Province Législature Session Type de discours Date du discours Locuteur Fonction du locuteur Parti politique Québec 32e 5e Discours sur le budget 23 avril 1985 M. Yves L. Duhaime Ministre des Finances et président du Comité de développement économique PQ M. Duhaime : M. le Président, M. le premier ministre, M. le chef parlementaire de l'Opposition, mesdames et messieurs, collègues du Conseil des ministres, mesdames et messieurs les députés. Chaque printemps amène dans son sillage, après la rentrée parlementaire, le discours sur le budget. En soi, cet exercice permet de nous situer, de faire le point, de soumettre le gouvernement à l'analyse de ses politiques et de ses orientations, d'identifier les défis pour l'avenir et de préciser les moyens retenus pour les relever. On se souviendra longtemps de la rude épreuve qu'aura encaissée notre société durant les années de récession à peine derrière nous. C'était en 1981 et en 1982: inflation galopante, chute des investissements, taux affolant du chômage, taux d'intérêt presque sauvages. Bref, une secousse sismique non seulement chez nous, mais dans tous les pays industrialisés et aussi à l'échelle du monde entier; nous en portons encore aujourd'hui les stigmates et beaucoup reste à cicatriser, entre autres, sur le plan de l'emploi. Le Québec, comme tant d'autres, a écopé à travers ces moments difficiles, peut-être même plus que d'autres en raison notamment de son haut degré d'ouverture sur le monde. En effet, il ne faut jamais oublier que le Québec exporte, bon an mal an, tout près de 40 % de sa production intérieure brute. Ainsi, le moindre soubresaut de l'économie mondiale a son contrecoup chez nous. Au fil des années, nous nous sommes habitués à vivre ainsi plus dangereusement, mais à quel prix! Le seul mérite, pour le moins douteux, qu'auront cette récession et ses répercussions sur notre économie, sur le budget, sur l'emploi et sur notre production aura été de nous faire prendre mieux conscience de nos faiblesses, mais aussi de nos forces, et surtout de notre capacité à nous adapter face à des situations mouvantes et parfois inattendues. Nous sortons à peine de la récession que déjà nous pouvons voir devant nous les signes avant-coureurs de changements à l'horizon. L'économie mondiale est en transformation accélérée. Non seulement allons-nous assister durant le prochain quart de siècle à une continentalisation de l'économie nord-américaine, mais à une mondialisation de l'ordre économique, du moins dans les économies de marché. C'est au cœur de ces transformations que nous devrons œuvrer. Nous devrons donc nous adapter et tirer le meilleur parti de cette situation nouvelle à partir de notre capacité à innover, à partir de notre savoir-faire, en comptant sur nos ressources immenses, sur nos cerveaux et notre imagination. En effet, nul ne peut minimiser le fait que les échanges internationaux s'accroissent à un rythme de beaucoup supérieur à celui de la production mondiale. Les accords du GATT signés à Genève, en 1977, abaissent rapidement les barrières tarifaires avec nos partenaires commerciaux. Nos voisins du Sud, première puissance industrielle, font pression sur notre économie par leurs politiques monétaire, fiscale et tarifaire, tout en demeurant nos principaux clients. La communauté économique européenne, maintenant l'Europe des douze, est depuis quelques années la première puissance commerciale du monde. À l'échelle canadienne, un nouveau gouvernement se débat dans l'enchevêtrement des problèmes économiques et financiers laissés par l'incurie de l'ancien. De ce côté, il y aura des changements sans aucun doute, tant sur le plan économique, fiscal et monétaire que financier. Les provinces canadiennes dans leur ensemble, elles aussi fortement intégrées à l'économie américaine, tout en étant notre principal partenaire commercial, souhaitent aussi la libéralisation des échanges. Ajoutons à cela, la présence sur le marché international de nouvelles offensives, bien légitimes, des pays en développement qui y amènent de nouvelles concurrences dans des activités jusqu'à tout récemment nos chasses gardées. Nous pouvons ainsi prendre toute la mesure des défis que nous aurons à relever. Cette mesure, il nous faut la prendre dans son entièreté et sans détour; et c'est peut-être là que se situe ce qu'il y a de plus emballant. Nous connaîtrons l'an 2000 et les années d'après; nous vivons de plain pied la révolution technologique. Nous ne devons surtout pas la subir, mais y participer et la marquer par notre originalité et notre "spécificité", nous du Québec, ancrés solidement et profondément sur ce continent. Mais, M. le Président, nous devrons, comme société et comme peuple, prendre des moyens à la mesure de nos défis. Le dernier quart de siècle de notre histoire sera à tout jamais marqué par la révolution tranquille et ses eaux tantôt calmes, tantôt plus tumultueuses. Les prochains 25 ans seront bien différents. Nous devons inscrire nos gestes et actions en tendant vers l'excellence. Bref, être les meilleurs, les plus productifs, les plus concurrentiels, les plus audacieux, les plus innovateurs, pousser au maximum l'exploitation de nos ressources humaines, faire tourner à plein régime l'appareil économique, créer l'emploi tant recherché, gager sur le talent et la capacité de nos jeunes, investir davantage dans la recherche et le développement, créer et générer la richesse, voilà le défi des prochaines années. Notre attention devrait porter sur les technologies nouvelles qui, loin de nous effrayer, devraient nous stimuler tous. Ce monde qui s'ouvre à nous avec ses ordinateurs, ses microprocesseurs, ses robots, avec tout l'arsenal de l'informatique, de la bureautique, de la télématique et de l'électronique, du laser, du plasma, et forcément avec la génération des produits nouveaux qu'entraîne cette profonde mutation, ce nouveau monde pose un autre grand défi à nos entreprises et à nos travailleurs. Le plus grand défi face à ces bouleversements et changements, c'est peut-être le changement lui-même. Nous sommes condamnés à nous adapter et à nous transformer. Il y a quelques instants, je parlais de la continentalisation, et aussi de la mondialisation de l'économie. Eh bien: cela viendra vite, très vite même. Et il faudra que les Québécois puisent dans le génie de leur entrepreneurship pour maintenir leurs entreprises, pour continuer de produire et de créer des emplois, pour rester présents sur les grands marchés internationaux. Nous devrons augmenter nos risques et démontrer plus de dynamisme. Si nous ne le faisons pas, d'autres prendront nos places. Cet effort d'adaptation et de changement des dirigeants de nos entreprises, qu'elles soient grandes, multinationales, petites ou moyennes, devra venir de leurs dirigeants, administrateurs, cadres ou actionnaires, mais aussi de leurs employés et travailleurs, et de leurs syndicats. Le gouvernement se doit quant à lui d'épauler les initiatives prises par les différents agents économiques. Il importe en effet que l'État encourage et stimule les éléments productifs et dynamiques de notre société sans lesquels aucune forme structurante de développement économique n'est possible. La fiscalité constitue l'un des moyens les plus efficaces et les plus directs permettant de favoriser la créativité et d'accroître l'incitation au travail. Ce phénomène est d'ailleurs largement illustré dans le livre blanc sur la fiscalité des particuliers rendu public en janvier dernier. Cette volonté ferme de favoriser les éléments productifs de notre société doit cependant tenir compte de l'objectif fondamental de notre gouvernement d'assurer une égalité entre tous les membres et tous les groupes qui forment la collectivité. La première forme d'égalité, et de loin la plus importante, c'est un emploi pour tous. À cet égard, l'intégration des jeunes au travail et le recyclage permanent des travailleurs doivent demeurer une préoccupation constante. L'égalité doit aussi représenter un ensemble de mesures de rattrapage pour les groupes défavorisés. Il est primordial que l'État assure la satisfaction de l'ensemble des besoins essentiels pour la dignité, la santé et le bien-être. Un régime fiscal doit également assurer un traitement fiscal équitable. Cela signifie une contribution identique pour une capacité de payer identique et une contribution supérieure lorsque la capacité de payer est supérieure. Bref, M. le Président, tout en assurant l'équité fiscale et la protection des démunis, l'État se doit cependant de faire en sorte que les forces vives de l'économie, génératrices de croissance et d'emploi, soient encouragées et multipliées. Dans la même veine, je dois parler des sociétés d'État présentes dans de nombreux secteurs économiques du Québec. Il me semble que nous devrions nous poser une simple question: Est-il toujours aussi vital et nécessaire que l'État, par ses entreprises, se maintienne et s'étende de la manière que nous connaissons aujourd'hui? Nous avons vu, durant le dernier quart de siècle, de plus en plus d'hommes et de femmes d'affaires de chez nous assumer de fait la direction d'un nombre de plus en plus grand de nos entreprises; nous avons assisté également à l'émergence des capitaux privés et québécois prêts à prendre la relève. Posons ici la question encore plus directement, et je la pose aux membres de l'Assemblée nationale qui représentent ici toute la population du Québec. Le temps n'est-il pas venu de désengager l'État de certaines activités, de recouvrer ses capitaux pour les utiliser à meilleur escient ailleurs? Ne devrait-il pas redéployer ses efforts dans le développement de nos ressources et de technologies nouvelles? Bref, M. le Président, le changement est devant nous. Dans quinze ans déjà, ce sera un autre siècle. Dans un monde fort différent, sans doute, où les meilleurs et les plus tenaces feront leur chemin. Il nous faudra nous ajuster, disais-je tantôt. Encourager les mutations dans nos entreprises et nos institutions, maîtriser les technologies nouvelles et les utiliser pour le progrès, revoir et modifier l'action de l'État dans l'économie, recycler notre main-d’œuvre et la mieux former dans des activités nouvelles, donner la chance à nos jeunes de se faire valoir et leur faire une place, créer la richesse et en assurer une juste répartition. C'est vers ces grands défis que tous nos efforts devront se tourner. Il s'agit en fait d'assurer une qualité de vie et une place de choix aux Québécois et Québécoises dans un monde de plus en plus concurrentiel. Cette grande ouverture sur le monde, accompagnée d'une remise en cause quasi permanente, implique que nous devrons nous attaquer résolument à ces défis. Le présent discours sur le budget viendra apporter certaines réponses quant aux moyens que nous entendons prendre pour accélérer l'effort entrepris dans certains secteurs et aussi permettre au gouvernement, dans l'établissement des équilibres du budget, de se donner les moyens financiers pour accomplir ses missions sociale et économique. Tout ne sera pas bâti en un seul jour, mais encore faut-il dégager les priorités d'interventions, tenir compte de la capacité de payer de l'ensemble des Québécois, en nous soudant à la dure réalité du vécu quotidien sans perdre de vue nos objectifs. Voyons maintenant, M. le Président, la situation de l'économie et des finances publiques et comment se présentent les perspectives pour l'année qui vient. Déjà, en 1983, on pouvait ressentir graduellement la reprise de l'économie au sortir de la récession. Mais c'est en 1984 surtout, pour une deuxième année consécutive, que l'économie du Québec a connu une performance des plus intéressantes. Je ferai ici des commentaires très brefs, mais on pourra consulter l'annexe sur l'économie en 1984 pour tous les détails des résultats obtenus au cours de l'année. L'élément le plus spectaculaire se situe sans aucun doute sur le plan de la création d'emplois. Alors qu'en 1983 il s'était créé au Québec, sur une base annuelle, 58 000 nouveaux emplois, pour une croissance de 2,2 %, 80 000 nouveaux emplois ont été créés en 1984 pour une croissance de 3 %. Si l'on considère les statistiques de l'emploi sur la base d'un mois d'une année par rapport au même mois de l'année précédente, on constate que la création d'emplois s'établit à 53 000 en décembre 1984 par rapport à décembre 1983. Le taux de chômage a ainsi été ramené d'un sommet de 15,4 % en août 1982 à 11,9 % en décembre 1984. Ces résultats sont encourageants, particulièrement lorsqu'on les compare aux chiffres obtenus par l'ensemble de l'économie canadienne. Depuis deux ans, la croissance de l'emploi et du PIB a été plus forte ici que dans l'ensemble du Canada. Ainsi, la croissance de la production a été de 4 % et de 5 % au Québec, en 1983 et en 1984, pendant qu'elle se situait à 2,7 % et à 4,8 % dans l'ensemble du Canada pour les mêmes années. Pour ce qui est de l'emploi, la situation se présente ainsi: alors qu'il a crû de 2,2 % et 3 % au Québec en 1983 et en 1984, il n'a augmenté que de 0,8 % et de 2,5 % dans l'ensemble du Canada. Bref, sur ces deux dernières années, le tiers de tous les emplois créés au Canada l'auront été au Québec. Tentons maintenant d'expliquer très brièvement, M. le Président, les principales causes de la croissance en 1984. D'abord, le comportement des ménages. Le ralentissement de l'inflation, l'accroissement du revenu réel ainsi que l'amélioration de la situation financière des ménages au cours des dernières années ont permis une progression soutenue des dépenses personnelles en 1984. En outre, l'amélioration de la situation sur le marché du travail a favorisé une plus grande confiance de la part des consommateurs. Pour une deuxième année consécutive, les ménages ont donc réduit leur taux d'épargne. On a ainsi vu les ventes au détail progresser à un rythme de 11,4 % en 1984 comparativement à 9,7 % en 1983. On calcule qu'en volume, cette progression est la plus importante enregistrée au Québec au cours des dix dernières années. Dans l'ensemble du Canada, l'augmentation des ventes n'a été que de 8,2 % en 1984. Du côté des investissements, l'année 1984 fut aussi remarquable; au total, il s'agit d'une somme globale de près de 15 600 000 000 $, soit une augmentation de 11,6 %, tandis qu'ils n'augmentaient que de 2,1 % dans l'ensemble du Canada. La différence est attribuable autant aux investissements non résidentiels qu'à la construction domiciliaire. Ainsi, alors qu'ils augmentaient de 3,5 % au Canada, les investissements non résidentiels progressaient au rythme de 11,5 % au Québec en 1984. Il est intéressant de noter que cette reprise des investissements origine avant tout du secteur privé; c'est vrai aussi bien au niveau du secteur primaire avec une croissance de 9,6 % qu'au niveau du secteur manufacturier où l'on a enregistré une très forte augmentation de 36,9 %. Par ailleurs, dans les secteurs du commerce, de la finance et des services commerciaux, la croissance des investissements a atteint un niveau de 21,8 %. Ce n'est pas négligeable. La construction domiciliaire au Québec a été un des grands moteurs de la croissance de l'économie. De 40 000 unités en 1983, le nombre de mises en chantier est passé à 42 000 en 1984. Pour les premiers mois de 1985, le rythme s'est maintenu. En fait, le Québec a été la seule province canadienne à connaître une hausse de la construction d'habitations neuves en 1984. Pour l'ensemble des autres provinces du Canada, c'est à une chute de 24 % des mises en chantier que l'on a, en fait, assisté. Ainsi, les mises en chantier québécoises ont représenté 31 % de la construction d'habitations neuves canadiennes. Par contre, la vigueur de la reprise américaine a engendré une augmentation des exportations beaucoup plus forte au Canada que ce ne fut le cas au Québec. Pour l'ensemble du Canada, les exportations de marchandises ont progressé au rythme de 22,2 % en termes réels, reflétant notamment une croissance de 28 % des livraisons canadiennes à destination des États-Unis. Pendant ce temps, la valeur des exportations internationales chargées au Québec s'accroissait d'environ 14 % en volume. Les exportations canadiennes ont crû en raison. Principalement des exportations des produits de l'automobile qui ont connu une hausse de l'ordre de 37 %, faisant ainsi la prospérité de l'Ontario où s'est surconcentrée depuis toujours près de 90 % de la capacité canadienne de production de véhicules automobiles et de pièces. Fait à souligner, les ventes de voitures et de pièces comptent pour 55 % des exportations ont ariennes vers les États-Unis. Les Québécois effectuent de leur part plus de 25 % des achats de véhicules automobiles au Canada. Si nous n'avions que notre juste part, ici au Québec, de cette capacité de production, bien des choses pourraient changer... mais enfin: Nous pouvons nous consoler en pensant que les sources de la croissance en 1984 se sont réparties à peu près également entre trois grands secteurs: la demande des ménages, les immobilisations et les exportations. Pour l'ensemble du Canada, c'est principalement la reprise de l'économie américaine qui a entraîné avec elle la progression de l'économie canadienne. On se rejouit de la vigueur prise au Québec par la demande des consommateurs et la demande des entreprises pour des investissements; dans les deux cas, cette demande peut être attribuée à la confiance des consommateurs comme des investisseurs en l'avenir du Québec. De plus, pour ce qui est des immobilisations, les résultats obtenus reflètent sans nul doute l'effort particulier consenti par le gouvernement du Québec pour relancer son économie. La poursuite du programme Corvée-habitation au cours de l'année a empêché une diminution du nombre de mises en chantier comme on l'a observée partout au Canada. Les programmes de relance visant à aider les entreprises, en particulier le programme d'accélération des investissements privés et les programmes de soutien et d'aide aux entreprises mis de l'avant par le biais de la Société de développement industriel, auront apporté une stimulation certaine à l'investissement. Les immobilisations du secteur public dans l'assainissement des eaux de même que les programmes de garantie tarifaire d'Hydro-Québec auront aussi contribué à soutenir la relance des investissements et l'emploi. Les facteurs ayant soutenu la croissance de l'économie du Québec en 1984 ne seront qu'en partie à l'œuvre en 1985. La forte performance de l'économie américaine ayant entraîné et l'économie canadienne et l'économie québécoise, devrait se ralentir en 1985. Déjà, le taux de croissance du PNB américain a chuté du premier au second semestre de 1984, le premier s'étant établi à 8,3 % et le second à 3,6 %. La reprise américaine manifeste depuis lors des signes de ralentissement, le taux de croissance de la production étant estimé à seulement 1,3 % au premier trimestre dans ce pays. Ces développements aux États-Unis de même que la persistance de taux d'intérêt réels élevés affecteront la performance de l'économie canadienne dont le volume de la production devrait progresser d'un peu moins de 3 %. Chez nous, la construction résidentielle pourrait s'avérer moins forte. En contrepartie, les investissements des entreprises devraient enregistrer une progression soutenue grâce aux immobilisations du secteur manufacturier en raison de la réalisation de nombreux projets d'importance, notamment dans le secteur de l'aluminium, et en raison de la poursuite de la modernisation des usines de pâtes et papiers qui entraînera des investissements de près de 500 000 000 $ en 1985. Par ailleurs, les dépenses reliées au programme de relance économique du gouvernement contribueront sûrement au maintien de l'activité économique en 19851986. Les dépenses directement reliées à la relance seront de 354 000 000 $, soit une augmentation de 108 000 000 $ sur l'année dernière. La demande des ménages cependant est plus incertaine. Il est difficile de prévoir si le consommateur continuera de puiser dans ses épargnes, s'il voudra reconstituer ou s'il maintiendra son stock d'actifs, d'autant plus que l'évolution des taux d'intérêt est elle aussi incertaine. Compte tenu de l'ensemble de ces éléments et en supposant que les dépenses des ménages augmenteront au même rythme que leurs revenus, on prévoit que le taux de croissance de l'économie du Québec ralentira cette année pour s'établir autour de 2,5 %. La création d'emplois ne devrait donc pas augmenter sensiblement en 1985 et la réduction du taux de chômage devrait être moins accentuée qu'en 1984, mais il pourrait passer de 12,8 % à 12,3 % en 1985. Cette prévision tient pour acquis que le gouvernement fédéral maintiendra les orientations actuelles de sa politique macroéconomique. Cela signifie qu'advenant une politique plus accentuée de réduction du déficit fédéral, il faudra que la politique monétaire devienne plus expansionniste pour éviter que la réduction du déficit ne s'effectue au détriment de la création d'emplois au Canada comme au Québec; c'est d'ailleurs ce qu'a soutenu le Québec à la conférence des premiers ministres sur l'économie, à Régina. Les résultats obtenus en 1984 et les perspectives pour 1985 illustrent bien la nécessité pour l'économie québécoise de relever le défi de la concurrence internationale. De leur côté, les ménages peuvent, à court terme, soutenir la croissance de l'économie en puisant dans leurs épargnes, mais la chose ne peut durer indéfiniment. Il en est un peu de même des entreprises, mais pas pour les mêmes raisons; ces dernières peuvent stimuler la demande pendant une phase d'investissement, mais elles ne peuvent investir continuellement sans la présence de débouchés et de marchés en expansion pour écouler leur production. Ce sont les exportations qui peuvent le plus provoquer une croissance accélérée dans une économie ouverte comme celle du Québec. Il est donc nécessaire pour nos entreprises de lutter continuellement pour se tailler une place intéressante sur les marchés extérieurs. Une autre conclusion à tirer est qu'il faudra encore beaucoup d'efforts avant de ramener le taux de chômage à un niveau humainement acceptable. La création d'emplois au Québec continuera d'être, pour la société québécoise, la première priorité économique et sociale dans les années à venir. M. le Président, après ce bref rappel de la situation de l'économie en 1984 et des perspectives entrevues pour l'année 1985, je voudrais maintenant faire le point sur l'état de nos finances publiques. La bonne performance de l'économie québécoise en 1983 et en 1984 s'est aussi traduite par des développements heureux en termes d'évolution des finances publiques en 1984-1985. Je dépose le tableau faisant état des résultats préliminaires des opérations financières du gouvernement pour 1984-1985. Pour une deuxième année consécutive, le gouvernement du Québec a terminé son année avec un déficit et des besoins financiers nets égaux ou inférieurs à la prévision au moment du discours sur le budget. Ce résultat a été obtenu au cours du dernier exercice malgré des taux d'intérêt plus élevés que prévus ayant affecté le service de la dette à la hausse et malgré une croissance plus faible que prévue des revenus budgétaires du gouvernement. Examinons maintenant l'évolution des soldes budgétaires. Le déficit de 1984-1985 est de 3 175 000 000 $, ce qui correspond exactement à la prévision inscrite au discours sur le budget. Ce niveau de déficit est relativement du même ordre que celui des dernières années. C'est pourquoi le ratio du déficit par rapport au PIS n'a cessé de diminuer depuis 1980-1981. La performance observée au niveau des besoins financiers nets est encore plus remarquable. Ceux-ci sont en effet inférieurs de 94 000 000 $ à ce qui avait été prévu lors du discours sur le budget l'an dernier. Ils sont de ce fait inférieurs aussi aux niveaux observés depuis 1980-1981. Cette tendance à la réduction du niveau des besoins financiers nets se traduit évidemment par des opérations plus faciles sur les marchés financiers. L'annexe sur la situation financière montre d'ailleurs qu'au cours de l'année 1984-1985 l'écart des taux d'intérêt à payer par le gouvernement du Québec par rapport aux taux payés par d'autres emprunteurs est descendu à un niveau qu'on n'avait pas connu depuis plusieurs années. Les résultats de l'année 1984-1985 s'avèrent donc intéressants à plus d'un titre. Le déficit a été maintenu à l'intérieur des bornes prévues, malgré la hausse des taux d'intérêt et malgré un ralentissement au niveau des revenus autonomes. Non seulement l'objectif des besoins financiers nets n'a pas été dépassé, mais ceux-ci ont été réduits. Il s'ensuit que ces deux indicateurs, lorsqu'on les compare au PIS, continuent de dégager une amélioration marquée. Cette performance financière est d'autant plus remarquable qu'elle s'est effectuée en dépit d'injections de près de 1 000 000 000 $ du côté des dépenses au cours des deux dernières années pour relancer l'économie et malgré une réduction significative de l'effort fiscal. Cependant, ces résultats ne sont pas tout à fait suffisants pour atteindre les objectifs financiers du gouvernement; ils impliquent encore un niveau de déficit qui fait croître la dette à un rythme trop rapide. La restauration des équilibres financiers et la diminution de l'effort fiscal des Québécois dans un contexte de croissance économique plutôt modérée posent évidemment un défi considérable à la gestion des finances publiques. Lorsque la croissance économique n'engendre pas de dividendes budgétaires très substantiels et lorsque les transferts fédéraux stagnent, l'équation comptable des équilibres apporte des conclusions très claires: si l'on veut réduire l'effort fiscal et réduire le déficit, on ne peut y parvenir qu'en réduisant aussi les dépenses. Cela n'est pas sans conséquences. On sait que, depuis 1981-1982, les compressions budgétaires se sont établies en moyenne à environ 650 000 000 $ par année. Il est évident qu'il faudra poursuivre sur la même lancée, même en période de croissance, de façon à restaurer notre marge de manœuvre pour l'avenir et à insuffler cette dose de compétitivité si nécessaire à notre économie. Après avoir identifié quelques-uns des défis qui sont devant nous et après avoir fait le point sur la situation budgétaire, sur l'état de l'économie et les perspectives pour l'année qui vient, je voudrais maintenant, M. le Président, dire quelles sont les mesures fiscales et budgétaires que je propose à l'Assemblée nationale dans le présent budget. Je souligne immédiatement que l'annexe sur les mesures fiscales et budgétaires fait partie intégrante du discours sur le budget et expose tous les détails des mesures annoncées; je me contenterai donc ici d'en exposer les fondements et d'en esquisser les traits majeurs. En janvier dernier, je rendais public le livre blanc sur la fiscalité des particuliers proposant une réforme complète de la fiscalité applicable en ce domaine. J'indiquais alors que ce livre blanc serait soumis à la consultation, ce qui se fait présentement, et que, de plus, il serait étudié par une commission parlementaire la plus large possible, ce qui se fera également. Dans l'intervalle, il ne faut pas que s'instaure la paralysie fiscale et c'est pourquoi j'ai l'intention de mettre en œuvre certains éléments du livre blanc et ce, dès le premier janvier 1986. En effet, notre régime fiscal actuel pose de sérieux problèmes d'équité, en particulier pour ce qui est de la situation faite aux ménages avec enfants et surtout aux ménages participant au marché du travail. Les solutions à apporter sont claires et évidentes. On sait d'autre part que le niveau des impôts lui-même est beaucoup trop élevé pour certaines catégories de revenus. Il faut agir dans ces deux domaines. Je voudrais d'abord traiter des exemptions personnelles puisque ce sont elles qui différencient l'impôt à payer entre les divers types de ménages. En principe, dans notre système actuel, la fonction des exemptions personnelles est d'éviter que le revenu servant à défrayer les besoins essentiels d'un contribuable et de ses dépendants, ne fasse l'objet d'imposition. Elles sont donc déduites du revenu imposable de sorte que c'est la partie du revenu qui est en excédent des besoins essentiels qui se trouve imposée. Il y a en effet deux façons pour l'État de tenir compte des besoins essentiels des citoyens. D'une part, l'État supplée par des paiements de transferts aux citoyens lorsque leurs revenus sont insuffisants pour rencontrer leurs besoins essentiels; d'autre part, l'État ne doit pas taxer la partie des revenus des contribuables qui est nécessaire pour faire face à leurs besoins essentiels et à ceux de leurs dépendants. Cela m'apparaît être une des premières règles de justice et d'équité fiscale. Nous la mettrons donc en œuvre dès le présent budget et cela se traduira dès le 1er janvier prochain par une baisse substantielle de l'impôt sur le revenu des particuliers. Bien que l'évaluation des besoins essentiels fasse l'objet d'enquêtes et d'études approfondies lorsqu'il s'agit de calculer le niveau des prestations d'aide sociale pour rencontrer ces besoins, l'équivalent n'avait jamais été fait au niveau de l'impôt des particuliers. Il en est résulté un certain nombre d'iniquités. Les familles avec enfants se sont retrouvées sérieusement désavantagées, de même que les ménages où un seul conjoint gagne un revenu, tandis que d'autres se retrouvaient comparativement avantagées. Désormais, afin de pallier ces injustices, les différentes exemptions personnelles seront restructurées pour tenir compte des résultats d'une étude portant sur les besoins essentiels des di verses catégories de ménages, effectuée par le ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu. Premièrement, le niveau de l'exemption personnelle de base et le niveau de l'exemption de personne mariée seront égalisés. Pour ce faire, l'exemption de personne mariée sera augmentée de 3960 $ à 4560 $ dès le 1er janvier 1986. Elle sera ensuite portée à 4880 $ en 1987 et à 5280 $ en 1988, année où elle rejoindra le niveau de l'exemption personnelle de base. Ainsi, on reconnaîtra que le niveau des besoins essentiels d'un couple est le même, qu'il y ait un seul revenu ou deux. Deuxièmement, pour ce qui est des enfants, le livre blanc sur la fiscalité des particuliers exposait un choix entre deux possibilités: créer des exemptions personnelles et abolir les allocations familiales, ou bien conserver le régime actuel des allocations familiales. J'estime qu'il faut conserver les avantages des deux solutions. J'annonce donc d'abord l'instauration d'une nouvelle exemption pour enfant à charge. Pour l'année d'imposition 1986, l'exemption à l'égard du premier enfant à charge de moins de 21 ans ou de 21 ans et plus s'il est aux études, sera de 1870 $ tandis que l'exemption pour les autres enfants à charge sera de 1370 $. Le présent régime des allocations familiales québécoises sera quand même conservé, mais on en tiendra compte pour déterminer l'impôt du contribuable. Par ailleurs, les allocations familiales fédérales deviendront taxables comme elles le sont dans toutes les autres provinces accordant des exemptions pour enfants à charge. Dans le cas des familles monoparentales, un régime particulier leur sera appliqué qui leur garantira le niveau actuel d'exemptions personnelles jusqu'à ce que le nouveau régime devienne plus avantageux. Troisièmement, une exemption additionnelle pouvant atteindre 2690 $ sera introduite à l'égard des enfants à charge qui étudient au niveau postsecondaire pour mieux prendre en compte le coût de leurs besoins supplémentaires. L'exemption en raison d'âge, quant à elle, ne sera maintenue que pour les personnes à la retraite, pour des motifs d'équité fiscale envers les travailleurs âgés de moins de 65 ans. On cessera cependant d'indexer cette exemption étant donné qu'elle ne repose pas sur la nécessité de satisfaire des besoins essentiels de cette catégorie de contribuables, qui sont déjà pris en compte dans les exemptions personnelles de base. Une exemption spéciale sera créée pour les célibataires vivant seuls, reconnaissant que les besoins essentiels d'une telle personne sont supérieurs à ceux d'un célibataire qui partage son logement avec une autre personne. Cette exemption sera de 590 $ en 1987 et de 820 $ en 1988. D'autres modifications sont également apportées aux exemptions; on en retrouvera les détails en annexe. La philosophie de notre régime est de ne pas prélever d'impôt sur les revenus servant à défrayer les besoins essentiels des différentes catégories de contribuables. Si l'on peut aménager l'impôt sur le revenu en ce sens par le jeu des exemptions personnelles, il est évidemment plus difficile d'exempter de l'application des taxes foncières ou des taxes à la consommation, les contribuables dont le revenu ne leur permet pas de les supporter. Il nous faut donc compenser, et c'est là le rôle des crédits d'impôt, ou de l'impôt négatif. Notre régime fiscal québécois applique déjà un remboursement d'impôts fonciers à cette fin; le principe en sera conservé, mais les modalités en seront réaménagées pour éviter que certains ne se voient rembourser leurs impôts fonciers à la fois par un crédit d'impôt et par les exemptions personnelles. De plus, des mesures seront prises pour que les ménages à faibles revenus ne soient pas pénalisés par ce réaménagement. Un crédit de taxes à la consommation sera aussi institué afin d'éviter que des contribuables ne paient des taxes à la consommation sur la partie de leur revenu servant à défrayer les besoins essentiels. Ce crédit sera, en 1986, de 67 $ par adulte et de 22 $ par enfant à charge. Il sera cependant réduit au taux de 3 % du revenu excédant les exemptions personnelles et certaines déductions reliées à l'emploi. Aussi longtemps cependant que ce crédit n'aura pas été intégré dans le calcul des prestations sociales, on ne pourra le rendre remboursable. Par ailleurs, c'est un principe bien reconnu en fiscalité que les frais encourus pour gagner un revenu doivent être déductibles avant que l'on ne procède à la taxation de ce revenu. Dans la façon d'appliquer ce principe, cependant, il me semble bien que l'on a avantagé principalement les contribuables ayant des revenus d'entreprise et des revenus de placement. La déduction actuelle pour frais d'emploi de 3 %, avec un maximum de 500 $ apparaît insuffisante. Afin de remédier à cette situation, j'annonce donc que le taux de la déduction pour frais reliés à l'emploi sera doublé et porté à 6 % en 1986. Ceci avantagera principalement les salariés à faible revenu qui pourront profiter du maximum de cette déduction à partir d'un salaire de 8333 $ plutôt que de 16 666 $ actuellement. Dans un souci de respecter les contraintes relatives aux équilibres financiers du gouvernement, le maximum de 500 $ sera maintenu en 1986, mais augmenté à 600 $ en 1987 et à 750 $ en 1988. D'autre part, le régime actuel des frais de garde d'enfants apparaît quant à lui inadéquat, la déduction maximale étant trop forte pour les enfants d'âge scolaire et insuffisante pour les moins de six ans. Ce système sera entièrement remanié de façon à correspondre plus adéquate ment aux besoins et aux frais qu'occasionne la garde des enfants. Pour ces familles dont les besoins de garde sont les plus pressants et les plus coûteux, c'est-à-dire pour celles qui ont des enfants de moins de six ans, la déduction maximale pour frais de garde d'enfants sera portée de 2000 $ à 3510 $, dès le 1er janvier 1986. Pour les enfants d'âge scolaire, la déduction maximale sera légèrement réduite de 2000 $ à 1755 $. Enfin, les enfants de douze ans et plus cesseront de donner droit à cette déduction. De plus, cette déduction pourra être réclamée par le conjoint ayant le revenu le plus élevé et le montant estimé des frais pourra réduire les retenues d'impôt à la source. J'annonce enfin que la déduction forfaitaire de 100 $ pour dons de charité sera retirée à partir du 1er janvier 1986. Cette déduction a déjà été éliminée au niveau de l'impôt fédéral dans un souci de faciliter la cueillette des sommes modiques par les œuvres de charité et dans un souci d'équité générale du régime fiscal. Il me semble donc logique de nous harmoniser avec le gouvernement fédéral sur ce point. Les modifications apportées à l'impôt sur le revenu des particuliers sont d'une grande envergure. Elles se traduisent par des baisses réelles d'impôts pour la vaste majorité des citoyens et citoyennes du Québec, peu importe leur niveau d'imposition. Il est cependant nécessaire qu'une période de transition soit aménagée dans la mise en place de ces changements. Ce régime de transition est basé sur le fait que les besoins essentiels sur lesquels s'appuient les exemptions personnelles seront indexés à chaque année en fonction de l'évolution du coût de la vie. La majorité des exemptions personnelles seront donc augmentées à partir de 1986. Je souligne d'ailleurs que le niveau des exemptions accordées en 1986 comporte une récupération de l'indexation qui n'a pas été accordée à compter du 1er janvier 1985. Avec ce régime de transition apparaîtront les écarts devant normalement exister entre les différentes catégories de contribuables. Ce fut, M. le Président, une préoccupation continuelle de notre gouvernement de réduire le fardeau fiscal des contribuables du Québec et de le rendre plus comparable à ce qui existe dans les économies autour du Québec. Ainsi, de 1977 à 1981, le fardeau fiscal supplémentaire supporté par les particuliers au Québec par rapport à ceux résidant en Ontario fut abaissé de 20,1 % à 8,4 %. Les gestes posés par le gouvernement du Québec pour affronter la récession tout en maintenant un niveau de déficit acceptable nous auront temporairement éloignés de cet objectif. Ainsi, en 1984, le fardeau fiscal supplémentaire des particuliers du Québec par rapport à ceux de l'Ontario se situait encore à 9 %, ce qui est encore beaucoup mieux que durant les années précédant 1976, alors que jamais les exemptions de base n'avaient été indexées et que les écarts avec l'Ontario dépassaient 2 %. C'est cependant au niveau des contribuables à revenus moyens ou élevés que le bât blesse. La situation origine de 1982, alors que le gouvernement fédéral a entrepris ce que l'on appelle maintenant la réforme MacEachen qui eut pour effet de réduire de beaucoup la progressivité de la courbe d'imposition fédérale. Cette décision s'est appliquée également dans les autres provinces liées à Ottawa par des accords de perception. Le Québec, pour sa part, aux prises avec les difficultés de la récession, a préféré ne pas prendre ce virage et ne pas mettre ses équilibres financiers en péril. Ainsi, alors que le taux marginal maximum du Québec se situait à 5,1 % de plus que le taux marginal maximum de l'Ontario avant la réforme MacEachen, cet écart est passé à 10,1 % après la réforme. Il est encore à ce niveau actuellement. Je crois que nous pouvons et que nous devons maintenant revenir à la situation établie par notre gouvernement avant la réforme fédérale. De plus, il est absolument essentiel que le régime fiscal québécois devienne plus concurrentiel par rapport à ce qui s'applique dans les économies avoisinantes. Il y a lieu en conséquence d'ajuster la table d'imposition du Québec pour la rendre plus compatible avec cet objectif. Ainsi, à compter du 1er janvier 1986, la table d'imposition du Québec sera donc modifiée. Les taux marginaux d'imposition seront abaissés à partir de 17 360 $ de revenu imposable. Le taux marginal maximum sera réduit de 33 % à 30 % en 1986, et de 30 % à 28 % pour 1987. Pour l'information de l'Assemblée, je dépose, M. le Président, un graphique représentant l'évolution des taux marginaux d'imposition pour les mêmes années. Je voudrais maintenant aborder un sujet qui a fait couler beaucoup d'encre depuis quelques années. Il s'agit des droits successoraux et de l'impôt sur les dons. Les droits successoraux se retrouvent dans la majorité des pays de l'OCDE et dans un grand nombre d'États américains; ils complètent normalement un régime d'imposition du revenu des particuliers que l'on veut équitable. Ils permettent notamment de récupérer les sommes gagnées par les contribuables en franchise d'impôt pour quelque raison que ce soit. La commission Carter avait, à la fin des années soixante, suggéré leur abolition dans le contexte d'une pleine imposition des gains en capital. Lors de la réforme de 1972, on ne retint qu'une partie de la suggestion, en ne taxant que la moitié des gains en capital. Le Québec est devenu, depuis lors, la seule province au Canada à percevoir des droits successoraux. J'annonce donc l'abolition des droits successoraux pour toutes les successions ouvertes à compter de minuit ce soir. Il en va de même pour l'impôt sur les dons. Enfin, M. le Président, nous sommes toujours un peu estomaqués d'apprendre, avec la publication des statistiques, que certains contribuables à revenus moyens et à revenus élevés, profitant à l'intérieur de nos lois d'un cumul d'abris fiscaux, en arrivent à produire une feuille vierge à l'impôt. Cette situation est anormale et doit être maintenant corrigée. En effet, peu de nos concitoyens, surtout ceux et celles imposés à la source, acceptent de voir les plus fortunés ne payer aucun impôt, alors qu'ils ont accès aux mêmes avantages et aux mêmes services de l'État. J'annonce donc l'instauration au Québec, à compter du 1er janvier 1986, d'un impôt minimum sur le revenu des particuliers, par le biais d'une limite au cumul des abris ou avantages fiscaux de toutes sortes, équivalente à 40% du revenu net modifié. Tous les contribuables qui réclameront 20 000 $ ou plus de tels abris fiscaux seront soumis à cette limite. Cette mesure, devrait rapporter 30 000 000 $ et rétablir le strict minimum d'équité fiscale dans une société comme la nôtre. L'impact des changements annoncés ce soir sur le revenu disponible des différents types de contribuables s'avère extrêmement intéressant. On trouvera dans l'annexe sur les mesures fiscales et budgétaires les détails de ces impacts par catégorie de revenus et de contribuables. Je me contenterai d'en souligner ici quelques effets par rapport au régime actuel. Au total, un montant de près de 313 000 000 $ sera remis entre les mains des contribuables dès l'année d'imposition 1986 pour atteindre 570 000 000 $ en 1987 et 765 000 000 $ en 1988. Conformément aux objectifs poursuivis ce sont les familles avec enfants qui sont les grands bénéficiaires de la réforme. En effet, dès 1986, les familles de travailleurs avec enfants, formant au Québec 27 % des ménages, bénéficieront de 83 % de la valeur totale des réductions accordées à l'impôt sur le revenu. On verra là que le gouvernement attache la plus grande importance à la politique familiale dont les grandes lignes font présentement l'objet d'une vaste consultation. Considérons maintenant les choses du point de vue des individus par quelques exemples. Ainsi, le célibataire occupant seul un logement autonome, qui contribue à l'impôt à partir d'un revenu de 5750 $ dans la situation actuelle, ne commencera à payer de l'impôt qu'à partir d'un seuil de 6424 $ à partir de 1986. Dans le cas du couple sans enfant dont un seul des conjoints gagne un revenu, il commence présentement à payer de l'impôt à 10 015 $ de revenu; la réforme déplacera ce seuil à 11 824 $. Pour le couple avec deux enfants de six à onze ans qui paie présentement de l'impôt à partir de 12 367 $, il ne commencera à en payer qu'à partir de 14 905 $. Pour la famille moyenne au Québec, ayant deux enfants de moins de douze ans avec un revenu de 30 000 $, ses impôts seront réduits de 500 $ pour l'année d'imposition 1986 et de 612 $ l'année suivante. Désormais, le fardeau fiscal des familles avec enfants sera équitable. Pour ce qui est des objectifs économiques, M. le Président, la réduction des impôts rendra la fiscalité québécoise plus concurrentielle. La réforme de la déduction pour frais de garde d'enfants et l'augmentation de la déduction pour emploi accroîtront par ailleurs l'incitation au travail et l'efficacité économique du régime fiscal. Cela devrait se traduire en définitive par une accélération de la croissance économique et de la création d'emplois. D'autres éléments de la réforme vont contribuer à cet objectif. L'introduction de l'impôt minimum pour les contribuables à haut niveau de revenu est de ceux-là. Le réaménagement du régime des exemptions, déductions et crédits d'impôt permettra d'asseoir l'équité du régime fiscal sur des bases plus rationnelles et d'éviter que des contribuables ne paient de l'impôt ou des taxes sur la partie de leur revenu servant à défrayer leurs besoins essentiels. Il reste toutefois un certain nombre de réformes à enclencher pour que soient pleinement atteints les objectifs que j'ai énumérés au début de ce discours. Il faudra compléter le réaménagement des exemptions personnelles par la réforme des programmes de sécurité du revenu afin de maximiser l'incitation au travail. Il faudra aussi rechercher une plus grande efficacité dans nos programmes de relèvement de l'employabilité des bénéficiaires d'aide sociale. Il faudra par ailleurs que nos programmes de formation professionnelle soient améliorés et extentionnés, que le gouvernement fédéral harmonise ses initiatives à celles du Québec en ce domaine et qu'il canalise les fonds dont il dispose vers le Québec. Enfin, il faudra mieux définir le rôle des taxes à la consommation et le rôle de la tarification des biens et services publics dans l'établissement d'une fiscalité plus concurrentielle. Sur un autre plan, durant ces dernières années, et particulièrement à l'occasion de la récession, notre gouvernement a mis de l'avant diverses mesures pour stimuler et relancer l'économie. Les plans de relance du Mont-Sainte-Anne en 1982, de Compton en 1983 et les différents programmes de rabais tarifaires d'Hydro-Québec donnent aujourd'hui tous leurs effets. Trois grandes alumineries: Baie-Comeau, Bécancour et Laterrière, sont en chantier. De nouvelles mines s'ouvrent, d'autres se modernisent la construction domicilaire, grâce à Corvée-habitation, fracasse tous les records de mises en chantier, le programme d'assainissement des eaux avance maintenant plus' rapidement, l'industrie des pêches est sur la voie de la relance, sans compter le succès du programme de modernisation des usines de pâtes et papiers, et j'en passe; il y a là plusieurs milliards en investissements et des milliers d'emplois créés et protégés grâce à nos interventions sur le plan économique. Mais, faut-il le rappeler, c'est aussi grâce aux interventions de la SOI et aux initiatives de mon collègue, le ministre de l'Industrie et du Commerce, que des centaines d'entreprises, surtout des PME, plus de 1200 au total, ont pu bénéficier du soutien de l'État pour passer la crise, et puis se refinancer par le biais des programmes bien connus Biron I, puis Biron II. M. le Président, on ne le dira jamais suffisamment, il est fort utile de le rappeler, que ce sont les PME, dans toutes nos régions, qui, bon an mal an, créent la plus grande partie des emplois dont notre économie a besoin, tout près de 60 % en 1984. Il nous faut donc les aider davantage pour les seconder dans leurs efforts, en leur donnant accès à de nouvelles formules de financement. En effet, le renforcement de la structure financière de beaucoup de nos PME s'impose souvent avant de pouvoir envisager l'expansion, l'investissement, la recherche et le développement, la création d'emplois et le marché des exportations. Voici donc, monsieur le Président, une première série de quatre mesures s'adressant à l'ensemble des entreprises et qui concernent plus spécifiquement la capitalisation des corporations. J'annoncerai ensuite un second train de mesures visant à stimuler davantage la croissance et l'emploi dans certains secteurs particuliers de l'économie. Dans le but de faciliter le financement public des entreprises, les plus grandes comme les PME, notre gouvernement a instauré le régime d'épargne-actions et aussi, un programme d'aide à la capitalisation des petites entreprises, administré par la SDI. Ce dernier programme avait été mis sur pied à titre expérimental, et il est arrivé à échéance le 1er avril dernier. Nous avons institué l'an dernier une commission d'étude dont le mandat consistait à examiner la structure de capital et l'environnement financier des PME, et à formuler au gouvernement des propositions visant leur amélioration. Il est apparu que l'action gouvernementale avait jusqu'ici négligé tout un aspect de la question du financement des corporations, soit le financement externe des corporations privées. Dans le processus de croissance d'une entreprise, on peut en effet distinguer, sur le plan financier, diverses étapes. D'abord, l'entrepreneur finance son entreprise à l'aide de ses propres fonds, de ceux de sa famille et des fonds qu'il emprunte. Arrive ensuite un moment où il doit recourir à des sources de fonds de l'extérieur sans nécessairement faire appel au marché public des actions. Cette deuxième étape est plus difficile à franchir parce que l'entrepreneur doit partager son pouvoir décisionnel et de contrôle, sans compter les coûts très élevés que cette opération implique. Il est de mon intention de venir en aide de deux façons différentes à ces entreprises à ce stade de leur développement. Le premier instrument consistera à favoriser la création de sociétés de placements dans l'entreprise québécoise en accordant à ce type d'entité un avantage fiscal équivalent à celui du régime d'épargne-actions du Québec. L'avantage fiscal consistera en une déduction, pour les particuliers, égale à 100 % des placements en capital-actions effectués dans une petite entreprise par la SPEQ; dans le cas d'une corporation de capital de risque privée, l'avantage fiscal consistera en un crédit d'impôt égal à 20 % des placements. L'avantage fiscal sera accordé pour des placements pouvant aller jusqu'à 1 000 000 $ par entreprise. Cette mesure permettra à l'actionnaire d'investir dans sa propre entreprise et, surtout, de susciter la venue d'investisseurs externes à l'entreprise, sans pour autant recourir au marché public des actions. En deuxième lieu, afin d'aider davantage les petites entreprises qui utiliseront le véhicule des SPEQ pour améliorer leur capitalisation et ainsi assurer leur croissance, mon collègue, le ministre de l'Industrie et du Commerce, annoncera sous peu la création et les modalités d'application d'un tout nouveau programme de prêt de capitalisation pour les entreprises permettant l'obtention d'un prêt de capitalisation de la SOI. Dorénavant, les programmes gouvernementaux de subvention devront intégrer des critères quant au niveau de capitalisation requis des entreprises bénéficiaires. À la suite de la mise sur pied de ce nouveau véhicule financier, il est nécessaire de réorienter la vocation des SDDEQ. A cet effet, mon collègue, le ministre de l'Industrie et du Commerce, déposera incessamment un projet de loi ayant pour objet d'abolir toute la réglementation régissant leurs activités de sociétés de capital de risque. Ensuite, ces nouvelles sociétés pourront, si elles le désirent et à certaines conditions, procéder à un appel public à l'épargne et bénéficier, elles aussi, des avantages du régime d'épargne-actions. Quant aux SODEQ qui seront des corporations privées, elles pourront avoir accès aux SPEQ. Par contre, le crédit d'impôt de 25 %, jusqu'à maintenant accordé aux actionnaires des SODEQ, est aboli. Enfin, une des dernières étapes dans le financement d'une entreprise en croissance est celle de l'appel public à l'épargne. Le gouvernement est déjà à l'oeuvre pour soutenir l'entreprise à ce niveau, et il s'agit 'affiner les programmes en place. Pour ce ui est de la capitalisation des entreprises, les études effectuées montrent en premier lieu que notre programme d'aide à l'entrée sur le marché public est trop généreux dans le cas de certaines émissions d'actions. J'annonce donc la restructuration de l'échelle des subventions accordées par ce programme. Le taux sera dorénavant égal à 20 % du premier 1 000 000 $ d'émission et à 10 % des 2 000 000 $ suivants, pour une subvention maximale de 400 000 $. De plus, pour que l'objectif du programme soit pleinement atteint, l'action admissible devra dorénavant être cotée à la Bourse de Montréal pour donner droit à la subvention. L'ensemble de ces mesures viendra très certainement aider à la croissance d'un grand nombre de nos entreprises en leur donnant accès à de nouveaux moyens de financement, et en améliorant leur propre structure de capitalisation. Il me reste, maintenant, à aborder un autre volet, et non le moindre, concernant le financement des entreprises et les avantages fiscaux qui en découlent. Il s'agit du régime d'épargne-actions. Ce programme, instauré par notre gouvernement en 1979, a connu une popularité sans cesse grandissante. On estime à un montant global de 440 000 000 $ les économies d'impôts réalisées par des milliers de contribuables depuis le début du régime d'épargne-actions. Pour la seule année 1984, les coûts estimés sont de quelque 170 000 000 $ pour les finances de l'État. C'est beaucoup d'argent: Tout en reconnaissant d'emblée que le régime d'épargne-actions a été bénéfique, et pour les entreprises et pour les contribuables, sans considérer l'effet pédagogique de cette formule chez un très grand nombre, il est moins certain aujourd'hui que le régime réponde tout à fait aux objectifs visés initialement. D'abord, la déduction fiscale ne profite qu'à une partie des contribuables. Par ailleurs, les fonds investis sont recueillis par des corporations dont le moins qu'on puisse dire est qu'elles n'en ont pas un pressant besoin. En 1984, par exemple, 77 % des placements admissibles au REA l'ont été dans des corporations dont l'actif dépasse 1 000 000 000 $. Certaines d'entre elles ont même dû refuser des acheteurs. La déduction accordée pour les corporations dont l'actif est supérieur à 1 000 000 000 $ a été ramenée de 100 % à 75 %, puis à 50 %. Mais il faut aller plus loin. J'annonce donc qu'à partir de l'année d'imposition 1986, la déduction annuelle admissible pour les actions de corporations ayant un actif supérieur à 1 000 000 000 $ sera plafonnée à 1000 $ par contribuable, correspondant à 2000 $ d'achat d'actions. Pour les actions de corporations dont l'actif est compris entre 25 000 000 $ et 1 000 000 000 $, le taux de la déduction sera ramené de 100 % à 75 %. Pour les actions de corporations dont l'actif est inférieur à 25 000 000 $, le taux de la déduction passera de 150 % à 100 %. La déduction sera enfin plafonnée à 10 000 $ plutôt qu'à 20 000 $. Ces modifications ont pour but de faciliter le financement des corporations de taille moyenne et non pas surtout des grandes corporations, ces dernières ayant beaucoup moins de difficultés à faire des appels publics à l'épargne. Afin de permettre aux investisseurs d'atténuer leurs risques, ils pourront former des sociétés d'investissement REA à compter de demain. La déduction sera réclamée par un membre au prorata de sa participation dans la société d'investissement et l'ampleur des placements effectués par la société permettra de diversifier son risque à peu de frais. Dans la même veine, mais à une autre échelle, il y aurait lieu d'envisager également la possibilité de permettre la création de "fonds d'investissement REA", soit des fonds d'investissement gérés par des gestionnaires professionnels qui pourraient, en plus, agir comme instigateurs et promoteurs de projets de financement public ou privé. La définition des règles applicables à ces fonds d'investissement REA apparaît cependant beaucoup plus complexe. Il est souhaitable d'approfondir toute cette question avant d'autoriser la mise sur pied de ces fonds d'investissement REA; leur étude et des consultations plus approfondies seront donc poursuivies au cours des prochains mois avant de procéder à leur mise en place pour le 1er janvier 1986. L'an dernier, par ailleurs, nous avions soumis au mouvement coopératif un projet de régime d'investissement coopératif. À la suite des consultations effectuées, nous pouvons maintenant aller de l'avant avec ce projet. J'annonce donc l'instauration d'un régime d'investissement coopératif destiné aux coopératives de production, de transformation et de travailleurs. Les membres et travailleurs de ces coopératives pourront bénéficier d'un avantage fiscal comme dans le cas du régime d'épargne-actions. Ainsi, ces derniers pourront déduire de leurs revenus les achats de part privilégiées de leurs coopératives. Enfin, un dernier instrument s'ajoutera aux précédents, s'adressant à la fois aux corporations privées et aux corporations publiques. Je crois en effet nécessaire de favoriser l'intéressement des travailleurs aux activités de l'entreprise où ils travaillent, en les amenant à participer au capital-actions de cette entreprise. À cette fin, on modifiera le traitement fiscal des options d'achat d'actions accordées par les corporations à leurs employés. Les récipiendaires de ces options d'achat d'actions ne seront plus obligés d'inclure dans leur revenu imposable la différence entre la valeur de l'action au moment de l'exercice de l'option et le prix payé pour acquérir l'action. Cette différence de valeur ne sera imposée qu'au moment de la vente de l'action et qu'à titre de gain de capital, donc à 50 % seulement. M. le Président, avec cette panoplie de moyens mis à leur disposition, nos PME devraient enfin pouvoir se mieux restructurer financièrement. Les nouvelles SPEQ, les prêts à la capitalisation, les SODEQ modifiées, l'aide à l'entrée sur le marché de la bourse, le REA modifié, les sociétés d'investissement REA, les fonds d'investissement REA, le régime d'investissement coopératif et l'intéressement des travailleurs, voilà une gamme maintenant beaucoup plus complète de moyens, en souhaitant qu'on en tire le maximum de bénéfices. Le présent budget se veut résolument ainsi un soutien à la croissance et à l'expansion de nos entreprises et surtout de nos PME. Je voudrais maintenant, M. le Président, aborder un second train de mesures affectant de façon beaucoup plus spécifique certains secteurs de notre activité économique. Dans le cadre des pouvoirs de taxation que nous possédons, je désire introduire deux nouvelles mesures fiscales pour venir en aide à des entreprises orientées spécifiquement vers des activités d'exportation. En premier lieu, la définition des catégories d'entreprises dont les travailleurs œuvrant à l'étranger sont exemptés du paiement de l'impôt sur le revenu sera élargie. Déjà, les travailleurs engagés dans des entreprises exerçant une activité reliée au développement des ressources naturelles, de même que ceux œuvrant dans des entreprises d'ingénierie, de bureautique, de télématique et d'informatique bénéficient de cette exonération. On élargira, à compter de ce soir, la définition pour inclure les activités relatives à des entreprises de services scientifiques et techniques de même qu'aux activités de gestion et d'administration reliées à une des entreprises et activités visées par cette mesure. La possibilité d'établir à Montréal un centre financier international fait l'objet de discussions depuis plusieurs années. Jusqu'ici, la progression du dossier a surtout été retardée par l'absence de volonté du gouvernement fédéral précédent de contribuer à la réalisation du projet. Il m'apparaît nécessaire pour le gouvernement du Québec de passer maintenant à l'action. L'établissement d'un centre financier international à Montréal aurait comme premier avantage d'attirer les opérations financières présentement effectuées ailleurs dans le monde et, surtout, renforcer la position de la métropole comme pôle de croissance pour l'ensemble de l'économie québécoise. Pour que Montréal devienne dans le monde de la finance internationale une véritable plaque tournante, j'annonce les mesures fiscales suivantes. D'abord, pour les institutions financières et autres organismes opérant un centre financier international: élimination de la taxe sur le capital, élimination de l'impôt sur le revenu et élimination des contributions des employeurs au fonds des services de santé. Ensuite, pour les employés d'un centre financier n'ayant pas résidé au Canada avant d'y travailler: exemption de l'impôt sur le revenu pour les deux premières années d'exercice de leurs activités professionnelles au Québec. De plus, les employés d'un tel centre seront exemptés de l'impôt sur le revenu pour leurs allocations jusqu'à un maximum de 50 % du salaire. Ces mesures seront applicables dès le 1er janvier 1986. Je crois, M. le Président, qu'avec l'annonce de ces mesures concrètes et précises, le centre financier international de Montréal deviendra bientôt une réalité. Des transactions financières qui, aujourd'hui, passent par les marchés financiers de New York, Paris, Londres, Tokyo, Zurich, se feront demain à Montréal. Ce projet devrait entraîner avec lui d'importantes retombées économiques, en plus de faire connaître Montréal encore davantage dans tous les milieux financiers internationaux. Le secteur minier, au Québec comme ailleurs, se remet difficilement des conséquences de la dernière récession. Au Québec, il aura cependant bénéficié énormément du programme d'accélération des investissements privés mis sur pied par notre gouvernement au printemps 1983. Grâce à ce programme, 17 projets miniers ont pu démarrer, soit pour mettre en exploitation de nouveaux gisements, soit pour moderniser ou prendre de l'expansion. Il s'agit ici d'investissements de près de 550 000 000 $. Ainsi, en 1984, les investissements dans le secteur des mines ont augmenté de 14,9 % au Québec comparativement à 8,6 % en Ontario et à 0,3 % dans l'ensemble du Canada. Il nous apparaît maintenant nécessaire que la fiscalité contribue davantage à la relance de cette industrie. À cette fin, j'annonce une réduction et une restructuration des droits miniers; les taux qui varient présentement de 15 % à 30 %, selon le niveau des profits, seront dès maintenant établis à un taux unique de 18 %; cette échelle de taux qui visait à l'origine à prélever une rente progressive sur l'exploitation minière est devenue désuète. Par ailleurs, l'exemption de base de 250 000 $ sera transformée en un crédit de 90 000 $ reportable sur les années ultérieures. Dans le but de venir en aide aux entreprises effectuant des dépenses d'exploration, de mise en valeur et d'immobilisation, j'annonce l'instauration d'un régime de droits miniers négatifs. Le nouveau régime permettra aux entreprises d'être compensées immédiatement pour leurs pertes en recevant un remboursement généralement égal à 18 % des pertes provoquées par leurs frais d'exploration, de mise en valeur ou une partie de leurs dépenses d'immobilisation encourues après minuit ce soir. Enfin, l'allocation additionnelle de 66 2/3 % pour les frais d'exploration engagés au Québec, qui devait prendre fin le 31 décembre 1985, sera reconduite de deux ans à l'égard des frais engagés par une personne qui n'a pas de revenus d'exploitation minière. Le développement de l'industrie agricole constitue une des préoccupations majeures du présent gouvernement et les actions prises depuis 1976 le démontrent très clairement. L'industrie agricole occupe une place privilégiée dans l'économie québécoise et tout doit être mis en œuvre pour en assurer le développement. Aussi, la fiscalité doit-elle s'ajuster pour tenir compte des particularités de l'entreprise agricole et non le contraire. Pour cette raison, j'annonce ce soir une mesure qui permettra aux entreprises agricoles de bénéficier des avantages de l'entreprise corporative. La petite entreprise agricole québécoise à propriétaire unique disparaît peu à peu pour faire place à de véritables petites entreprises dynamiques organisées sous forme corporative. Ce type d'organisation comporte plusieurs avantages, dont la facilité de partager les revenus et la croissance de valeur dans l'entreprise entre les membres d'une famille ou les associés qui y participent. Afin de favoriser cette forme d'organisation qui correspond bien au fonctionnement de l'entreprise agricole et de faciliter le transfert d'entreprises agricoles entre générations, les personnes dont l'activité agricole constitue la principale source de revenu ne paieront pas de taxe sur le capital sur leurs premiers 300 000 $ de capital versé, sauf une taxe minimale de 50 $. Cette mesure permettra aux agriculteurs de choisir le véhicule convenant le mieux à leur entreprise, sans que la taxe sur le capital ne vienne orienter ce choix. Dans le domaine de l'exploitation forestière, les taxes foncières représentent un élément important des coûts de production. La récente consultation sur l'avenir de la forêt privée a mis en relief une lacune importante du régime actuel de taxation foncière à l'égard des propriétaires de boisés privés. Un certain nombre de ces propriétaires sont en même temps des producteurs agricoles, ce qui leur donne droit au régime de remboursement des taxes foncières. Les autres propriétaires forestiers ne sont couverts que par le régime général de plafonnement des taux à 2 % et du maximum de 375 $ l'hectare pour les fermes et boisés sur leur valeur imposable. Le régime fiscal actuel a en plus le défaut d'accentuer le problème de disponibilité de la matière ligneuse, dans la mesure où les producteurs forestiers ont avantage à ne pas aménager leur forêt et même à déboiser pour atténuer leur fardeau fiscal. Afin de remédier à cette situation, j'annonce l'introduction d'un programme de remboursement de taxes foncières pour producteurs forestiers, qui correspondra à 85 % des taxes foncières sur les actifs productifs. En contrepartie, les producteurs forestiers n'auront plus droit aux deux exemptions précitées. Le nouveau régime ne sera accessible qu'aux producteurs forestiers engagés dans l'aménagement et la mise en valeur de leurs boisés et possédant un certificat émis à cette fin par le ministère de l'Énergie et des Ressources. Ce nouveau régime sera administré par le ministère du Revenu et entre en vigueur immédiatement. Ainsi, les producteurs forestiers pourront réclamer, dans leur déclaration d'impôt en 1986, leurs remboursements des taxes municipales payées pour 1985. Le coût de cette mesure est évaluée à 9 000 000 $ par année. On examinera, au cours de l'année, la possibilité et l'intérêt d'étendre ce régime aux producteurs agricoles eux-mêmes, après consultation avec les principaux intéressés. Au moment de la réforme de la fiscalité municipale en 1980, il fut décidé de restreindre la portée de l'exemption de taxe foncière pour la machinerie industrielle afin de limiter les exclusions prévues aux rôles d'évaluation aux seuls machines, appareils et leurs accessoires utilisés principalement à des fins de production industrielle ou d'exploitation d'une ferme. Cependant, l'application de la Loi sur la fiscalité municipale en ce domaine a posé des difficultés d'interprétation. Les récentes décisions du Bureau de révision de l'évaluation foncière nous obligent à solutionner ce problème et à clarifier le statut fiscal de ces immeubles à vocation industrielle. La loi sera donc amendée pour permettre de clarifier la situation fiscale des entreprises dans l'esprit de la réforme de 1980, et ce, pour le dépôt des prochains rôles d'évaluation en septembre 1985. Je m'en voudrais, M. le Président, de ne pas prendre quelques instants, à l'occasion de la présentation de ce discours sur le budget, pour faire le point sur la question des sociétés d'État qui œuvrent dans notre économie par leurs activités industrielles, commerciales ou financières. Leurs activités représentent maintenant une part non négligeable de notre PIB. Au début de ce discours, j'ai parlé d'une meilleure utilisation de nos ressources qu'elles soient humaines, naturelles ou financières. Lorsqu'il s'agit des investissements publics, donc de fonds provenant des taxes et des impôts, nos concitoyens sont, à juste titre, en droit de s'attendre à un retour sur ces investissements. Les sociétés d'État ont joué un rôle absolument essentiel et indispensable au fil des ans pour soutenir l'action du gouvernement dans sa mission économique. On aura vu se tisser tout un réseau extrêmement important et diversifié d'entreprises et d'industries pour lesquelles l'apport de fonds du gouvernement totalise environ 3 500 000 000 $ aujourd'hui sans compter Hydro-Québec. Les ressources que l'État doit engager de plus en plus pour stimuler le développement économique sont énormes, alors que ses finances sont, comme on le sait, limitées. Il est donc urgent d'entreprendre un exercice approfondi de réévaluation du rôle de l'État dans ses propres entreprises. L'utilité stratégique de certaines sociétés d'État a pu s'atténuer depuis quelques années de telle sorte que nous pouvons nous interroger sur l'opportunité de maintenir les ressources financières qui y sont immobilisées. L'État pourrait tout simplement récupérer une partie ou la totalité des sommes déjà placées afin de réaliser d'autres objectifs. Il va de soi que la vente de ces actifs ne pourra se faire qu'à la condition que le gouvernement obtienne une juste valeur en contrepartie. Ensuite, d'autres sociétés auraient des avantages évidents à s'associer ou à développer davantage leur association à l'entreprise privée œuvrant dans les mêmes sphères afin de former des consortiums de taille majeure, de profiter d'économies d'échelle appréciables, d'avoir accès à des fonds auto générés plus considérables, de pouvoir recourir au financement public et ainsi jouer un rôle plus important dans l'économie du Québec tout en minimisant les déboursés de la part de l'État. Dans le même ordre d'idées, quelques sociétés d'État pourraient prendre avantage de sources de financement plus diversifiées en recourant au marché des actions. Le gouvernement pourrait aussi rendre accessible au public des actions privilégiées ou ordinaires de quelques-unes de ses sociétés les plus performantes. Ces initiatives seront encouragées. Enfin, de nombreuses sociétés œuvrent dans les mêmes sphères d'activités. C'est ainsi qu'on retrouve, par exemple, deux sociétés dans le secteur des transports et cinq dans celui de l'aide au financement d'entreprises. Ces sociétés seront soumises à une évaluation qui déterminera s'il y a des avantages financiers et administratifs à procéder à leur regroupement. Trois autres sociétés œuvrent dans le secteur de la promotion industrielle et sont très solidement implantées au niveau local ou régional. Des discussions seront entreprises rapidement avec tous les intéressés afin de rendre possible la prise en charge de ces sociétés par les communautés locales ou régionales. Ainsi, et dans le cadre de ces orientations qui devront se matérialiser avec l'aide des ministres responsables, je puis annoncer dès aujourd'hui que la Société des alcools du Québec commencera au cours des prochains mois à mettre en vente son réseau de succursales. Le ministre de l'Industrie et du Commerce annoncera prochainement les éléments de ce projet visant à retirer l'État d'un secteur où sa présence n'est absolument plus requise, lui permettant ainsi de recycler ses ressources à d'autres fins. Ce projet spécifique offrira évidemment la garantie d'emploi à tout le personnel impliqué bénéficiant déjà de la sécurité d'emploi. Hydro-Québec, quant à elle, est aujourd'hui la plus grande entreprise non financière de tout le Canada par la taille de ses actifs; de 200 000 000 $ qu'ils étaient au point de départ en 1944, ils sont aujourd'hui de 27 000 000 000 $. Hydro est aussi la plus grande entreprise de production, de transport et de distribution d'énergie électrique de tout le continent nord-américain. Les grands travaux de la rivière La Grande ont engagé 15 000 000 000 $ durant ces dernières années, ajoutant 10 000 mégawatts à la puissance installée d'Hydro-Québec pour répondre aux besoins des Québécois, tout en réussissant à contenir ses augmentations de tarifs depuis 1983 à des niveaux les plus bas depuis deux décennies, et ce, grâce à l'excellence de sa gestion et à la grande qualité de ses dirigeants, cadres et employés. Hydro-Québec investira au cours de la prochaine décennie quelque 20 000 000 000 $ pour répondre à nos besoins en énergie, pour les Québécois d'abord et pour maintenir ici, au Québec, un atout concurrentiel formidable à notre avantage et aussi, et surtout, à l'avantage des entreprises établies ici, au Québec. Par ailleurs, Hydro-Québec a longtemps fait la preuve de son expertise technologique, en particulier dans les capacités de transport à haute tension et dans ses efforts de recherche, notamment sur l'hydrogène. Déjà, Hydra a commencé depuis plusieurs années un élargissement considérable de sa mission, tant au niveau des exportations d'énergie vers ses voisins canadiens ou américains qu'au niveau de son implication dans le développement de technologies industrielles utilisant l'électricité, en s'associant même à l'entreprise privée dans des investissements fort importants. Bref, Hydra est dans les ligues majeures. Et le temps m'apparaît maintenant venu d'impliquer davantage les Québécois dans leur grande entreprise, non seulement à titre de clients, de fournisseurs u de créanciers, mais aussi, comme actionnaires d'Hydro-Québec. Le seul et unique actionnaire d'Hydro-Québec, suivant la loi, le ministre des Finances, transformera donc une partie du capital qu'il détient pour permettre aux Québécois d'acheter des actions privilégiées dans cette société. J'annonce donc mon intention de soumettre à l'Assemblée nationale un projet de loi amendant la loi d'Hydro-Québec afin de modifier les classes d'actions de l'entreprise et rendre possible la vente d'actions privilégiées de cette grande société d'État. Précisons que cette décision n'affectera d'aucune manière, ni la situation financière ni les ratios financiers d'Hydro-Québec. J'aimerais conclure ce chapitre, M. le Président, en soulignant l'importance d'une saine évaluation du rôle des sociétés d'État. Les incidences budgétaires de plusieurs d'entre elles ont probablement provoqué ce degré de sensibilisation. Il ne s'agit pas de prononcer un verdict global sur toutes les sociétés comme d'aucuns le voudraient, mais de s'assurer que les choix faits au cours du dernier quart de siècle tiennent toujours dans le contexte d'aujourd'hui. L'économie du Québec est devenue plus mature et plus dynamique. Il existe aujourd'hui des partenaires privés capables de remplacer l'État ou de s'y associer dans plusieurs secteurs. La révision des objectifs des sociétés d'État en tiendra compte. Plusieurs pourraient s'interroger sur l'utilisation que compte faire le gouvernement des ressources financières résultant de la vente d'actions ou de la disposition d'actifs qu'il possède, notamment dans le secteur des ressources naturelles. Rappelons d'abord que le gouvernement bénéficie déjà de plusieurs sources de revenus provenant directement de ce secteur. Qu'il suffise de mentionner les droits miniers, les redevances hydrauliques, les droits de coupe en forêt et les dividendes reçus d'Hydro-Québec, le tout évalué à plus de 250 000 000 $ cette année. Ces revenus sont appelés à croître de façon très significative au cours des prochaines années, notamment en raison de la croissance attendue des dividendes en provenance d'Hydro-Québec. Une attitude responsable à l'égard de la gestion du patrimoine de nos ressources naturelles voudrait que la très grande partie, sinon la totalité des revenus récoltés par l'État dans ce secteur, soit réinvestie en priorité dans le secteur des richesses naturelles. Non seulement une telle politique pourrait assurer la perpétuation et la croissance des avantages que procurent à l'économie québécoise les ressources naturelles, mais elle permettrait aussi de développer encore plus nos régions qui doivent compter sur ce secteur de notre économie. C'est dans cette optique que j'annonce l'intention du gouvernement d'instaurer, à compter de l'année financière en cours, le Fonds de développement des ressources. Ce nouveau fonds permettra de consacrer au maintien, au développement et à la transformation du patrimoine de ressources du Québec les revenus croissants que tire l'État de ce secteur, tant ceux provenant de l'exploitation et de la mise en valeur que de la production. Il permettra en outre d'assurer la réorientation des actifs détenus par le gouvernement dans les entreprises d'État vers de nouveaux placements dans le secteur des ressources. En vue de donner suite à cette intention, un projet de loi sera déposé sous peu à l'Assemblée nationale. On trouvera, à l'annexe sur les mesures fiscales et budgétaires, les éléments du cadre opérationnel proposé pour le fonctionnement du Fonds de développement des ressources, par lequel devrait transiter des sommes de plus 2 500 000 000 $ au cours des cinq prochaines années. Les mesures annoncées, particulièrement celle créant le Fonds de développement des ressources et celles à l'intention des entreprises québécoises, en plus d'apporter une aide substantielle à un certain nombre de secteurs industriels, nous rapprochent des objectifs énoncés au début de ce discours sur le budget. Ces mesures vont en effet favoriser le développement de marchés financiers efficaces au Québec, vont aider à renforcer la structure financière de nos entreprises et vont, de ce fait, assurer une plus grande mise en valeur de l'entrepreneurship québécois. Elles vont faciliter les exportations dans un certain nombre d'industries, et les avantages fiscaux consentis à l'industrie minière, agricole et forestière devraient permettre également aux entreprises d'envisager des investissements générateurs d'emplois. Mais, M. le Président, lorsque les transferts fédéraux passent, comme on le prévoit, de près de 30 % de l'ensemble des revenus budgétaires, en 1983-1984, à environ 26 % l'année prochaine, il n'est pas possible d'équilibrer le budget sans accroître les impôts. En effet, en 1983-1984, les transferts fédéraux ont été de 6 337 000 000 $, l'année suivante de 6 393 000 000 $, et on les prévoit présentement à 6 520 000 000 $ pour l'année qui vient. Cela ne représente qu'une croissance annuelle moyenne de 1,3 %. Cette situation est principalement attribuable aux changements apportés aux arrangements fiscaux imposés aux provinces par le gouvernement fédéral en 1982. D'ailleurs, les règles déficientes régissant les arrangements fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces sont à la source des problèmes que connaît notamment le Québec au titre de la péréquation. En effet, le gouvernement fédéral de l'époque a modifié unilatéralement les règles de calcul de la péréquation et, malgré l'introduction d'une formule de garantie transitoire, le Québec s'est retrouvé la seule province perdante à la suite de ce réaménagement apporté au programme de péréquation. La perte estimée pour le Québec est de taille et s'élevait, pour les cinq années des présents arrangements fiscaux, à 760 000 000 $ alors que les autres provinces bénéficiaires de la péréquation profiteraient d'un gain global de 440 000 000 $. L'octroi au Québec d'un paiement arbitraire de 110 000 000 $, récemment annoncé par le gouvernement fédéral, ne corrige que très partiellement cette situation, laissant une perte nette pour le Québec de 650 000 000 $ pour la période 1982-1987, alors que les autres provinces bénéficiaires font un gain de 615 000 000 $. C'est tout un transfert. Le graphique qui suit et que je dépose devant cette Assemblée le démontre clairement. Pour 1985-1986, les droits de péréquation du Québec vont chuter de 183 000 000 $ par rapport à leur niveau de 1984-1985. Comme il est d'ailleurs exposé à l'annexe III du discours sur le budget, le Québec exige dans l'immédiat la poursuite des discussions pour en arriver à un compromis raisonnable et équitable à l'égard des paiements de péréquation pour 1985-1986 et 1986-1987. De plus, pour l'avenir, nous proposerons que les arrangements fiscaux entre le gouvernement fédéral et le Québec soient chapeautés par une entente formelle entre les deux ordres de gouvernement. Par ailleurs, le financement du réaménagement de l'impôt sur le revenu des particuliers pour rendre notre régime fiscal plus équitable, surtout pour les familles avec enfants, les programmes annoncés pour soutenir la croissance de l'économie et de l'emploi, et enfin le maintien à notre population qui l'exige d'un niveau élevé de services, notamment dans les domaines de la santé et de l'éducation, voient le gouvernement dans l'impossibilité de maintenir le fardeau fiscal actuel, ce qui est reflété dans les mesures dont je ferai maintenant état. La taxe sur le tabac demeure au Québec toujours inférieure à ce qu'elle est en Ontario et dans quelques autres provinces, tandis que les coûts de la santé ne cessent de croître. Il me semble qu'il s'agit là d'un domaine où le principe de la tarification des usagers s'applique assez facilement. A compter de minuit ce soir, le taux de la taxe sur les tabacs sera porté de 55 % à 60 %. Dans le cas des cigarettes, le mode de calcul de la taxe sera de plus réformé pour être rendu semblable à celui d'autres provinces; dorénavant, le taux de la taxe s'appliquera sur le prix de vente moyen d'un paquet de 25 cigarettes plutôt que sur celui d'une cartouche. La hausse totale représente 0,25 $ par paquet de 25 cigarettes. Par ailleurs, la méthode de compensation des mandataires devra être renégociée par le ministère du Revenu afin de la rendre plus semblable à ce qui se pratique ailleurs. Cette mesure haussera la contribution des fumeurs au financement des dépenses publiques de 133 000 000 $ cette année. Plusieurs biens et services échappent à l'application de la taxe de vente sans qu'on ne sache trop bien pourquoi. De façon générale, on a cherché par le biais des exemptions à ne pas prélever de taxe sur des biens considérés comme essentiels de façon à ne pas pénaliser les plus démunis de la société qui doivent affecter la plus grande partie de leurs revenus à ces biens essentiels. C'est ainsi que notre gouvernement a introduit des exemptions sur les chaussures et les vêtements, de même que sur les meubles. Parfois, aussi, l'exemption a pour but de protéger ou de stimuler un secteur d'activité économique donné. Tel est, par exemple, l'objectif que nous avons visé en abolissant la taxe de vente sur le gaz naturel. Or, dans un certain nombre de cas, ces motifs ne peuvent manifestement pas être invoqués. À partir de minuit ce soir, un certain nombre de biens et services deviendront assujettis à la taxe de vente. Le plus important de ceux-ci est constitué des primes d'assurance de toutes sortes payées par les résidents du Québec et les personnes qui y font affaires. Afin d'éviter la double taxation de l'épargne, la partie des primes représentant de l'épargne sera exemptée. Les autres biens et services qui deviennent assujettis sont la nourriture pour animaux d'appartement, la vente et la location de films et de cassettes vidéo, la monnaie et les timbres de collectionneurs, de même que les arbres, arbustes et autres plantes d'ornement. Tout en se donnant ainsi une fiscalité plus équitable et en prélevant un montant additionnel d'environ 425 000 000 $ en 1985-1986, on permettra un meilleur équilibre des finances de l'État. Il existe dans le régime d'imposition québécois une taxe tout à fait particulière qui s'adresse uniquement aux corporations qui font du raffinage de pétrole au Québec; il s'agit de la taxe additionnelle de 2 % sur le capital versé des corporations de raffinage. Le gouvernement du Québec a dû procéder à une hausse importante de cette taxe en 1980 puisque certaines compagnies de raffinage évitent de payer leur juste part d'impôt sur le revenu au Québec en transférant leurs profits dans leurs établissements situés dans d'autres provinces canadiennes. Or, depuis cette hausse, plusieurs corporations qui vendent des produits pétroliers au Québec ont réussi à éviter cette taxe de telle sorte que les corporations raffinant du pétrole au Québec sont pénalisées par rapport à celles qui raffinent à l'extérieur du Québec. J'annonce ce soir des mesures pour répartir le rendement actuel de cette taxe entre toutes les corporations de raffinage qui vendent des produits pétroliers au Québec. Notre gouvernement a annoncé l'an dernier l'abolition progressive du péage sur les autoroutes. L'échéancier prévu est maintenu de sorte que, dès septembre de cette année, le péage sur toutes les autoroutes du Québec sera chose du passé. D'autre part, les citoyens voyageant vers les îles du Saint-Laurent se voient forcés de défrayer un tarif chaque fois qu'ils doivent rejoindre leur île ou la rive du fleuve pour y emprunter le reste du réseau routier du Québec. Afin d'abolir la discrimination existant en ce domaine, j'annonce donc l'abolition du péage sur les traversiers gouvernementaux qui assurent le service aux îles du Saint-Laurent, soit l'Île aux Coudres et l'Île aux Grues. De même, les frais encourus pour l'obtention des laissez-passer annuels seront abolis sur tous les autres bateaux régis par la Société des traversiers du Québec et ce, à partir de minuit ce soir. Par ailleurs, la nature de la reprise économique actuelle n'avantage pas également toutes les régions du Québec. Il est essentiel que l'on prenne des mesures pour stimuler le développement économique régional et pour y accélérer la création d'emplois. À cette fin, j'annonce ce soir qu'un montant de 12 000 000 $ s'ajoutera à l'enveloppe déjà prévue pour le Fonds de développement régional. On se rappellera de plus que notre gouvernement avait injecté des fonds additionnels au niveau de la voirie municipale au cours des deux dernières années dans un objectif de création d'emplois locaux. Cette année encore je crois opportun d'ajouter 10 000 000 $ aux enveloppes déjà prévues à cette fin. Enfin, une somme additionnelle de 7 000 000 $ sera accordée au ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche, soit 3 000 000 $ pour le développement des parcs régionaux et 4 000 000 $ pour le projet Archipel. Un certain nombre d'autres mesures de moindre importance concernant la fiscalité sont décrites à l'annexe sur les mesures fiscales et budgétaires, laquelle fait partie intégrante du présent discours. À partir des perspectives économiques tracées au début de ce discours et en tenant compte des mesures fiscales et budgétaires que je viens d'annoncer, l'effort de rééquilibrage des finances publiques est fortement accentué par le présent budget et les équilibres financiers projetés pour 19851986 sont les suivants: Je voudrais déposer, M. le Président, ces tableaux qui présentent les prévisions des équilibres financiers du gouvernement pour 1985-1986. Les dépenses annoncées par le président du Conseil du trésor lors du dépôt des crédits le mois dernier totalisent 27 250 000 000 $. Cela représente une augmentation de 6,8 % par rapport à l'année précédente. Mais si on tient compte des effets de l'anticipation des dépenses en 19831984 pour un montant de 431 000 000 $, l'augmentation ne représente en fait que 5,1 % et reflète la gestion serrée exercée au niveau du contrôle des dépenses. Les dépenses probables annoncées par le président du Conseil du trésor étaient établies à partir de crédits budgétaires de 27 400 000 000 $ et d'un objectif que s'est donné le gouvernement de gérer avec vigilance le budget des dépenses en cours d'année, de façon à obtenir des crédits périmés nets de 150 000 000 $. Cet objectif est maintenu, de sorte que les dépenses additionnelles qui découleront des mesures que je viens d'annoncer seront financées à partir du recyclage des crédits périmés qui seront dégagés au-delà de l'objectif initial. Compte tenu de la croissance des transferts fédéraux de seulement 2 % pour 1985-1986, il a fallu adopter des mesures fiscales qui portent à 10,6 % la croissance des revenus autonomes du gouvernement. C'est plus qu'une fois et demie la croissance nominale de l'économie. C'est dire à quel point est dommageable l'évolution des transferts versés au Québec par le gouvernement fédéral, particulièrement au chapitre des paiements de péréquation. Néanmoins, la hausse des revenus autonomes permettra de réduire légèrement le déficit pour le porter de 3 175 000 000 $ en 1984-1985, à 3 095 000 000 $ en 19851986. Je rappelle qu'en pourcentage du PIS, il aura ainsi diminué de 4,1 % en 1980-1981 à 3 % cette année. Pendant ce temps, les opérations non budgétaires continuent de dégager un surplus grandissant. C'est pourquoi les besoins financiers nets du gouvernement, après être passés de 2 221 000 000 $ à 2 006 000 000 $ entre 1983-1984 et 1984-1985 vont connaître une diminution radicale en 1985-1986 pour atteindre 1 600 000 000 $ Si on compare ces emprunts nets à un indicateur de notre capacité de les rembourser, c'est-à-dire la production intérieure, il faut voir qu'entre 1980-1981 et 1985-1986, la proportion des besoins financiers nets dans le PIB aura diminué de 3,3 % à 1,5 %. Cependant, je ne crois pas qu'il faille s'arrêter là. L'annexe sur les perspectives à moyen terme de la situation financière du gouvernement montre quelles sont les intentions à cet égard au cours des trois prochaines années. Ces perspectives sont basées sur le plan fiscal que j'ai annoncé pour réduire l'impôt des particuliers. Elles impliquent par ailleurs la poursuite de l'effort de rationalisation des dépenses budgétaires qui est en cours depuis quelques années. L'État québécois, M. le Président, est devenu pour notre collectivité un instrument extrêmement puissant pour assurer son développement économique et social. Or, la santé des finances publiques représente la condition la plus essentielle pour l'efficacité de cet instrument. Considérons seulement que dans le budget de dépenses 1985-1986, 3 502 000 000 $ servent à défrayer l'intérêt sur la dette du gouvernement et des institutions qu'il supporte; que sur 1 605 000 000 $ portés aux régimes de retraite par le gouvernement, 360 000 000 $ servent à amortir le déficit passé et 734 000 000 $ servent à couvrir l'intérêt sur le solde du compte; que 144 000 000 $ servent à amortir les déficits identifiés dans les réseaux de l'éducation et des affaires sociales depuis la fin des années soixante-dix; que 66 000 000 $ vont à SIDSEC; qu'il faut renflouer le déficit olympique et y affecter 124 000 000 $. Tout cela représente presque un dollar par trois dollars d'impôts et de taxes prélevés par le gouvernement du Québec. On voit à quel point le poids du passé peut hypothéquer un budget. Non seulement notre gouvernement a-t-il assumé les charges du passé, mais il est en train de les liquider. Nous n'avons pas l'intention pour autant d'hypothéquer l'avenir. Au moment où l'économie a repris le chemin de la croissance et avec l'amélioration de la situation des finances publiques, il convient, sans négliger les urgences du moment, et en particulier la création d'emplois, de porter aussi notre attention vers les défis qui se posent à nous pour les prochaines années. Dans ce discours, j'ai voulu, M. le Président, présenter de quelle façon nous entendions construire ainsi l'avenir économique et social du Québec, et je crois que les mesures annoncées nous rapprochent des objectifs à atteindre. C'est ainsi que le Québec continuera de grandir et de prendre toute la place qu'il voudra malgré les difficultés de ce monde en profonde mutation. Les Québécois et les Québécoises sauront, j'en suis convaincu, relever le grand défi de l'excellence, et le présent budget se voudrait d'appuyer leurs efforts. Je propose donc que l'Assemblée nationale approuve la politique budgétaire du gouvernement. Je vous remercie, M. le Président.