Province Législature Session Type de discours Date du discours Locuteur Fonction du locuteur Parti politique Québec 33e 1re Discours sur le budget 1er mai 1986 M. Gérard D. Levesque Ministre des Finances PLQ M. Levesque : M. le Président, au cours des derniers mois, les citoyens et les citoyennes du Québec ont entendu parler abondamment de l'état des finances du gouvernement. Ils se préoccupent également de l'état de l'économie. Plusieurs attendent avec une certaine anxiété les mesures qui seront annoncées ce soir afin de régler l'impasse budgétaire de 1 500 000 000 $ pour l'année financière 1986-1987 Ces mesures, conjuguées à celles que le gouvernement a mises en œuvre depuis décembre dernier, nous placeront sur la voie d'une restauration durable de la santé financière du gouvernement. Et cette restauration est une condition essentielle pour donner un nouveau souffle à l'économie québécoise et pour assurer le progrès social de notre collectivité. Le 18 décembre dernier, j'ai présenté, devant cette Assemblée, un énoncé de politiques budgétaires visant à rendre notre économie plus concurrentielle et notre fiscalité plus équitable. Conformément aux engagements pris au cours de la campagne électorale, j'ai alors annoncé une réduction substantielle des taux marginaux d'imposition des particuliers, une exemption de la taxe de vente pour les primes payées sur certains types d'assurances, ainsi qu'une réduction de la taxe sur les carburants dans les régions périphériques. Même si le gouvernement faisait face à une situation financière délicate, j'ai annoncé que nous prendrions les moyens nécessaires pour que le déficit budgétaire de 1985-1986 diminue par rapport à celui de l'année précédente. Je suis heureux d'annoncer ce soir que nous avons tenu cet engagement. Le déficit budgétaire de 1985-1986 s'établira à 3 152 000 000 $, soit une diminution de 81 000 000 $ par rapport à 1984-1985. Nous y sommes parvenus bien que le gouvernement fédéral ait refusé de nous verser un montant de 66 000 000 $ auquel nous continuons de prétendre au titre des paiements supplémentaires de péréquation. Le 5 mars dernier, je présentais à la population québécoise un document décrivant l'état des finances publiques du Québec. J'en venais alors à la conclusion qu'il était urgent de redresser la situation. On ne pouvait laisser augmenter le déficit à 4 500 000 000 $ en 1986-1987. On ne pouvait non plus continuer de financer par emprunts une part substantielle de nos dépenses courantes, c'est-à-dire continuer d'emprunter pour financer une partie de "l'épicerie". Il fallait enfin entreprendre la liquidation d'une série d'hypothèques accumulées au cours des années par l'ancien gouvernement. Nous avons donc effectué au cours des derniers mois un examen rigoureux des dépenses. Ainsi, le président du Conseil du trésor a pu annoncer à la fin de mars dernier des compressions et diminutions dans les dépenses de plus de 1 000 000 000 $ pour 1986-1987. Compte tenu des diverses mesures fiscales et budgétaires que je vais exposer, je suis heureux, et particulièrement heureux, d'annoncer ce soir que nos efforts ont porté fruit. Le déficit budgétaire du gouvernement diminuera en 1986-1987 pour une deuxième année consécutive et s'établira cette fois à 2 895 000 000 $. Cela représente une réduction de 257 000 000 $ par rapport à l'année précédente. Il s'agit là, à mon sens, d'une excellente performance quand on sait que les transferts en provenance du gouvernement fédéral diminueront cette année. Ce résultat, qui tient compte de la réforme de certaines pratiques comptables inappropriées, sera atteint même en entreprenant la liquidation des hypothèques accumulées. Mais notre tâche ne s'arrête pas là. Il faudra poursuivre nos efforts d'assainissement des finances publiques du Québec au cours des prochaines années. Les gestes ainsi posés permettront de libérer la voie pour que nous puissions nous attaquer avec plus de vigueur que jamais à la relance de l'économie du Québec et au raffermissement de sa structure industrielle. Tel est en effet notre véritable objectif, c'est-à-dire réduire substantiellement le taux de chômage en créant 400 000 emplois d'ici à 1990. J'annonce donc dans ce discours un certain nombre de mesures qui permettront de nous rapprocher de ce but, même s'il reste encore, encore une fois, beaucoup de travail à faire avant que l'objectif ne soit atteint. Après avoir fait face à l'impasse budgétaire de cette année et entrepris le ménage dans les finances gouvernementales, nous consacrons à cette tâche toutes nos énergies. Au cours de l'année 1985, l'économie québécoise a maintenu le mouvement de reprise amorcé en 1983. La croissance de la production intérieure devrait s'établir à environ 4 % en 1985, ce qui se compare aux taux de croissance de 3,1 % et de 5,2 % enregistrés respectivement en 1983 et 1984. Pendant ce temps, l'économie canadienne affichait des résultats du même ordre de grandeur, soit 2,7 % en 1983, 4,9 % en 1984 et 4,3 % 13n 1985. L'économie américaine, quant à elle), a connu un début de reprise intéressant, mais elle a manifesté des signes d'essoufflement en 1985 avec une croissance de seulement 2,2 %. Le Québec maintient donc sa position par rapport à ses principaux partenaires commerciaux. Mais ce n'est pas suffisant. Je pense que la population du Québec ne considère pas non plus que c'est suffisant. Le Québec a été touché plus que les autres en 1981-1982. Il aurait fallu faire du rattrapage. Une équipe qui tire de l'arrière en début de match ne doit pas se féliciter quand elle se contente de jouer aussi bien que l'adversaire par la suite. Le taux de chômage est de 7,2 % aux États-Unis; il est de 9,6 % au Canada, de 6,8 % en Ontario et de 11,8 % au Québec. Nous ne pouvons accepter pareille situation. Un taux de chômage moyen de 12 % au Québec signifie 18 % de chômage chez les jeunes de 15 à 24 ans; cela veut dire des taux pouvant dépasser 20 % dans certaines régions, et j'en sais quelque chose. Cela signifie aussi que, trois ans après le début de la reprise, le nombre d'assistés soc aux aptes au travail continue d'augmenter. C'est là un gaspillage inadmissible de ressources humaines. C'est pourquoi notre gouvernement s'est donné comme objectif de créer 400 000 emplois d'ici la fin de la décennie. Pour se convaincre de l'ampleur de la tâche qui nous attend, il suffit de considérer le niveau des investissements réalisés au Québec. L'ensemble de nos investissements ne représente que 17 % de notre produit intérieur brut. Or, pour l'ensemble des pays de l'OCDE, ce taux oscille entre 20 % et 22 % et des taux supérieurs à 25 % ne sont pas rares. La réduction de l'investissement public au cours des dernières années n'est pas la seule cause de cette insuffisance. On a aussi observé une diminution préoccupante des investissements non résidentiels privés. Alors que ces derniers représentaient 8,8 % du PIB de 1970 à 1975, ils n'en représentaient plus que 7,8 % en 1985. Signalons que le même taux était de 8,8 % en Ontario. Lorsque l'on cesse d'investir, on se prépare bien mal pour l'avenir. Si rien n'est fait pour changer le cours des choses, nos prévisions, tout comme celles d'autres organismes qui font des prévisions économiques, démontrent que la situation ne s'améliorera pas sensiblement au cours des quatre prochaines années. Les économistes de mon ministère prévoient même que si les choses continuent à ce rythme au cours des années qui viennent, l'emploi n'augmentera que de 2 % par année, donc à peine plus que la main-d’œuvre, de sorte que le taux de chômage sera à peine inférieur à 10 % au Québec en 1990. Il faut donc se retrousser les manches et s'attaquer immédiatement à la tâche. La première des choses à faire, si l'on veut réagir convenablement, c'est de prendre conscience de la profonde transformation de l'ordre économique mondial qui est en train de se produire. En même temps que disparaissent une à une les barrières tarifaires au commerce international et que la révolution électronique élimine la distance entre les continents, les pays en voie de développement ont entrepris d'accéder au mode de vie des plus privilégiés. Le Québec, dont le développement économique passé reposait en partie sur l'exploitation de ses richesses naturelles et sur une main-d’œuvre relativement bon marché, doit réagir de toute urgence s'il veut se tailler une place dans un monde où la compétition est de plus en plus féroce. Certaines de nos richesses naturelles ne sont pas encore exploitées au maximum de leurs possibilités; notre potentiel hydroélectrique en est l'exemple le plus éloquent. Mais c'est aussi et surtout sur nos ressources humaines qu'il faut compter. Après un effort de rattrapage important, nous avons maintenant une population beaucoup plus scolarisée et beaucoup mieux formée qu'autrefois. Nos universités comme nos chercheurs atteignent des standards d'excellence mondiale. Nous avons aussi développé une classe d'entrepreneurs extrêmement dynamiques et capables de soutenir la concurrence au plus haut niveau. Nos connaissances, notre savoir-faire et notre capacité d'innovation nous placent dans le peloton de tête. Il nous faut en tirer parti. Pour profiter au maximum de ces avantages, il faudra cependant créer au Québec un nouveau climat. Les travailleurs et les entreprises devront agir de concert pour obtenir les succès voulus. Bien des choses sont à changer. La taille des entreprises devra être optimisée; il faudra accorder plus d'importance à la recherche de l'efficacité, aussi bien dans les procédés de fabrication que dans les méthodes de gestion et dans la prospection des marchés. Il faudra développer des structures financières qui permettront aux entreprises d'assumer des risques plus élevés afin de leur permettre de profiter au maximum des possibilités des marchés. Dans un pareil contexte, la gestion des ressources humaines ne peut plus se faire de la même façon qu'auparavant. Si les employés se contentent d'accumuler les heures et n'ont pas l'occasion de contribuer activement au succès de l'entreprise, on aura manqué le bateau. L'État aussi doit s'adapter. Avec l'expansion économique que nous avons connue depuis un demi-siècle, les budgets gouvernementaux ont pu prendre une importance sans précédent. Parallèlement, les pressions sociales ont amené le législateur à intervenir dans un nombre toujours croissant de secteurs d'activité sans que l'on s'inquiète outre mesure des conséquences de cette pléthore de lois et de règlements sur l'économie. Mais, face au défi que nous avons aujourd'hui à relever, celui de nous tailler une place sur l'échiquier mondial, toutes les énergies doivent être mobilisées, y compris celles de l'État. Au Québec, nous avons poussé le développement de l'État un peu plus loin qu'ailleurs. L'adaptation sera donc un peu plus délicate. La révision devrait d'abord porter sur trois des principaux instruments de l'État: les politiques fiscales et budgétaires, l'activité législative et réglementaire et l'intervention par le biais des sociétés d'État. Je présenterai donc ce que nous entendons faire pour chacun de ces trois volets, traitant séparément l'action fiscale et budgétaire selon qu'elle s'adresse aux entreprises ou aux particuliers. Les relations financières entre les entreprises et le gouvernement du Québec sont extrêmement importantes et diversifiées. D'un côté, nos entreprises contribuent pour plus de 6 000 000 000 $ au secteur public québécois. De l'autre, l'aide qui leur est versée par le gouvernement totalisait dans l'ensemble 700 000 000 $ en 19B5-19B6, sans compter celle provenant du gouvernement fédéral et les sommes qu'elles obtiennent par les abris fiscaux. On peut se demander si tout cela est bien adapté aux réalités d'aujourd'hui. Il est évident, par exemple, que la majorité des programmes d'aide aux entreprises, qu'ils soient budgétaires ou fiscaux, ont été créés à la pièce pour répondre à des problèmes spécifiques sans se soucier outre mesure de la cohérence d'ensemble. Il faut aussi se demander si l'aide gouvernementale supporte vraiment les bons secteurs industriels ou les facteurs les plus déterminants de la croissance économique. N'a-t-on pas eu trop tendance à subventionner des entreprises perdantes et à exiger trop de celles qui réussissent? Celui qui s'adresse à l'État pour une subvention ne risque-t-il pas de se perdre dans les dédales de la bureaucratie? Telle est donc la remise en question que nous devons faire, globale et en profondeur. J'ajouterai qu'elle est urgente. Ma première tâche en arrivant au ministère des Finances a été de mettre de l'ordre dans les finances de l'État. Le présent discours apporte des résultats concrets ainsi qu'un plan d'action clair et précis à ce sujet. Mais j'ai aussi l'intention de m'attaquer, avec mes collègues de la mission économique, à l'exercice de mise à jour de notre politique fiscale et budgétaire à l'endroit des entreprises. D'ores et déjà, toutefois, il s'avère important de mettre en place certaines mesures spécifiques. Il faut tout d'abord trouver des moyens pour favoriser une plus grande synergie des efforts des employés et des patrons dans l'entreprise. Il faut, en deuxième lieu, apporter un meilleur soutien fiscal aux entreprises naissantes. En troisième lieu, certaines mesures d'harmonisation à la fiscalité fédérale s'imposent. Et, enfin, certains ajustements à notre régime d'aide à la capitalisation des entreprises sont nécessaires. Il est évident, M. le Président, que les entreprises ayant le plus de succès sont celles qui savent le mieux tirer parti de la créativité, des efforts, de la motivation et de toutes les autres ressources de leurs employés. Cette synergie employés-employeurs peut être développée de bien des façons et il appartient aux entreprises d'utiliser celles qui conviennent le mieux à leur situation. La politique fiscale peut cependant apporter sa contribution en incitant les employés à devenir actionnaires de leur entreprise. J'entends donc agir à ce niveau dans le présent budget. À compter de l'année fiscale 1986, les employés qui souscriront à des émissions d'actions de leur employeur admissibles au régime d'épargne-actions ou au régime des sociétés de placements dans l'entreprise québécoise, les SPEQ, pourront bénéficier d'une déduction supplémentaire de 25 % du montant de leurs achats. Celle-ci viendra s'ajouter à la déduction à laquelle ils auraient droit en vertu du régime d'épargne-actions s'il s'agit d'une émission publique, ou s'ajouter au bénéfice conféré par les sociétés de placements dans l'entreprise québécoise s'il s'agit d'une émission privée. L'annexe sur les mesures fiscales et budgétaires, qui fait partie intégrante du présent discours, explique le mécanisme retenu et les conditions à remplir pour bénéficier de ce nouvel avantage fiscal. Il faut, en deuxième lieu, stimuler la création de nouvelles entreprises au Québec. Lancer une nouvelle entreprise, c'est souvent prendre des risques énormes. Mais c'est en même temps créer les emplois tant recherchés par les jeunes du Québec et par les chômeurs de toutes catégories. J'entends donc alléger le fardeau fiscal des entreprises naissantes. À cette fin, toute corporation ou coopérative constituée à partir de minuit ce soir sera exonérée de l'impôt sur les profits et de la taxe sur le capital des corporations pour ses trois premières années d'imposition. L'exonération sera évidemment réservée aux petites entreprises; le premier 200 000 $ de revenu imposable gagné à chaque année sera exonéré de l'impôt sur les profits et le premier 2 000 000 $ de capital versé sera exonéré de la taxe sur le capital. Je désire aussi, M. le Président, favoriser de façon plus spéciale les jeunes qui désirent s'établir en agriculture. Le gouvernement est conscient de l'importance de l'agriculture au Québec et des investissements considérables que les jeunes agriculteurs doivent effectuer pour lancer une entreprise dans ce secteur. Il existe déjà au ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation un programme de mise en valeur des exploitations agricoles auquel des crédits de 5 000 000 $ sont affectés en 1986-1987. Afin de bonifier ce programme, j'annonce que la subvention accordée aux jeunes agriculteurs qui s'établissent sera augmentée, dans cette même année 19861987, de 8000 $ à 15 000 $. Les crédits seront, en conséquence, haussés de 7 000 000 $, ce qui les portera de 5 000 000 $ à 12 000 000 $. Le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation rendra public le détail des améliorations apportées. M. le Président, au cours de la dernière année, le gouvernement fédéral a adopté deux mesures importantes relativement à la fiscalité des entreprises et de l'investissement. Il s'agit de l'exemption des gains en capital et du nouveau mode d'imposition des dividendes. On sait que le gouvernement fédéral a introduit l'an dernier une exemption à vie des gains en capital. En juin 1985, le ministre des Finances du Québec faisait part de ses réserves à l'égard de cette mesure et de son intention de la discuter avec son collègue fédéral; il annonçait en même temps son intention d'harmoniser sur ce point la fiscalité québécoise à la fiscalité fédérale, mais pour les années 1985 et 1986 seulement. Ces discussions n'ont pas amené le gouvernement fédéral à modifier sa politique d'un iota. Si rien n'est fait, le Québec se retrouverait, en 1987, avec un écart dans le traitement fiscal des gains en capital par rapport aux autres provinces. Le Québec ne peut se le permettre: ce serait répéter la triste histoire des droits successoraux. J'annonce donc, ce soir, une harmonisation complète entre la fiscalité québécoise et la fiscalité fédérale à ce titre. D'autre part, le gouvernement fédéral a modifié le régime d'imposition des dividendes à compter du 1er janvier 1987. Il a aboli l'impôt sur les dividendes versés par les petites entreprises et, en contrepartie, il a augmenté l'impôt payé par les particuliers sur les dividendes reçus autant des petites que des grandes entreprises. La modification a pour but de simplifier le régime fiscal et de préserver le principe de l'intégration des impôts des sociétés et des particuliers. Comme on le sait, les neuf autres provinces seront forcées d'adopter un mode d'imposition similaire. Il n'apparaît pas souhaitable pour le Québec de taxer les revenus de dividendes différemment de ce que font les autres provinces. Nous allons donc harmoniser la fiscalité québécoise sur ce point aussi. Enfin, le présent discours comporte plusieurs autres mesures d'harmonisation à la fiscalité fédérale. Elles sont exposées dans l'annexe sur les mesures fiscales et budgétaires. On parle également depuis un certain temps des difficultés qu'éprouvent les entreprises à se doter d'une structure de capital adéquate. Il s'agit là d'une condition essentielle à leur développement puisqu'une firme doit être en mesure de saisir rapidement les occasions qui se présentent tout en assumant les risques qu'elles comportent. Le Québec s'est déjà doté de plusieurs instruments d'intervention (Régime d'épargne-actions, sociétés de placements dans l'entreprise québécoise, Régime d'investissement coopératif, prêts de capitalisation et aide financière pour l'accès à la Bourse). Comme vous le savez, le ministère des Finances observe continuellement l'évolution de ces programmes dans le but d'en évaluer la performance. Ainsi, pour s'assurer que le produit des émissions de titres assortis d'avantages fiscaux soit mieux orienté vers la création d'activités économiques concrètes et génératrices d'emplois, le régime d'aide à la capitalisation des entreprises sera resserré. Dans le cas du Régime d'épargne-actions, l'introduction de pénalités pour le rachat d'actions, la disqualification des corporations de placements et la limitation des émissions ne rencontrant pas l'esprit du régime comptent parmi les principales modifications qui devraient en réduire le coût tout en maintenant son efficacité. L'on retrouvera à l'annexe sur les mesures fiscales et budgétaires le détail des mesures de resserrement retenues. Par ailleurs, il y a une mesure qui concerne le programme d'accès à la Bourse qu'il faut expliquer un peu. Le premier volet de ce programme permet de rembourser les coûts relatifs à l'étude de faisabilité d'une première émission publique d'actions, tandis que le second volet permet de subventionner l'émission elle-même pour un montant pouvant atteindre 400 000 $. Or, depuis un certain temps, on remarque que le marché des nouvelles émissions d'actions au Québec est très actif. Ainsi, en 1985, le nombre de firmes effectuant de telles émissions d'actions a doublé par rapport aux deux années précédentes. Comme le marché des capitaux semble maintenant plus ouvert aux entreprises de chez nous, il nous apparaît raisonnable d'abolir le second volet du programme d'accès à la Bourse, puisque celui-ci n'est plus nécessaire pour stimuler de nouvelles émissions. Cependant, nous allons continuer à subventionner les études de faisabilité des premières émissions publiques d'actions. Par ailleurs, l'idée de permettre la création de fonds d'investissement REA avait été accueillie favorablement. Ces fonds devaient permettre aux particuliers de bénéficier des avantages du Régime d'épargne-actions tout en diversifiant leur portefeuille et en minimisant leurs risques. Au cours des derniers mois, nous avons poursuivi nos consultations sur le sujet et nos démarches n'ont pas encore été concluantes quant à l'opportunité d'introduire un tel programme à ce moment-ci. En conséquence, j'avise les intéressés que le ministère des Finances tentera d'harmoniser les divers points de vue en présence au cours des prochains mois afin d'en arriver à une conclusion définitive. M. le Président, l'évolution de l'économie ne dépend pas seulement des entreprises, mais aussi des particuliers qui sont des acteurs de premier plan sur la scène économique. Leur action détermine pour une large part le volume des investissements et la création d'emplois durables. Or, la fiscalité et les transferts touchant les particuliers influencent grandement leur motivation et leur détermination à participer au développement de l'économie. À cet égard, un régime fiscal qui taxe trop lourdement l'effort de travail pourra les inciter à se retirer du marché du travail ou encore à travailler au noir ou même à sortir du Québec pour éviter les inconvénients du régime d'imposition et de transferts. Notre gouvernement est fort conscient des problèmes qui peuvent être causés à ce niveau. C'est pourquoi nous n'avons pas hésité, malgré la précarité de la situation financière qui nous a été laissée, à accélérer la baisse des taux d'imposition pour les contribuables ayant un revenu imposable supérieur à 17 364 $. Nous avons aussi allégé les taxes prélevées sur les carburants et sur les primes d'assurance. Nous avons d'autre part entrepris la nécessaire réforme de l'aide sociale. Il y a dans ce programme des problèmes d'équité, dus principalement au fait que les bénéficiaires de moins de 30 ans y sont traités différemment des plus de 30 ans. Il y a aussi des problèmes d'incitation au travail qui sont en partie attribuables à la structure des prestations et en partie au sous-développement des instruments d'aide à la réinsertion au travail. Il faut dire que le fait de traiter sur le même pied les bénéficiaires aptes et inaptes au travail ne facilite pas les choses. Il y a enfin le problème des coûts élevés du régime. J'en donnerai pour preuve le fait que 40 % des prestations d'aide sociale versées au Canada le sont au Québec. De plus, ces coûts continuent d'augmenter plus rapidement que l'inflation même en période de reprise économique. Le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu travaille présentement à une réforme en profondeur de ce programme. Il faudra bien sûr que la fiscalité des particuliers ne 'vienne pas en neutraliser les bénéfices. D'autre part, malgré la baisse des taux d'imposition annoncée en décembre dernier, la fiscalité des particuliers n'est pas encore parfaitement concurrentielle. Certaines catégories de contribuables québécois à faible revenu paient moins d'impôt qu'en Ontario mais d'autres en paient bien davantage. Dans l'ensemble le fardeau fiscal des particuliers du Québec est supérieur de 1 000 000 000 $ à ce qu'il serait en Ontario et ce fardeau supplémentaire se retrouve entièrement à l'impôt sur le revenu. Certains soutiennent que les particularités de la société québécoise justifient un niveau supérieur de dépenses gouvernementales et d'effort fiscal. Cet excédent serait alors le coût de la "québécitude". Mais même si cela était le cas, je ne crois pas qu'il serait approprié de financer notre "québécitude" par des taxes plus élevées sur les activités de production. D'ailleurs, la structure des taux marginaux de taxation soulève bien d'autres problèmes. Elle incite les travailleurs à faible revenu à se retirer du marché du travail, elle amène les classes moyennes et supérieures à réduire leur prestation de travail. Elle encourage le travail au noir et l'évasion fiscale, elle réduit l'intérêt monétaire à s'instruire et à améliorer sa formation. Bref, elle nuit fortement à la capacité productrice de l'économie québécoise. Enfin le régime fiscal des particuliers comporte de sérieux problèmes d'équité entre les diverses catégories de contribuables. La majorité de ceux-ci supporte des taux d'imposition plus élevés pour permettre à certains d'entre eux, mieux nantis, de se soustraire au fisc par l'utilisation d'abris fiscaux de tout genre. Dans le régime actuel des taxes à la consommation un très grand nombre de biens et de services se trouvent exemptés, ce qui désavantage les consommateurs de biens taxables. Pour régler tous ces problèmes il faudrait envisager des changements majeurs au régime fiscal des particuliers. Ceci dit, nous pourrions bien devoir aborder ces questions plus tôt qu'on ne le pense puisque le gouvernement fédéral considère sérieusement la possibilité d'instaurer une taxe sur les transactions, c'est-à-dire une sorte de taxe sur la valeur ajoutée. Une telle proposition pourrait engager l'ensemble du Canada sur la voie d'une réforme des taxes à la consommation et d'un nouveau partage de ce champ d'imposition qui est présentement occupé surtout par les provinces. Le débat n'est pas encore lancé mais nous avons intérêt à commencer notre réflexion sur le sujet dès maintenant. Outre ces politiques budgétaires et fiscales, c'est par les lois et les règlements que l'État influence le plus l'activité économique. Or, il est loin d'être certain que le bilan à cet égard soit bien reluisant. Trop souvent les gouvernements sont intervenus à la pièce pour régler un problème particulier sans trop se soucier des conséquences de leur geste sur la capacité concurrentielle de certains secteurs d'activité ou même de l'ensemble de l'économie. Ils ont conféré des pouvoirs importants à des organismes comme la Commission de la santé et de la sécurité du travail, la Commission des transports et bien d'autres qui ont peu à répondre de leur geste devant la population. Ils ont multiplié les directives, les règlements et la paperasse, de sorte qu'il est devenu difficile pour les citoyens et les entreprises de s'y retrouver. Notre gouvernement a conclu que la tâche à entreprendre n'était pas de chercher à mieux réglementer mais de moins réglementer. Nous avons donc mis sur pied un comité sur la déréglementation placé sous l'autorité du ministre de la Justice et animé par l'adjoint parlementaire du premier ministre. Ce comité a débuté ses travaux et les premiers résultats devraient commencer à se faire sentir bientôt. L'objectif que nous poursuivons, c'est en fait de libérer les agents économiques d'un poids souvent inacceptable et ainsi de leur offrir l'occasion de contribuer encore davantage à notre développement économique. Les sociétés d'État constituent une autre façon pour un gouvernement de s'impliquer dans le développement économique. Au Québec, nous avons beaucoup utilisé cet instrument d'action au cours des 25 dernières années. Ce fut, en particulier, un moyen pour les francophones de prendre pied rapidement dans un domaine que l'histoire les avait amenés à négliger, celui de la grande entreprise. Il est clair aujourd'hui que le rôle des sociétés d'État dans le développement économique du Québec n'a plus à être aussi important. Il existe maintenant une classe d'entrepreneurs francophones extrêmement dynamiques et compétents qui sont en mesure de prendre la relève de l'État et qui aspirent à assumer de plus en plus de responsabilités. Par ailleurs, la nécessité pressante pour les entreprises d'être toujours plus compétitives doit nous amener à miser davantage sur le secteur privé. Mon collègue, le ministre délégué à la Privatisation, a déjà déposé un document sur la privatisation des sociétés d'État dans lequel il expose les principes qui le guideront ainsi que les étapes qu'il entend suivre dans sa démarche de révision de leur rôle. Les premières étapes sont déjà franchies. SOQUIA s'est départie de ses actions dans la société Provigo et la Raffinerie de sucre du Québec est sur le point d'être vendue. Des démarches visant à privatiser la société Quebecair de même qu'une partie des actifs de SOQUEM ont été entreprises. Le programme de privatisation des sociétés d'État est bien enclenché. Au cours de l'année qui vient, la pertinence de conserver d'autres éléments d'actif sera aussi réévaluée. J'attends de cette opération des revenus de 175 000 000 $ au cours de l'exercice financier 1986-1987. M. le Président, j'ai déjà évoqué à plusieurs reprises l'état des finances publiques dont nous avons hérité en assumant le pouvoir en décembre dernier. Permettez-moi de revenir sur le sujet afin de mieux situer les actions prises par le gouvernement au cours des derniers mois et de dégager les orientations que nous entendons poursuivre au cours des prochaines années. La situation décrite dans le document prébudgétaire du 5 mars dernier était extrêmement préoccupante. Si le gouvernement n'avait rien fait pour la corriger, le déficit budgétaire aurait littéralement explosé en 1986-1987 pour s'établir à quelque 4 300 000 000 $, sans tenir compte de l'impact des mesures de l'Énoncé des politiques budgétaires de décembre. Préoccupante aussi parce qu'elle ne correspondait aucunement à l'image qui en avait été présentée lors du discours sur le budget d'avril 1985. Le déficit budgétaire alors prévu pour 1986-1987 était de 2 970 000 000 $. Mais cette prévision n'était pas très robuste. Elle présupposait d'abord que le gouvernement effectuerait des compressions de dépenses de 455 000 000 $ en 1986-1987 alors qu'aucune annonce n'en avait été faite à la population. Quelques semaines après le budget, le gouvernement abandonnait des compressions qu'il avait prévu réaliser en 1985-1986 et ajoutait encore de nouvelles dépenses budgétaires. De plus, il révisait à la hausse de façon substantielle sa prévision de dépenses pour 1986-1987 à peine quelques semaines après le discours sur le budget. En fait, dès la fin de mai 1985, le gouvernement savait que le déficit budgétaire prévu en 1986-1987 était non pas de 2 970 000 000 $, mais bien plutôt de 4 232 000 000 $. Le gouvernement du temps le savait, mais la population, elle, l'ignorait. La situation des finances publiques était aussi préoccupante, M. le Président, parce qu'elle comportait trois problèmes financiers additionnels dont les prévisions de dépenses ne tenaient pas compte. D'abord, les déficits d'opération de 260 000 000 $ accumulés par les centres hospitaliers depuis 1982-1983. Ensuite, la question des créances irrécouvrables, maintenant évaluées à 700 000 000 $, dont près de 600 000 000 $ au ministère du Revenu seulement. Enfin, des problèmes reliés aux pertes à assumer à l'égard de certaines sociétés d'État. C'est pourquoi j'ai décidé qu'il fallait absolument présenter à la population le portrait complet de la situation financière du gouvernement afin qu'elle soit en mesure de se rendre compte de l'urgence du redressement qui s'imposait. La vraie situation financière du Québec, c'est que, depuis plusieurs années, le gouvernement emprunte pour payer une partie de son "épicerie". La vraie situation financière du Québec, c'est que la dette du gouvernement est beaucoup trop élevée: elle a presque triplé en six ans passant de 10 700 000 000 $ en 1980 à30 000 000 000 $ actuellement. La vraie situation financière du Québec, c'est que le gouvernement consacre une part croissante de ses revenus au paiement des intérêts sur cette dette: en 1979-1980, le gouvernement affectait 7,3 % de ses revenus à cette fin; ce sera presque le double cette année, soit 13,9 %. Face à ce constat, le gouvernement devait agir. Il a décidé de reprendre le contrôle des dépenses et du déficit, de mettre de l'ordre dans la comptabilité gouvernementale et de régler les problèmes qui traînaient sur la table à son arrivée. Considérons d'abord les résultats pour l'année financière 1985-1986. Le discours sur le budget d'avril 1985 prévoyait que le déficit budgétaire pour l'année financière terminée le 31 mars dernier s'élèverait à 3 095 000 000 $. Au 30 septembre dernier, le déficit prévu était haussé à 3 235 000 000 $. Lors de l'Énoncé de politiques budgétaires de décembre, je prévoyais que, malgré les baisses d'impôts et de taxes que je venais d'annoncer, le déficit diminuerait en 1985-1986 pour s'établir à3 145 000 000 $. Les renseignements dont nous disposons maintenant me permettent d'estimer que le déficit se situera plutôt à 3 152 000 000 $, en dépit du fait que le gouvernement fédéral ait refusé de verser au Québec les 66 000 000 $ de péréquation qu'il lui devait pour 1985-1986. Je reviendrai plus loin sur ce problème. Qu'il suffise pour l'instant de rappeler que ce déficit est inférieur de 81 000 000 $ à celui de 1984-1985. Je dépose, et j'en fais motion, le tableau suivant qui présente les résultats préliminaires des opérations financières du gouvernement pour 1985-1986. Qu'en est-il maintenant pour cette année? Dans mon document pré-budgétaire de mars dernier, j'établissais l'impasse financière du gouvernement pour 1986-1987 à 1 505 000 000 $. Si nous n'avions rien fait pour régler cette situation, le déficit budgétaire se serait établi à au moins 4 475 000 000 $, ce qui est loin des 2 970 000 000 $ que prévoyait le discours sur le budget d'avril 1985. J'avais annoncé en mars dernier que le gouvernement ne pourrait laisser le déficit augmenter à un tel niveau et qu'il prendrait les mesures pour résoudre cette impasse. Pourquoi ne pourrait-on pas laisser filer le déficit à 4 000 000 000 $ ou 4 500 000 000 $ au lieu de couper dans les dépenses ou d'augmenter les revenus? Je voudrais, pour répondre à cette question, attirer votre attention sur les faits suivants. Comme vous le savez, le déficit du gouvernement du Québec est de l'ordre de 3 000 000 000 $ depuis 1980-1981. Si ce déficit avait été de 1 000 000 000 $ au cours des six dernières années, c'est-à-dire à un niveau correspondant à peu près aux immobilisations annuelles du gouvernement, notre dette serait présentement inférieure de 12 000 000 000 $ à son niveau actuel de 30 000 000 000 $. Nos paiements d'intérêts sur la dette en 1986-1987 seraient inférieurs de 1 200 000 000 $ à leur niveau prévu de 3 600 000 000 $. La question qu'il faut poser est la sui vante: aurions-nous eu besoin de couper autant les dépenses cette année si nous avions vécu selon nos moyens au cours des six dernières années? La réponse, M. le Président, est évidente. Il est certain que la conjoncture économique des dernières années y fut pour quelque chose. Mais il faut bien comprendre que lorsqu'un gouvernement fait un déficit, il ne se passe rien de magique. Le problème ne disparaît pas; il est simplement déplacé dans le temps. Et s'il n'est pas résolu, il s'amplifie d'une année à l'autre. Ainsi, le déficit de 3 152 000 000 $ enregistré l'an dernier se traduit par des paiements d'intérêts supplémentaires de plus de 300 000 000 $ qu'il faudra payer à partir de cette année et pour toutes les autres années à venir, jusqu'au remboursement de la dette. Cela signifie qu'une portion toujours plus grande de nos recettes courantes devra servir à financer nos dépenses passées. Il est évident qu'il faut réduire le déficit. C'est donc à cette tâche que le président du Conseil du trésor et moi-même avons consacré une grande partie de nos efforts au cours des derniers mois. Des compressions et diminutions de dépenses de plus de 1 000 000 000 $ ont été annoncées lors du dépôt des crédits 1986-1987, de même que des nouvelles dépenses totalisant 204 000 000 $ pour régler certains problèmes criants, notamment dans les salles d'urgence des hôpitaux. C'est donc 806 000 000 $ de l'impasse de 1 505 000 000 $ qui a été réglé par l'opération dépenses. Le solde de l'impasse était de 699 000 000 $. Ce solde, M. le Président, nous l'avons réglé. Le déficit budgétaire pour 1986-1987 se situera à 2 895 000 000 $, soit 75 000 000 $ de moins que le niveau prévu. C'est la première fois, M. le Président, depuis 1980-1981 que le déficit sera inférieur à 2 900 000 000 $. C'est aussi la première fois depuis 1977-1978 que le solde des opérations courantes, c'est-à-dire le déficit calculé en excluant les dépenses, les immobilisations et les contributions du gouvernement aux régimes de retraite de ses employés, sera en équilibre. Je rappelle que ce solde était déficitaire de plus de 1 000 000 000 $ en 1980-1981. La situation est maintenant rétablie. Sur la base d'une projection mécanique et en y incluant des compressions de dépenses de 400 000 000 $ l'an prochain, le déficit budgétaire devrait s'établir à 2 705 000 000 $ en 1987-1988 et à 2 590 000 000 $ en 1988-1989, des niveaux de déficit que je n'entends pas dépasser. En tout état de cause, notre lutte contre le déficit devra se poursuivre au cours des prochaines années et le gouvernement entend procéder en cette matière d'une façon graduelle. Ce faisant, il retrouvera progressivement la flexibilité financière qu'il a perdue en vivant au-dessus de ses moyens pendant plusieurs années, et cela sans ralentir l'économie ni pénaliser indûment la population pour des erreurs passées. Si le gouvernement réduisait le déficit à environ 2 000 000 000 $ au cours des prochaines années, cela permettrait de stabiliser la part de sa dette totale dans le PIB. Ce faisant, la proportion des revenus budgétaires qu'il faut consacrer aux paiements d'intérêts sur la dette cesserait d'augmenter. Nous sortirions enfin du cercle vicieux qui nous contraint à réduire nos dépenses de l'année courante pour payer celles des années antérieures. Il est évident que la compression des dépenses n'est pas une mince tâche ni un exercice sans douleur. Pris un à un, tous les programmes gouvernementaux sont utiles. Plusieurs sont même indispensables. Il n'en demeure pas moins que nos dépenses publiques, selon les dernières données disponibles, dépassent celles de l'Ontario de 4 700 000 000 $ sur une base comparable. Cet écart représente 716 $ par habitant par année. C'est beaucoup trop pour nous permettre d'avoir à la fois un fardeau fiscal compétitif et un niveau de déficit compatible avec la santé financière du gouvernement. En conséquence, la pénible tâche des compressions budgétaires devra se poursuivre encore pendant un certain temps. Une première étape a été franchie lorsque mon collègue, le président du Conseil du trésor, a présenté ses prévisions de dépenses en mars dernier. L'objectif était de contenir les dépenses de manière ordonnée, sans pénaliser les clientèles sociales les plus démunies. Mais, compte tenu de l'ampleur du redressement qui s'imposait, il a fallu toucher certains services offerts à la population. Il s'agissait, cependant, d'une première étape. Pour pouvoir encore réduire le déficit, il ne suffira pas de gérer la continuité et d'exercer une grande prudence dans la création de nouveaux programmes de dépenses. Il faudra examiner le bien-fondé de plusieurs dépenses existantes et apporter les correctifs nécessaires pour infléchir la croissance automatique de plusieurs autres. Pour mener à bien cette tâche, le gouvernement a mis sur pied un groupe de travail sous la direction du président du Conseil du trésor, dont le mandat est de réexaminer l'organisation gouvernementale. À la suite des recommandations de ce groupe de travail, le gouvernement a déjà décidé d'abolir plusieurs organismes. Les recommandations de ce groupe de travail permettront d'aborder la prochaine phase de réduction des dépenses avec rigueur, équité et clairvoyance. Cette seconde phase vise à réduire les dépenses de 400 000 000 $ en 1987, ce qui entraînera une économie de 75 000 000 $ en 1986-1987, c'est-à-dire pour les trois derniers mois de l'exercice financier. Dans un tel contexte, il apparaît clairement que les offres gouvernementales en matière de rémunération faites récemment constituent l'ultime limite que la situation financière autorise. Alors que le Québec doit faire face à une situation financière difficile, il est de plus confronté au problème fort sérieux que représente le plafonnement des transferts fédéraux. Pour l'exercice financier 1986-1987, on prévoit que les revenus de transferts provenant du gouvernement fédéral diminueront en termes absolus pour une deuxième année consécutive après n'avoir augmenté que de 0,4 % en 1984-1985. Cette situation s'explique principalement par la baisse des revenus de péréquation et la désindexation de 2 % par année de la contribution fédérale à la santé et à l'enseignement postsecondaire. Du côté de la péréquation, le problème de la chute des paiements résultant de la formule de 1982 n'a pas été résolu malgré l'octroi de paiements supplémentaires de 110 000 0000 $ au Québec en 1985-1986. Pis encore, en refusant de verser au Québec un montant additionnel de 66 000 000 $, le gouvernement fédéral n'a pas respecté son engagement d'assurer à chacune des provinces bénéficiaires un minimum de 95 % des droits de 1984-1985; selon les dernières estimations du gouvernement fédéral, le Québec n'aura reçu en 1985-1986 que 92,8 % du montant de l'année précédente. Ce sera encore pire en 1986-1987 puisque les paiements de péréquation devraient diminuer à nouveau d'un montant de 29 000 000 $, pour se situer à un niveau inférieur de 277 000 000 $ à celui de 1984-1985. Par ailleurs, le projet de loi C-96 actuellement devant le Parlement fédéral et portant sur le financement de la santé et de l'enseignement postsecondaire entraînerait, s'il était adopté, un manque à gagner de 82 000 000 $ pour le Québec en 1986-1987. Il s'agit là d'un pas supplémentaire vers un désengagement fédéral dans le financement de services essentiels à la population. Si l'on ajoute à ce montant les 66 000 000 $ que le gouvernement fédéral refuse de verser au Québec au titre de la péréquation, le gouvernement risque donc de faire face à un manque à gagner de 148 000 OOQ $ qui affecterait sérieusement les finances publiques en 1986-1987; et la situation ne s'améliorera pas dans un avenir rapproché puisque les effets du projet de loi C-96 s'accroîtraient d'année en année. À cet égard, je vous invite à consulter l'annexe du discours sur le budget qui traite des arrangements fiscaux. On y voit comment le gouvernement fédéral a déjà réduit considérablement ses transferts aux provinces depuis 1982 et quelles seront les conséquences financières désastreuses des nouvelles coupures qu'il entend imposer maintenant. On y trouve aussi une vision de ce que devraient être des relations financières saines entre les deux ordres de gouvernement. Cette vision s'inspire d'une recherche d'un véritable consensus, du respect des ententes et du maintien des principes inscrits dans la constitution. Depuis l'élection de notre gouvernement, j'ai accompli toutes les démarches possibles auprès de mon homologue fédéral pour le convaincre de respecter son engagement au titre de la péréquation et de ne pas rouvrir les arrangements fiscaux avant leur échéance du 1er avril 1987. Il est malheureusement demeuré sourd à mes représentations et je ne peux que m'opposer à sa décision de transférer une partie du déficit fédéral aux provinces sans que celles-ci n'aient voix au chapitre. C'est une véritable tenaille qui se referme progressivement sur les finances publiques du Québec. Nos dépenses de santé croissent à un rythme élevé en raison du vieillissement de la population et de l'introduction de nouvelles technologies médicales pendant que le gouvernement fédéral se soustrait à ses responsabilités financières. Il en est de même dans le secteur de l'éducation postsecondaire où il faudra relever des défis de toutes sortes en matière d'études supérieures, d'éducation permanente et de recyclage. Dans ces circonstances, le gouvernement n'a pas le choix. Il se voit obligé de se tourner du côté de la taxation pour compenser le manque à gagner provenant des coupures fédérales. J'annonce donc une surtaxe sur les impôts payés par les entreprises qui prendra effet à compter de minuit ce soir. L'impôt sur les profits des corporations sera porté de 5,5 % à 5,9 % pour les grandes entreprises et de 3 % à 3,22 % pour les petites entreprises. La contribution des employeurs au Fonds des services de santé sera aussi portée de 3 % à 3,22 %. La taxe sur le capital sera haussée de 0,45 % à 0,48 %. En 1986-1987, c'est 152 000 000 $ que le gouvernement encaissera à la suite de cette mesure, après avoir déduit sa propre contribution comme employeur au Fonds des services de santé. Comme on le voit, c'est un montant comparable au manque à gagner attribuable au gouvernement fédéral. Cette surtaxe, je m'engage à la reconsidérer si le gouvernement fédéral consent à respecter ses engagements à l'égard de la péréquation et accepte une négociation de bonne foi sur les arrangements fiscaux. Je crois que le gouvernement fédéral devrait revoir sa façon d'aborder le problème dans un esprit d'équité, de justice et de respect de la constitution et de la parole donnée. L'annexe sur les arrangements fiscaux fait état d'une approche globale à ce problème. La demande que j'adresse aujourd'hui à mon homologue fédéral, c'est d'entreprendre sans tarder une véritable négociation fédérale-provinciale sur la base de cette proposition ou de toute autre proposition visant à un compromis du même ordre. C'est avec regret que je me vois dans l'obligation d'augmenter le fardeau fiscal des entreprises québécoises, mais je crois que les particuliers ne doivent pas être les seuls à supporter le fardeau de l'impasse budgétaire actuelle. En outre, malgré la hausse, le fardeau fiscal des entreprises du Québec demeurera comparable à celui qu'elles supporteraient en Ontario. Par ailleurs, le gouvernement prendra immédiatement une mesure d'allégement de la parafiscalité. Tout d'abord, le taux des prélèvements effectués par la Commission des normes du travail sera réduit de 0,125 % à 0,08 %. Le taux en vigueur présentement permet à cet organisme d'accumuler des surplus; la réduction du taux de prélèvement permettra de régulariser la situation. Quant aux surplus, ils seront versés au fonds consolidé du revenu. D'autre part, les activités et les cotisations de la Commission de la santé et de la sécurité du travail constituent un irritant majeur pour bon nombre d'entreprises au Québec. Le gouvernement entreprendra cette année une réévaluation en profondeur des revenus et des dépenses de l'organisme de façon que son action n'entrave pas le caractère compétitif des entreprises québécoises. L'ampleur de l'allégement éventuel qui sera apporté aux entreprises dépendra de l'importance des rationalisations qui pourront être effectuées. Comme on l'a vu dans le document prébudgétaire sur les finances publiques du Québec, l'état de la situation financière dont nous avons hérité en décembre dernier recelait des hypothèques majeures, auxquelles nous devrons faire face à brève échéance. J'avais alors indiqué que ces charges additionnelles grimperaient pour au moins 150 000 000 $ les équilibres financiers de 1986-1987. En faisant le compte, c'est d'environ 240 000 000 $ dont il aurait fallu parler. En outre, le Vérificateur général critique depuis plusieurs années la façon dont le gouvernement comptabilise certaines transactions et, dans plusieurs cas, ces critiques se rapportaient justement aux hypothèques financières dont il s'agit. J'expliquerai donc maintenant ce que nous entendons faire concernant ces deux questions interreliées. Les hypothèques léguées par l'ancien gouvernement l'ont été dans les domaines suivants: une accumulation de déficits dans les centres hospitaliers; un montant important de créances irrécouvrables particulièrement au ministère du Revenu; enfin, des pertes substantielles à assumer du côté de certaines sociétés d'État. Après avoir constaté l'étendue des dégâts, il faut d'abord établir des provisions adéquates pour en arriver à liquider ces problèmes financiers tout en faisant preuve d'un minimum de responsabilité en matière de finances publiques. Il faut aussi voir si les conventions comptables en vigueur sont vraiment appropriées. Les hôpitaux québécois ont été, depuis plusieurs années, l'objet d'un sous-financement chronique de leur faible fonctionnement. Ils auront accumulé entre le 1er avril 1982 et le 31 mars 1986 des déficits d'opération de l'ordre de 260 000 000 $. Le premier geste pour contrôler les hémorragies a été posé lors de la préparation des crédits pour 1986-1987: la base budgétaire des centres hospitaliers a été restaurée de façon à mettre fin au sous-financement persistant de leurs opérations. Il faut maintenant mettre en œuvre un plan pour amortir les déficits accumulés. Ils seront donc pris en charge par le gouvernement et amortis sur cinq ans, à raison de 75 000 000 $ par année à partir de 1987-1988. Le traitement comptable de ces déficits accumulés sera aussi modifié et ils seront reconnus comme comptes à payer du gouvernement et inscrits au passif, de sorte que, dès 1986-1987, l'intérêt sur le principal, soit environ 26 000 000 $, sera comptabilisé aux dépenses du gouvernement. L'état des comptes à recevoir du gouvernement s'est considérablement détérioré au cours des dernières années. La provision pour créances douteuses, établie chaque année afin d'estimer la valeur de réalisation des comptes à recevoir, représentait environ le quart des comptes à recevoir en 1980. Elle en représente maintenant presque la moitié. Au 31 mars 1986, près de 700 000 000 $ des comptes à recevoir sont jugés douteux. On en retrouve pour près de 600 000 000 $ au ministre du Revenu seulement. Or, la pratique comptable retenue par le gouvernement à cet égard depuis 19801981 était à bon droit critiquée par le Vérificateur général. Les mauvaises créances n'étaient portées aux dépenses qu'au moment où les comptes étaient effectivement radiés plutôt qu'au moment où ils étaient jugés douteux. C'est une pratique inusitée qui n'existe nulle part ailleurs à notre connaissance. On comprend mieux pourquoi elle a été instaurée lorsque l'on constate que pour les cinq dernières années, des comptes à recevoir totalisant près de 550 000 000 $ auront été provisionnés comme douteux alors que moins d'une vingtaine de millions de dollars de ceux-ci auraient été radiés et inscrits aux dépenses. C'est là un comportement inacceptable au plan des principes comptables. De plus, les radiations qu'il aurait fallu porter aux dépenses de 1986-1987 auraient atteint 140 000 000 $. À partir de maintenant, on reviendra à la convention comptable qui existait avant 1980-1981. Les comptes à recevoir jugés irrécupérables seront radiés et cesseront de miner la crédibilité des états financiers du gouvernement. Jusqu'ici, aucune réserve n'a été inscrite aux budgets antérieurs pour pourvoir à un certain nombre d'engagements aussi considérables que réels à l'égard de certaines sociétés d'État. Dans le cas de la Société nationale de l'amiante, une partie des intérêts seulement a été intégrée aux prévisions de dépenses, et aucun remboursement n'a été prévu pour le coût en capital de 195 000 000 $ de dollars relatif à l'acquisition des filiales minières de cette société qui ne cessent de générer des pertes. L'amortissement des emprunts de 320 000 000 $ que SIDBEC a dû assumer dans le cadre des activités de SIDBEC-Normines et de la fermeture de Gagnon n'a pas non plus fait l'objet d'une provision. Enfin, des frais non prévus de quelque 32 000 000 $ dont 30 000 000 $ payables dès 1986-1987, devront être assumés dans le cadre de la cessation des opérations d'autres sociétés d'État devenues des boulets au pied du gouvernement. En outre, comme l'a maintes fois souligné le Vérificateur général, les états financiers du gouvernement ne reflètent pas les baisses durables dans la valeur de certains de ses placements. Pas plus du reste qu'ils ne tiennent compte des profits, parfois importants, effectivement réalisés et accumulés par les entreprises d'État dans lesquelles le gouvernement détient un placement. La convention comptable sera donc modifiée et les placements en actions du gouvernement dans ses entreprises, plutôt que d'être comptabilisés au coût, le seront désormais selon leur valeur de consolidation. Les livres du gouvernement seront ajustés sur cette base en date du 31 mars 1986. Le Vérificateur général du Québec a exprimé récemment des restrictions sévères à l'égard de certaines conventions comptables qui, à son avis, ne permettent pas une présentation fidèle et complète de la situation financière du gouvernement. Ces restrictions touchaient certains des sujets dont je viens de parler ainsi que le traitement des engagements au titre des régimes de retraite et des comptes à payer non inscrits. Au cours des derniers mois, nous avons étudié les commentaires du Vérificateur général et nous avons procédé à un examen de l'ensemble des pratiques comptables utilisées, en vue d'y apporter les modifications appropriées. Cet examen a pris en compte des considérations reliées aux pratiques courantes et les recommandations des organismes régulateurs, tant en matière de comptabilité que d'actuariat, en les adaptant toutefois au contexte particulier de la comptabilité gouvernementale. Il faut bien admettre qu'il n'existe pas encore de normes généralement reconnues et uniformément appliquées à l'égard de la comptabilisation des opérations financières des gouvernements au Canada. Aussi, le gouvernement du Québec entend-il tenir compte de l'opinion du Vérificateur général, tout en s'assurant que le Québec ne soit pas désavantagé dans la comparaison de sa situation financière avec celle des autres provinces. Avec les modifications apportées à l'occasion du présent budget et dont on trouvera le détail en annexe à ce discours, les conventions comptables en usage au gouvernement du Québec se compareront avantageusement avec celles en vigueur dans les autres gouvernements au Canada. La présentation de la situation financière du gouvernement se fera avec plus de rigueur et selon une qu'auparavant. En plus des éléments dont j'ai traité précédemment, les dépenses du gouvernement seront désormais comptabilisées selon une base d'exercice véritable. Leur inscription ne sera plus limitée par la disponibilité d'un crédit autorisé par l'Assemblée nationale, mais s'alignera plutôt sur les frais réellement dus par le gouvernement. Les comptes à payer non inscrits au 31 mars 1986 seront portés au passif et tous les comptes à payer y seront comptabilisés dans les années futures. Un projet de loi sera prochainement soumis à l'approbation de l'Assemblée nationale pour officialiser cette inscription et régulariser la situation des crédits qui seront requis pour liquider les comptes à payer au 31 mars 1986. La modification apportée couvrira notamment les déficits accumulés dans les réseaux dont j'ai traité il y a quelques instants. Quant aux engagements au titre des régimes de retraite des employés du secteur public, leur problématique dépasse le simple traitement comptable qui leur est appliqué. Les différences sont nombreuses et souvent importantes entre les méthodes utilisées par les divers gouvernements au Canada pour les évaluer et les comptabiliser. Les résultats obtenus sont très sensibles à l'utilisation d'hypothèses ou de méthodes de calcul différentes. D'ailleurs, au terme de l'examen préliminaire qui vient d'être effectué, il semble bien que le gouvernement du Québec soit actuellement plus rigoureux sur ce plan que d'autres gouvernements. Aussi, un groupe de travail sera constitué pour étudier toute cette question. Il fera appel aux experts comptables et actuaires requis pour examiner globalement nos méthodes d'évaluation et de comptabilisation des engagements reliés aux régimes de retraite et les comparer à celles d'autres gouvernements. En attendant les conclusions de ce groupe de travail, la méthode de comptabilisation actuelle continuera d'être appliquée. Enfin, la comptabilisation de nos emprunts en monnaies étrangères sera désormais conforme aux principes ayant cours en comptabilité depuis quelques années. Au lieu d'être inscrite au taux de change qui prévalait au moment où les emprunts ont été effectués, la dette en devises étrangères sera réévaluée selon le taux de change en vigueur à la fin de chaque année financière. L'écart da à la variation des taux de change en cours d'année sera amorti sur la durée restante de ses emprunts. L'écart accumulé à ce titre en date du 31 mars 1986 sera porté aux livres du gouvernement par une correction équivalente de la dette publique et de la dette nette. Même si elles ne changent en rien les besoins financiers nets du gouvernement, les modifications comptables que je viens de décrire ont notamment pour effet de compenser l'incidence du coût de la liquidation des hypothèques sur les opérations budgétaires. M. le Président, la tarification est une source de revenus sous-utilisée au Québec. C'est vrai aussi bien pour les services dispensés par le gouvernement lui-même que pour ceux des réseaux de la santé et de l'éducation qui sont subventionnés par le gouvernement. Lorsqu'ils sont possibles, les tarifs ont le double avantage de freiner l'abus dans l'utilisation des services et de compter parmi les rares sources de revenu à ne pas handicaper la capacité productrice de l'économie. Il est clair que si le Québec désire continuer à se donner un niveau élevé de services publics, le recours accru à la tarification au moins partielle de ces services doit être envisagé beaucoup plus sérieusement. Ce sera aussi une façon de reconnaître que les services gouvernementaux ne sont jamais gratuits. Lorsque le bénéficiaire n'a rien à débourser, c'est parce que quelqu'un d'autre le fait à sa place. Dans les domaines de la santé et de l'éducation, il faudra trouver, dans la foulée des constatations du document de mars dernier sur l'état des finances publiques, des moyens nous permettant à la fois de respecter les principes d'universalité et d'accessibilité et de faire plus de place à la tarification pour que le financement de ces dépenses devienne plus équitable et plus efficace. Comme il s'agit de domaines partiellement financés par le gouvernement fédéral, il va de soi que nos discussions avec ce dernier quant à sa contribution financière influenceront les décisions que nous allons prendre. En ce qui a trait à la récupération de 24 000 000 $ déjà annoncée pour les services dentaires aux enfants, un montant de 8 000 000 $ proviendra de la désassurance de certains services offerts. Quant au solde, il sera financé à même le produit des mesures fiscales annoncées dans le présent budget. D'autre part, j'entends augmenter de 75 000 000 $ la tarification des services dispensés par le gouvernement. Les hausses de tarifs toucheront des services spécifiques dont les utilisateurs assumeront une plus grande partie des coûts. Le gouvernement précédent avait d'ailleurs prévu faire un pas substantiel dans cette direction en 1986-1987. Une nouvelle procédure de budgétisation des tarifs sera adoptée. Ainsi l'objectif de 75 000 000 $ sera réparti en objectifs ministériels de tarification qui seront approuvés par le Conseil des ministres. Un effort plus grand sera demandé aux ministères ayant un faible taux d'autofinancement. Chacun des ministères sera responsable d'atteindre l'objectif retenu. Ainsi, l'opération se fera de façon équitable et efficace. Inutile de dire que ces majorations tarifaires éviteront une hausse d'impôts pour un montant équivalent. Par ailleurs, à la suite de discussions que nous avons eues avec la Régie de l'assurance automobile, celle-ci a convenu de verser au gouvernement un montant de 40 000 000 $ en remboursement de services médicaux reçus par les assurés au cours des années précédentes. Dans le document prébudgétaire de mars dernier, j'ai aussi abordé la question des dépenses fiscales, c'est-à-dire des exemptions, déductions ou crédits d'impôts qui se traduisent par une diminution des revenus du gouvernement. J'avais alors noté que l'on a assisté au cours de la dernière décennie à une érosion de l'assiette globale de taxation. Je crois qu'il est temps pour le gouvernement de commencer à mettre de l'ordre dans ce domaine, tout en étant conscient qu'en cette matière notre action est singulièrement limitée par ce que font le gouvernement fédéral et les autres provinces. C'est pourquoi nous allons procéder graduellement en essayant à chaque étape de convaincre nos partenaires canadiens du bien fondé de notre position et de la pertinence de notre action. J'ai cependant l'intention d'agir immédiatement à l'égard de déductions fiscales qui n'ont plus les mêmes raisons d'être qu'avant. J'annonce qu'à compter de l'année d'imposition 1986 les déductions de 1000 $ pour revenus d'intérêts et de dividendes et pour revenus de retraite seront réduites de 500 $. Que les personnes âgées soient rassurées cependant: elles ne seront pas pénalisées par cette mesure si elles sont à la retraite et ne reçoivent pas de revenu de travail. Elles continueront d'avoir droit aux mêmes montants de déduction qu'actuellement. Je désire rappeler que ces déductions avaient été instaurées au milieu des années soixante-dix pour protéger les contribuables contre la taxation des revenus d'intérêts gonflés artificiellement par l'inflation et contre l'érosion des revenus de retraite provoquée par la hausse des prix. Comme on le sait, le taux d'inflation a chuté au cours des dernières années, ce qui diminue la justification de ces deux déductions. Il existe depuis 1981 une allocation de disponibilité à l'égard des enfants de moins de six ans. Au moment où elle fut introduite, le Québec n'accordait pas d'exemptions pour ces enfants. De plus, la fiscalité ne faisait aucune distinction entre les enfants de moins et de plus de six ans pour ce qui est des frais de garde déductibles. Or, la situation a bien changé depuis l'entrée en vigueur de la réforme de la fiscalité des particuliers le 1er janvier dernier. Il y a maintenant des exemptions de 1670 $ pour le premier enfant à charge et de 1370 $ pour les autres enfants. On peut donc s'interroger sur la raison d'être de l'allocation de disponibilité, du moins dans sa forme actuelle. C'est pourquoi elle devra être réexaminée dans le cadre des décisions que le gouvernement sera amené à prendre dans les prochains mois à l'égard de la politique familiale. Je sais que certaines municipalités font face à des problèmes fiscaux particuliers qu'il est important de régler le plus rapidement possible. L'histoire des relations entre le gouvernement et les municipalités me permet de croire que la seule approche qu'il convient de prendre est celle de la concertation. Par ailleurs, il faut admettre que le meilleur niveau de gouvernement pour répondre à plusieurs besoins de la population et assurer certains services est très souvent le palier local. Le gouvernement du Québec doit s'assurer que les gouvernements locaux jouent pleinement le rôle qui leur appartient et disposent de sources de financement adéquates. Néanmoins, il m'apparaît important d'attendre la publication des recommandations des commissions d'étude chargées d'examiner la situation des municipalités, les pouvoirs des municipalités et des MRC ainsi que celles de la Commission d'étude sur la ville de Québec. Le gouvernement pourra alors réagir à ces recommandations, élaborer des propositions convenables et faire connaître sa politique à l'égard des relations financières avec les collectivités locales. Je voudrais maintenant aborder un sujet qui a fait couler beaucoup d'encre au cours des dernières années et, particulièrement, au cours des derniers mois. Il s'agit de la taxation des carburants et des cigarettes. Comme vous le savez tous, ces deux types de produits sont actuellement taxés selon ce qu'il est convenu d'appeler une "taxe-ascenseur", c'est-à-dire une taxe qui dépend du prix au détail de ces biens et qui est fixée au moyen de relevés effectués par le ministère du Revenu. Le prix du pétrole a augmenté d'une manière importante entre 1960 et 1965. Pendant ce temps, la taxe a été portée de 20 % à 40 % en novembre 1961, puis ramenée à 30 % deux ans plus tard. Elle a donc subi des fluctuations importantes au cours des dernières années. Nous avons décidé d'interrompre, une fois pour toutes, le va-et-vient de l'ascenseur. À compter de minuit ce soir, les taxes sur les carburants seront fixées dans la loi aux niveaux où elles sont présentement. Lorsque le gouvernement voudra les modifier à la hausse ou à la baisse, il procédera, comme il le faisait avant 1960. Les consommateurs bénéficieront de toute baisse de prix imputable aux conditions du marché, et ils ne seront plus taxés davantage du simple fait que les prix du pétrole auront augmenté de nouveau. Par ailleurs, en décembre dernier, nous avons aboli la surtaxe sur les carburants dans les régions périphériques du Québec, à savoir l'Abitibi- Témiscamingue, la Côte-Nord, la Gaspésie, le Nouveau-Québec et le Saguenay-Lac Saint-Jean. Les automobilistes de ces régions continueront, bien sûr, de bénéficier de cette mesure. Je crois cependant que d'autres régions sont dans une situation équivalente. J'entends donc leur consentir, à partir de ce soir, la même baisse de la taxe sur les carburants, soit 0,046 $ par litre d'essence ordinaire sans plomb. Il s'agit tout d'abord d'agrandir la zone de la Gaspésie pour y inclure la partie ouest du comté de Matapédia. Il s'agit en deuxième lieu d'ajouter la région nord des comtés de Laviolette et de Gatineau. De plus, deux nouvelles régions seront désignées, soit le comté de Rimouski et la partie du comté de Labelle à l'ouest de la rivière du Lièvre, ce qui comprend la ville de Mont-Laurier. Pour ces deux régions, la baisse de la taxe sera de 0,024 $ le litre. Enfin, j'aimerais aborder la question de l'aide aux détaillants situés en bordure de la frontière avec les États-Unis. Actuellement, seuls quelques détaillants situés à moins de trois kilomètres de la frontière américaine bénéficient d'un programme de réduction de la taxe sur les carburants pour leur permettre d'être plus concurrentiels avec les stations d'essence d'outre-frontière. Pourtant, les détaillants d'essence du Québec situés à moins de 20 kilomètres de la frontière avec une province canadienne peuvent bénéficier d'un programme de rabais de taxe sur les carburants. Je crois qu'il est inéquitable d'accorder un traitement différent aux détaillants d'essence selon qu'ils sont situés près de la frontière avec les États-Unis ou avec une autre province canadienne. C'est pourquoi j'ai décidé d'instaurer un rabais de taxe sur les carburants pour les détaillants situés à moins de 20 kilomètres d'un point de contact avec les États-Unis. Un détaillant situé à moins de cinq kilomètres de la frontière obtiendra un rabais correspondant au tiers de la taxe, soit 0,046 $ le litre pour l'essence régulière sans plomb; le rabais décroîtra jusqu'à 20 kilomètres de la frontière. La zone frontalière s'étend le long des comtés de Kamouraska- Témiscouata, Montmagny-L'Islet, Bellechasse, Beauce-Sud, Mégantic-Compton, Orford, Brome-Missisquoi, Saint-Jean-Iberville et Huntingdon. Les fumeurs et les travailleurs de l'industrie du tabac ne nous en voudront pas non plus d'arrêter l'ascenseur dans le cas de la taxe sur les cigarettes. Au cours de la dernière année, les hausses répétées du prix des cigarettes provenant tant des manufacturiers que des hausses de taxes fédérale et provinciale, ont frappé lourdement cette catégorie de citoyens. Il serait injuste, à mon avis, de maintenir le mécanisme actuel de taxation. J'annonce donc que la taxe sur les cigarettes et le tabac ouvré redeviendra spécifique à compter de minuit ce soir, tout comme la taxe sur les carburants. Dorénavant, la taxe ne variera plus en fonction de l'évolution du prix des cigarettes. Il faut laisser aux fumeurs la chance de reprendre leur souffle. Il existe actuellement, M. le Président, une situation inéquitable dans la taxation des différentes formes d'énergie au Québec. En effet, seuls les consommateurs d'électricité et de gaz propane paient la taxe de vente au détail de 9 %. Les consommateurs d'huile à chauffage et de gaz naturel en sont totalement exemptés. Dans le cas du gaz naturel, l'exemption date de 1983 et avait été accordée pour favoriser la pénétration de cette forme d'énergie au Québec. Il est évident qu'une telle situation est inéquitable à l'égard des consommateurs d'électricité et de gaz propane par rapport aux utilisateurs d'huile à chauffage et de gaz naturel. Le gouvernement a donc décidé de mettre fin à cette situation. À compter de minuit ce soir, l'exemption de taxe de vente dont bénéficient l'huile à chauffage et le gaz naturel est éliminée. Cependant, comme dans le cas de l'électricité, l'exemption de taxe de vente est maintenue pour l'huile à chauffage et le gaz naturel utilisés à des fins de production. C'est donc dire que les entreprises du Québec, de quelque catégorie qu'elles soient, ne paieront aucune taxe sur toute forme d'énergie utilisée dans leur processus de production. Cette mesure rapportera 97 000 000 $ au Trésor public en 1986-1987. Les baisses de prix de l'huile à chauffage et du gaz naturel qui feront suite à la récente chute des prix du pétrole contribueront à atténuer l'impact de cette mesure fiscale sur les consommateurs. De plus, nous prendrons des mesures pour annuler l'effet de la taxe sur les bénéficiaires de l'aide sociale, les travailleurs à faibles revenus et les personnes de 60 ans et plus. Ainsi, lors de la prochaine révision des barèmes d'aide sociale en janvier 1987, il sera tenu compte d'un montant annuel de 15 $ par adulte et de 6 $ par enfant. De même, le crédit de taxes à la consommation pour travailleurs à faibles revenus et le crédit de taxes foncières pour personnes âgées seront tous deux relevés des mêmes montants. Le Québec est un territoire extrêmement vaste et l'on aurait tort de croire qu'il est possible d'y appliquer des politiques uniformes sans égard aux besoins particuliers des régions. Celles-ci sont bien souvent confrontées à des coûts élevés de transport et de déplacement. On se rend compte aussi que le développement économique des régions repose généralement sur des assises plus fragiles et que leur situation économique peut parfois se dégrader très sérieusement. En plus des réductions de la taxe sur les carburants que j'ai annoncées ce soir de même qu'en décembre dernier, j'entends proposer dans ce budget un certain nombre de mesures favorisant les régions. La première est destinée à encourager l'industrie de la pêche en abaissant la fiscalité qui s'y applique. Ainsi, à compter de minuit ce soir, une exemption de taxe sur le premier 300 000 $ de capital versé sera accordée aux corporations dont l'activité principale est la pêche. Une taxe minimale de 50 $ sera toutefois perçue. Grâce à cette mesure, l'industrie de la pêche bénéficiera dorénavant du même traitement fiscal que l'industrie agricole en ce qui a trait à la taxe sur le capital. En deuxième lieu, il m'apparaît nécessaire d'améliorer l'infrastructure routière dans plusieurs régions du Québec. C'est pourquoi j'annonce une augmentation des crédits de 10 000 000 $ pour l'amélioration du réseau routier municipal en 1986-1987. Ces crédits passeront ainsi de 12 000 000 $ à 22 000 000 $. On sait, en troisième lieu, que l'industrie touristique représente une source d'emplois très importante dans plusieurs régions du Québec. Or, on peut s'attendre à ce que cette année les touristes américains se présentent en masse aux frontières canadiennes. Il faut absolument que l'on trouve le moyen de les diriger vers le Québec. À cette fin, un budget supplémentaire de 1 000 000 $ sera accordé à la promotion touristique auprès de la clientèle des visiteurs américains. Par ailleurs, j'entends bonifier substantiellement le soutien apporté par le gouvernement au développement économique régional. Je ne crois pas que l'on puisse dire que .les régions manquent d'initiative pour assurer leur croissance économique. Au contraire, les projets sont nombreux et l'on observe une remarquable volonté des populations concernées de se prendre en charge. L'immense territoire du Québec doit être un espace économique vivant plutôt qu'un simple réservoir de richesses naturelles. Pour permettre aux régions de mieux soutenir leurs initiatives de développement économique, j'annonce donc une augmentation de 10 000 000 $ des crédits accordés en 1986-1987 au Fonds de développement régional. C'est une augmentation de près de 100 % par rapport aux 12 000 000 $ initialement prévus. Enfin, il faut aussi venir en aide aux travailleurs du Grand-Nord québécois et à ceux des postes isolés dans la mesure où ils ont à supporter des frais de subsistance plus élevés. J'annonce donc que le Québec adoptera des mesures identiques à celles que vient d'adopter le gouvernement fédéral. Ainsi, une déduction de 225 $ par mois sera accordée à chaque travailleur résidant dans ces localités. Pour ceux qui occupent un logement autonome, la déduction atteindra 450 $ par mois par logement. Cette nouvelle mesure est plus avantageuse que l'exonération qui leur était autrefois accordée et représente un coût de 23 000 000 $ par année. Elle ne commencera cependant à s'appliquer que pour l'année d'imposition 1987 et n'affectera pas les équilibres financiers de 1986-1987. Les contribuables des comtés d'Ungava et de Duplessis ainsi que ceux des postes isolés du Québec sont susceptibles de bénéficier particulièrement de cette mesure. Notre gouvernement est également sensible aux problèmes des étudiants des régions éloignées dont les parents doivent assumer des coûts de transport et de subsistance importants pour leur permettre de compléter des études supérieures. Nous examinons actuellement diverses formules qui pourraient nous permettre d'améliorer la situation. Il est temps maintenant, M. le Président, d'examiner l'impact global des différentes mesures que je viens d'annoncer sur les équilibres financiers. Voyons d'abord la présente année financière. Je dépose - et j'en fais motion - M. le Président, ces tableaux qui présentent les prévisions des équilibres financiers du gouvernement pour 1986-1987. Le président du Conseil du trésor a présenté à la fin de mars dernier des crédits de 28 7'50 000 000 $ et des dépenses probables de 28 575 000 000 $ pour 1986-1987. Le contrôle serré que nous appliquons dans la gestion courante des dépenses permettait déjà d'anticiper une péremption nette de crédits de 175 000 000 $. Les nouvelles compressions budgétaires dont j'ai fait état tout à l'heure seront mises en œuvre à compter de l'automne prochain et entraîneront une diminution supplémentaire des dépenses de 75 000 000 $ en 1986-1987. En outre, les autres mesures de ce discours, y compris les modifications apportées aux pratiques comptables, ainsi que la réévaluation récente de certains paramètres économiques, ont pour effet de réduire de 20 000 000 $ les dépenses probables pour 1986-1987. Ainsi, les dépenses budgétaires pour l'année 1986-1987 devraient s'établir à 28 480 000 000 $, ce qui représente une augmentation de 4,6 % par rapport à l'année précédente. Il s'agit là d'un taux de croissance inférieur de 1,3 % à celui prévu pour l'économie. Du côté des revenus, la prévision pour 1986-1987 est de 25 585 000 000 $, soit une augmentation de 6,3 % par rapport à 1985-1986. Étant donné la stagnation des transferts en provenance du gouvernement fédéral, nous avons dû demander un effort supplémentaire aux contribuables du Québec pour être en mesure d'équilibrer les comptes. Le taux de croissance des revenus autonomes, incluant l'incidence des mesures fiscales du présent budget, se situera donc à 8,5 %. Le déficit budgétaire du gouvernement prévu pour l'année financière 1986-1987 est de 2 895 000 000 $, ce qui est inférieur de 257 000 000 $ au niveau atteint l'an passé. Il diminuera donc pour une seconde année consécutive, ce qui ne s'est pas vu au Québec depuis 1973-1974. Le surplus des opérations non budgétaires est pour sa part prévu à 1 215 000 000 $, en baisse de 240 000 000 $ par rapport à l'exercice financier précédent. Cela résulte pour l'essentiel de la liquidation anticipée des comptes à payer inscrits à la fin de 19851986 pour refléter les offres salariales présentées aux employés de l'État et de ceux qui seront portés au passif du gouvernement à la suite des modifications des pratiques comptables. Les besoins financiers nets du gouvernement s'établiront en conséquence à1 680 000 000 $ en 1986-1987. L'encaisse, dont le niveau atteint maintenant quelque 560 000 000 $, sera réduite de 80 000 000 $ au terme de l'année financière. Compte tenu de remboursements de 1 250 000 000 $ prévus sur la dette en cours, cela permettra au gouvernement de limiter à 2 850 000 000 $ ses nouveaux emprunts en 1986-1987, soit 142 600 000 $ de moins qu'en 1985-1986. Les équilibres financiers pour 1986-1987 laissent donc entrevoir que le gouvernement du Québec s'est engagé pour de bon sur la voie du redressement. Comme je l'ai indiqué cependant, d'autres étapes restent à franchir pour un redressement complet. Les actions que je viens d'annoncer amènent des déficits de 2 705 000 000 $ en 1987-1988 et de 2 590 000 000 $ en 1988-1989. L'annexe sur les perspectives à moyen terme de la situation financière donne plus de détails sur cette prévision et en explique la signification. Mais la projection montre que les gestes planifiés jusqu'ici ne permettront pas d'en arriver à des réductions plus substantielles du déficit. Il n'en reste pas moins qu'il faudra s'engager dans cette voie le moment venu. En effet, comme je l'ai indiqué dans le document prébudgétaire sur l'état des finances publiques, il faut en venir à ne plus emprunter pour payer nos contributions au Régime de retraite des secteurs public et parapublic. Il faut aussi enrayer la croissance exagérée du service de la dette et faire en sorte que sa progression suive celle de notre capacité de payer; comme le montre l'annexe sur les perspectives à moyen terme, nous pourrions y arriver avec un déficit de l'ordre de 2 000 000 000 $. On voit assez bien l'ampleur du défi. Mais, en même temps, il me semble que l'importance des redressements opérés jusqu'ici témoigne de façon convaincante de la possibilité d'atteindre un pareil objectif. L'orientation fondamentale de ce premier véritable budget de notre gouvernement aura été de sortir nos finances publiques de l'impasse, sans compromettre la croissance économique et la création d'emplois. Le défi était redoutable, puisqu'il fallait combler un écart de 1 500 000 000 $ pour ramener le déficit budgétaire à un niveau acceptable. Ce défi, nous l'avons relevé. Le déficit sera ramené sous le seuil des 2 900 000 000 $, soit 257 000 000 $ de moins que celui de l'année financière qui vient de se terminer. Nous y parviendrons en dépit de l'attitude regrettable du gouvernement fédéral en regard de la péréquation et des autres transferts liés aux arrangements fiscaux. Bien plus, nous avons atteint pour la première fois en dix ans l'équilibre des opérations courantes, et tout indique que ce solde continuera de s'améliorer au cours des prochaines années. En même temps, nous avons épuré les conventions comptables du gouvernement, de sorte que les comptes publics refléteront davantage notre situation financière. Nous avons mis en route le processus de liquidation des lourdes hypothèques accumulées par l'ancien gouvernement. Nous avons amélioré la fiscalité québécoise à plusieurs égards. Et, enfin, par une opération dont le mérite revient à mes collègues du Conseil des ministres, nous avons commencé à mettre de l'ordre dans le budget des dépenses du gouvernement par des compressions et des diminutions de l'ordre de 1 000 000 000 $. Que cela ait pu être réalisé tout en offrant des augmentations de salaires équitables aux employés de l'État plutôt qu'en coupant leurs salaires n'est pas le moindre succès de l'opération. Elle est finie, cette époque où nous pouvions faire payer par nos descendants la facture de nos dépenses courantes. Je voudrais aussi insister sur le fait que, même si le gouvernement a été fort préoccupé par les questions financières au cours des derniers mois, nous n'avons pas oublié les besoins essentiels des citoyens. C'est pourquoi, par exemple, nous avons débloqué des sommes importantes pour régler le problème de l'encombrement des salles d'urgence dans les hôpitaux et pour restaurer la santé financière des centres hospitaliers. La santé publique, c'est sacré. Je crois sincèrement que ces résultats concrets sont de nature à renforcer la confiance de la population du Québec en son avenir. Certes, plusieurs de nos concitoyens auraient souhaité que nous allions plus loin et plus vite sur la voie des allégements fiscaux. Je pense, en particulier, à la taxe sur les primes d'assurance que nous n'avons pu abolir que partiellement à notre arrivée au pouvoir en raison de la situation financière beaucoup plus délicate que celle qui avait été décrite par l'ancien gouvernement dans ses documents officiels budgétaires. Si la conjoncture économique continue de s'améliorer d'ici la fin de l'année, une nouvelle étape pourra être franchie. D'autres auraient voulu que nous dégagions tout de suite des crédits additionnels pour répondre à des besoins dont nous reconnaissons le bien-fondé aujourd'hui tout autant qu'il y a quelques mois. Mais il fallait bien commencer par le commencement, c'est-à-dire mettre de l'ordre dans la maison avant d'entreprendre d'autres étapes sur la voie du développement économique et social du Québec. Il nous reste encore beaucoup de chemin à parcourir pour développer l'immense potentiel de notre économie. Mais forts des progrès que nous avons accomplis en si peu de temps pour assainir nos finances publiques, je suis persuadé que nous sommes sur la bonne voie. M. le Président, je propose donc que l'Assemblée nationale toute entière approuve à l'unanimité la politique budgétaire du gouvernement, et je vous remercie.