne ferai état à ce titre que des impôts du gouvernement. Tout ce qui a trait à la réforme de la fiscalité municipale sera regroupé au titre du sixième et dernier objectif de ce budget. Les modifications apportées cette année au régime des taxes et des impôts s'inscrivent sous quatre titres différents: les taxes de vente, certaines modifications à l'impôt sur le revenu des particuliers, les taxes et impôts qui s'appliquent aux compagnies et, pour finir, une mesure tout à fait nouvelle destinée à la fois à faciliter le financement des entreprises et à réduire les impôts de ceux qui y contribuent. Commençons par la taxe de vente. La première question à régler, celle qui est dans l'esprit de la plupart des citoyens, a trait à l'élimination pour un an de la taxe sur les vêtements, les chaussures, les textiles et les meubles, et qui vient à échéance dans quatre jours, soit le 31 mars. Je rappellerai pour mémoire que les six provinces qui avaient abaissé de 3% la taxe de vente, l'ont remontée à son niveau original, le 15 octobre 1978, que, dans les deux provinces où la réduction avait été de 2%, le retour au niveau antérieur s'est opéré tel que prévu le 31 décembre 1978 dans l'une, alors que la réduction fut maintenue en Colombie-Britannique. Et je rappelle aussi que l'Alberta n'a pas participé à l'exercice parce qu'elle n'a pas de taxe de vente. Au Québec, la situation est différente. Le fardeau fiscal des Québécois a été longtemps écrasant. L'an dernier, nous avons abordé une réforme générale de l'impôt sur le revenu des particuliers. Elle va encore se poursuivre jusqu'au début de 1980. Mais le fardeau fiscal total reste lourd. Et, après tout, ces économies que nous réaliserons sur les programmes de dépenses existants, ces efforts que nous entreprenons pour aligner les rémunérations globales du secteur public sur celles du secteur privé, il faut qu'ils servent à la population en général puisque c'est d'elle que l'État perçoit ses ressources et que c'est à elle qu'il est redevable de sa gestion. Évidemment, on doit rester à l'intérieur des marges de manœuvre disponibles et respecter les objectifs que nous avons décrits. Dans ces conditions et après avoir examiné les répercussions possibles sur chaque secteur industriel des mesures à prendre, j'annonce ce soir qu'à partir du 1er avril et sans limite de temps, une fois pour toutes, les vêtements de moins de $500, les chaussures de moins de $100 et les textiles ne seront plus taxés au Québec. Par vêtements, on entend aussi tous les accessoires présentement exemptés tels que sacs à main, ceintures, etc. Par chaussures, on entend toutes les chaussures, y compris, au nom d'un impératif culturel, les patins. Les pièces de tissu qui avaient été exemptées en avril dernier continueront de l'être. La mesure coûtera $170 millions en 1979-1980. Ce qu'il me reste à annoncer au sujet de la taxe de vente est évidemment moins spectaculaire mais n'est pas sans importance. Traditionnellement, au Québec, les sociétés d'État, les CEGEP, les hôpitaux, de même que les ministères ne paient pas de taxe de vente. Il y a deux conséquences à cet état de fait. D'une part, les mandataires, c'est-à-dire les commerçants qui perçoivent la taxe pour le gouvernement, sont forcés de tenir une double comptabilité et, advenant qu'ils se trompent quant à la destination ultime du produit, sont passibles de cotisations qui leur sont imposées parfois plusieurs années après la vente sans possibilité de les récupérer du client. D'autre part, certaines sociétés d'État livrent au secteur privé, à l'occasion de la préparation de soumissions publiques, une concurrence déloyale puisqu'elles ne sont pas assujetties à la taxe, alors que leurs concurrents le sont. Il est temps de sortir de cet état de fait qui, au mieux, est ridicule, au pire, inique, et en tous les cas exige du ministère du Revenu des contrôles absolument inutiles. Dans ces conditions, à partir de ce soir, minuit, tous les ministères, les agences gouvernementales et organismes financés par le gouvernement qui n'étaient pas assujettis aux taxes à la consommation devront les payer. Dans les crédits qui ont été déposés pour 1979-1980, on a ajouté les montants correspondant aux budgets des ministères et des réseaux en contre-partie de ce qu'ils devront maintenant payer. Il reste cependant un problème sérieux à régler à ce sujet: c'est celui de l'Hydro-Québec et de la Société d'énergie de la baie James. La nouvelle mesure leur ajoute des dépenses d'environ $20 millions par an. Or, comme on le verra à l'occasion de l'examen de la réforme de la fiscalité municipale, l'Hydro-Québec sera appelée à accroître nettement sa contribution au titre des en lieux de taxe municipale. Dans ces conditions, j'ai décidé d'éliminer la redevance de $20 millions par an que l'Hydro-Québec devait verser au Trésor québécois depuis 1973, ce qui n'avait jamais été modifié depuis ce temps et qui n'a aucune signification fiscale particulière, alors qu'au contraire le paiement des taxes de vente et des taxes foncières par l'Hydro-Québec et ses filiales a un sens beaucoup plus précis: celui de la vérité des coûts et des prix. En tout cas cette extension de la taxe de vente au secteur public rapportera au Trésor un montant net d'une vingtaine de millions de dollars, à cause en particulier de la contribution de plusieurs sociétés d'État et de l'élimination de l'évasion fiscale que le système actuel engendrait. La dernière modification à la taxe de vente est marginale mais corrige une autre des nombreuses anomalies de cette taxe. On ne sait sans doute pas qu'un horticulteur, un pépiniériste ou un cultivateur qui vend des arbustes, des arbres, des bulbes ou des plantes qui sont le produit de son exploitation ne doit pas faire payer la taxe de vente au client. Mais si ce qu'il vend a été acheté d'un voisin ou d'un fournisseur, la taxe est exigible. On abolira dorénavant cette distinction un peu ridicule et toute vente de bulbes, d'arbustes, d'arbres ou d'autres plantes, à l'exclusion des fleurs coupées ou artificielles, sera exemptée de taxe. Le Trésor public y perdra $2 millions et une foule de contrôles disparaîtront. Les mesures qui affectent l'impôt sur le revenu sont plus nombreuses que celles qui touchent la taxe de vente et elles ont au moins autant d'importance. J'ai déjà indiqué que la décision du gouvernement fédéral de distribuer $85 à la plupart des contribuables québécois comme contribution à la baisse temporaire de la taxe de vente a provoqué un déficit additionnel de $185 millions dans la trésorerie du gouvernement, gonflé temporairement le niveau des emprunts et, pour financer l'opération, forcé le report de l'indexation des exemptions personnelles d'un an. L'an dernier, j'avais indiqué que le taux d'indexation pour 1979 serait de 6% et que, chaque année, le ministre des Finances annoncerait le taux de l'année à venir, selon un équilibre à maintenir entre le taux d'inflation prévu et les ressources disponibles. J'annonce donc que, pour l'année 1980, le taux d'indexation sera à nouveau de 6%. Cela signifie qu'à compter du 1er janvier 1980, c'est-à-dire dans neuf mois, toutes les exemptions personnelles devraient être augmentées cumulativement de 12,36%. On arrondira plus simplement à 12,5%. Toutes les exemptions personnelles seront touchées. L'exemption des célibataires passera le 1er janvier prochain de $3600 à $4050. L'exemption de personne mariée passera de $6300 à $7090. L'exemption additionnelle pour les 65 ans et plus passera de $1500 à $1690, alors que celle pour les enfants de 16 et 17 ans et celle pour les 18 ans et plus s'établiront à $620 et $1020 respectivement. Tous les contribuables sans exception profiteront de cette mesure. Selon que l'on est célibataire ou marié, que l'on ait des enfants de 16 ans et plus à charge, que le revenu soit plus ou moins élevé, la baisse des impôts sera au minimum de $60 et au maximum de $320. Tous ceux dont l'impôt est retenu à la source verront leur impôt réduit en conséquence dès le 1er janvier 1980. Cette mesure coûtera au Trésor public $280 millions pour une année entière. Elle assurera enfin la réalisation d'une promesse qui n'était toujours pas tenue et qui, à cause de nos démêlés avec le gouvernement fédéral, ne pourra enfin entrer en vigueur que dans neuf mois. L'élimination de la taxe de vente sur les vêtements, les textiles et les chaussures et l'indexation des exemptions personnelles impliquent une réduction importante du fardeau fiscal des particuliers. D'autres amendements à l'impôt sur le revenu seront maintenant proposés qui s'appliquent à des groupes spécifiques et qui correspondent soit à des anomalies, soit à ce qu'on peut considérer comme des injustices. La première de ces mesures a trait à la contribution des particuliers à un régime enregistré de retraite. Certains de ces régimes auxquels contribuent l'employeur et l'employé impliquent une contribution de l'employé supérieure à la déduction maximum prévue actuellement par la loi, c'est-à-dire $3500. L'excédent est donc taxable et la pension que l'intéressé tirerait quelques années plus tard serait aussi taxable. C'est un cas patent de double taxation. À partir de l'année d'imposition 1979, la déduction maximum admissible pour un régime enregistré de retraite sera de $5500. Pour un bon nombre de contribuables à revenus élevés le gain est appréciable et parfaitement justifiable. En second lieu, tout contribuable peut soustraire de son revenu imposable les premiers $1000 de revenus nets de dividendes majorés et de revenus d'intérêt à condition que ses revenus d'entreprise ne dépassent pas 25% de ses revenus totaux. Cette mesure est discriminatoire à l'égard d'une foule de petits commerçants ou de petits entrepreneurs. C'est pourquoi j'annonce qu'à partir de l'année d'imposition 1979 la restriction est supprimée. Tous les contribuables auront droit dorénavant à cette exemption de $1000. En troisième lieu, les modifications apportées l'an dernier aux frais d'automobiles déductibles du revenu imposable ont permis de contrôler toutes sortes d'abus et, en dépit de bien des protestations, elles ont rétabli une meilleure équité fiscale entre les salariés et les travailleurs autonomes. Parmi toutes les protestations que j'ai reçues et que j'ai fait analyser, une me paraît avoir un certain mérite. C'est celle qui a trait au plafond imposé au coût en capital des automobiles. J'avais fixé à $7500 le plafond pour une voiture de tourisme ordinaire et à $9000 pour une familiale. Compte tenu des prix actuels et compte tenu que la voiture d'un vendeur itinérant est souvent pour lui une forme de publicité, j'annonce ce soir que ce plafond est porté à un niveau unique de $12000 et que les plafonds s'appliquant au coût de location déductible du revenu sont aussi augmentés à $4800 et à $650 selon qu'il s'agit d'automobiles utilisées uniquement à des fins d'affaires ou aussi à des fins personnelles. Quatrièmement, j'annonce qu'à partir de cette année le maximum qu'un contribuable pouvait déduire pour la garde de ses enfants, soit $1000 par année, est doublé. Ce n'est que justice. Lorsqu'un conjoint décide de travailler et doit faire garder ses enfants, les frais de garde ne peuvent être autrement considérés, en vertu de nos principes fiscaux, que comme des dépenses en vue de gagner un revenu. Or, de nos jours, on ne fait plus garder ses enfants pour $20 par semaine. Le coût est souvent le double de ce montant. Dans ces conditions, il me paraît raisonnable de permettre de soustraire du revenu imposable jusqu'à $2000 par année et par enfant pour les frais de garde et ce, jusqu'à un maximum de $6000. Les autres dispositions de la Loi des impôts qui portent sur le même sujet seront ajustées en conséquence. On trouvera la description de ces ajustements à l'annexe intitulée Renseignements supplémentaires Impôts. Cinquièmement, des modifications seront apportées à la Loi sur les impôts de façon que des contribuables mariés en communauté de biens soient traités comme ceux mariés en séparation de biens et que, peu importe le régime matrimonial, il n'y ait aucun coût fiscal en conséquence de la cessation de la vie en commun. Enfin, je propose qu'à partir de 1979, les contributions à une association de salariés soient déductibles du revenu imposable au même titre que les contributions imposées par les ordres professionnels reconnus et les cotisations syndicales. À l'égard de la taxation des entreprises, trois changements sont prévus. J'annonce ce soir une transformation complète de la taxation sur le capital et les places d'affaires. Le régime québécois à ce sujet date de 1882 et les transformations qu'on lui a apportées "ont compliqué mais ne l'ont pas rendu moins vétuste. Les compagnies doivent, pour chacun de leurs établissements, payer une taxe sur les places d'affaires qui peut atteindre $50 par an. Même, les compagnies inopérantes sont tenues de payer une taxe annuelle de $20. La majorité des compagnies en opération doivent en outre payer 0,2% par an de leur capital versé. Dans le cas des banques, des compagnies de prêts et de fiducie, le taux est de 0,1%. Cela, c'est le principe général. Mais il y a une foule d'exceptions. Ainsi, sans doute parce qu'autrefois un journal, aujourd'hui disparu, plaisait particulièrement au gouvernement de l'époque, toutes les corporations ayant pour but la publication d'un journal furent exemptées de la taxe. Par ailleurs, le capital versé est remplacé comme assiette selon les secteurs par d'autres critères tels le nombre de milles de rail ou le chiffre d'affaires. Je propose que les taxes sur les places d'affaires et sur les corporations inopérantes qui deviendraient payables après le 1er avril 1979 soient abolies et que le taux de la taxe sur le capital versé soit porté pour toutes les corporations opérantes, à compter du 1er avril 1979, à0,3%, sauf pour les banques et les compagnies de prêts ou de fiducie pour lesquelles le taux est porté à 0,6%; la taxe minimum étant fixée à $100 dans tous les cas. Ce sont là les taux imposés en Ontario. On pourra arguer, dans certains milieux, que le Québec n'a peut-être pas intérêt à aligner ses taux d'impôt sur ceux de la province voisine et qu'au contraire il devrait se garder un peu de marge. On ne doit pas oublier que le taux ontarien sur les profits des compagnies est de 13% et qu'au Québec, il demeure fixé à 12%. La définition du capital versé est modifiée pour inclure la totalité des emprunts bancaires et des prêts des actionnaires, de même que les dettes dues depuis plus de six mois, impayées à la fin de l'année, et l'achalandage. Enfin, cette taxe qui était payable annuellement d'avance sera désormais payable mensuellement, comme c'est déjà le cas pour l'impôt corporatif. Sans doute la hausse des taux de la taxe sur le capital versé telle que je viens de la redéfinir rapportera $40 millions. Il faut signaler, cependant, que cette taxe est entièrement déductible du revenu imposable des sociétés. Comme Ottawa perçoit la plus grande part de l'impôt sur les profits des corporations, le gouvernement fédéral paiera, en fait, une dizaine de millions de dollars sur les $40 millions qui entreront à Québec. L'ancienne taxe sur le capital comportait, en plus de la taxe de base que je viens de décrire, une surtaxe spéciale sur les entreprises de téléphonie. Cette surtaxe date de 1949 et avait été imposée à l'époque pour aider au financement de l'éducation. Elle est 1/3 de 1% du capital versé supérieur à $1 million. En 1979, elle devrait rapporter quelque $8 millions. Néanmoins, l'an dernier, un amendement apporté à l'article 100 de la Loi sur l'évaluation foncière permettait au ministre du Revenu de remplacer la taxe foncière imposée sur la base de 10% des revenus nets des entreprises de télécommunications par une taxe représentant, comme en Ontario, 5% des revenus bruts. Cela veut dire que pour 1979, l'effort fiscal exigé des compagnies de téléphonie passe de $18 millions à $51 millions. Dans ces conditions, la taxe spéciale sur le capital des mêmes compagnies n'a plus de raison d'être et devient même discriminatoire. La taxe qui deviendrait donc payable après le 1er avril 1979 est abolie. Enfin, on terminera cette longue nomenclature de changements apportés aux lois fiscales par l'énoncé d'une mesure applicable à l'industrie minière. Un des objectifs fondamentaux de la politique minière du Québec 'est l'augmentation des réserves connues de minerai. Afin d'encourager la recherche de nouveaux gisements, les frais d'exploration et de mise en valeur engagés sur le site d'une mine souterraine, après l'entrée en production, seront des dépenses se qualifiant pour l'allocation d'exploration d'un dollar pour chaque trois dollars de dépenses. Toutefois, cette disposition ne s'appliquera pas à une exploitation de minerai de fer de titane ou d'amiante. De plus, l'exemption de base du profit annuel dans le calcul des droits miniers est portée de $150000 à $200000 et afin de mieux refléter la nature du cycle minier, les pertes pourront être reportées sur quatre ans plutôt que deux ans aux fins du crédit des droits miniers. Voilà l'essentiel des modifications qui sont apportées aux taxes et impôts cette année à l'exception d'une mesure, à mon sens, majeure, que je vais maintenant décrire. Son coût ne peut être chiffré; elle peut coûter cher ou fort peu. Mais, pour des raisons qui apparaîtront rapidement, plus elle coûtera cher, mieux l'économie s'en portera et plus les ressources de l'État augmenteront par les voies habituelles de l'impôt et des taxes à la consommation. Rien ne serait plus agréable, plus sain et, au fond, plus payant pour l'économie et pour l'État que de constater qu'une telle mesure coûtera cher. Pour comprendre ce dont il s'agit, revenons à la réforme de l'impôt mise en branle l'an dernier. On a attaqué les dispositions en vertu desquelles le fardeau fiscal des hauts revenus, et en particulier des cadres d'entreprises, était accru. Et pendant plusieurs mois, on a fait circuler des comparaisons avec l'Ontario, montrant le fardeau additionnel que le cadre québécois devrait payer. On n'a pas, à mon sens, suffisamment indiqué à quel point, de toute façon avant la réforme, on payait plus d'impôt au Québec qu'en Ontario quel que soit le niveau de revenu. On n'a pas indiqué suffisamment que, depuis la réforme et pour la première fois, l'ouvrier québécois dont le conjoint ne travaille pas à l'extérieur et qui gagne $15000 paie moins d'impôt qu'en Ontario. On n'a pas non plus suffisamment insisté sur le fait que si on se compare à d'autres provinces, à la Saskatchewan, par exemple, les écarts sont beaucoup plus faibles même si le Québec, pour les hauts revenus, reste en tête de liste. On a fait grand état de la difficulté de recruter des cadres au Québec même si, dans le monde d'aujourd'hui, les mêmes compagnies qui se plaignent de cette difficulté recrutent des cadres pour leurs opérations en Suisse et en Allemagne à des coûts qui sont le double de ce qu'ils sont ici. En somme, on a fait beaucoup de bruit. En partie, sans doute justifiable, en partie, exagéré. La comparaison systématique avec l'Ontario ne facilitait pas le dialogue dans la mesure où cette province a la plus régressive des structures d'impôt au Canada; ses ouvriers sont les plus taxés et ses millionnaires les moins taxés. D'autre part, on a reproché au gouvernement du Québec non pas seulement de ne rien faire pour retenir les sièges sociaux qui sont situés au Québec, mais même d'en précipiter le départ. En troisième lieu, on a toujours soutenu, et cela remonte à bien plus d'un an, qu'il n'y a jamais eu suffisamment de capital de risque au Québec et que c'est une des raisons centrales pour lesquelles les intérêts extérieurs sont si souvent responsables du lancement et de la prise en charge d'entreprises. De toute façon, on cherche depuis des années le moyen de faciliter le financement des nouvelles entreprises ou l'agrandissement des entreprises existantes. Et l'on déplore, en même temps, que tant d'entreprises assument des charges d'intérêts bien trop fortes en ayant beaucoup trop peu de capital-actions et beaucoup trop de dettes. D'ailleurs, le récent sommet économique confirmait ce diagnostic et certaines propositions qui ont été exprimées présentent un intérêt certain. Sans préjuger de ce que les discussions de la conférence de Montebello pourront apporter dans l'avenir, la mesure suivante devrait permettre de pallier plusieurs des difficultés que nous avons notées. Elle est si simple qu'elle devrait être efficace. J'annonce qu'un résident québécois qui achètera de nouvelles actions d'entreprises québécoises pourra déduire ses achats de son revenu. Ainsi, dès l'année d'imposition 1979, tout particulier pourra soustraire de son revenu, en plus de ses contributions aux régimes enregistrés de retraite, d'épargne-retraite et d'épargne-logement, ses achats nets de nouvelles émissions d'actions ordinaires admissibles à un régime d'épargne-actions. L'ensemble de ses déductions pourra atteindre 20% du revenu gagné sans toutefois excéder $15 000. Les actions admissibles devront satisfaire certaines conditions. Il doit s'agir, comme je viens de l'indiquer, de nouvelles actions ordinaires comportant un droit de veto, acquises sur le marché primaire. Deuxièmement, ces actions doivent être émises après le 27 mars 1979 par une corporation publique conformément à l'autorisation habituelle de la Commission des valeurs mobilières du Québec. Troisièmement, elles doivent être émises par des compagnies dont le siège social, dans sa réalité et non pas dans sa coquille légale, ou la principale place d'affaires est situé au Québec. Quatrièmement, ces actions pourront être émises par n'importe quel genre de corporations qui remplissent ces conditions, sauf les corporations dites de placement. Cependant, le mouvement coopératif ne doit pas être exclu des avantages que les dispositions précédemment esquissées vont apporter aux actionnaires des compagnies. Les coopératives n'émettent pas normalement d'actions, mais elles ont des besoins de fonds pour poursuivre expansion des sociétés qu'elles contrôlent ou qu'elles cherchent à acquérir. On autorisera les caisses d'épargne et de crédit et les sociétés coopératives à constituer, en vertu des lois actuelles, des sociétés de placement dont les actions seront admissibles aux privilèges fiscaux dont on vient de faire état. Rien n'empêche cependant que ces lois puissent être réexaminées advenant qu'elles soient considérées comme trop restrictives. L'avantage fiscal dont on vient de faire état est considérable; il ne doit pas toutefois être fictivement obtenu. En somme, il faut éviter qu'un contribuable achète des actions le 29 décembre pour les revendre le 2 janvier. D'un autre côté, il ne faut pas faire en sorte que l'actionnaire soit pour ainsi dire gelé pendant des mois ou des années dans des titres qu'il pourrait revendre à profit. On tiendra compte chaque année du stock net d'actions admissibles, évalué au coût entre le début et la fin de chaque année. Advenant que le stock net baisse dans les deux années qui suivent, l'avantage fiscal relié à cette baisse devra être remboursé. De telles dispositions assureront que l'investissement dans de nouvelles actions en est un véritable. Veut-on un exemple de ce que cette mesure indique? Un contribuable marié gagne $80 000. En Ontario, cette année, il paierait, s'il a deux enfants, $30707 d'impôt. Au Québec, il en paierait $36112. L'écart est donc de $5 405. Supposons qu'il ne place que $3500 dans un régime enregistré d'épargne-retraite et qu'à ce niveau de revenu il y a longtemps qu'il a acheté une maison. Il achète toutes les actions admissibles que la loi lui permet. Son impôt à payer tombe de $3765. Il paie toujours un peu plus d'impôt qu'en Ontario ($1640) mais il paie toutefois $1000 de moins qu'il le faisait avant la réforme de l'an dernier. Selon les mêmes hypothèses, examinons le cas d'un cadre qui gagne $50000. En 1979, il paierait $2583 d'impôt de plus qu'un cadre de l'Ontario au même niveau de revenu. S'il profite au maximum des mesures que je viens d'annoncer, son impôt tombe de $1873. L'écart avec son collègue ontarien n'est plus que de $710 par an, soit pas tout à fait deux paquets de cigarettes par jour. Et il achète ses vêtements et ses chaussures sans taxe. Et sa maison à Montréal lui coûte moins cher qu'à Toronto. On devrait ainsi désamorcer l'espèce de révolte des bien nantis à laquelle on assiste depuis un an. La courbe d'impôt sur le revenu des particuliers au Québec va demeurer très progressive. Elle correspond aux objectifs d'un gouvernement social-démocrate et on s'étonne toujours de constater que, dans certains milieux, on se surprend de ne pas y voir les objectifs d'un gouvernement de droite. Il y a moyen, cependant, pour ceux qui ont des revenus élevés, d'abaisser substantiellement leurs impôts: c'est d'investir dans le Québec, plutôt qu'à Nassau, en Floride ou en Alberta. L'investissement au Québec deviendra davantage payant, et ce n'est pas n'importe quel investissement qui sera admissible. Il faudra que ce soit des actions, donc du capital de risque. La mesure que l'on vient de décrire peut être utilisée par tous les contribuables. Elle est orientée surtout vers ceux qui ont le plus les moyens de prendre des risques. La plupart de ceux qui ont des revenus élevés ont une profonde confiance dans le régime capitaliste. Le fondement même du capitalisme est que celui qui retire un profit prend des risques. C'est très exactement ce que le gouvernement offre par la mesure que j'annonce ce soir. Évidemment, il y a risque et risque. Des actions de compagnies de services publics offrent davantage d'assurance que des actions de nouvelles compagnies. Il est cependant à prévoir que pendant un certain temps, on manquera d'actions sur le marché pour satisfaire la demande. Ce qui est excellent pour assurer le lancement ou l'agrandissement des entreprises moins connues que les quelques-unes dont les titres ornent déjà les portefeuilles les mieux garnis. Quant à l'administration de cette mesure, elle posera peu de difficultés. Toute émission admissible sera indiquée comme telle sur le prospectus approuvé par la Commission des valeurs mobilières du Québec. Quant à la détermination de l'acquis net de telles actions au cours d'une année, elle sera établie à partir du récépissé de garde en dépôt émis à la fin de chaque année par un courtier en valeurs mobilières. Les baisses d'impôts, M. le Président, et de taxes que nous avons pu annoncer jusqu'à maintenant procèdent d'une gestion prudente des fonds publics qui nous permet de transmettre aux contribuables la majeure partie des économies réalisées. On constatera le même genre de préoccupation à l'occasion de l'examen que nous amorçons maintenant de la réforme de la fiscalité municipale. C'est le sixième grand objectif que le présent budget cherche à atteindre. Cela a demandé beaucoup de temps, beaucoup d'efforts et une infinie diplomatie que d'amener une sorte de concordance entre les intérêts et les orientations du gouvernement, des grandes villes, de l'Union des municipalités et de l'Union des conseils de comté. C'est pourquoi, avant même d'aborder cette question, je veux souligner le rôle essentiel joué à cet égard par le ministre des Affaires municipales et, à titre de président du comité conjoint, par le sous-ministre des Affaires municipales. La réforme dont le gouvernement jette les bases cette année est au confluent de deux mouvements politiques complètement contradictoires qui s'opposent depuis des années, qui n'ont jamais été réconciliés et qui, d'ailleurs, ne pouvaient pas l'être. Les municipalités insistent depuis des années pour que, tout en étant des créatures du gouvernement du Québec, elles disposent de la plus grande autonomie fiscale. Une ville peut, en effet, se doter de services plus ou moins nombreux, plus ou moins coûteux, plus ou moins luxueux. Il y a une telle variété dans ce que les citoyens peuvent vouloir ou refuser que les conseils municipaux insistent pour qu'il y ait un rapport direct entre le coût des services municipaux et la taxation locale. Ainsi, le citoyen sera en mesure de savoir clairement et directement combien lui coûte ce qu'il demande. La taxation foncière en tant que principale source de financement local présente certains inconvénients sur le plan de l'équité sociale, mais elle a l'avantage de refléter rapidement le coût d'une foule de demandes que le contribuable peut formuler. Cela n'est possible, évidemment, qu'à la condition que le financement local représente l'essentiel des ressources d'une municipalité et, donc, que tout changement dans les besoins ou les demandes du contribuable ait des répercussions sur son niveau. Or, à cette équation intelligible, cohérente entre les dépenses désirées et les ressources locales, s'est substitué avec le temps un régime bien différent. Une bonne partie de la taxation foncière est demeurée entre les mains des commissions scolaires. Les besoins des municipalités, aussi parcimonieux que soient leurs contribuables et leurs conseils, ont rapidement dépassé ce qu'elles pouvaient raisonnablement aller chercher dans le champ de l'impôt foncier. Et le gouvernement du Québec s'en est mêlé pour des raisons qui n'étaient pas toujours celles des exigences de l'équilibre financier. Je rappelle, M. le Président, que la réforme scolaire des années 1960 a fait disparaître bien des gestes du Prince à l'égard des "groupes méritants" et du patronage local. À partir du moment où les dépenses scolaires étaient normalisées, où l'impôt foncier était lui aussi normalisé et où le gouvernement payait automatiquement les subventions nécessaires pour combler l'écart entre les deux, les pèlerinages à Québec des administrateurs scolaires tombèrent radicalement. On se rabattit sur les municipalités. Il ne faut pas, cependant, être trop méchant dans les jugements que l'on porte. Il y eut, bien sûr, depuis une quinzaine d'années, des tentatives d'augmenter les ressources des municipalités de façon neutre, automatique et sans pèlerinage. Tels furent, par exemple, le transfert de deux points de taxe de vente aux municipalités, assujetti à une formule de péréquation et aussi le paiement de montants per capita variables selon la population des villes. De telles tentatives d'augmenter les ressources des municipalités, aussi méritoires qu'elles voient, violaient cependant le principe de leur autonomie de gestion et de leur responsabilité fiscale. Certains villages n'ont toujours pas besoin aujourd'hui de taxe foncière, leur quote-part de taxe de vente suffisant largement aux besoins modestes qu'ils se sont fixés. Des services ni très urgents, ni très apparents sont acceptés grâce aux versements du gouvernement, alors qu'ils seraient scrutés à la loupe et probablement éliminés si le contribuable local était conscient d'avoir à les payer. Il va de soi, cependant, que tous les gestes gouvernementaux d'aide aux municipalités n'ont pas été marqués du sceau de la neutralité et de l'universalité. Une foule de programmes de subventions ont été élaborés pour subventionner n'importe quoi d'un allongement d'aqueduc aux cours de macramé, en passant par l'entretien des trottoirs, l'achat de camions-pompes, la pose de digues, la construction de centres communautaires, le creusage des cours d'eau, l'éclairage de terrains de baseball et l'épuration des eaux. Plus les subventions sont abondantes, plus les demandes sont nombreuses. Ministres, députés, maires, conseillers municipaux, gérants de municipalités, directeurs des services des loisirs, sans compter des bataillons de fonctionnaires, gaspillent des trésors de temps et d'imagination, exercent des pressions en tout genre, multiplient les lettres, les appels téléphoniques et les voyages pour débloquer des sommes souvent dérisoires mais qu'il faut bien obtenir sous le prétexte que l'on serait accusé de ne pas faire son travail si on ne les obtenait pas. Au prix où on paie les élus et les fonctionnaires, certaines subventions de $5000 ou de $10000 coûtent bien plus en salaire et en frais pour les obtenir. S'imaginer cependant que le contribuable reste responsable d'un tel chassé-croisé est totalement illusoire. Dans un bon nombre de cas, après avoir obtenu, à bon compte, ce dont il n'avait pas toujours besoin, il finit par hériter de dettes à payer, une fois que l'agitation politique est terminée et que le solde des dépenses doit être emprunté. Longtemps, les gouvernements ont hésité quant à la voie à suivre. Petit à petit, cependant, et avec de plus en plus de persistance, les représentants des élus municipaux ont demandé puis exigé que l'on reconnaisse la pleine responsabilité des villes et des villages sur leurs revenus et leurs dépenses. Depuis plus de dix ans, ce principe revient comme un leitmotiv. Déjà, l'an dernier, le Conseil des ministres avait examiné un projet qui allait, pour l'essentiel, dans le sens des demandes municipales. Le projet n'était pas encore au point. A l'occasion de la conférence Québec-municipalités, il faut décidé de créer un comité conjoint composé de membres de l'Union des municipalités, de l'Union des conseils de comté, de représentants de la Conférence des maires de la banlieue de Montréal, des communautés urbaines et régionales, des plus grandes villes du Québec et du ministère des Affaires municipales. Le projet gouvernemental fut soumis à ce comité. Il subit plusieurs modifications et le comité remit son rapport qui en retenait plusieurs aspects et en éloignait d'autres. Après avoir examiné le rapport du comité conjoint, le gouvernement en retient à son tour la plupart des conclusions et communique, à l'occasion du discours sur le budget, les décisions auxquelles il en est venu à l'égard de cette réforme de la fiscalité municipale qui entrera en vigueur le 1er janvier 1980. Je n'en esquisserai dans ce qui suit que les grandes lignes. La description détaillée apparaît dans un document publié en annexe au discours sur le budget, intitulé "La réforme de la fiscalité municipale", et qui sera distribué à partir de ce soir à tous les conseils municipaux du Québec. Ce document se compose de deux parties tout à fait distinctes. D'une part, pour ce qui a trait à la réforme de la fiscalité des municipalités, il dresse la liste des décisions qui ont été prises par le gouvernement. D'autre part, à l'égard du financement des communautés urbaines, il dresse une série d'hypothèses qui devront être discutées par le comité conjoint (augmenté d'une représentation adéquate de ces communautés) de façon que le gouvernement puisse se prononcer d'ici l'automne prochain et que la réforme du financement des communautés urbaines puisse entrer en vigueur aussi au début de 1980. La réforme de la fiscalité des municipalités, telle qu'elle est maintenant déterminée, est basée sur quelques principes simples. Un an de discussions aura simplifié la formule plutôt que de la compliquer. Premièrement, l'impôt foncier scolaire normalisé est aboli le 1er janvier 1980. Les municipalités établiront dans l'espace fiscal ainsi libéré la taxation foncière qu'elles jugent appropriée. Deuxièmement, on élargira l'assiette de l'imposition foncière de la façon suivante. D'une part, un certain nombre de biens-fonds actuellement exemptés, tels les quais de port de mer, les cheminées d'usine, les assises de machinerie, en somme tout le folklore traîné depuis des années, seront taxables comme tous les biens fonciers. D'autre part, le gouvernement paiera dorénavant aux municipalités les taxes correspondant à 100% de la valeur foncière de ses propres immeubles, à 80% de la valeur des hôpitaux, des universités, des CEGEP, des CLSC et, d'une façon générale, des immeubles des réseaux autres que ceux qui appartiennent aux commissions scolaires. Enfin, dans le cas des écoles primaires et secondaires, le gouvernement paiera 40% de la valeur imposable. On se demandera, sans doute, pourquoi ne pas payer 100% sur tous ces immeubles publics. La réponse est simple. Étant donné le contenu de la réforme, une pleine compensation de cet ordre coûterait trop cher, compte tenu de l'argent dont le gouvernement dispose actuellement pour les municipalités en fonction de ses autres priorités. Troisièmement, et contrairement à ses intentions initiales, le gouvernement laisse aux municipalités la taxe d'affaires. Pour éviter, cependant, de trop grands écarts entre la taxation des immeubles résidentiels et celle des immeubles commerciaux et industriels, cette taxe sera plafonnée à , 50% du taux global de taxation sur la base foncière des biens-fonds industriels et commerciaux dans les municipalités indépendantes, et à 662/3% dans celles qui sont incorporées aux communautés urbaines, y compris les villes de Laval et de Longueuil. En quatrième lieu, la modification apportée au régime d'imposition des secteurs des télécommunications, de production et de distribution d'électricité et de gaz', amorcée l'an dernier, basée sur les recettes brutes de ces compagnies et donnant lieu à une répartition entre les municipalités, ajoutera $73 millions à leurs revenus. Au total, M. le Président, c'est $908 millions de ressources autonomes que recevront ainsi les municipalités, qu'elles peuvent - sauf dans le dernier cas cité - aller chercher en totalité, en partie ou pas du tout selon leurs besoins et les demandes de leurs citoyens. Il va de soi qu'un tel montant ne peut équivaloir à la contribution nette du gouvernement. Il n'en a pas les moyens. Il doit donc abolir une série de transferts qu'il assurait jusqu'ici aux municipalités. Premièrement, les transferts de taxe de vente seront abolis, de même que la part des municipalités de la taxe sur les repas et l'hôtellerie. Deuxièmement, les subventions per capita seront aussi retirées. De même seront, par concordance, retirés les versements de taxes sur les immeubles des réseaux basés sur le nombre d'étudiants ou de lits d'hôpitaux. Troisièmement, un bon nombre de subventions conditionnelles dont on a discuté précédemment seront abolies à partir de 1980. Toutes ne le seront pas. Certaines correspondent à des politiques définies du gouvernement et auxquelles il ne renoncera pas tant qu'elles n'auront pas donné les résultats qu'il en attend. Tel est le cas, par exemple, des aqueducs dans les petites municipalités qui souffrent encore de rareté d'eau potable. Mais il est clair que graduellement un bon nombre de subventions seront abolies. Arrêtons-nous là un instant. Si on n'allait pas plus loin, c'est plus de $300 millions d'espace fiscal qui serait ainsi annuellement dégagé pour les municipalités. C'est encore supérieur aux ressources que l'on a les moyens de leur consentir et on verra plus loin comment on entend réduire encore un peu cette marge. Dès maintenant se pose le problème de savoir quel genre de péréquation existera entre les municipalités disposant d'une matière taxable abondante et celles qui ont une matière plus restreinte. Deux gestes seront posés, à cet effet, à l'égard des municipalités elles-mêmes et un autre sera rappelé qui s'applique aux particuliers. Un fonds de péréquation sera créé dont les ressources seront appliquées principalement aux municipalités de moins de 5000 habitants pour permettre aux moins prospères d'entre elles et qui, néanmoins, se sont astreintes à un effort fiscal raisonnable, de faire face à certains services élémentaires. On envisage dès la première année de la réforme d'affecter $20 millions à ce fonds. D'autre part, le gouvernement garantira à toutes les municipalités le même montant qu'elles tirent de la situation présente plus $10 per capita et par an. Au bout de trois ans, la situation de celles qui bénéficieront de cette garantie sera réévaluée. Enfin, et ceci a une portée plus grande, la véritable péréquation des charges municipales sera assurée dès cette année par le crédit d'impôt foncier annoncé l'an dernier à l'occasion du discours sur le budget. On rappellera que le gouvernement remboursera 40% des taxes foncières jusqu'à un maximum de $400, moins 2% du revenu imposable du ménage. Ce crédit d'impôt est remboursable même à ceux qui n'ont pas les moyens de payer de l'impôt sur le revenu. Il sera aussi bien accessible aux propriétaires qu'aux locataires. Ces derniers recevront de leurs propriétaires un état de la quote-part de la taxe foncière affectée à leur logement. Ainsi, un contribuable qui a peu de moyen mais qui habite dans une ville où les taxes sont élevées recevra un remboursement d'une partie de ses taxes. Il touchera ce remboursement dès les premiers mois de 1980 quand il aura produit sa déclaration d'impôt pour 1979. Revenons à la réforme de la fiscalité municipale. Tout ce qui a été mentionné jusqu'ici entrera en vigueur, comme on l'a indiqué, le 1er janvier 1980. Il nous faut maintenant aborder la réforme de la fiscalité des communautés urbaines et régionales, c'est-à-dire celles de Montréal, de Québec et de l'Outaouais. Je propose à cet effet des balises ou des orientations à l'égard desquelles d'ailleurs on trouvera beaucoup plus de détails dans l'annexe au discours sur le budget qui porte sur la réforme de la fiscalité municipale. Encore faut-il s'entendre. Autant toutes les mesures précédentes, après plus d'un an de discussions, sont maintenant arrêtées, autant ce qui suit est essentiellement discutable, au sens étymologique du mot, et négociable. Il apparaît, en premier lieu, exorbitant de donner un droit direct de taxation à des communautés urbaines dont les membres ne sont pas élus à leur poste au suffrage universel. Il est donc proposé de supprimer ces taxes directes. On supprimerait aussi ces subventions accordées chaque année par le gouvernement du Québec à la suite souvent de pressions aussi peu rationnelles que disgracieuses. Les communautés urbaines seraient donc financées par les quote-parts des municipalités membres. Ces quote-parts seraient essentiellement basées d'ailleurs sur un indice de richesse foncière applicable à chaque municipalité. Le gouvernement maintiendrait, en outre, ses subventions au transport en commun. Il cesserait cependant de les payer sur la base d'un pourcentage du déficit encouru par chaque réseau, ce qui n'est pas exactement un moyen d'encourager l'efficacité des opérations. De la même façon qu'il finance la quasi-totalité des constructions du réseau routier, l'État assumerait la plus grande partie des coûts d'immobilisation du transport en commun. Il financerait, en outre, une fraction définie des revenus autonomes des commissions de transport. Enfin, l'usager sera protégé contre les hausses de tarifs dans la mesure où on ne lui demandera pas plus que ce qu'on demande de l'automobiliste pour l'entretien et la construction des routes. Sur la base de toutes ces hypothèses qui, encore une fois sont appelées à être discutées et dont tous les détails devront être scrutés, on a établi le bilan suivant. Je dépose, M. le Président, le tableau 2 qui fait partie du discours sur le budget. Si les municipalités occupaient tout l'espace fiscal qui leur est ainsi alloué par la réforme, elle recevrait $264 millions de plus de ressources. Dans la même hypothèse, les particuliers verraient leurs taxes foncières baisser de $57 millions, les entreprises verraient les leurs augmenter de $82 millions dont $64 millions pour les seules entreprises de télécommunications, d'électricité et de gaz, et le gouvernement paierait $256 millions de plus que ce qu'il contribue actuellement. Pour les particuliers, il faut ajouter que le crédit d'impôt foncier leur rapportera en outre plus de $80 millions. Et comme toutes les municipalités n'auront, en fait, pas besoin de tout l'impôt foncier qu'on leur libère, l'économie pour les particuliers n'en sera que plus élevée. On pourra en apprécier l'étendue dès le début de 1980. Il nous reste, sur le plan de la fiscalité locale, à examiner brièvement deux questions: l'impôt foncier scolaire et le financement des conseils de comté. Pour ce qui est de l'impôt foncier scolaire pour l'année 1979/80, les commissions scolaires percevront l'équivalent d'un demi-compte de taxe en appliquant un taux de $0.50 par $100 d'évaluation sur la base de l'évaluation imposable de l'année 1977/78 accrue de 10%. En outre, un comité conjoint a été créé avec es commissions scolaires pour examiner l'usage lui doit être fait de ce qui leur est laissé de l'impôt foncier scolaire, c'est-à-dire ce qui jusqu'ici servait au financement des dépenses non admissibles aux subventions d'équilibre budgétaire, soit environ $85 millions. Il faut aussi examiner quels freins doivent être appliqués à l'utilisation de ce champ de taxation. Quant aux conseils de comté renouvelés, tels que définis dans le projet de loi no 125 sur l'aménagement et l'urbanisme, ils seront constitués de représentants des municipalités membres. Pour les fins de cette loi, ils seront financés au départ par un programme d'aide. Ce programme est mis au point au nom du principe déjà énoncé que toute responsabilité nouvelle sera assortie d'une source de financement. Ce programme couvrira les dépenses raisonnables entraînées par l'élaboration et la mise en application d'un schéma d'aménagement, ainsi que les frais de fonctionnement du conseil de comté pour l'exercice de cette fonction. En conséquence, pour l'année financière 1979/1980, une somme de $2,1 millions a été prévue au budget. Pour ce qui est du financement à moyen et long terme des comtés renouvelés, le comité conjoint d'orientation sur l'aménagement et la décentralisation étudiera cette question et fera des propositions au gouvernement. Voilà l’essentiel, M. le Président, des mesures fiscales de caractère local ou régional dont il fallait discuter cette année. Cela nous amène à la conclusion de ce discours sur le budget, en passant d'abord par un rapide résumé des objectifs et des priorités. Les priorités de dépenses coûteront environ $300 millions. Les contributions d'employeur de l'État dans les fonds de retraite où elles n'étaient pas comptabilisées et la réduction du déficit actuariel coûteront $336 millions. L'exemption de la taxe de vente sur les vêtements, les textiles et les chaussures coûtera $170 millions. La double indexation en coûtera $280 millions pour une année entière, mais ne débutera qu'au 1er janvier 1980. Enfin, commençant la même date, la réforme de la fiscalité municipale pourrait coûter pour une année entière, si les municipalités occupent tout l'espace qui leur est accordé, $256 millions. On conviendra que toutes ces mesures représentent une réorganisation majeure du budget. Avant, cependant, d'en examiner les conséquences sur les équilibres budgétaires, on comprendra que je n'hésite plus un instant, après ce que je viens d'annoncer, à choisir clairement, quant aux perspectives économiques du Québec, le scénario le plus optimiste des deux esquissés au début de ce discours sur le budget. Suffisamment de mesures expansionnistes ont été annoncées ce soir pour que l'on puisse considérer qu'un taux d'accroissement de 3,5% de l'activité économique puisse être atteint en 1979 et que le chômage puisse continuer à reculer. Cela étant dit, voilà comment se présentent les équilibres budgétaires pour l'année qui vient. Je dépose, M. le Président, le tableau 3 et les tableaux 4, 5, et 6 qui sont en annexe et qui font partie intégrante du discours sur le budget. Le niveau de dépenses prévues est un peu plus élevé qu'il ne le devrait. En fait, les dépenses, telles que je les prévois, ne devraient pas augmenter plus rapidement que le produit intérieur brut dont on calcule qu'il s'accroîtra d'environ 11 % alors que les dépenses, elles, monteront de 11,7%, soit en fait $100 millions de trop. On excusera cet écart en se souvenant que les contributions au fonds de pension et le paiement des taxes de vente par le secteur public représentent près de $400 millions de dépenses nouvelles. Quand de nouvelles dépenses correspondent en fait à une remise en ordre des finances publiques et non pas un accroissement des dépenses en biens, services et subventions, on peut se permettre de légers écarts de cet ordre. N'eurent été des décisions du gouvernement quant à la comptabilisation de ces régimes de retraite et au paiement par les ministères des taxes à la consommation, le taux de croissance des dépenses budgétaires sur une base comparable à l'année dernière seraient de 8,7%. Si, à cause des nouvelles contributions au fonds de pension, le déficit budgétaire est élevé, il faut noter que ces mêmes contributions, qui sont en quelque sorte mises de côté, permettent de financer une bonne part du déficit, si bien que les besoins financiers nets, qui doivent donc être empruntés pour assurer l'équilibre des comptes, ne devraient être que de $985 millions. C'est ce que nous aurons à emprunter. C'est beaucoup moins que le $1 188000 000 de l'année précédente et que le $1111 000 000 de 1977/78. Si on ajoute qu'il faudra rembourser $415 millions d'emprunts; le montant total des emprunts à réaliser en 1979/80 serait de $1 400000000 contre $1 574000000 l'année précédente et $1 351 000000 en 1977/78. Étant donné que les revenus ont augmenté de 21% en deux ans, les besoins d'emprunt de l'année qui vient représentent une nette réduction du fardeau des emprunts. La Caisse de dépôt et placement du Québec, qui administre les fonds de la Régie des rentas, ceux de l'assurance automobile du Québec et ceux de quelques autres fonds disposera, en 1979, de plus de $2 100 000 000 à placer à long terme. Je m'attends donc à ce que la caisse de dépôt affecte environ $800 millions aux emprunts du gouvernement et $200 millions à ceux de l'Hydro-Québec. Le gouvernement et sa plus grande société d'État ne tireront donc que 47% des ressources de la caisse de dépôt, soit le plus faible pourcentage observé depuis 1973. Le gouvernement du Québec devra donc emprunter $600 millions sur les marchés privés compte non tenu de l'acquisition de la société Asbestos. Un tel niveau d'emprunt auprès du secteur privé ne présente aucune difficulté particulière. En arrivant au terme de ce discours sur le budget, M. le Président, il me semble que l'on peut en résumer les grandes lignes de la façon suivante. Le premier ministre, à l'occasion du discours inaugural, a mis l'accent sur un certain nombre de priorités, d'abord et avant tout dans le domaine économique, mais aussi dans le sens d'une société plus juste, plus humaine et plus soucieuse des besoins des contribuables. Les sommes nécessaires à la réalisation de ces objectifs ont été incorporées à nos programmes de dépenses. Le gouvernement cherche, depuis qu'il est arrivé au pouvoir, à reprendre le contrôle des dépenses et à assainir les finances. Cela se fait et se poursuit avec persistance. Le gouvernement est conscient du fait que le principal reproche des contribuables aux gouvernants de notre époque est d'accepter trop facilement le gaspillage et de ne pas fournir des services qui correspondent vraiment au fardeau fiscal très lourd que les citoyens doivent subir. Le gouvernement a décidé que, graduellement, au fur et à mesure que les marges de manœuvre s'accroissent, les impôts et les taxes des particuliers seraient réduits. À partir de l'année d'imposition 1978, le nouveau régime fiscal réduit de $300 millions les versements d'impôts. Les salariés dont l'impôt est retenu à la source ont constaté la mise en vigueur des nouvelles tables depuis le 1er juillet dernier. Les autres qui ont droit à des réductions recevront des remboursements dans les mois qui viennent. En second lieu, l'élimination permanente de la taxe de vente sur les vêtements, les textiles et les chaussures, réduit de $170 millions par an les montants payés par les contribuables. Dans neuf mois, le 1er janvier 1980, l'indexation des exemptions personnelles réduira de $280 millions, sur une année entière, les paiements d'impôt sur le revenu. À partir de la même date, la réforme de la fiscalité municipale réduira de près de $60 millions par an les taxes foncières des particuliers, même si toutes les municipalités occupent tout l'espace fiscal qui lui est fourni. Finalement, dans les premiers mois de l'an prochain, seront versés les crédits d'impôt pour les taxes foncières pour l'année d'imposition pour l'année 1979, soit $80 millions. M. le Président, les particuliers contribuent actuellement environ $8 600 000 000 au trésor public québécois, aux commissions scolaires et aux municipalités. Ces contributions comprennent aussi bien les taxes que les bénéfices de la Société des alcools du Québec et de Loto-Québec. Les réductions d'impôt et de taxes dont je viens de faire état sont permanentes. Elles représentent environ $900 millions. Cela veut donc dire qu'en deux budgets, le gouvernement aura réduit d'au moins 10,5% le fardeau fiscal total que les Québécois paient, à Québec, aux municipalités et aux commissions scolaires. En somme, M. le Président, le gouvernement prend les moyens qui lui semblent les plus appropriés afin de sortir le Québec d'ornières dans lesquelles il s'était graduellement enlisé. Il y a moyen de réduire le chômage. Il y a moyen de redonner aux citoyens une partie de ce que l'expansion insidieuse du secteur public avait fini par leur enlever. Il y a moyen aussi de rendre à ce secteur public la vitalité qu'il doit avoir et de lui faire jouer le rôle de catalyseur qu'il doit assurer. Il n'est pas nécessaire que les pouvoirs publics soient lents, lourds et sourds. L'État peut et doit définir les objectifs de croissance, de justice sociale et de qualité de vie que les citoyens lui ont demandés. Il ne peut jouer son rôle, cependant, que dans la mesure où les citoyens eux-mêmes et les organismes qui les représentent se sentent responsables. Les Québécois d'aujourd'hui attendent beaucoup de leur gouvernement. Ils doivent savoir aussi que ce pays ne pourra accélérer son développement que par le travail et l'imagination, l'initiative et la détermination qu'ils manifesteront à l'égard de leur avenir collectif. Nous avons maintenant une bonne idée de ce que nous pouvons faire avec la moitié de nos impôts et de nos taxes. Le gouvernement fédéral, par ses coupures de dépenses, nous a enlevé $200 millions de ressources. Il ne nous a pas empêchés d'atteindre l'essentiel de nos fins. Nous approchons cependant du moment où nous pourrons élaborer nos objectifs et nos projets en ayant à notre disposition la totalité de nos ressources. D'ici peu de temps, les Québécois seront appelés à décider que la moitié ne suffit pas et que c'est de toutes leurs ressources qu'ils veulent être responsables. Et avant de me rasseoir, M. le Président, je propose donc, conformément à l'article 127, paragraphe 1) de nos règlements, que l'Assemblée nationale approuve la politique budgétaire du gouvernement.