Province Législature Session Type de discours Date du discours Locuteur Fonction du locuteur Parti politique Québec 32e 4e Discours sur le budget 10 mai 1983 M. Jacques Parizeau Ministre des Finances et président du Comité de développement économique PQ M. Parizeau : M. le Président, le discours sur le budget que je présente soir est résolument orienté vers la relance de l'économie québécoise. Sans doute, ce budget est-il soumis à un certain nombre d'impératifs précis. D'abord, je n'ai pas l'intention d'augmenter les impôts et les taxes payés par les particuliers au-delà de ce qu'ils sont présentement. Bien au contraire, quand la reprise de l'économie sera sérieusement amorcée, c'est à les réduire qu'il faudra songer. D'autre part, je n'ai pas l'intention de laisser le déficit s'emballer. Il ne sert à rien de gonfler les déficits aujourd'hui pour hypothéquer sérieusement les budgets de demain. J'ai cependant l'intention, ce soir, d'annoncer une série de mesures destinées à la fois à augmenter l'investissement des entreprises, à faciliter leur financement et à favoriser leur développement technologique. Ces mesures, jointes au programme d'action économique amorcé par le gouvernement à sa réunion du mont Sainte-Anne de mars dernier, devraient nettement intensifier la reprise et la relance de l'économie. Avant de passer à l'examen des mesures auxquelles je viens de faire allusion, il me paraît essentiel d'établir le bilan de l'année 1982. On n'a pas suffisamment insisté sur ce qui s'est passé et, pourtant, les leçons que l'on doit en tirer sont d'une importance primordiale. L'économie internationale a traversé, en 1982, la pire crise économique que l'on ait connue depuis celle des années trente. Cette crise a été provoquée par des gouvernements. La lutte à l'inflation a amené le gouvernement américain, puis d'autres, de plus en plus nombreux, à accepter une politique de restriction monétaire qui a entraîné des taux d'intérêt tellement élevés que finalement la demande des consommateurs, les décisions d'investissement des entrepreneurs et les demandes salariales des syndicats ont cédé devant la pression. Bien qu'il ait atteint son objectif en diminuant brutalement le rythme de l'inflation, ce grand exercice monétariste a provoqué une augmentation prodigieuse du chômage dans le monde occidental et des ralentissements importants de production dans les pays industrialisés. Constatons d'abord que quatorze des vingt-quatre pays de l'OCDE, l'Organisation de coopération et de développement économique, ont vu leur production nationale s'accroître en 1982, en dépit de la récession. Le Japon atteint une augmentation de 2,5%, ce qui est très faible par rapport à ses performances passées, mais appréciable par rapport au reste du monde industriel, comme on pouvait d'ailleurs s'y attendre. La plupart de ces quatorze pays dont la production augmente ne montrent que des hausses marginales souvent inférieures à 1% et que des corrections statistiques, d'ici six mois, pourraient fort bien réduire davantage. Un seul pays constate que sa production n'a pas varié, c'est la Norvège. Quant aux neuf pays dont la production décroît, notons que les États-Unis affichent une chute de 1,8%, la Suisse de 2% et l'Allemagne de 11,2%. Les Pays-Bas, la Belgique, le Luxembourg, la Nouvelle-Zélande voient leur production fléchir de moins de 1%. C'est le Canada qui affiche la pire performance économique du monde occidental. La production nationale canadienne a baissé, en 1982, de 4,8%, soit une chute deux fois et demie plus forte qu'aux États-Unis. Quant au Québec, frappé à la fois par la contraction de la demande mondiale de matières premières et par la débandade de l'économie canadienne, la baisse de sa production est plus substantielle encore. Il faut essayer de comprendre pourquoi il en est ainsi. D'abord, le ralentissement économique mondial s'est traduit chez nous par un fléchissement important des ventes de produits primaires tels que le bois, le papier journal, le minerai de fer, l'aluminium et l'amiante qui occupent une place majeure dans notre économie. Il suffit de constater qu'en volume les exportations internationales du Québec ont baissé, en 1982, d'environ 9% par rapport à 1981. Ensuite et surtout, le gouvernement du Canada a adopté une politique monétaire doublement restrictive. Certes devait-il suivre le mouvement à la hausse des taux américains, mais en plus, pour protéger le dollar canadien déjà hypothéqué par sa politique pétrolière, il a choisi d'augmenter encore davantage les taux d'intérêt, de sorte qu'en 1981 le Canada s'est retrouvé avec les taux d'intérêt à court terme les plus élevés du monde industriel. On comprend alors que les investissements et les achats de biens durables aient à ce point chuté. De même, on imagine bien les conséquences de cette flambée des taux pour les entreprises qui ont dû emprunter à 25% ou à 26%. Au Québec, l'effet fut plus rapide et plus profond que dans le reste du Canada, du moins pendant les derniers mois de 1981 et les premiers mois de 1982. Les multinationales résistent mieux aux contractions de crédit que les petites et moyennes entreprises. Au Québec, les multinationales jouent un rôle relativement moins important qu'en Ontario ou dans l'Ouest. En fait, les petites et moyennes entreprises créent ici près de 80% de tous les nouveaux emplois. Or, ces entreprises sont souvent sous-capitalisées, trop endettées auprès des banques. La hausse des taux d'intérêt ainsi que la limite vite atteinte de leurs marges de crédit les forcèrent à ralentir leur production et à licencier du personnel jusqu'à ce que leurs inventaires soient liquidés. En septembre 1981, l'économie canadienne a cassé. Ce n'est qu'au début de 1983 qu'apparaissent les premiers signes de reprise. Certes, l'inflation a été ralentie, encore que le rythme de croissance des prix demeure, au Canada, supérieur au taux d'inflation américain. Entre-temps, cependant, des centaines de milliers de travailleurs perdirent leur emploi en l'espace de quelques mois. Admettons, bien sûr, que les hausses de taxes décrétées au Québec entre novembre 1981 et mai 1982 n'ont pas aidé les choses. La conjoncture ne nous laissait cependant pas d'autres choix. Certains ont prétendu que de telles augmentations étaient rendues inévitables par le souci d'éviter une détérioration du crédit du Québec. Ils ont bien raison. Toutes les autres augmentations de taxes, en Nouvelle-Écosse, en Ontario, au Manitoba, entre autres, procèdent du même souci. Il est bien difficile de demander aux gouvernements de provinces de maintenir une situation financière saine, sans hausse d'impôt, alors que, d'une part, la mauvaise conjoncture économique et le chômage ralentissent les rentrées fiscales et que, d'autre part, les dépenses s'accroissent entre autres pour faire face aux taux d'intérêt élevés et à la croissance du nombre d'assistés sociaux. Si le Québec avait eu accès à une banque centrale, si en somme il avait été souverain, sans doute aurions-nous pu, comme le gouvernement fédéral l'a fait, doubler notre déficit sans que cela ne se reflète sur les marchés financiers et éviter ainsi les hausses d'impôt que nous avons connues. Nous aurions pu choisir également de ne pas nous acharner à ce point sur l'économie par des politiques monétaires dont les effets sur l'inflation, quoique réels, restent bien discutables devant la montée du chômage et les faillites qu'elles ont provoquées. Mais nous n'en sommes pas là et il fallait agir. Agir, cela aurait voulu dire, dans un contexte normal, nous entendre avec le gouvernement fédéral sur des mesures à prendre. L'échec navrant de la conférence économique des premiers ministres, en février 1982, a montré qu'une telle entente n'était pas possible. Deux semaines plus tard, à l'occasion de la rencontre de plusieurs ministres des gouvernements de Québec et d'Ottawa, ce que certains ont considéré comme l'humiliation du Québec, n'était en fait que le refus par Ottawa des propositions que nous lui avions faites pour relancer l'économie. Ce n'est qu'un an après, pour faire face à la crise, qu'Ottawa s'est enfin rallié à l'orientation essentielle proposée par Québec. Mais il est bien tard et, dans l'intervalle, les ravages du chômage ont prévalu. Les augmentations d'impôt et de cotisations d'assurance-chômage décrétées par le gouvernement fédéral, en janvier 1983, d'un montant équivalent pour les Québécois à celui que nous avions nous-mêmes imposé un an plus tôt, sont venues terminer cet épisode, convenons-en, assez peu reluisant. Avec les instruments dont il disposait, le gouvernement du Québec a réussi quand même, en 1982, à limiter les dégâts, principalement par trois interventions distinctes. D'abord, de concert avec les entrepreneurs et les travailleurs de la construction, de même qu'avec la plupart des institutions financières, nous avons mis en place le programme Corvée-habitation qui permettait de consentir des prêts hypothécaires à taux réduit. Ce programme auquel sont venues s'ajouter les contributions du gouvernement fédéral et des municipalités a permis une reprise de la construction domiciliaire plus rapide au Québec qu'au Canada. Il faut souligner l'intérêt d'une formule de ce genre et se féliciter des résultats des efforts concertés de tous les agents qui y ont participé. Deuxièmement, devant la montée des taux d'intérêt, le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme a préparé un programme d'urgence de soutien aux entreprises. Ce qu'il est convenu d'appeler le plan Biron a bénéficié à près de 500 entreprises employant environ 25 000 personnes, leur évitant ainsi un ralentissement considérable sinon une fermeture. Parce que ces entreprises sont encore en place aujourd'hui, elles pourront bénéficier de la reprise, maintenir les emplois et, souhaitons-le, en créer de nouveaux. De même, nous avons maintenu en opération, avec l'aide du gouvernement fédéral, l'usine pétrochimique Pétromont qui joue un rôle moteur dans l'économie montréalaise. Finalement, nous avons injecté quelque 160 000 000 $ dans des programmes de création d'emplois qui ont bénéficié à plus de 25 000 personnes dont 17 000 assistés sociaux. À cela s'ajoutait le bon d'emploi qui a permis à plus de 16 500 jeunes d'acquérir de l'expérience sur le marché du travail. Après cet examen sommaire de la situation économique de la dernière année, il convient d'analyser les opérations financières du gouvernement pour l'année 1982-1983. À ce sujet, M. le Président, je dépose, en deux exemplaires, le tableau des opérations financières de 1982-1983. À l'occasion du discours sur le budget du 25 mai 1982, j'avais estimé que le déficit budgétaire serait de 2 985 000 000 $. Il apparaît maintenant qu'il sera de 3 135 000 000 $. Quant aux besoins financiers nets du gouvernement, je les avais estimés, il y a un an, à 2 035 000 000 $. Ils seront de 2 241 200 000 $. Compte tenu des circonstances, il s'agit d'écarts remarquablement faibles, surtout si on les compare à ceux qui ont touché les budgets de tous les autres gouvernements au Canada et singulièrement, comme on le sait, celui du gouvernement fédéral lui-même. En fait, en 1982-1983 comme en 1981-1982, d'ailleurs, le gouvernement du Québec a pris les moyens nécessaires pour maintenir le déficit et les besoins financiers à des niveaux remarquablement voisins de ceux qui avaient été annoncés à l'occasion des discours sur le budget. Derrière cette relative stabilité, des variations importantes de revenus et de dépenses se sont manifestées. C'est ainsi, par exemple, que l'impôt sur le revenu et les contributions d'employeurs au fonds des services de santé ont rapporté près de 500 000 000 $ de moins que prévu, l'intensité de la récession et le retard de la reprise exerçant un puissant effet sur l'emploi et les salaires. De même, la taxe de vente au détail a rapporté 194 000 000 $ de moins que prévu. Devant l'ampleur du chômage et des craintes qui l'accompagnent, le consommateur a eu tendance à rembourser ses dettes, à acheter moins de biens durables et à augmenter son épargne. Enfin, la taxe sur les carburants a rapporté 113 000 000 $ de moins que prévu. Au total, c'est de 874 000 000 $ que les revenus autonomes du gouvernement ont baissé par rapport aux prévisions d'il y a un an. À l'opposé, les transferts du gouvernement fédéral ont rapporté 359 000 000 $ de plus que prévu dont plus de 100 000 000 $ provenant d'ajustements d'années antérieures. Il y a plusieurs autres raisons à cette hausse, toutes plus ou moins reliées à la récession. Le coût du bien-être social ayant augmenté, la participation du gouvernement fédéral au financement de ce programme a entraîné une hausse automatique de ses déboursés. D'autre part, la garantie temporaire de recettes de péréquation a rapporté davantage. Enfin et surtout, la valeur du point d'impôt ayant chuté à cause de la récession, les transferts financiers d'Ottawa ont été ajustés. Par ailleurs, on doit être conscient que la relance de l'économie freinera rapidement ces transferts d'Ottawa. De leur côté, les dépenses sont en baisse de 365 000 000 $ par rapport aux prévisions de mai 1982. De ce montant, environ 150 000 000 $ sont dus à la chute des taux d'intérêt. Les compressions de rémunérations dans le secteur public ont donné lieu à certains aménagements par rapport à la loi 70. Au lieu de représenter 641 000 000 $, tel qu'annoncé dans le discours sur le budget de mai dernier, elles se sont élevées à 511 000 000 $. Comme cependant les grèves dans le secteur public ont entraîné une chute de dépenses de 165 000 000 $, ceci a plus que compensé cela. Enfin, on notera que les emprunts totaux du gouvernement, pour satisfaire aussi bien ses besoins financiers nets que le remboursement des emprunts venant à échéance, ont été de 2 761 900 000 $, soit, à peu de choses près, le montant annoncé il y a un an. Ce niveau d'emprunt est inférieur de 200 000 000 $ à celui de 1981-1982, et inférieur de 600 000 000 $ à celui de 1980-1981. À tous égards donc, et toujours en tenant compte des circonstances économiques très difficiles que nous avons connues, le gouvernement a réussi à maintenir une situation financière de ses comptes, somme toute, satisfaisante. Encore faut-il reconnaître que pour y arriver, il a fallu non seulement augmenter les impôts entre novembre 1981 et mai 1982, mais aussi exercer un contrôle sévère sur l'expansion des dépenses dont, en particulier, la rémunération des employés du secteur public. Certaines de ces opérations ont forcément attiré davantage l'attention que d'autres, mais elles ont toutes été conduites à partir du même objectif et de la même optique: fournir au gouvernement la possibilité d'une action réelle pour appuyer la relance, remettre les chômeurs au travail et assurer un virage de l'économie vers ce qui apparaît être les voies de l'avenir. Il reste encore à remettre en cause certaines pratiques de gestion dans le secteur public, à poursuivre des réductions de personnel là où il en reste trop et à remettre en question certains programmes de dépenses dont il n'est pas évident qu'ils soient nécessaires. Dans l'ensemble, cependant, le cadre législatif et administratif des grandes et douloureuses opérations de compression amorcées en 1981 est à peu près complété et leurs effets se feront sentir pendant plusieurs années. Le gouvernement est donc en mesure d'intensifier son action sur l'économie. Avant d'entrer dans le détail des politiques budgétaires et financières prévues à cette fin, il y a lieu d'examiner comment la situation économique est susceptible d'évoluer dans les mois qui viennent. L'opération est beaucoup plus délicate qu'on ne le croit lorsque l'économie change aussi fréquemment d'orientation. On ne se rend pas compte à quel point les projections économiques établies par diverses institutions ont constamment été contredites par la réalité depuis deux ans. Dans la mesure, toutefois, où on est responsable d'un budget, on est bien forcé de trancher entre différents scénarios de prévisions économiques. Comment la conjoncture de 1983 se présente-t-elle actuellement? Notons d'abord, puisqu'elle a une importance fondamentale pour le Québec, que la situation économique aux États-Unis se redresse avec une singulière rapidité depuis quelques mois. Depuis le milieu de l'année dernière, les mises en chantier là-bas ont augmenté de plus de 75%; la production industrielle, en six mois, s'est accrue de près de 10% en volume et l'indice précurseur continue d'augmenter rapidement de mois en mois. Le niveau du chômage, qui réagit toujours avec un retard de quelques mois sur l'activité économique, recule, en fait, depuis trois mois. Sans doute, les investissements des entreprises restent-ils stagnants. Il reste encore trop de capacités inutilisées pour qu'il en soit autrement. La principale inquiétude qui demeure, à l'heure actuelle, a trait à l'ampleur des déficits prévus du gouvernement américain. Il ne fait pas de doute que le ralentissement de la chute des taux d'intérêt en Amérique du Nord est dû à l'appréhension des milieux financiers à l'égard des besoins financiers que le gouvernement fédéral américain devra satisfaire au cours de la prochaine année. Dans ce sens, les autorités monétaires américaines sont en proie à un sérieux dilemme. Elles peuvent ne pas relâcher la politique monétaire davantage. Mais alors, les taux d'intérêt resteront à leur niveau actuel et donc, continueront à ralentir la croissance économique. Quand le taux d'inflation est de 3%, les taux d'intérêt devraient être aux environs de 6%, non pas à 10% ou à 11%. Ou bien encore, les autorités monétaires américaines relâchent leur politique monétaire et les taux d'intérêt poursuivent leur chute au moins pendant un temps, mais éventuellement, à cause de toute cette création de monnaie, l'inflation reprend, et alors ces millions de travailleurs qui ont été jetés au chômage en 1981 et 1982, au nom de la lutte contre l'inflation, l'auront été pour rien. Les monétaristes, de par l'influence qu'ils ont acquise auprès des gouvernements depuis quelques années, ont pu faire ce qu'ils voulaient, c'est-à-dire provoquer la plus forte récession depuis 50 ans pour lutter contre l'inflation. Si maintenant il fallait qu'ils renversent leur attitude, qu'ils cèdent devant les pressions et augmentent la masse monétaire, assurant ainsi une reprise de l'inflation, alors il faudrait simplement admirer la stabilité d'une société qui, après avoir été bouleversée par une idée et une technique, en absorberait le contraire, sans broncher. De façon pire encore, le gouvernement canadien et la Banque du Canada se sont placés devant un tel dilemme. En fait, toutes proportions gardées, le gouvernement canadien a un déficit supérieur de 50% à celui du gouvernement américain. Au Canada aussi, l'inflation a été, au moins tout récemment, considérablement réduite. Le chômage est ce que l'on connaît. Gare au gouvernement qui, pour financer un énorme déficit, obtiendrait des autorités monétaires des facilités d'emprunt telles que l'inflation reprendrait d'ici un an ou deux. Ceux qui ont payé de leur emploi le prix de cette politique pourraient alors, à juste titre, considérer qu'ils ont été sacrifiés inutilement. Il n'en reste pas moins que, même aux taux d'intérêt actuels, la reprise s'amorce au Canada comme aux États-Unis. En tout état de cause, on doit probablement reconnaître que le volume de la production nationale devrait progresser au Canada d'un peu plus de 2%, c'est-à-dire à peu près autant qu'aux États-Unis, si on compare l'ensemble de l'année 1983 à l'année 1982. Cela n'est pas très remarquable. Après tout, comme je l'ai souligné précédemment, en 1982 par rapport à 1981, la production canadienne est tombée deux fois et demie plus profondément qu'aux États-Unis. Dans ce sens, il n'y a vraiment pas de quoi pavoiser. Ayant baissé plus rapidement, l'économie du Québec se rétablirait plus lentement. Ainsi, on s'attend que la production nationale du Québec soit, en 1983, de 1,5% au-dessus de celle de 1982. J'indique tout de suite que si les projections budgétaires que je présenterai ce soir pour 1983-1984 sont basées sur une croissance aussi modeste, de façon à ne pas fonder les recettes anticipées sur des espoirs, il ne me semble pas acceptable de se satisfaire d'un rythme de progression pareil. Il y a un certain nombre de raisons à un rétablissement aussi lent de l'économie. Peut-être la plus importante est-elle la crainte, fort compréhensible, de la part des consommateurs de perdre leur emploi, comme je l'ai dit précédemment. Aussi cherchent-ils à se protéger contre une telle éventualité. Alors, ils reportent à plus tard l'achat d'une maison ou d'une automobile et, dans l'immédiat, réduisent leurs dettes et accroissent leurs épargnes. Jamais le taux d'épargne n'a été aussi élevé. Jamais les banques ou les caisses populaires n'ont été à ce point engorgées par des liquidités qu'elles ne savent plus à qui prêter. Le problème en est un de confiance. Confiance dans l'évolution fondamentale de l'économie. Confiance aussi, ou même plutôt, dans la perception que l'on en a. C'est en ayant pour objectif d'accroître l'activité économique au Québec et de susciter un sentiment de confiance dans l'économie que le gouvernement a élaboré sa stratégie économique pour les mois qui viennent. Ce plan d'action veut d'abord apporter un soutien particulier au développement du secteur privé, tant par des mesures administratives et financières que par des mesures fiscales dont je ferai état plus loin. Il permet également au gouvernement, en raison des circonstances économiques actuelles, d'appuyer la reprise économique par une augmentation de certains investissements publics et de susciter la création d'emplois. On ne devra pas se surprendre que le gouvernement veuille à ce point renforcer et stimuler les activités du secteur privé et singulièrement les investissements. Il est essentiel que le niveau des investissements privés soit accru rapidement. Depuis plus d'une génération, la part du Québec dans les investissements privés effectués au Canada est nettement trop faible. Le phénomène est encore plus évident dans le secteur manufacturier. Ainsi, bien que le taux de croissance des investissements manufacturiers au Québec soit, depuis plus de dix ans, légèrement supérieur à celui de l'Ontario, il n'en reste pas moins qu'en valeur ils n'ont jamais dépassé 60% de ceux de la province voisine. Sans doute, pendant plusieurs années, on a pu penser que la construction d'écoles, d'hôpitaux, d'autoroutes ou de quelques barrages compenserait la faiblesse des investissements en usines, mais il reste qu'à plus long terme, c'est l'investissement manufacturier qui traduit l'imagination d'une société et son aptitude à progresser en surpassant la concurrence. Plus important encore, il s'agit d'un secteur névralgique de l'économie en raison même du caractère permanent des emplois qu'il suscite et de la richesse qu'il apporte. Il nous faut maintenant, en tirant les leçons de la récession qui s'achève, donner un solide coup de barre vers l'avenir et rétablir le mouvement en avant, en s'appuyant sur ce nouveau groupe de plus en plus nombreux d'entrepreneurs québécois qui sont apparus depuis quelques années, sans négliger pour autant les grandes sociétés qui gardent une importance majeure dans l'économie industrielle du Québec. Il faut aussi accentuer cette ouverture sur le monde extérieur qui joue depuis quelques années un rôle déterminant dans la croissance et la transformation de notre économie. En ce qui a trait à la consolidation et à l'expansion du secteur privé, quatre orientations sont retenues: l'accélération sélective de projets notamment dans le secteur de la construction résidentielle, l'utilisation de nos ressources électriques comme stimulant industriel, le Virage technologique et l'amélioration des conditions de financement des exportations. Depuis les décisions prises au mont Sainte-Anne à la mi-mars, nous négocions avec des entreprises de tout genre, à partir d'un nouveau cadre de subventions. Ce cadre a comme caractéristique d'offrir aux entreprises un montant d'aide basé sur les recettes fiscales qui proviendraient de la mise en marche immédiate de projets qui autrement ne seraient apparus que plus tard ou ne se seraient pas réalisés. Il s'agit d'une politique à caractère forcément discrétionnaire et qui ne durera que jusqu'à ce que la relance ait atteint un rythme suffisant d'accélération. Dès ce soir, j'affecte à ces fins des crédits additionnels de 40 000 000 $ qui sous-tendront des investissements accélérés de quelque 200 000 000 $ et qui devraient être compensés par des rentrées de revenus correspondantes. En l'espace de deux mois, des résultats déjà spectaculaires ont été obtenus surtout dans le domaine minier, où des travaux de l'ordre de 250 000 000 $ commenceront dès cet été. Le ministre de l'Énergie et des Ressources communiquera sous peu les détails de ces investissements. Comme on peut s'en rendre compte, l'impact de cette nouvelle politique n'est pas négligeable, d'autant plus que dans le cas précis des projets miniers dont je viens de parler, les investissements se feront dans les régions fortement touchées par la crise. Nous avons, toujours à partir du même principe, en l'élargissant un peu, autorisé le ministre responsable de l'Agriculture à lancer immédiatement un programme d'expansion des cultures céréalières qui coûtera, en trois ans, environ 50 000 000 $ au trésor public, générera 130 000 000 $ d'investissements directs et beaucoup plus en retombées indirectes, créera 4000 emplois-année et augmentera le taux d'autosuffisance du Québec à 70%. Au cours des semaines et des mois qui viennent, d'autres accélérations d'investissements privés seront annoncées. Encore faut-il rappeler que cette politique est essentiellement provoquée par la récession et qu'elle se terminera quand la reprise sera suffisamment engagée. Dans l'intervalle, dès que les crédits de 40 000 000 $ de subventions additionnelles que j'engage ce soir auront été épuisés, je reviendrai devant cette Chambre en réclamer davantage. Nous avons tout à gagner à ce que les fonds en question soient renouvelés fréquemment. Un des aspects importants de cette accélération de l'investissement privé a trait à la construction résidentielle. On sait à quel point Corvée-habitation a été une innovation majeure lorsqu'elle fut lancée l'été dernier et le succès qu'elle a remporté. À la suite de la chute des taux d'intérêt, les conditions du programme Corvée-habitation commencent à être dépassées et n'ont plus sur la construction domiciliaire les effets qu'elles devraient avoir. De plus, l'annonce de l'arrêt par le gouvernement fédéral de sa contribution de 3000 $ versée en vertu du programme d'encouragement à l'accession à la propriété ne pourra que causer des retards additionnels à la relance de la construction domiciliaire. Par conséquent, à partir des recommandations du ministre de l'Habitation et de la Protection du consommateur et après consultation du conseil d'administration de Corvée-habitation, j'annonce que le taux garanti pour trois ans de Corvée-habitation sera, à partir de ce soir, de 9,5%. De plus, une subvention additionnelle de 2000 $ sera versée dans le cadre du programme Corvée-habitation à toute personne qui acquerra une maison neuve avant le 1er janvier 1984. Un montant supplémentaire de 1000 $, conditionnel à une contribution équivalente de la municipalité où l'immeuble sera érigé, sera aussi versé à cette personne en vertu du même programme. Dans le cas d'un détenteur d'un régime enregistré d'épargne-logement avant le 1er janvier 1983, il pourra renoncer à la subvention versée par Corvée-habitation et, plutôt, se prévaloir d'une déduction spéciale égale à la différence entre 10 000 $ et ses contributions à son REEL antérieurement déduites pour l'achat d'une maison neuve de type propriétaire occupant après le 19 avril 1983, de la même façon que cela est maintenant possible au niveau fédéral. Cette disposition cessera d'avoir effet le 1er janvier 1984. En outre, les REEL pourront être utilisés aux fins d'acquérir des meubles et des appareils ménagers entre le 19 avril 1983 et le 1er janvier 1984. Les modalités d'application des mesures concernant le REEL se retrouvent à l'annexe sur les mesures fiscales qui fait partie intégrante du présent discours. Les conditions d'application du nouveau programme Corvée-habitation et d'autres bonifications qui lui seront apportées seront annoncées par le ministre de l'Habitation et de la Protection du consommateur d'ici peu. L'accélération des investissements s'appuie aussi sur un changement radical de la tarification de l'électricité. Voilà un domaine où le Québec partage avec une poignée de pays un avantage remarquable par rapport au reste du monde industriel, à la fois à long terme et dans l'immédiat. En effet, il n'y a plus guère d'endroits dans le monde où l'on peut garantir à un investisseur du courant électrique en quantité considérable et pour une période d'au moins 25 ans. Le Québec est un de ces endroits. En outre, l'entrée en production de la Baie-James, la chute de la demande d'électricité en raison de la récession et aussi un nouveau sens d'économie de l'énergie dégagent, d'ici 1990, des surplus énormes d'électricité qui, ou bien seront utilisés par des nouveaux projets ou bien seront perdus. Dans ces conditions, le gouvernement a décidé que, pendant ces années, l'électricité serait vendue à tarifs réduits à ceux pour qui elle représente un élément important de leurs coûts de production, aux seules fins, cependant, d'alimenter de nouveaux investissements. Le rabais peut atteindre 50% du prix de base. Pour le moment, les résultats les plus visibles de cette nouvelle politique ont trait à l'aluminium. Il s'agit d'un secteur où le Québec, avec l'Alcan en particulier, est déjà bien engagé. Il faut maintenant aller plus loin. La nouvelle politique de tarification a fait immédiatement débloquer l'agrandissement de l'usine Reynolds, à Baie-Comeau. Il s'agit d'un investissement de plus de 500 000 000 $. Par ailleurs, le gouvernement travaille activement, avec la firme française Pechiney, à la mise en marche d'un projet d'aluminerie deux fois plus important, à Bécancour. Des négociations sont également en cours avec d'autres alumineries. Enfin, l'utilisation de l'aluminium à des fins industrielles devrait donner lieu à un certain nombre de projets manufacturiers. Déjà, grâce à des subventions du gouvernement du Québec, une première usine de canettes d'aluminium ouvrira dans quelques mois, à Lachine. Il n'y a pas, cependant, qu'à l'égard de l'aluminium que cette nouvelle politique de tarification de l'électricité est susceptible de provoquer un rapide démarrage de certains investissements. Par exemple, plusieurs projets, dans l'industrie chimique sont susceptibles de se concrétiser rapidement. L'utilisation des surplus d'électricité constitue, on le voit bien, un levier industriel fort puissant à notre disposition. En même temps que se déroulent les opérations que je viens de décrire, le Virage technologique est graduellement intensifié. Si, pendant plusieurs années, nous avons da accorder passablement de ressources à la modernisation de certains secteurs industriels particulièrement menacés, le plan d'action présenté par l'actuel ministre du Commerce extérieur, il y a maintenant près de deux ans, est entré dans sa phase de réalisation; ce plan appelait à un réel virage technologique dans le sens d'un appui solide et urgent à l'égard des secteurs et des technologies de pointe. L'avenir et la prospérité d'une bonne part de notre économie, ouverte comme peu d'autres le sont sur l'extérieur, vont être largement conditionnés par la capacité d'accentuer le virage de nos ressources individuelles et collectives vers les voies des nouvelles technologies. Un ministre délégué à la Science et à la Technologie a été nommé et, en l'espace de quelques mois, une série de gestes ont été posés qui indiquent la priorité que le gouvernement accorde à cette orientation. Ainsi, il a été décidé d'introduire des microordinateurs dans toutes les écoles. Le programme coûtera plus de 150 000 000 $ et les premiers ordinateurs seront livrés cet automne. Le ministre délégué à la Science et à la Technologie a annoncé la création de centres de conception et de fabrication informatisées, ce que l'on appelle dans le jargon du milieu les centres CAO/FAO. L'appui financier nécessaire a été fourni pour assurer la création de Vidacom, qui produira des interfaces électroniques. Les travaux' de construction d'une usine de méthanol, à Saint-Juste-de-Bretenière, commenceront dans deux mois. Quant au personnel de recherche des laboratoires Ayerst, on cherche à le sauver du naufrage et à relancer ses travaux. Dans le même ordre d'idées, le ministre de l'Énergie et des Ressources a récemment annoncé l'établissement d'une usine d'hydrogène liquide, à Shawinigan. Un peu partout s'amorcent des projets qui, d'ici quelques années, devraient substantiellement faire évoluer la structure industrielle du Québec dans le sens d'une modernisation dont elle a singulièrement besoin. J'ai mentionné, tout à l'heure, à quel point l'économie du Québec était ouverte vers l'extérieur. En fait, nous exportons à peu près 40% de ce que nous produisons, et nous importons la même proportion de ce que nous consommons. Nos exportations demeurent un des leviers essentiels de notre prospérité et un des instruments majeurs de création d'emplois. Or, jusqu'à maintenant, nous avons laissé le gouvernement fédéral s'occuper pour l'essentiel de l'appui qu'ici, comme ailleurs, le secteur public doit fournir aux exportations. Sans doute, depuis plusieurs années, les délégations du Québec à l'étranger, l'Office québécois du commerce extérieur et la Société de développement industriel du Québec ont apporté une utile contribution à l'expansion des ventes québécoises à l'étranger. Mais, il fallait faire plus. On a donc créé, l'automne dernier, un ministère du Commerce extérieur dont le rôle et les fonctions sont maintenant définis. Il ne fait pas de doute qu'au delà du rôle que les pouvoirs publics québécois ont joué jusqu'à maintenant, il nous faut nous engager bien davantage dans le financement du commerce extérieur. Aussi efficaces et concurrentielles que certaines entreprises du Québec puissent être à l'étranger, l'obtention de contrats dépend de plus en plus souvent non pas seulement du prix des soumissions, mais des conditions de paiement et de financement. Ce que les organismes fédéraux font à cet égard est bien fait. Nous devons, cependant, particulièrement à l'égard du Tiers-monde, améliorer les conditions de financement de nos projets pour être en meilleure position de décrocher des contrats. Quelques premières expériences, au cours des mois récents, à l'égard, entre autres, de produits liés à l'énergie électrique, montrent la voie à suivre. Ce sera le rôle du ministère du Commerce extérieur, dans l'année qui vient, d'assurer à même les ressources dont la croissance sera proportionnelle au succès obtenu, la pénétration de nos produits dans les marchés où l'excellence de nos entreprises de génie-conseil et de nos fabricants a souvent été freinée jusqu'ici par des conditions de financement insuffisantes. Le plan d'action économique à l'égard des entreprises, que je viens d'esquisser, et dont les principes avaient déjà été présentés par le Conseil des ministres il y a deux mois, au Mont Sainte-Anne, entraînera des dépenses de fonds publics qui doivent être compensées par une augmentation correspondante des recettes. On ne cherchera pas, par les nouveaux régimes de financement et de subvention à réduire le déficit pas plus qu'à l'augmenter d'ailleurs. La croissance de l'emploi en sera le seul véritable résultat. Il est important aussi que s'accélèrent vivement les investissements du secteur public. Dans le genre de situation économique où nous nous trouvons, ils demeurent un instrument puissant de création d'emplois. Encore faut-il constater que les avenues traditionnelles, à cet égard, ne sont plus ce qu'elles étaient. Il ne se construira plus beaucoup de bâtiments scolaires au Québec, non plus d'ailleurs que d'hôpitaux. Les besoins en autoroutes sont, pour l'essentiel, sauf dans certaines régions, en voie d'être satisfaits. Et surtout les investissements d'Hydro-Québec qui, il y a trois ans, représentaient 30% de tous les investissements des secteurs public et privé, ralentissent d'autant plus rapidement que s'achèvent les travaux de la Baie-James et que les surplus de capacité de production se manifestent. Les nouveaux investissements dans la distribution du gaz ne compensent qu'en partie cette carence. Il faut donc privilégier de nouvelles voies d'investissements publics répondant aux exigences suivantes: d'abord, elles doivent correspondre à des besoins déjà identifiés, à des travaux dont nous savons déjà qu'ils devront tôt ou tard être faits. Ensuite, ces travaux doivent, dans l'ensemble, grever relativement peu le budget, c'est-à-dire être financés de façon à augmenter aussi peu que possible le déficit actuel, et ne représenter une charge budgétaire appréciable que lorsque la relance sera bien amorcée. Dans ces conditions, nous avons concentré nos efforts dans quatre secteurs: les transports, l'épuration des eaux, les investissements d'Hydro-Québec et les ententes auxiliaires Canada-Québec. En premier lieu, il a été demandé au ministère des Transports d'accélérer les investissements à l'égard du transport en commun, de la construction de traversiers, de la voirie rurale ou tertiaire et de l'augmentation de la flotte d'avions destinés à la lutte contre les feux de forêt. Ce programme devrait représenter 150 000 000 $ de nouveaux investissements en 1983-1984. Les premiers projets d'accélération des investissements dans les transports en commun, à Montréal, ont été annoncés la semaine dernière. Par rapport au transport en commun, la voirie régionale et rurale, elle, n'a pas bénéficié, au cours des dernières années, d'un appui aussi soutenu. Je reconnais que l'imposition de la surtaxe sur l'essence ne s'est pas traduite par une amélioration substantielle du réseau en régions rurales ou éloignées. Je considère toutefois qu'une partie de la surtaxe sur l'essence, de l'ordre de 10% de ce qu'elle rapporte, devrait servir à augmenter les crédits généraux consacrés à cette fin. J'annonce donc, ce soir, que 50 000 000 $ de plus que ce qui paraît aux crédits déposés le 29 mars dernier seront consacrés à deux programmes: le premier consistera, d'ici 18 mois, à relier les villages du Québec qui ne le sont pas encore, par une route pavée au réseau des routes numérotées. Cela coûtera 33 000 000 $ dont 25 000 000 $ cette année. Plus de 400 kilomètres de routes seront ainsi pavés. Dans le cas de villages situés entre deux routes numérotées et qui ne sont actuellement reliés qu'à l'une d'entre elles par voie pavée, le pavage dans l'autre direction sera aussi assuré. En second lieu, 25 000 000 $ seront ajoutés aux subventions que l'on accorde à la voirie municipale. L'essentiel des travaux qui seront générés par ces deux ajouts sera concentré dans des régions fortement affectées par le chômage. Quant au programme d'achat de CL215, pour combattre les feux de forêt, le gouvernement fédéral, à l'occasion du discours sur le budget du 19 avril dernier, a annoncé son intention d'acquérir quatre appareils consacrés au service des Territoires du Nord-Ouest et du Yukon. De plus, il s'est engagé à acheter un nombre d'appareils égal à celui acheté par les provinces, jusqu'à concurrence de seize appareils. Le Québec a déjà une importante flotte d'avions de ce type et est à l'avant-garde dans leurs techniques d'utilisation. Le gouvernement du Québec a annoncé qu'il achèterait quatre autres de ces appareils. Ainsi, en ajoutant la commande d'Ottawa à celle de Québec, le niveau actuel des commandes est donc de douze appareils, avant même que les autres provinces ne se soient prononcées. La ligne de montage à Canadair ne devrait pas, dans ces conditions, être interrompue en août prochain. La seconde voie choisie est celle de l'épuration des eaux. Le retard du Québec, à cet égard, est consternant. À titre de député, j'ai été à même de constater, il y a quelques semaines, que les 65 000 habitants de mon comté ont été privés d'eau potable pendant plusieurs jours. À la fin du vingtième siècle, dans un pays comme le nôtre, il devrait y avoir moyen de faire mieux que de chanter l'eau ou de la peindre. On devrait aussi pouvoir la boire. Nous avons sans doute tenté pendant plusieurs années de mettre en place un programme de travaux qui soit sérieux. Force est de reconnaître, cependant, que la réalisation de ce programme est encore insuffisante et que les rapports entre le ministère de l'Environnement, la Société québécoise d'assainissement des eaux et les municipalités n'ont pas facilité les choses. Le gouvernement a demandé que 140 000 000 $ de travaux de plus que ce qui était prévu pour 1983-1984 soient réalisés. Le ministre de l'Environnement a procédé à la simplification des procédures, et l'accélération est enclenchée. Le gouvernement a aussi demandé à Hydro-Québec de préparer pour 1983-1984 un programme additionnel d'investissements d'environ 200 000 000 $. Il ne s'agit pas bien sûr d'augmenter la capacité de production d'électricité, mais plutôt d'accélérer certains investissements ou travaux dont, entre autres, les programmes d'entretien du réseau. Rappelons à cet effet que les besoins financiers nécessaires aux chantiers de la Baie-James ont entraîné, pendant quelques années, une réduction relative des ressources affectées à ces programmes. D'autre part, des investissements importants vont être réalisés cette année en vue de convertir des systèmes énergétiques industriels du pétrole à l'électricité. La quatrième voie adoptée pour accélérer les investissements publics a trait à l'utilisation des soldes disponibles dans le cadre des ententes auxiliaires fédérales-provinciales. La formule est plus aléatoire et demande quelques explications. Plusieurs ententes signées par les deux gouvernements prévoient le partage des coûts pour une foule de projets routiers, touristiques, industriels. La plupart de ces ententes ont été signées pour cinq ans et viennent à échéance le 31 mars 1984. Il va de soi qu'après quatre ans, plusieurs projets conçus il y a longtemps n'ont pas été réalisés, soit parce qu'ils se sont révélés illusoires ou non nécessaires ou parce que l'un des deux gouvernements n'a pas jugé bon, pour des raisons souvent valables, de procéder. C'est ainsi qu'il reste un solde de plus de 100 000 000 $ dans ces ententes, qui ne serait vraisemblablement pas dépensé d'ici la fin de l'année et qui dès lors disparaîtrait. Sous la conduite du ministre délégué à l'Aménagement et au Développement régional, responsable de l'administration des ententes auxiliaires, une liste de nouveaux projets a été dressée qui remplace les projets périmés, mais qui s'inspire des mêmes objectifs Ces projets sont souvent d'une grande importance sur le plan local ou régional et je ne peux que souhaiter que le gouvernement fédéral accepte de se joindre à nous pour épuiser toutes les sommes disponibles dans le cadre de ces ententes. Il faut enfin incorporer au plan d'action économique du gouvernement les programmes de création d'emplois destinés, en premier lieu, à remettre au travail des dizaines de milliers de chômeurs, d'assistés sociaux et de jeunes qui n'ont pu encore travailler. Ces programmes créent sans doute beaucoup d'emplois temporaires. Mais une partie des chômeurs retrouvent, grâce à eux, des emplois permanents et, en particulier, le Programme expérimental de création d'emplois communautaires, appelé communément PECEC, aura contribué à la création d'entreprises dont un nombre impressionnant a traversé la crise sans dommage. C'est à 235 000 000 $ que s'élèveront les sommes affectées à ces programmes cette année, et plus de 60 000 personnes pourront en bénéficier. En dernier lieu, afin de soutenir les activités dans deux de nos principales industries, j'annonce ce soir que 5 000 000 $ supplémentaires seront consacrés à la promotion touristique et une somme équivalente sera consacrée à l'accélération du programme de reboisement, particulièrement pour l'agrandissement des pépinières. Je terminerai cet examen du plan d'action économique par quelques observations sur les rapports que nous entretenons actuellement avec le gouvernement fédéral. Depuis le discours sur le budget du 19 avril dernier prononcé à Ottawa, nous savons maintenant que les propositions si souvent faites par le Québec quant à la lutte contre la récession sont maintenant acceptées. Pour la première fois depuis plusieurs années, les deux gouvernements sont à peu près sur la même longueur d'onde. Tant que les Québécois ne nous auront pas donné le mandat de sortir du régime politique actuel, il faut profiter d'une telle conjonction. La remise au travail de tant de chômeurs et la relance de l'économie l'exigent. C'est donc au nom du sens commun que j'ai offert à Ottawa une active collaboration, pour faire en sorte que les décisions qui relèvent des deux gouvernements aboutissent rapidement. Contrairement au gouvernement fédéral, je n'ai cependant pas l'intention d'augmenter ce soir le fardeau fiscal des contribuables au-delà de ce qu'il est présentement, et ceci pour les trois ou quatre années qui viennent. Je n'ai pas non plus l'intention d'annoncer une augmentation majeure du déficit. Cela nous amène à discuter de la politique fiscale que j'entends suivre. À l'égard des taxes à la consommation, commençons par deux décisions qui, à la suite du discours sur le budget de l'an dernier, doivent être annoncées ce soir; elles ont trait à la taxe de vente et à la taxe sur les télécommunications. D'autre part, j'entends aussi traiter de la taxe sur les carburants. L'an dernier, il était apparu inévitable d'augmenter de 8% à 9% la taxe générale de vente et celle qui s'applique aux télécommunications. Ce taux devait prévaloir jusqu'à la fin de l'année fiscale, c'est-à-dire jusqu'au 31 mars 1983. A la suite d'une déclaration ministérielle, j'ai annoncé que le même taux serait maintenu au moins jusqu'à ce soir. J'annonce maintenant qu'il ne sera pas réduit. Je laisse, M. le Président, un délai décent pour permettre à nos amis d'en face de manifester. Plus tard, lorsque nous en aurons les moyens, il faudra déterminer si l'on poursuit la politique amorcée il y a plusieurs années et qui consiste à exempter des produits essentiels comme les vêtements, les chaussures, les textiles, les meubles ou les appareils électriques de base, ou bien plutôt si nous réduisons le taux général de la taxe de vente. Pour le moment, certaines nouvelles exemptions qui n'ont pas autant d'importance que celles d'années antérieures - j'en conviens - entrent en vigueur à partir de minuit ce soir: il s'agit de produits disparates qui vont de produits d'hygiène au matériel roulant minier et forestier. On en trouvera la description en annexe. On notera cependant qu'une taxe additionnelle de 2 $ par vidéocassette vierge dont le support est de moins de 19 millimètres est ajoutée à la taxe de vente. Elle entrera aussi en vigueur ce soir à minuit. Elle contribuera à mieux protéger les droits d'auteur. En outre, la taxe sur les carburants sera maintenue au niveau actuel de 40% du prix de détail. Le fait de passer de 20% à 40% le 18 novembre 1981 a rapporté au trésor public, au cours de 1982-1983, environ 600 000 000 $. Il n'y a aucun moyen par lequel on puisse, dans l'immédiat, se passer d'une somme pareille. Il faut quand même reconnaître que l'augmentation du prix de l'essence, à cause de la surtaxe, aura accéléré le passage à des voitures plus petites, consommant moins et donc contribuant à sauver l'énergie. D'autre part, cette surtaxe a contribué aussi, avec le nouveau Code de la route, à réduire la vitesse de circulation sur les routes. Les résultats en ce qui a trait aux accidents et, en particulier, aux accidents sérieux, sont tout à fait spectaculaires et c'est ainsi que les primes d'assurance automobile pour dommages corporels n'ont augmenté que légèrement depuis quatre ans. Enfin, l'augmentation de la taxe sur les carburants aura entraîné une chute, somme toute, souhaitable de la consommation d'essence super qui, au Québec, était proportionnellement le triple de celle du reste du Canada. De cette façon aussi, les Québécois ont pu atténuer le fardeau additionnel de la surtaxe. Je reconnais cependant que l'augmentation de la taxe sur les carburants a entraîné pour les détaillants d'essence des régions frontalières des problèmes sérieux qu'une formule de compensation a cherché à atténuer. Sur la base de l'expérience acquise, il me semble nécessaire de modifier la formule et de l'enrichir. Des dispositions précises à ce sujet entrent en vigueur ce soir et apparaissent en annexe. Elles augmenteront l'aide financière aux détaillants frontaliers d'environ 6 000 000 $. En outre, la taxe applicable au gaz propane utilisé comme carburant sera réduite au niveau du taux effectif de la taxe sur les carburants à compter de minuit ce soir. En ce qui regarde maintenant l'impôt sur le revenu des particuliers, on sait que certains groupes en attaquent, depuis plusieurs années, à la fois le niveau général et la progressivité. Le thème le plus souvent entendu a trait à la fiscalité des cadres que l'on compare à celle de la province voisine où elle est moins élevée. De son côté, le gouvernement soutient à juste titre qu'il a réussi depuis plusieurs années à faire en sorte que, pour les contribuables taxés comme marié et qui gagnent l'équivalent du salaire industriel moyen ou moins, l'impôt sur le revenu soit à un niveau voisin et parfois inférieur à l'Ontario. J'ai par ailleurs fait réexaminer toute la structure de l'impôt sur le revenu québécois dans un cadre plus large que celui qui est habituellement utilisé. En effet, on sait que depuis des années les gouvernements successifs ont introduit divers programmes d'aide au contribuable qui ont souvent comme caractéristique d'être de moins en moins généreux, au fur et à mesure que s'accroît son revenu. D'autre part, les bénéfices découlant de certains de ces programmes sont taxables alors que d'autres ne le sont pas. Le résultat de toute cette sédimentation, c'est sans doute que les comparaisons interprovinciales du véritable fardeau fiscal deviennent de plus en plus malaisées, mais surtout qu'on ne sait plus exactement quel est le taux véritable de taxation au fur et à mesure que s'élève le revenu. La sagesse populaire veut qu'à cause de la conjonction de l'impôt qui croît et des avantages qui décroissent quand le revenu s'élève, il n'est guère intéressant pour les chômeurs ou les assistés sociaux de se remettre au travail, même quand le travail est disponible; on souligne aussi souvent que d'obtenir une promotion n'est pas particulièrement incitatif sur le plan financier, même si le revenu initial est assez faible. De telles réactions sont très sérieuses et doivent être examinées. Après tout, une société doit être en mesure de reconnaître et de promouvoir l'intérêt financier au travail. La fiscalité des cadres a une grande importance pour assurer leur motivation. La fiscalité du travailleur ordinaire en a tout autant pour les mêmes raisons. En période de récession aiguë, comme celle que nous venons de connaître, notre système fiscal et social protège celui qui perd son travail mieux que dans beaucoup d'autres pays du monde. Mais, dès que la relance s'accentue, il est évident que, pour bien des gens, le retour au travail, surtout officiel, enregistré, peut présenter assez peu d'intérêt financier. Et, bien sûr, l'attrait du travail au noir, c'est-à-dire caché, non enregistré, croît proportionnellement. C'est dans ce contexte que j'ai l'intention de déposer, l'automne prochain, un livre blanc sur la fiscalité des particuliers qui examinera en même temps tous les programmes fiscaux ou sociaux qui s'y greffent et formulera un certain nombre de recommandations pour l'ensemble de la fiscalité sur le revenu des particuliers, de bas en haut de l'échelle. Le livre blanc sera basé sur quelques principes simples. Entre autres, on cherchera à assurer une progressivité qui incite au travail et à l'accroissement des revenus, mais qui, d'autre part, atteigne des maximums plus compatibles avec ce que l'on trouve ailleurs en Amérique du Nord. Une fois le livre blanc publié, une discussion publique pourra s'engager et les décisions, quant à la réforme du système, seront alors annoncées au prochain discours sur le budget. Dans l'intervalle cependant, des dispositions doivent être prises quant au taux d'indexation qui sera applicable aux exemptions personnelles le 1er janvier 1984. Comme on le sait, depuis quelques années nous avons utilisé un taux de 7,5%. Le gouvernement fédéral a abaissé son propre taux d'indexation qui s'applique aussi bien aux exemptions qu'à la table d'impôt, à 6% le 1er janvier 1983, alors que le Québec continuait d'appliquer un taux de 7,5%. Pour le 1er janvier 1984, le gouvernement fédéral a confirmé un taux de 5%. Tenant compte de la nette réduction du taux d'inflation, j'annonce que le taux québécois sera aussi de 5%. L'exemption personnelle de base sera portée à 5280 $, l'exemption de personne mariée à 3960 $ et les exemptions pour raison d'âge de ceux qui ont plus de 65 ans à 2200 $. On trouvera en annexe la liste des autres exemptions personnelles pour 1984. On notera, en tout état de cause, qu'un couple taxé comme marié ne paiera aucun impôt sur les premiers 9450 $ de revenus, et qu'un couple âgé de plus de 65 ans ne paiera aucun impôt sur les premiers 14 460 $ de revenus. Si les décisions essentielles quant à l'impôt sur le revenu seront prises l'an prochain, il n'en est pas de même à l'égard de diverses modifications à la fiscalité applicable aux entreprises et aux placements que les contribuables y font. Il faut prendre dès maintenant des décisions, alors que la reprise de l'économie s'amorce et qu'un grand nombre d'entreprises sortent de la récession dans une situation financière précaire. En outre, il importe qu'au-delà des crédits affectés au virage technologique, un certain nombre de mesures d'ordre fiscal viennent ajouter un accent plus prononcé encore aux secteurs prioritaires de la recherche et du développement technologique. D'ores et déjà, il est apparu depuis un an que la récession aura eu comme un de ses résultats d'augmenter considérablement l'endettement des entreprises canadiennes. Au Québec, où traditionnellement nos entreprises sont sous-capitalisées, le phénomène est plus important encore et explique un bon nombre des faillites que nous avons connues. Le plan d'urgence de financement des entreprises lancé en 1982 et qui se poursuivra en 1983, a permis, comme je l'ai signalé précédemment, d'aller au plus pressé à l'égard de centaines d'entreprises manufacturières en augmentant leur capacité d'emprunt et en en réduisant le coût. Dans ce sens, le plan Biron est arrivé à temps pour éviter un affaissement encore plus grand de l'industrie québécoise. Il n'en reste pas moins que le problème de la sous-capitalisation des entreprises reste endémique. Il faut, de toute évidence, inciter davantage d'une part les entreprises à augmenter leur capital-actions et, d'autre part, les particuliers à acheter ces actions. Déjà le Québec a innové à cet égard en créant le Régime d'épargne-actions. Ce programme aura coûté 40 000 000 $ en 1982-1983 au trésor public et a permis de faciliter le placement des actions d'une trentaine de corporations, en même temps qu'il permettait de réduire sensiblement le niveau des impôts payables par les contribuables à hauts revenus. Il n'en reste pas moins qu'à l'usage, le Régime d'épargne-actions ne s'est pas révélé aussi utile qu'il aurait pu l'être pour les entreprises, par opposition aux particuliers. Une dizaine de grandes entreprises qui, au fond, n'ont pas besoin du Régime d'épargne-actions pour placer leurs titres, ont mobilisé la majeure partie des émissions alors que les petites et moyennes entreprises en ont profité moins qu'on aurait pu le penser de prime abord. Or, les problèmes de sous-capitalisation s'appliquent bien plus à elles qu'à de grandes banques ou à des holdings, par exemple, comme Canadian Pacific Enterprises. Il faut donc réorienter le tir. Déjà, l'entrée en vigueur de la nouvelle Loi sur les valeurs mobilières facilite grandement la préparation d'émissions d'actions par les petites et moyennes entreprises. La fiscalité doit venir appuyer cet assouplissement. J'annonce donc ce soir les mesures suivantes: Les actions privilégiées non rachetables mais convertibles en actions ordinaires au gré du détenteur, émises par une corporation en voie de développement, après le discours sur le budget, seront dorénavant admissibles au Régime d'épargne-actions. Le concept de corporation en voie de développement est défini à l'annexe sur les mesures fiscales. Il s'agira essentiellement de corporations dont l'actif se situe entre 2 000 000 $ et 25 000 000 $ de même que des corporations dont l'actif est de 2 000 000 $ ou moins, mais qui exploitent principalement une entreprise à caractère communautaire reconnue par le gouvernement. En outre, et le changement est majeur, toutes les actions ne seront pas également admissibles au régime. Les actions émises par des entreprises dont l'actif dépasse 1 000 000 000 $ ne seront admissibles à une déduction qu'au taux de 75% de leur coût d'achat pour l'année 1984 et de 50% pour l'année 1985. Les actions émises par des corporations en voie de développement seront admissibles à une déduction au taux de 150% de leur coût d'achat à partir de minuit ce soir. Enfin, les autres actions émises, c'est-à-dire entre 25 000 000 $ et 1 000 000 000 $, continueront d'être admissibles pour leur pleine valeur, comme c'est le cas actuellement. Par ailleurs, pour l'année d'imposition 1983, le plafond de placement admissible pour le Régime d'épargne-actions restera limité à 20% du revenu, mais s'appliquera dorénavant au revenu total plutôt qu'au revenu gagné, c'est-à-dire que les revenus de placement seront aussi admissibles au régime d'épargne-actions et non pas seulement les revenus de travail. Quant au montant maximum de 15 000 $, il sera porté à 20 000 $ à compter de 1984. Encore faut-il cependant que les entreprises soient incitées à émettre des actions. Sans doute, à cause du Régime d'épargne-actions, peuvent-elles vendre plus facilement des actions à leurs actionnaires existants ou à leurs employés. Il n'en reste pas moins que dès qu'une entreprise atteint une certaine taille, c'est encore par le truchement d'émissions dans le grand public que le financement par actions est le plus efficace. Mais les émissions publiques sont en butte à plusieurs obstacles. Certaines entreprises sont contrôlées par des familles ou des groupes restreints d'associés, et les propriétaires veulent à la fois garder le contrôle des opérations et n'avoir de comptes à rendre qu'à eux-mêmes. La réaction est humaine et on ne peut guère y faire contre cela. Par ailleurs, dans bien d'autres cas, les raisons sont plutôt d'ordre financier. Malgré les simplifications apportées à la Loi sur les valeurs mobilières, les coûts reliés à l'étude de faisabilité d'une émission et les frais de courtage sont à ce point élevés qu'ils peuvent gruger une part assez considérable du produit de la première émission d'une petite entreprise. Le coût d'une première émission est cependant bien davantage grevé par ce que l'on pourrait appeler le coût d'entrée sur le marché public. Ce que désigne cette expression a trait au phénomène suivant: les acheteurs de la première émission d'une entreprise achètent un titre jusqu'alors inconnu. Ils vont donc exiger une sorte d'escompte sur la valeur réelle de l'action. Afin d'éliminer les problèmes que je viens de décrire et d'inciter les entreprises à consolider leur base financière, et ainsi augmenter leur capacité de croissance, j'annonce qu'à partir de demain toute corporation en voie de développement qui veut procéder à une première émission publique d'actions sera admissible à deux types de subventions. Les études de faisabilité d'une première émission publique d'actions seront admissibles à une subvention pouvant atteindre 10 000 $ et qui sera égale à la moitié des frais encourus. En second lieu, le coût d'entrée à l'occasion d'une première émission, que je viens de décrire comme étant l'escompte sur les titres et les frais d'émission, sera compensé de la façon suivante: le gouvernement paiera à la corporation admissible une subvention égale à 75% des premiers 200 000 $ d'actions admissibles souscrites et payées d'une première émission publique d'actions, 50% pour la tranche suivante de 200 000 $ à 400 000 $ et 25% pour celle qui est supérieure à 400 000 $, sans dépasser toutefois 1 000 000 $. La Société de développement industriel du Québec administrera le programme. Voilà de nouvelles incitations pour que les entreprises s'engagent plus résolument dans le financement par actions. On cherche ainsi à agir sur l'offre d'actions comme le Régime d'épargne-actions cherche à agir sur la demande. Sans doute n'y a-t-il rien dans les mesures qui ont été annoncées ce soir pour faciliter et activer le marché secondaire des actions. Néanmoins, j'ai été sensible aux représentations qui m'ont été faites par les autorités de la Bourse de Montréal d'accorder des avantages fiscaux particuliers à ce qu'on appelle les mainteneurs de marché. Les détails de ces avantages seront définis dans les prochaines semaines en collaboration avec les représentants de la Bourse et s'appliqueront à l'année financière des mainteneurs de marché débutant après le jour du présent discours. En outre, et cela a beaucoup plus de conséquences, il faut déterminer si l'on doit s'harmoniser aux mesures annoncées par le ministre fédéral des Finances à l'égard du nouveau régime de taxation du gain en capital sur les actions d'entreprises canadiennes achetées aussi bien sur le marché primaire que secondaire. Les mesures proposées par le ministre fédéral consistent à ne taxer que le gain en capital qui dépasse le taux d'inflation. Il faudra une législation considérable pour mettre en place ce système. D'autre part, l'enregistrement et le contrôle des transactions demanderont une paperasserie accrue. Je n'ai pas l'intention de m'engager dans une telle voie. J'annonce donc qu'à partir du jour où le nouveau régime fédéral sera mis en vigueur, toute action appartenant à un Québécois, inscrite dans un régime fédéral de placements en titres indexés, ne sera plus assujettie à l'impôt sur le gain en capital en vertu de la Loi sur les impôts du Québec. Cela incitera davantage les contribuables à détenir des actions et facilitera le développement d'un marché secondaire sur les titres d'entreprises. Avant, M. le Président, d'en terminer avec tous ces efforts pour amener les Québécois à acquérir, détenir et transiger des actions d'entreprises, et ainsi améliorer la capitalisation de celles-ci, je tiens à dire quelques mots du projet de la Fédération des travailleurs du Québec; il consiste à créer un fonds de solidarité auquel les travailleurs et les fonds qu'ils contrôlent souscriraient, et dont la vocation serait de participer au capital de risque des entreprises. C'est avec enthousiasme que le gouvernement a accueilli le projet. Les avantages fiscaux qui doivent l'accompagner sont activement discutés et j'ai bien l'intention de faire en sorte que les travailleurs trouvent à ce projet des avantages aussi appréciables que ceux que j'annonce ce soir dans un cadre plus large. L'économie du Québec, en dépit de l'épargne considérable qu'elle génère, a trop manqué jusqu'ici de capital de risque pour que l'on ne prenne pas, après le choc de la récession, tous les moyens nécessaires pour enfin créer un climat qui amène tous les Québécois à construire une économie plus solide, plus concurrentielle et dont ils seraient propriétaires. Les efforts ainsi déployés pour améliorer la capitalisation des entreprises doivent être accompagnés d'ajustements apportés au régime général d'imposition des entreprises et de leurs charges sociales. La taxation générale des entreprises a posé des problèmes depuis un an environ. Pourtant, la réforme de la fiscalité des entreprises n'avait pas été mal reçue en 1981. Certes, la contribution des employeurs au fonds des services de santé a été augmentée de 1,5% de la feuille de paye à 3%, et la taxe sur le capital a été augmentée de 50%, c'est-à-dire de 0,30% à 0,45%; par contre, l'impôt sur les profits avait tout de même été réduit de 12% à 3% pour les petites entreprises et, par étapes, de 13% à 5,5% pour les grandes. Nulle part, au Canada, l'impôt sur les profits de l'ensemble des corporations n'est aussi faible. Encore faut-il que les entreprises fassent des profits pour apprécier les vertus d'un pareil régime. Quand elles n'en font pas, elles ne voient forcément que leurs contributions au fonds des services de santé et leur taxe sur le capital, qui sont une sorte de charges fixes. Pour soulager les entreprises, si nombreuses, qui ont accumulé des pertes à l'occasion de la récession, j'indique d'abord que j'harmoniserai notre législation fiscale à l'extension de la période de reports de pertes annoncée par le ministre fédéral des Finances, le 19 avril dernier, et qu'en outre, j'ai l'intention d'augmenter le crédit d'impôt remboursable d'une corporation qui subit une perte d'entreprise. Actuellement, ce crédit d'impôt est de 3% de cette perte, jusqu'à concurrence du montant payable au titre de la taxe sur le capital. Cette limite est triplée à l'égard des pertes subies dans toute année d'imposition se terminant à partir de demain. La combinaison de l'harmonisation à la déclaration fédérale et de l'augmentation de la limite du crédit d'impôt permettra aux entreprises de réduire de 20 000 000 $ leur fardeau fiscal en 1983-1984. Il faut maintenant aborder des mesures qui concernent trois secteurs d'une importance exceptionnelle: les entreprises engagées dans la recherche et le développement, les entreprises de services spécialisés qui ont à utiliser de la main d'œuvre québécoise à l'étranger et les opérations internationales des sociétés financières. Dans chacun de ces cas, il s'agit d'entreprises qui ont acquis depuis quelques années une importance considérable pour le développement du Québec et à l'égard desquelles des avantages fiscaux peuvent accélérer le développement. C'est un truisme d'affirmer que l'économie canadienne, comme l'économie du Québec, ne consacre pas suffisamment d'argent à la recherche et au développement. Parce qu'une part si élevée du contrôle des entreprises canadiennes est entre les mains d'intérêts étrangers, il est compréhensible qu'il en soit ainsi. En fait, il n'y a guère d'avantages à ce que les filiales s'activent dans le secteur de la recherche. Il faut donc ou bien qu'elles aient un intérêt financier évident à le faire, ou bien que les entreprises autochtones jouent ce rôle à leur place. Aux fins d'assurer cet intérêt financier, j'annonce que pour les dépenses de recherche et de développement effectuées à compter de demain, un crédit d'impôt remboursable sera créé, équivalant à 10% de la masse salariale consacrée à cette fin par toute entreprise au Québec. Le caractère remboursable de ce crédit d'impôt implique même si une entreprise ne fait aucun profit dans une année, 10% de la masse salariale qu'elle consacre à la recherche et au développement lui sera payée par l'État. Les détails de cette mesure sont aussi exposés en annexe. Elle coûtera 26 000 000 $ au trésor public. Il me semble qu'après l'introduction d'une telle mesure, aucune entreprise implantée ici n'aura un intérêt financier à conduire ses recherches ailleurs qu'au Québec. On sait aussi à quel point les entreprises québécoises de services professionnels, de génie-conseil en particulier, ont admirablement réussi à s'engager sur les marchés étrangers. J'y ai d'ailleurs fait allusion précédemment. Ces entreprises utilisent les services de nombreux Québécois qui acceptent de s'expatrier pendant un temps plus ou moins long pour construire les équipements téléphoniques, les écoles techniques, les barrages ou les usines que le tiers monde et, de plus en plus, les pays industriels achètent au Québec. Pour la réalisation de leurs contrats à l'étranger, les entreprises du Québec doivent pouvoir trouver avantageux d'utiliser le plus grand nombre de Québécois possible. Le Québec a tout intérêt à ce qu'un grand nombre des siens aient une expertise internationale. Or, ceux qui vont chercher cette expertise ne profitent pas, pendant qu'ils sont à l'étranger, de la plupart des services publics disponibles ici. Il est donc normal qu'on réduise, pendant leur séjour à l'étranger, les impôts qu'ils doivent payer au Québec. Déjà, nous avons fait une partie du chemin dans ce sens; il faut maintenant faire davantage. J'annonce donc qu'à partir de minuit ce soir tout salarié résident québécois qui quittera le Canada pour aller travailler à l'étranger, pour un employeur qui réside au Canada ou pour une filiale étrangère de cet employeur, sera exonéré d'impôt sur son revenu gagné à l'étranger en proportion du nombre de mois complets qu'il aura ainsi travaillé à l'étranger, de sorte qu'après douze mois il sera complètement exonéré d'impôt sur ce revenu. Les indemnités de séjour, quant à elles, seront exemptées totalement dans la mesure où elles seront en deçà de la moitié de la rémunération de base. Les entreprises québécoises disposeront ainsi d'un statut fiscal pour leurs employés qui les rendra plus concurrentielles avec les entreprises européennes, américaines ou japonaises auxquelles elles ont à disputer des contrats. En outre, et pour rester dans le secteur des transactions internationales, j'ai déjà indiqué que le gouvernement du Québec appuyait sans réserve le projet de création d'un centre bancaire international à Montréal. Le gouvernement fédéral tarde à donner une réponse à ce sujet. Pour augmenter la pression de ce côté, j'annonce que je suis disposé à enlever toute taxe sur le capital, impôt et contributions d'employeurs au fonds des services de santé qui relève du gouvernement de Québec et qui seraient reliés directement aux transactions internationales des institutions d'un tel centre dès que le gouvernement fédéral aura accepté de faire de même. Je termine ici l'exposé des principales mesures fiscales qui s'adressent aux entreprises. A cela s'ajoutent quelques autres modifications dont on trouvera les détails en annexe. Mentionnons entre autres que des allégements sont apportés à la fiscalité pour stimuler l'exploration minière et pour favoriser la production cinématographique au Québec. Il faut maintenant aborder un sujet fort controversé dans certains milieux, soit celui des impôts successoraux. Le Québec est la seule province, nous le savons, au Canada, qui ait gardé cette forme de taxation. On trouve des impôts de ce genre un peu partout en Europe et dans un bon nombre d'États américains. Néanmoins, parce qu'il n'y en a plus ailleurs au Canada, la demande est constamment faite au ministre des Finances de les supprimer. Le fait de réduire le fardeau de cet impôt, de multiplier les exemptions, n'a pas atténué les pressions. J'ai à nouveau réexaminé cette question. Il me paraît toujours qu'en terme d'équité sociale un tel impôt doit demeurer. Il rapporte une cinquantaine de millions de dollars par an. Il pourrait donc être remplacé par une autre forme de taxation sans trop de difficultés. Dans la mesure où on n'a jamais accepté de taxer le gain en capital autant qu'un revenu de travail, dans la mesure aussi où on cherche, à juste titre, d'ailleurs, à mon sens, à réduire l'incidence du gain en capital sur la possession de certains types de titres comme les actions, il me semble normal que l'on garde un impôt sur le capital accumulé au moment du décès. Je suis disposé, cependant, à y apporter des aménagements. En premier lieu, l'exemption dont dispose chaque enfant ou parent d'un défunt qui était jusqu'ici de 85 000 $ est porté pour les successions ouvertes après minuit ce soir, à 100 000 $. Ce n'est pas un changement majeur et l'inflation des trois dernières années justifie amplement cette augmentation. J'annonce aussi une augmentation de 15 000 $ à 20 000 $ de l'exemption des droits sur les legs à des tiers. Quant à l'impôt sur les dons, la franchise maximum passera de 3000 $ à 5000 $ par bénéficiaire annuellement et l'exemption annuelle totale sur les dons effectués par une personne passera de 15 000 $ à 25 000 $. Les déductions pour les dons de biens agricoles seront aussi augmentées. Actuellement, une personne peut faire en faveur de ses enfants une donation de biens utilisés à des fins agricoles, d'un montant maximum de 75 000 $. À compter de 1983, il sera possible de faire un don total non taxable de 100 000 $ à ses enfants, en deux tranches. Cette exemption sera étendue aux intérêts dans une société agricole. J'ai aussi l'intention de prévoir une modalité additionnelle quant au paiement des droits successoraux. À partir de maintenant, toute personne qui veut éviter à ses héritiers de payer ces droits pourra, en tout temps jusqu'à son décès, procéder à des dons à l'une ou l'autre de deux fondations qui seront créées et dont la première sera consacrée à la recherche et au développement, et la seconde aux arts et à la culture. Ces dons permettront aux héritiers d'obtenir un crédit de 90% contre leurs droits successoraux à payer. Toute liberté sera laissée au testateur de choisir le domaine auquel seront affectées ses contributions. C'est ainsi, par exemple, que l'on pourra choisir parmi tous les secteurs de la recherche, l'une ou l'autre de plusieurs disciplines scientifiques. Chacun de mes deux collègues, le ministre délégué à la Science et à la Technologie et le ministre des Affaires culturelles publieront bientôt les règlements applicables à chacune de ces deux fondations. Tout don à l'une ou l'autre de ces fondations, réduira la somme des impôts sur le revenu et sur les successions d'un montant pouvant atteindre 150% du montant du don. Ainsi, on pourra éviter de payer des droits successoraux ou plutôt d'en faire payer à ses héritiers, tout en contribuant au développement de deux secteurs majeurs de la vie de notre société, qui n'ont jamais reçu suffisamment de ressources et qui doivent, à bien des égards, être protégés contre les demandes, souvent insistantes, d'ailleurs, en provenance d'autres secteurs. On trouvera, enfin, en annexe au discours sur le budget, une longue nomenclature de modifications mineures, mais parfois essentielles à notre législation fiscale. Il serait fastidieux d'en faire la lecture devant l'Assemblée nationale. Je mentionnerai simplement que des améliorations sont apportées à la taxation des élus municipaux et à la Loi sur les licences du Québec. De même, des modifications sont apportées en ce qui concerne le financement des partis politiques et la commercialisation des boissons alcooliques dans les épiceries. On trouvera également des mesures d'harmonisation aux politiques fiscales du gouvernement fédéral. Je dois dire que plusieurs de ces modifications correspondent à des demandes venant de groupes, d'associations et de particuliers. Toutes les suggestions n'ont pas été retenues, cela va de soi. Cependant, parce que de telles suggestions permettent d'améliorer l'équité et le fonctionnement du système fiscal, je me permets de remercier tous ceux qui ont présenté des propositions et je souhaite que, d'année en année, elles soient plus nombreuses encore. Nous en arrivons à la dernière partie de ce discours sur le budget, M. le Président; elle traite des équilibres financiers projetés pour 1983-1984 et des perspectives de ces équilibres pour les deux années qui suivent. Ainsi que j'ai eu l'occasion de le signaler, on a posé comme hypothèse que la relance en 1963 serait tout juste suffisante pour qu'en moyenne, au cours de cette année, le produit intérieur brut soit de 1,5% supérieur à celui de 1982. On s'appuie aussi sur un taux d'inflation, mesuré par l'indice du coût de la vie, un peu inférieur à 6%. Il va de soi qu'à partir de l'hypothèse de croissance retenue, le taux de chômage moyen au Québec sera à peu près le même en 1983 qu'en 1982, encore qu'il devrait s'améliorer à la fin de l'année. Le retour sur le marché du travail d'un bon nombre de travailleurs qui s'en étaient graduellement retirés depuis un an et demi va maintenir le chômage recensé chaque mois à un niveau élevé pendant quelque temps, même si le nombre d'emplois devrait graduellement s'accroître. Sur ces bases et en incorporant les modifications budgétaires et fiscales qui viennent d'être annoncées, on peut tracer les équilibres budgétaires suivants pour 1983-1984. À cet égard, M. le Président, je dépose en deux exemplaires le tableau Il de ce discours sur le budget. Les revenus autonomes s'accroîtront de 9,1 %, alors que les transferts fédéraux seront en hausse de 13,2%. Au total, les revenus budgétaires augmenteront donc d'environ 10,2%. Les dépenses, à la suite des compressions sérieuses entreprises jusqu'ici et de la révision à la baisse des taux d'intérêt et de l'inflation depuis le dépôt des crédits, le 29 mars dernier, ne devraient pas augmenter de plus de 9%, soit au même rythme, sur la base de l'année financière du gouvernement, que le produit intérieur brut en dollars courants. Dans ces conditions, le déficit budgétaire devrait être de 3 165 000 000 $, c'est-à-dire du même ordre que celui de 1982-1983. Comme le solde des comptes non budgétaires sera de l'ordre de 950 000 000 $, les besoins financiers nets du gouvernement du Québec ne devraient pas dépasser 2 235 000 000 $, soit à peu près le même montant qu'au cours des trois dernières années. En raison de la hausse des revenus et du niveau de l'inflation, le poids relatif des besoins financiers nets baisse régulièrement. À cause de l'intérêt considérable qu'ont provoqué les déficits et les besoins financiers nets du gouvernement du Québec depuis 1960-1961, il peut être utile de voir comment nous nous situons actuellement à cet égard. On trouvera en annexe une comparaison des besoins financiers nets de toutes les provinces canadiennes en 1982-1983, une fois l'année terminée. On constatera que, per capita, le gouvernement du Québec vient au neuvième rang, c'est-à-dire que huit provinces ont actuellement des besoins financiers nets supérieurs à ceux du Québec. La modération apportée à l'expansion de nos dépenses et de difficiles augmentations d'impôts nous ont permis d'atteindre ce résultat. Avec un peu d'imagination nous pouvons, depuis quelques mois et de plus en plus dans le courant de l'année 1983, intervenir beaucoup plus énergiquement sur la relance des entreprises et de l'économie. Va-t-on tout de même en arriver à une situation où l'on pourra reprendre la baisse des impôts, que nous avions si solidement amorcée à partir de 1978 et qu'il a fallu annuler depuis que la récession nous a frappés? En somme, à partir des conclusions du livre blanc qui sera présenté l'automne prochain, aura-t-on les moyens de diminuer le fardeau fiscal des contribuables du Québec? Il n'y a qu'une façon de pouvoir répondre correctement à cette question. C'est d'établir une projection des revenus et des dépenses du gouvernement pour une période de quelques années. L'an dernier, pour la première fois, j'ai fait état dans le discours sur le budget d'une projection triennale des équilibres financiers. L'exercice est dangereux, en ce sens que les risques de publier des données qui, à l'expérience, se révéleraient inexactes sont considérables. On ne peut facilement déterminer, deux ou trois ans à l'avance, ce que seront le taux de croissance de l'économie ou les taux d'intérêt. Néanmoins, un tel exercice permet au moins de dégager la dynamique interne du système et de constater si on est sur la bonne voie ou non. On trouvera en annexe au présent discours les perspectives à moyen terme de la situation financière du gouvernement du Québec qui incorpore les décisions qui viennent d'être annoncées. Ce qu'elles révèlent, en définitive, c'est que, en ne changeant rien à la structure fiscale actuelle ni aux programmes de dépenses existants et en supposant un rythme de croissance réelle de l'économie de 4,7% en 1984, de 2,9% en 1985, le déficit serait de 3 200 000 000 $ en 1984-1985, de 2 900 000 000 $ en 19851986. Quant aux besoins financiers nets, ils seraient de 2 200 000 000 $ en 1984-1985 et de 1 700 000 000 $ seulement l'année suivante. On constate donc que les besoins financiers du gouvernement sont en voie de se réduire et qu'il se dégage ainsi une marge de manœuvre au cours des prochaines années. Aussi, en réponse à la question que nous avions posée, nous pouvons dire qu'effectivement il y aura place, même avec une croissance relativement modeste de l'économie, pour recommencer la réduction du fardeau fiscal. Évidemment, si la croissance est plus rapide que celle dont j'ai tenu compte jusqu'à maintenant, la place est plus grande encore. Il dépendra, comme j'ai eu l'occasion de le signaler précédemment, de l'aptitude à mobiliser les énergies dans le secteur public pour en accélérer les investissements, d'une amélioration du climat entre les partenaires sociaux, de l'appui donné par le gouvernement aux investissements privés et à l'exportation, de l'accroissement de la productivité et de l'introduction rapide de nouvelles technologies pour que la confiance des entreprises et des consommateurs soit renforcée et que le rythme de croissance s'accélère. On pourrait alors remplacer des projections et des ambitions modestes par un programme bien plus ambitieux: celui de s'engager résolument dans une politique de plein emploi. Pour ce faire, il faut d'abord rendre crédible l'aptitude de la société québécoise à se sortir de la récession et assurer la relance. C'est le défi de l'année qui vient. En relevant ce défi, nous avons tout à gagner; c'est dans ce sens que je propose que cette Chambre approuve la politique budgétaire du gouvernement. Merci.