Province Législature Session Type de discours Date du discours Locuteur Fonction du locuteur Parti politique Québec 36e 1re Discours sur le budget 14 mars 2000 M. Bernard Landry Vice-Premier ministre, ministre d’État de l’Économie et des Finances, ministre des Finances et ministre de l’Industrie et du Commerce PQ M. Landry : M. le Président, au cours des mois qui viennent de s'écouler, le Québec a connu des succès économiques, financiers et sociaux remarquables, ce qui me permet de présenter un budget d'espoir, de fierté et franchement orienté vers l'avenir. Les finances publiques sont enfin équilibrées, après des décennies de déficit chronique. La croissance économique est substantielle et le taux de chômage a été ramené à un niveau que l'on n'avait pas vu depuis un quart de siècle. Notre lutte contre la pauvreté a aussi connu des résultats appréciables, si l'on songe au nombre de ménages qui ont quitté l'aide sociale et retrouvé la dignité du travail. Il y a trois semaines, les jeunes du Québec ont participé à un sommet qui a dégagé des consensus qui inspireront maintenant plusieurs de nos actions collectives. Les Québécoises et les Québécois ont généralement retrouvé confiance en l'avenir et commencent à croire à la consolidation de leurs succès. On voit bien que l'incertitude qui hélas plane toujours sur notre statut national n'affecte en rien – contrairement aux légendes – nos excellentes performances économiques. Au contraire, avec le plein contrôle de nos affaires, il est clair que nous ferions encore mieux. On ne dira jamais assez, M. le Président, que toutes les strates de la société ont contribué à ce redressement et à notre nouvel essor: autant notre excellente main-d’œuvre que nos entrepreneurs dynamiques et que l'ensemble de nos forces vives. Nous avons évidemment profité de la bonne tenue de l'économie continentale, mais notre État national, qui a su moderniser le modèle hérité de la Révolution tranquille, a constitué et contribué de façon non négligeable à cette vague de prospérité peu commune. Jamais de ma vie je n'ai vu l'économie du Québec en aussi bonne forme, tant par ses résultats que dans sa structure. Nous ne nous sommes pas trompés dans le choix de nos stratégies pour bâtir le Québec et amorcer le virage technologique: aujourd'hui, nous pouvons être contents même si nous ne sommes pas pleinement satisfaits. Le budget que je présente à cette Assemblée propose d'aller encore plus loin sur la route du progrès et de la prospérité. Il présente une politique budgétaire dont la dominante est la croissance, mais dans la justice et l'équité envers nos concitoyennes et nos concitoyens. Ce budget propose d'agir suivant quatre grands axes: fiscalité, santé, jeunesse, économie, économie régionale en particulier. Dans les trois premiers cas, par un juste retour des choses, il redistribue les surplus engendrés par la prospérité, un plus pour tous nos concitoyens et concitoyennes qui ont contribué à les accumuler. Un quatrième volet contient les mesures nécessaires pour que la progression de l'économie se poursuive et rapporte encore plus de dividendes. D'abord, après avoir longuement consulté tout le monde sur la manière de le faire, il faut maintenant réduire les impôts plus rapidement et plus vite que prévu. Nos concitoyennes et nos concitoyens sont les premiers artisans de la prospérité retrouvée, ils doivent aussi en être les premiers bénéficiaires. C'est pourquoi j'annonce aujourd'hui que nous allons diminuer les impôts sur les revenus des particuliers de 4 500 000 000 $ au cours des trois prochaines années. Nous commençons dès cette année avec une réduction de 1 000 000 000 $. Les contribuables du Québec vont bénéficier des impacts de cette baisse sur les revenus gagnés à partir du 1er janvier dernier. On a déjà vu des gens hausser les impôts rétroactivement. Je tiens à innover aujourd'hui avec des baisses rétroactives. Ce mouvement de baisse se poursuivra pour atteindre 1 500 000 000 $ en 2001-2002 et 2 000 000 000 $ en 2002-2003. Le deuxième volet de notre action concerne la santé. J'annonce que nous allons consacrer de nouveaux et substantiels moyens à cette mission cruciale. Nous investirons, dans la santé, 2 700 000 000 $ – deux mille sept cent millions de plus – en 1999-2000 et en 2000-2001. En troisième lieu, nous dégageons dans ce budget les sommes nécessaires pour respecter intégralement et au-delà notre engagement pris au Sommet du Québec et de la jeunesse d'investir 1 000 000 000 $ en développement pour l'éducation au cours des trois prochaines années. On se souviendra, au passage, avec quel brio notre premier ministre a su jouer son rôle de rassembleur au cours de ce Sommet, au point qu'il est surprenant qu'il n'en souhaite pas un autre pour bientôt. En quatrième lieu, nous injectons 675 000 000 $ dans des initiatives de dépenses pour le développement économique, à la profitabilité éprouvée, afin d'induire plus de croissance et de créer plus d'emplois, en particulier dans certaines régions qui, pour diverses raisons, ont moins bien réussi que les autres. J'ai souvent parlé, M. le Président, du paradoxe québécois, vous vous en souvenez: nous avons tous les atouts nécessaires pour réussir aussi bien et mieux que les autres, alors que notre performance n'a pas toujours été à la hauteur de nos aspirations. J'ai aujourd'hui la nette impression que ce paradoxe est en voie de se résoudre et que l'évolution récente de notre économie nous fait quitter de plus en plus le paradoxal pour aller simplement vers la normale. En effet, le Québec, qui avait enregistré une vigoureuse croissance au cours des années 1997 et 1998, vient d'en connaître une plus impressionnante encore en 1999. À 3,7 %, la croissance économique aura dépassé les prévisions les plus optimistes. 76 000 emplois ont été créés en 1999. Pour une deuxième année de suite, on atteint un niveau inégalé depuis 1987. En décembre dernier, le taux de chômage a été réduit à 8,1 %, soit son niveau le plus bas depuis les Jeux olympiques de 1976. Cette progression aura été particulièrement bénéfique pour la jeunesse. En 1999, 28 000 emplois ont été créés pour les jeunes de 15 à 24 ans, du jamais vu depuis 1973. Ils ont obtenu 37 % du total des emplois créés alors que leur poids démographique est de 16 %. Ces jeunes qui nous enviaient les beaux jours de notre propre jeunesse, durant les 30 glorieuses années de l'après-guerre, peuvent maintenant connaître mieux en un sens, puisqu'en plus ils sont conviés à participer à l'économie globale et, pour plusieurs, à celle de l'intelligence et du savoir. Cette progression économique a fortement soutenu nos efforts de lutte contre la pauvreté; en 12 mois, le nombre de personnes dépendant de la sécurité du revenu a été réduit de 40 000. La réduction totalise même 200 000 depuis 1996. Le meilleur fondement de la lutte contre l'exclusion, c'est la prospérité; notre solidarité active doit faire le reste. On sait que la seule économie de marché ne suffit pas. C'est pourquoi des initiatives comme le Fonds de lutte contre la pauvreté sont si utiles. La région métropolitaine de Montréal est plus florissante que jamais. À la fin de 1999, le taux de chômage était réduit non seulement en deçà de la moyenne québécoise, mais également en deçà de la moyenne canadienne, ce qui ne s'était pas vu depuis 1984. Il y a 10 ans, le taux de chômage était de 4 % à Toronto et de 9,6 % à Montréal. À la fin de 1999, il avait augmenté à 5,3 % à Toronto, mais il n'était plus que de 6,7 % à Montréal, un écart quatre fois moins grand. Et ce n'est pas fini. Ce n'est pas fini, M. le Président, parce qu'il y a 20 grands chantiers de construction qui s'annoncent pour l'an 2000, pour plus de 2 000 000 000 $ de travaux dans l'île de Montréal seulement. Pour l'année 2000, dans le monde, les augures sont favorables, aux États-Unis comme en Europe et dans les pays asiatiques qui se relèvent de la crise de 1997-1998. À moins que tous les experts ne se trompent, l'expansion de l'économie mondiale soutiendra la poursuite de notre essor encore cette année. Nous prévoyons donc une croissance du produit intérieur brut réel de 3,3 %, ce qui est comparable aux résultats de l'an dernier et deux fois supérieur à la moyenne des 10 dernières années. Il devrait encore une fois en résulter une forte création d'emplois. Nous prévoyons en effet 70 000 nouveaux emplois, ce qui devrait réduire le taux de chômage d'encore 1 % pour la moyenne de l'année. Ces perspectives économiques très favorables rendent possible aujourd'hui la présentation d'un budget qui comporte des initiatives que nos compatriotes accueilleront certainement avec grande satisfaction et qui vont dans le sens de leurs priorités. Sur le plan financier, nos succès sont clairs et connus. Nous avons atteint le déficit zéro avec un an d'avance, soit en 1998-1999. Ce sera vrai encore une fois pour l'année qui se termine, un deuxième déficit zéro d'affilée pour l'année qui se termine. La performance remarquable de l'économie en 1999, que j'appelais de tous mes vœux sans qu'il n'ait été sage toutefois de l'incorporer au complet dans mes prévisions, s'est traduite par des retombées budgétaires qui ressemblent, maintenant pour vrai, à ces vallées verdoyantes que j'ai déjà évoquées. J'ai eu la confirmation récemment qu'un surplus atteignant 2 000 000 000 $ s'était dégagé au cours de l'année 1999-2000 qui s'achève. La croissance économique anticipée en 2000 devrait elle aussi dégager des surplus budgétaires importants. La politique budgétaire que je propose à cette Assemblée consiste à réinvestir ces surplus suivant les souhaits de notre population. Ce n'est donc pas à la réduction de la dette qu'iront les surplus – soyons clairs – mais à la réduction rapide des impôts, à la santé, à l'éducation, à la jeunesse et aussi à l'économie. Il est à noter que, dans le désordre financier et de gestion d'autrefois, même avec une économie florissante, le budget que je présente aujourd'hui n'aurait jamais été possible. Il ne faut pas oublier que nous avions un déficit annuel de 6 000 000 000 $, alors que nous avons des surplus importants aujourd'hui. C'est dire le chemin parcouru. Ces milliards reversés aujourd'hui aux besoins de la population n'empêchent pas notre gouvernement de maintenir la rigueur financière convenue au Sommet de Québec en 1996 et observée à la lettre depuis. C'est pourquoi j'annonce pour 2000-2001 le troisième déficit nul de notre histoire contemporaine. Les annonces d'aujourd'hui, M. le Président, fiscales ou autres, ne sont donc pas payées avec de l'argent emprunté à New York, Londres ou ailleurs. Ce sont les contribuables du Québec qui ont l'honneur de tout payer de leurs deniers, coût des investissements compris. Cela compense déjà notre jeunesse pour une partie de l'endettement passé, puisque nous payons maintenant comptant l'amortissement d'équipements durables. M. le Président, je dépose les tableaux qui présentent les résultats préliminaires des opérations financières du gouvernement pour 1999-2000 ainsi que les prévisions des équilibres pour 2000-2001. Parlons maintenant de baisse d'impôts. Nous utilisons les dividendes dont nous bénéficions, d'abord pour réduire de façon substantielle la charge fiscale des particuliers. Les contribuables québécois sont trop imposés. Il est plus que temps de relâcher la pression. Le gouvernement procède donc à une réduction de l'impôt sur le revenu des particuliers de 1 000 000 000 $ pour 2000-2001, 1 500 000 000 $ pour 2001-2002, 2 000 000 000 $ pour 2002-2003. Cette réduction aura même, comme je l'ai dit, un effet rétroactif à janvier 2000. Je tenais à ce que cette réduction se répercute le plus rapidement possible sur les chèques de paie des contribuables. Dès le mois de mai prochain, ils pourront bénéficier concrètement d'une baisse substantielle d'impôts. Je sais – il y en a qui sont plus pressés que d'autres – qu'en regardant le montant de leur chèque, en pensant à nos finances assainies, aux réinvestissements dans la santé, l'éducation et l'économie, nos compatriotes se diront que leur État est bien géré et que l'effort en valait la peine. Notre gouvernement a aussi décidé de protéger le pouvoir d'achat des contribuables par rapport à l'inflation. Dès aujourd'hui, cette protection est largement assurée pour 2000, 2001 et 2002, grâce aux baisses d'impôts bien des fois supérieures à l'impact de la hausse de prix. Donc, pour ces trois exercices, les baisses d'impôts sont bien supérieures et l'inflation est jugulée pour les contribuables. À partir de l'année d'imposition 2003, une pleine indexation automatique sera appliquée. La réduction de la fiscalité des particuliers que nous mettons en œuvre entraînera une baisse cumulative de l'impôt de 4 500 000 000 $ pour les trois prochains exercices financiers. Cela dépasse, M. le Président, non seulement nos engagements électoraux, qui étaient de 3 200 000 000 $ avant la fin du mandat, mais aussi la demande des porte-parole de l'opposition officielle, qui réclament des baisses de 5 000 000 000 $ en cinq ans. Nous sommes bien en avance sur leur calendrier, je suis assuré que cela nous vaudra de chaleureuses félicitations de leur part! Je précise maintenant les modalités des réductions. En premier lieu, nous mettons en place une nouvelle table d'impôts. D'ici le 1er janvier 2002, les trois taux, qui s'établissaient respectivement à 20 %, 23 %, 26 %, sont progressivement diminués à 17 %, 22 %, 24 %. Deuxièmement, j'annonce une bonification de la mesure d'aide aux familles, qui est incorporée dans la fiscalité du Québec. En troisième lieu, je l'ai dit, le gouvernement protège de façon permanente le pouvoir d'achat des contribuables, grâce aux effets combinés de la réduction d'impôts et de l'indexation automatique mise en place à partir de 2003. En plus de ces trois modifications majeures, j'annonce une bonification du crédit d'impôt pour frais de garde d'enfants accessible aux familles ne bénéficiant pas de la garde à 5 $. Cette bonification bénéficiera surtout aux familles gagnant entre 27 000 $ et 75 000 $. Elle représente une réduction additionnelle d'impôts de 29 000 000 $. Cela vient améliorer notre excellente politique familiale que plusieurs pays nous envient – et que le gouvernement fédéral convoite, bien entendu. À cela s'ajoutent 29 000 000 $ de réductions d'impôts pour le régime d'imposition que nous allons améliorer pour les travailleurs autonomes. Ces derniers deviennent de plus en plus nombreux, comme on le sait, dans notre société et notre fiscalité se doit de les traiter convenablement. Nos réductions sont axées sur la classe moyenne et la famille. Grâce aux modalités retenues, l'allégement des impôts va profiter à tous les contribuables, à tous les contribuables, quels que soient leur niveau de revenu et leur situation personnelle. Cette réforme de l'impôt ne fera que des gagnants: aucun perdant. Et, en plus d'être immédiate, elle aura des effets durables à cause de l'indexation. En moyenne, ces mesures permettront une réduction de l'impôt de 13 %. Les 2 400 000 ménages québécois qui paient des impôts verront ainsi leur charge fiscale diminuer de façon significative. De plus, 130 000 ménages additionnels ne paieront plus d'impôts. Notre fiscalité reste donc socialement exemplaire, ce dont nous pouvons être très fiers. Lors de la commission parlementaire de l'automne dernier, un message est revenu avec insistance: il faut porter une attention particulière à la classe moyenne et aux familles. C'est ce que nous faisons: tous les contribuables vont gagner, mais ceux qui ont des revenus moyens et les familles vont gagner encore plus que les autres. J'illustre l'impact de ce que j'annonce par quelques exemples concrets, l'impact à la fin de l'application des mesures. Une technicienne ayant deux enfants et un seul revenu de travail atteignant 45 000 $ profitera à la fois de la modification de la table d'imposition et de la bonification de la réduction d'impôts pour les familles. Son impôt sera diminué de 27 %, soit 1 133 $. J'ajoute que, jusqu'ici, seules les familles ayant un revenu de moins de 51 000 $ bénéficiaient de la réduction d'impôts pour les familles. Dorénavant, toutes les familles dont le revenu est inférieur à 76 000 $ auront droit à la réduction d'impôts. Une famille comprenant une employée de bureau mariée disons à un caissier, avec deux enfants et comptant sur un revenu familial de 50 000 $, bénéficiera d'une réduction d'impôts totalisant 1 733 $, soit 34 % de moins. Nos mesures de réduction profiteront en fait tout particulièrement aux familles ayant deux revenus, c'est-à-dire 80 % des familles québécoises. Une famille... Il y en a un qui s'est reconnu, là. Une famille comprenant une ingénieure, son conjoint et deux enfants et qui dispose d'un revenu cumulatif de 100 000 $ bénéficiera d'une réduction d'impôts de 11 %, soit 1 803 $. Les mesures de réduction s'appliquent donc également aux revenus plus élevés, mais la baisse est proportionnellement moins considérable pour les plus favorisés. Autre exemple, un hygiéniste dentaire vivant seul et ayant un revenu de 30 000 $ bénéficiera d'une baisse d'impôts de 16 %, soit 673 $. M. le Président, je dépose un document d'information qui va expliciter tout ce que je viens de dire, et ça fait partie intégrante du discours du budget, ainsi que le plan budgétaire du gouvernement. Il y a quelques semaines, le ministre fédéral des Finances a rendu publiques ses propres réductions d'impôts. J'ai eu l'occasion de dire que je les trouvais plutôt maigres et sans commune mesure avec l'énorme marge de manœuvre dont dispose Ottawa. J'ajoute aujourd'hui qu'elles sont, ces mesures outaouaises, nettement moins importantes, et nettement, que celles que j'annonce aujourd'hui. Pour les trois prochains exercices financiers, les réductions d'Ottawa signifient au Québec 2 700 000 000 $. Notre budget accorde pour la même période une diminution des impôts de 4 500 000 000 $. Si l'on ne tient compte que des réelles baisses d'impôts, c'est presque le double. Je reprends mes exemples individuels. Notre technicienne mariée ayant deux enfants verra ses impôts diminuer de 1 133 $ à Québec et de 440 $ à Ottawa. Pour l'employée de bureau et le caissier avec les deux enfants, la différence est très élevée: les impôts du Québec diminueront de 1 733 $ et ceux d'Ottawa d'un gros 134 $. Dans le cas de l'ingénieure avec deux enfants dont le conjoint travaille, les réductions d'impôts atteindront respectivement 1 803 $ à Québec et 981 $ à Ottawa, la moitié. Enfin, l'hygiéniste dentaire qui bénéficiera d'une réduction de 673 $ du Québec recevra à peine 163 $ d'Ottawa. Donc, dans tous les cas de figure, notre baisse est beaucoup plus significative et elle s'applique beaucoup plus rapidement. Les écarts particuliers observés dans certaines situations reflètent par ailleurs la priorité que nous avons accordée aux revenus moyens et aux familles. Par exemple, à la suite des baisses d'impôts décidées à Québec et à Ottawa, un couple ayant deux enfants et deux revenus de travail sera imposable à partir de 14 948 $ au fédéral mais seulement à partir de 34 846 $ au Québec. Voilà une fiscalité sociale! Pas besoin d'être fiscaliste, M. le Président, pour voir les différences de philosophie sociale entre les deux ordres de gouvernement. Dans un contexte où la véritable marge de manœuvre financière et fiscale se trouve du côté d'Ottawa, les résultats ainsi obtenus sont éloquents. Ils doivent surtout nous amener à réfléchir à ce que notre État national pourrait faire s'il détenait le contrôle complet de tous les impôts. C'est ce que réclamait avec insistance l'ancien premier ministre Daniel Johnson, le père, qui exigeait – on s'en souvient – que l'on rapatrie au Québec le plein pourcentage: «100, 100, 100», disait Daniel Johnson – sa voix résonne encore à mes oreilles. J'ai un excellent témoin dans les tribunes d'ailleurs: Pierre Marc Johnson, ancien premier ministre du Québec, est parmi nous. Les dividendes de notre saine gestion économique et financière sont donc utilisés selon les vœux de la population, je l'ai dit. L'un des principaux vise l'accroissement majeur des montants consacrés à la santé. Nous l'avons fait l'an passé et nous allons le refaire cette année afin de maintenir l'accès universel aux soins, sans compromis quant à l'excellence des services. Cela implique que nous respections les priorités dictées par l'évolution démographique et que nous tenions compte de l'amélioration des technologies médicales et des méthodes de traitement. Nous devons nous assurer aussi que les fonds dépensés dans la santé le soient avec efficacité. J'annonce aujourd'hui un accroissement majeur des ressources pour la santé, accompagné d'importantes initiatives visant à accroître l'efficacité du système. Nous y injectons immédiatement 2 700 000 000 $ additionnels, tout en mettant en place une série de mesures pour renforcer à court et moyen terme le fonctionnement du réseau de la santé et des services sociaux. Ma collègue la ministre d'État à la Santé et aux Services sociaux, qui aura plus de moyens pour continuer à se consacrer avec énergie et talent à ses écrasantes responsabilités, rendra public, au cours des prochains jours, le fin détail de ces initiatives. Mais, en gros, une somme de 862 000 000 $ est tout d'abord accordée aux établissements du réseau pour assurer un financement adéquat et leur équilibre budgétaire – la question des déficits est donc ainsi abordée pour maintenant et pour l'avenir. Un montant de 877 000 000 $ est ensuite alloué afin de financer l'accroissement des salaires et des autres coûts de fonctionnement qui sont requis pour maintenir les services actuellement fournis à la population. Ces derniers sont dans les meilleurs du monde et les plus complets et ils vont le rester. Aujourd'hui, nous allons encore un peu plus loin dans la voie de l'amélioration et de la consolidation des services à la population. Nous dégageons des crédits additionnels de 747 000 000 $ pour accroître les services dont bénéficie la population et en développer de nouveaux. Il s'agit notamment de financer la hausse des coûts du programme d'assurance médicaments, de développer les services d'Héma-Québec et les services de retraçage et d'indemnisation des victimes de l'hépatite C. Il s'agit également de diminuer les listes d'attente, d'améliorer l'accessibilité et d'accroître les services dispensés aux diverses clientèles du réseau. De ce total, une somme de 21 000 000 $ sera affectée aux seuls services à la jeunesse. Le ministre délégué à la Santé, aux Services sociaux et à la Protection de la jeunesse, lui-même un des meilleurs experts québécois de la question, les utilisera pour améliorer les services offerts aux jeunes, notamment en faveur des familles d'accueil, des maisons de jeunes, des organismes communautaires œuvrant dans le domaine de la prévention du suicide et de la toxicomanie. Au cours des dernières années, les progrès technologiques ont considérablement amélioré les façons de rendre les services, d'où la nécessité d'investir pour renouveler certains équipements, notamment ceux qui ont un impact direct sur l'accessibilité aux services. Le présent budget vient allouer 200 000 000 $ de plus pour l'achat d'équipements dans le secteur de la santé et des services sociaux. Cet important programme d'investissement en matière d'équipements médicaux permettra de traiter un plus grand nombre de patients, par exemple en radio-oncologie et en hémodynamie, et d'améliorer la qualité des soins grâce à des équipements plus modernes. Tous les gens sérieux admettent que nous ne réglerons pas les problèmes de notre système de santé uniquement par une injection d'argent. Donc, en plus d'accroître les ressources affectées à la santé de façon majeure, nous devons prendre les moyens pour qu'elles soient gérées avec une efficacité et une rigueur accrues. Ma collègue dévoilera sous peu un ensemble de mesures qui permettront d'améliorer la performance du réseau de la santé. Toujours au chapitre de la santé, M. le Président, j'aimerais dissiper une confusion certaine au sujet des 841 000 000 $ déposés par Ottawa dans une fiducie basée à Toronto. On dirait une pièce de Kafka, où la réalité et l'imaginaire se mélangent en se nourrissant mutuellement. Vous me permettrez, en tant que ministre des Finances, de ne traiter que de la réalité. Trois questions différentes ont été abordées. D'abord, celle de la transparence. J'aimerais rappeler que ce n'est pas le Québec qui a décidé de mettre cette somme en fiducie, c'est Ottawa. Et il ne s'en est d'ailleurs pas caché, c'était clairement inscrit dans son budget de l'année dernière. C'est également le fédéral... La vérité énerve, M. le Président. M. le Président, nous mettons beaucoup d'argent dans l'achat des médicaments, mais, s'il faut en rajouter pour les tranquillisants, faites-nous signe. M. le Président, c'est également le fédéral qui a confié la gestion de ces sommes à une filiale de la Banque Toronto-Dominion. À la demande expresse et immédiate de mon ministère, les sommes ont par ailleurs été placées ici même, au Québec, et dans des titres du gouvernement du Québec et d'Hydro-Québec. Il est radicalement faux de dire que l'argent dort ou a dormi à Toronto. Quant aux rendements, ils sont ceux que le marché donne à de tels placements de court terme, soit de l'ordre de 5 %. Ottawa avait également suggéré des retraits de 482 000 000 $ en 1999-2000, 240 000 000 $ en 2000-2001 et 119 000 000 $ en 2001-2002. Je me suis empressé d'incorporer ces sommes intégralement dans mon budget de l'an dernier. Les budgets d'Ottawa et de Québec étaient donc transparents à ce sujet. Tous se rappellent que le Québec a immédiatement dénoncé l'iniquité d'Ottawa à notre endroit. J'ai d'ailleurs remis à la presse, dans les jours qui ont suivi le budget fédéral, un document où les montants supposément cachés se retrouvent clairement inscrits noir sur blanc. Voilà pour la transparence, M. le Président. Pourquoi, maintenant, avons-nous choisi de ne pas encaisser les 482 000 000 $ prévus dans le calendrier suggéré par Ottawa? Pourquoi? On le voit bien maintenant dans ce budget, les rentrées fiscales ont été nettement meilleures que prévues en 1999-2000. Grâce à ces rentrées fiscales inattendues, nous avons pu injecter immédiatement 782 000 000 $ dans le secteur de la santé, donc largement plus que les 482 000 000 $ de la fiducie fédérale. La santé n'a donc pas reçu moins d'argent en raison de nos décisions; elle en a eu plus que prévu. Si j'avais agi autrement, nos règles comptables nous auraient forcés à envoyer l'argent à la dette plutôt qu'à la santé, ce qui n'est pas notre choix, M. le Président, et nous en sommes fiers. On se souvient, M. le Président, que tous les experts et les gens qui connaissent quelque chose à la question ont approuvé cette sage politique. Évidemment. Ceux qui ne savent pas la différence entre la bonne gestion et la mauvaise seraient un danger public si jamais ils étaient appelés à gérer. Maintenant que les données du budget sont connues et que leur vulgarisation est plus facile, je suis sûr que tout le monde comprendra mieux et expliquera nos choix fondés sur la raison et la bonne gestion. Comme le gouvernement fédéral semble vouloir prendre l'habitude de ces versements en fiducie – il vient d'annoncer qu'il va en faire encore cette année – je vais cependant tenter de convaincre mon collègue fédéral d'au moins déposer l'argent auprès d'une institution financière choisie par le Québec plutôt qu'à Toronto. J'espère qu'il acquiescera à ma demande – ce qui, comme chacun le sait, il ne fait pas toujours. Nous retirerons ensuite l'argent à un rythme compatible avec l'intérêt de la population du Québec. Il y a maintenant 1 400 000 000 $ dans la fiducie. J'annonce d'avance que cet argent sera dépensé, mais en temps opportun. Les prélèvements seront effectués de la manière suivante: 420 000 000 $ cette année, 765 000 000 $ l'an prochain et enfin 256 000 000 $ l'année suivante. Tout prendre d'un coup ce qui est prévu pour trois ans, comme certains l'ont suggéré, serait pure irresponsabilité et violerait les règles de la prudence la plus élémentaire. D'ailleurs, presque toutes les provinces, Ontario et Colombie-Britannique en tête, suivent cette ligne de simple bon sens, qui n'a pas soulevé chez eux la moindre critique. Ce n'est donc que dans quelques semaines, le 3 avril 2000, premier jour ouvrable de la nouvelle année fiscale, que nous retirerons un premier 420 000 000 $, qui ira ainsi à la santé plutôt qu'à la dette. Je crois en mon âme et conscience, M. le Président, que c'est ce que le bien commun et la saine gestion exigent, et j'espère que cela sera compris et approuvé. Enfin, est-il pertinent de critiquer la politique de financement de la santé d'Ottawa comme tous les premiers ministres de toutes les provinces le font, celui du Québec en tête? Voilà une autre évidence. Les dernières injections d'Ottawa dans la santé et les programmes sociaux, en plus de n'être pas garanties à terme, ne représentent qu'une goutte d'eau dans un océan de besoins et ne se font qu'à doses homéopathiques. C'est ce que tous les premiers ministres se tuent à dénoncer depuis des années. Il faut en effet mettre en perspective ces milliards et ce 1 400 000 000 $ d'Ottawa – hein, 1 400 000 000 $ d'Ottawa – avec les 159 000 000 000 $ que le Québec dépense pour la même période. En vérité, la récente injection fédérale correspond à trois jours de fonctionnement de nos programmes sociaux et de santé. C'est ça, la contribution fédérale. Il faut avoir le sens des proportions pour juger les contributions du gouvernement central et ne pas oublier un seul instant les 5 000 000 000 $ par année dont il nous prive tous les ans par ses coupures récurrentes. À lui seul, le Québec dépense aujourd'hui sept fois plus que ce qu'il reçoit d'Ottawa. On est bien loin du chant des sirènes des années soixante, qui a alléché nos gouvernements du temps par des promesses chimériques de partage 50-50. Aujourd'hui, on dépense sept fois plus qu'Ottawa. Le regretté Gérard D. Levesque, pourtant plutôt affable, utilisait déjà des mots très durs au sujet du désengagement financier d'Ottawa en santé. Ce qu'il disait dans son temps était vrai, et malheureusement ça l'est encore plus aujourd'hui. Passons à des choses plus réjouissantes, M. le Président. Je redis que ce budget en est un d'avenir, d'espoir, de succès et de solidarité. C'est le contraire du misérabilisme. En février, le Sommet du Québec et de la jeunesse a tracé d'excellentes pistes d'action concrètes pour le futur. Au terme du Sommet, le gouvernement s'est engagé à investir 1 000 000 000 $ d'argent neuf dans le secteur de l'éducation au cours des trois prochaines années. De plus, il a été convenu de créer un fonds jeunesse, tout en maintenant le Fonds de lutte contre la pauvreté créé en 1996. Le présent budget vient concrétiser dès à présent notre engagement d'investir dans l'éducation. C'est ainsi que les réseaux bénéficieront de montants importants pour leur développement, à savoir 200 000 000 $ en 2000-2001, 300 000 000 $ l'année suivante et 500 000 000 $ par année par la suite. Comme l'a dit mon collègue de l'Éducation, le refinancement des universités sera réalisé en regard des objectifs suivants: accessibilité, performance et réponse aux besoins de la société, le tout équilibré entre l'essentielle présence en région et le développement des grands pôles d'excellence. Nous comptons sur l'appui essentiel du corps professoral pour mener à bien ces orientations. Ce budget va même plus loin que les engagements du Sommet, avec de nouvelles initiatives comportant des moyens supplémentaires considérables. Un montant de 150 000 000 $ est tout d'abord consenti, dont 100 000 000 $ aux universités, 40 000 000 $ aux commissions scolaires et 10 000 000 $ aux cégeps, afin de les encourager à maintenir leur santé financière. Sur un plan plus microéconomique, nous dégageons 24 000 000 $ pour la modernisation de l'hôpital de la Faculté de médecine vétérinaire de Saint-Hyacinthe, dont l'accréditation serait autrement à risque. Le problème nous fut exposé de façon lumineuse par le vaillant député de Saint-Hyacinthe et nous avons compris aussi rapidement qu'il nous l'a expliqué. Il faut, dans une société du calibre de la nôtre, favoriser l'excellence. Nous voulons aussi encourager nos jeunes qui étudient, donc, à la maîtrise, au doctorat et au post-doctorat. Pour ce faire, nous dégageons 24 000 000 $ au cours des trois prochaines années afin d'accroître de 40 % le montant des bourses qui leur sont accordées, presque doublé. Dans le même ordre d'idées, mais sur le plan fiscal, nous appuyons le développement de la relève en matière de recherche universitaire. Les étudiants se voient présentement confisquer par l'impôt une partie de leurs bourses. Pour mieux les protéger, j'annonce aujourd'hui deux nouvelles dispositions. Premièrement, nous relevons de 500 $ à 3 000 $ la partie des bourses exemptée d'impôt. Deuxièmement, nous exemptons de l'impôt la totalité des bourses accordées au mérite aux étudiants universitaires. Les jeunes qui s'investissent dans le sport d'élite constituent de véritables modèles pour toute la jeunesse. Nous allons appuyer financièrement leurs efforts. Je souhaite que leur détermination les amène vers des succès aussi éclatants que ceux des Mélanie Turgeon, Nathalie Lambert, Mélanie Marois, Pierre Harvey, Dominic Laroche, Dominique Gauthier et Carole Olivier, dont plusieurs sont avec nous, dans notre Assemblée nationale, aujourd'hui. J'annonce donc aujourd'hui la mise en place d'un crédit d'impôt pour les 2 000 athlètes de haut niveau du Québec. Ce crédit d'impôt variera de 1 000 $ à 4 000 $ selon que l'athlète appartient à l'excellence, à l'élite ou à la relève et pratique dans une discipline individuelle ou collective. J'annonce de plus un budget additionnel de 10 000 000 $ par année que le ministre délégué à la Santé utilisera pour favoriser la pratique du sport amateur. Le présent budget vient en outre encourager l'excellence, mais, cette fois, en matière de recherche et de développement. Il donnera tout d'abord plus de moyens à Valorisation-Recherche Québec. En effet, 120 000 000 $ lui seront versés pour appuyer les chercheurs québécois dans la compétition pour des subventions offertes de sources extérieures. Mes collègues de la Santé et des Services sociaux et de l'Éducation dégageront en plus des montants à cette fin. De plus, au cours des trois prochaines années, 40 000 000 $ supplémentaires seront versés pour soutenir les équipes de recherche par le biais des fonds subventionnaires. Ainsi, le ministre de la Recherche, de la Science et de la Technologie s'apprête à déposer une nouvelle politique scientifique, plus tard cette année, qui disposera des moyens requis pour que le Québec demeure à l'avant-garde en matière de savoir et de technologies nouvelles. Le besoin le plus immédiat exprimé par les jeunes est évidemment l'accès à l'emploi. Les jeunes ont été heureusement les premiers bénéficiaires de la forte reprise de l'économie. Ils sont aussi, de ce fait, les premiers bénéficiaires des mesures du budget qui appuient la création d'emplois. Nous voulons cependant leur venir en aide d'une façon plus spécifique. Le plus formidable résultat du Sommet est sans doute la création d'un fonds jeunesse de 240 000 000 $. Je tiens à remercier le monde des affaires, qui assumera la moitié de cette somme. Pour ce qui est de l'État, il y versera sa part dès cette année. Voilà une belle entreprise de solidarité québécoise et une bonne manière d'utiliser nos surplus budgétaires. Ce budget réserve aussi 95 000 000 $ pour diverses autres mesures d'aide à la jeunesse qui seront dévoilées incessamment par le ministre d'État à l'Éducation et à la Jeunesse que je félicite au passage pour sa vigueur, sa rigueur et ses excellentes performances au Sommet. Je rappelle que, fidèles aux traditions de solidarité de notre société, nous avons convenu de maintenir le Fonds de lutte contre la pauvreté qui avait été créé lors du Sommet socioéconomique de l'automne 1996. Le Fonds disposera d'une somme de 160 000 000 $ au cours des trois prochaines années. Il y a deux ans, j'ai annoncé la création du Fonds étudiant solidarité travail du Québec, en partenariat avec la Fédération des travailleurs et des travailleuses du Québec et son Fonds de solidarité. Les revenus annuels de ce fonds ont permis d'offrir en 1999 près de 400 stages rémunérés à des étudiants et des étudiantes et de faciliter leur entrée sur le marché du travail. Avec nos partenaires, nous avons convenu d'investir chacun 10 000 000 $ pour favoriser la réalisation d'un plus grand nombre de stages d'étudiants, peut-être doublement. M. le Président, si l'on coiffait le présent budget d'une dédicace, elle pourrait se lire ainsi: À la jeunesse du Québec. Non seulement nous avons cessé d'endetter les jeunes, mais nous les appuyons solidairement avec de puissants moyens afin qu'ils puissent réussir leur vie plus facilement que ne l'ont fait leurs devanciers. J'imagine que c'est ce qu'on appelle la solidarité intergénérationnelle. Au cours du siècle qui vient de s'écouler, l'économie du Québec a connu de prodigieuses transformations. Il y a 50 ans à peine, c'était une économie de type quasi colonial et nous étions, comme le disait Félix Leclerc, presque inexorablement condamnés au statut de coupeurs de bois et de porteurs d'eau dans notre propre pays. La Révolution tranquille a balayé ces mauvais souvenirs. Notre peuple s'est finalement pris en main. Il moissonne aujourd'hui. Un des plus éminents économistes québécois contemporains, le professeur Pierre Fortin de l'Université du Québec à Montréal, a clairement démontré que tous les indicateurs vitaux de notre économie se sont améliorés depuis 1960 et que la Révolution tranquille constitue un énorme succès économique et social. Après plusieurs milliards de dollars d'investissement aussi bien dans l'éducation que dans le développement économique, après d'immenses efforts individuels et collectifs, le Québec se classe maintenant parmi les pays les plus avancés du monde. Notre main-d’œuvre de très grande qualité témoigne de la pertinence de nos investissements élevés en éducation. On décerne plus de diplômes universitaires par habitant au Québec qu'aux États-Unis, en France ou au Japon – et je viens de nommer les trois premières puissances mondiales, sauf l'Allemagne qui fait la quatrième. Montréal dispute à Boston le titre de métropole universitaire du continent quant au nombre d'étudiants et d'étudiantes universitaires par rapport à la population totale. On s'inquiète de ces statistiques à Boston, paraît-il. Nous disposons de ressources scientifiques et technologiques de premier plan. Le Québec a réalisé des progrès considérables au chapitre de l'innovation. Son taux d'investissement en recherche et développement dépasse maintenant celui du Canada et celui de la moyenne des pays européens. Le Québec est bien établi dans les industries à la fine pointe de la technologie que sont l'aérospatiale, la pharmacie, les biotechnologies, le multimédia et les technologies de l'information et des communications ainsi que le génie-conseil avancé. Nous avons les capacités linguistiques et culturelles pour envahir les marchés mondiaux. Il se parle 80 langues différentes au Québec. À Montréal, 50 % de la main-d’œuvre est bilingue et 20 % parle une troisième langue. Cela ne nous empêche pas de vénérer notre langue nationale officielle et commune et d'en faire encore et toujours la défense et l'illustration. Le présent budget dégage d'ailleurs une somme additionnelle de 2 000 000 $ à cette fin. Nous devons en effet intensifier notre action dans deux directions vitales pour l'avenir de notre langue: l'aide aux petites et moyennes entreprises dans le développement de programmes de francisation et la formation linguistique des immigrants en milieu de travail, qui est le meilleur moyen pour favoriser leur intégration à la communauté de langue française. Le Québec a fait le bon choix en optant pour l'ouverture sur le monde. Ainsi, la part du PIB exportée est passée de 44 % il y a 10 ans à près de 60 % aujourd'hui. Le Québec a fait un bon choix en appuyant massivement le libre-échange, alors que les actuels dirigeants du Canada, qui s'en font les chantres aujourd'hui, le combattaient avec autant d'ardeur que d'étroitesse de vue. Depuis ce temps, nos exportations vers les États-Unis d'Amérique ont triplé, alors que celles destinées au reste du Canada, qui est quand même un bon marché, ont progressé d'à peine 28 %. Alors, triplement aux États-Unis, 28 % au Canada. Rappelons que cette spectaculaire entrée dans la modernité s'est opérée tout en accentuant notre contrôle sur notre espace économique. Le Maîtres chez nous des libéraux d'une meilleure époque est devenu une réalité économique éclatante. C'est ainsi que les entreprise d'ici s'affichent maintenant aux tous premiers rangs de l'excellence et du succès. On y retrouve Quebecor, premier imprimeur du monde, Alcan, deuxième alumineur du monde, Bombardier, troisième avionneur du monde, CGI, cinquième firme d'Amérique en technologies de l'information, sans compter une multitude d'autres sociétés, qui s'illustrent partout sur la planète. Je souligne en passant que les investissements consentis pour reprendre en main notre économie et la moderniser n'ont reçu qu'un soutien faible sinon négatif du gouvernement central. Encore aujourd'hui et depuis toujours, le Québec, avec 25 % de la population, ne reçoit que 13,8 % des dépenses de recherche et développement effectuées dans les laboratoires fédéraux, 16,7 % des subventions fédérales aux entreprises, dans la patrie de l'entrepreneurship, M. le Président, 18,6 % des immobilisations fédérales. Ces injustices chroniques nous ont coûté et nous coûtent, sur base cumulative, des centaines de milliers d'emplois. Ce n'est pas parce qu'un grief est vieux qu'il est faux. Ce n'est pas non plus parce qu'une injustice se perpétue qu'elle est moins injuste ou que ceux qui la dénoncent sont moins pertinents. À l'aube du XXIe siècle, nous devons poursuivre avec ardeur les transformations déjà si bien enclenchées. Rappelons en quelques mots la philosophie de notre gouvernement en matière de modernité économique et sociale. Autant la mondialisation est une source inestimable de croissance pour toute la terre, autant il importe d'en réguler les impacts sur les populations. Nous avons vu récemment, à Seattle comme à Davos, que le processus de mondialisation fait l'objet d'appréhensions de plus en plus vives, dont plusieurs sont tout à fait fondées. Pour notre gouvernement, le procès du protectionnisme est évidemment terminé et vouloir entraver la mondialisation en rétablissant les entraves au commerce serait rétrograde et dangereux notamment pour les pays les plus pauvres. Par ailleurs, nous devons apprendre à contrôler, réguler, humaniser la nouvelle donne, plutôt que de revenir en arrière. Il faut un meilleur type d'intervention des États, aux plans national, international et supranational. Dans ce contexte, le concept de nation est d'une pertinence accrue face aux risques d'homogénéisation des langues, des cultures, des identités et des modes de vie. La nation constitue plus que jamais un contrepoids indispensable à la préservation de la diversité humaine. Notre gouvernement croit aussi que la justice sociale doit être l'objet de la même passion que la création de la richesse qui par ailleurs la rend possible. Nous en avons donné une nouvelle preuve au Sommet du Québec et de la jeunesse en consacrant 246 000 000 $ pour les trois prochaines années à l'indexation des prestations sociales des bénéficiaires aptes au travail et à l'accroissement des prestations en cas de partage de logement. Nous croyons, M. le Président, à cette fameuse main invisible d'Adam Smith – économiste écossais, faut-il le préciser. Mais nous croyons tout autant à la main visible et solidaire de l'action collective que préconisent les gouvernements progressistes. Tony Blair, le premier ministre socialiste de Grande-Bretagne, disait récemment que, si les socialistes se sont trompés en voulant niveler le succès, ils ont sûrement eu raison en cherchant à le rendre accessible à tous. C'est ce que nous croyons aussi. Accroître, maintenant, les investissements privés. Depuis 1994, le Québec a réalisé des progrès remarquables sur le plan des investissements productifs du secteur privé. Ces derniers ont augmenté de pas moins de 60 %, comparativement à moins de 50 % en Ontario et au Canada. Notre rythme de croissance des investissements n'est pas celui du Canada mais bien celui des États-Unis d'Amérique, c'est-à-dire bien supérieur au Canada et à l'Ontario. Malgré cette remarquable performance, il faut encore presser le pas et mieux faire face à la concurrence. Ce budget comporte donc des initiatives majeures pour poursuivre sur notre lancée. Notre fiscalité des entreprises est en général tout à fait compétitive. Mais, pour décrocher de nouvelles implantations, notre régime fiscal n'est pas encore au niveau de plusieurs pays et États qui nous font concurrence. Nous aurions avantage à suivre par exemple les traces de la République d'Irlande, un petit pays de 3 700 000 habitants, qui connaît depuis peu de temps une expansion phénoménale. Parmi les facteurs explicatifs, on note une approche fiscale agressive, avec un taux d'imposition des profits des entreprises de 10 %, qui s'est traduite par une augmentation directe non pas seulement des investissements, mais également des revenus du gouvernement. N'ayant pas encore fait le choix judicieux de la souveraineté nationale comme l'Irlande l'a fait depuis longtemps, nous ne pouvons pas l'imiter totalement faute de contrôler tous les impôts. Nous pouvons quand même faire notre bout de chemin et espérer que le gouvernement fédéral nous suivra, ce qu'il ne fait à peu près jamais, faut-il le préciser, hélas, sauf quand il s'agit de créer des dédoublements et des chevauchements inutiles et coûteux. J'annonce aujourd'hui deux mesures dont l'objectif est de réduire la fiscalité des entreprises pour créer de l'emploi comme en Irlande. Tout d'abord, une exemption fiscale complète de 10 ans pour tous les projets majeurs d'investissement. Cette exemption couvrira à la fois l'impôt sur les profits, la taxe sur le capital et la contribution des entreprises au Fonds des services de santé. Je prolonge aussi deux dispositions annoncées comme temporaires et qui devaient prendre fin le 31 mars, mais qui seront continuées: l'amortissement accéléré à 125 % et le congé de taxe sur le capital de deux ans pour les investissements manufacturiers et le matériel informatique qui seront prolongés jusqu'au 31 mars 2005. À elle seule, la première de ces deux mesures devrait provoquer des investissements de 5 000 000 000 $ au cours des cinq prochaines années, qui entraîneront la création de 16 000 emplois. Même si nous ne contrôlons pas tous nos impôts, nous nous rapprochons du modèle irlandais. Cela devrait plaire à nos très nombreux compatriotes qui ont des racines là-bas et à qui je souhaite en passant une bonne Saint-Patrick. Depuis la fermeture des Ateliers Angus de Montréal, les forces vives du milieu ont réagi en se fixant comme objectif de revitaliser ce site. Ils entendent y créer un technopôle pour accueillir les PME manufacturières ou du secteur de l'environnement. Ce projet admirable doit créer, d'ici 10 ans, 2 000 emplois pour les jeunes dans ce quartier qui est en convalescence. Afin de leur donner un coup de pouce, j'annonce la création d'un crédit d'impôt égal à 40 % des salaires des nouveaux employés embauchés pendant leur première année d'embauche. Ce budget comporte en outre plusieurs autres mesures pour appuyer les investissements. Je mentionne les plus importantes. Nous allons bonifier l'enveloppe d'engagements du fameux programme FAIRE. Vous vous souvenez du programme FAIRE que j'ai annoncé lors d'un précédent budget. Ce programme dépasse ses objectifs: nous avions comme cible la création et le soutien de 28 000 emplois en cinq ans. Nous sommes déjà rendus à 27 000 après 21 mois: c'est évident qu'il faut continuer. Nous allons donc redonner des crédits supplémentaires. Nous allons améliorer le programme Garantie-PME. Le programme immigrants-investisseurs sera également révisé afin d'accroître la part des bénéfices financiers versée aux PME et de maximiser les retombées économiques au Québec. Nous soutiendrons financièrement la restructuration de la sous-traitance, notamment dans l'industrie aérospatiale. Enfin, nous allons clarifier la Loi sur la fiscalité municipale, de manière à ce que les équipements antipollution industriels soient exemptés de taxe foncière dans toutes les municipalités du Québec. Nous compenserons bien sûr les municipalités pour toute perte reliée à cette mesure. Cela va de soi. Comme chacun sait, une extraordinaire mutation des moyens de communication est en cours, ce qui se reflète sur l'ensemble de l'économie et de la société. Utilisant un concept de communication militaire à l'origine, mais d'un fabuleux potentiel pour l'échange d'information de toutes sortes entre les humains, le réseau Internet connaît un développement fantastique. On compte aujourd'hui 250 000 000 d'internautes dans le monde et leur nombre s'accroît de plusieurs millions chaque mois. Cette révolution atteint maintenant l'économie marchande, le montant des achats «en ligne» s'élève déjà à 100 000 000 000 $ dans le monde, et ce montant double chaque année. Cette véritable explosion du commerce électronique s'explique par les caractères révolutionnaires des nouvelles transactions: le temps, l'abolition de la contrainte spatiale, le décloisonnement complet du commerce mondial. Le Québec doit s'inscrire au plus vite et le mieux possible dans cet environnement en mutation rapide. Toutes nos entreprises doivent s'adapter afin de conserver et d'accroître leurs marchés dans ce contexte de concurrence accrue. Nous voulons soutenir les entreprises du Québec afin qu'elles tirent tous les avantages possibles de ce monde nouveau. J'annonce donc la mise sur pied d'un crédit d'impôt égal à 40 % des dépenses engagées par les PME pour développer un site transactionnel sur Internet. L'objectif est d'amener 10 000 PME à se prévaloir du programme et une somme de 126 000 000 $ est prévue à cette fin pour les trois prochaines années. Il faut de plus que le Québec dispose d'un réseau de télécommunications de pointe sur l'ensemble de son territoire. Nous avons déjà un réseau de télécommunications de pointe, mais certaines régions sont moins favorisées. C'est pourquoi j'annonce un amortissement accéléré de 125 % pour les investissements en fibre optique dans les régions mal desservies jusqu'à ce jour. Il nous en coûtera 15 000 000 $ pour que toutes les régions du Québec participent à armes égales à la révolution en cours. Il faut également que l'ensemble des citoyens qui le désirent puissent maintenant participer pleinement à cette grande et nouvelle mouvance culturelle. Ce n'est pas uniquement une affaire de commerce. Jusqu'à maintenant, pour des raisons sans doute culturelles et linguistiques, les ménages du Québec ont le taux de branchement sur Internet inférieur au reste du Canada. Le déficit est plus grand encore chez les familles à faibles revenus où des questions de moyens sont évidemment en cause. Trop de jeunes sont privés d'un instrument presque indispensable au développement de leurs pleines capacités d'apprentissage. Voilà pourquoi j'annonce un programme de branchement sur Internet pour les familles dont les revenus les rendent admissibles aux allocations familiales. Toutes celles qui se brancheront à compter du 1er mai prochain auront droit à ce soutien. Elles pourront, à condition de se brancher avant le 1er avril 2001, bénéficier pendant deux ans d'une aide pouvant atteindre 75 % du coût d'un abonnement à Internet et du coût d'acquisition des équipements requis. Nous consacrerons à cette mesure, à la fois sociale et éducative, un budget de 120 000 000 $. Elle pourrait bénéficier à près de 200 000 familles. Elle aidera de nombreux jeunes à s'intégrer dans la société contemporaine sans égard à la fortune. Pour le commerce électronique en général, d'autres projets sont à l'étude et seront annoncés de manière stratégique au moment jugé opportun. Le gouvernement du Québec – maintenant, pour passer à un autre sujet – se félicite de l'impact que les programmes d'infrastructures municipales ont eu depuis 1994. Ils ont permis de doter les municipalités d'infrastructures de qualité et de créer plus de 25 000 emplois. Mais les besoins en infrastructures demeurent importants, tel que le démontre le rapport de La coalition pour le renouvellement des infrastructures du Québec. C'est pourquoi, en collaboration avec ses partenaires municipaux, et dans la foulée de l'annonce des intentions fédérales en cette matière, le gouvernement du Québec mettra tout en œuvre pour conclure un nouveau programme tripartite de renouvellement des infrastructures et le financer. Mais le gouvernement du Québec entend cependant aller de l'avant dès à présent. J'annonce donc la création d'un programme d'infrastructures proprement québécois auquel nous consacrerons la somme de 290 000 000 $. Ce programme servira à défrayer une partie des coûts de construction et de réfection de nombreux travaux d'immobilisation. De ce montant global, une tranche de 175 000 000 $ sera réservée pour les projets municipaux et une somme de 25 000 000 $ sera affectée aux interventions à caractère environnemental. De plus, 90 000 000 $ seront voués à la réalisation de projets stratégiques en transport. Le ministre des Transports recevra également 5 000 000 $ pour soulager les problèmes de congestion de la Rive-Sud de Montréal. En raison des travaux sur le pont Victoria en particulier, la ville de Mont-Saint-Hilaire sera reliée à Montréal par un train de banlieue d'ici quelques mois. Tout le monde sait, M. le Président, que vous ne vous départissez jamais de votre neutralité, et je crois lire dans vos yeux que cette mesure ne vous insulte pas. Par ailleurs, il arrive que des ménages du Québec doivent supporter des dommages considérables à leur propriété en raison de catastrophes naturelles ou autres fatalités. La pyrite est un de ces fléaux qui placent de nombreux ménages dans une situation financière extrêmement pénible. Nous allons les aider, c'est une question de solidarité devant le malheur. Nous lançons donc un programme d'aide aux victimes de la pyrite, ciblé vers les ménages les moins fortunés. Le gouvernement prendra à sa charge 75 % des dépenses de réparation jusqu'à concurrence de 30 000 $. Toutefois, ce taux de 75 % sera décroissant en fonction inverse de la valeur des propriétés. Le présent budget dégage par ailleurs 310 000 000 $ pour soutenir le développement économique de l'ensemble de nos régions, avec insistance sur certains cas particuliers. Si l'amélioration des conditions économiques observées depuis 1994 a bénéficié à l'ensemble du Québec, certaines régions font beaucoup mieux que la moyenne, notamment Chaudière-Appalaches, Outaouais, Montérégie, Laval, Laurentides, l'Estrie, Lanaudière et Québec. J'espère d'ailleurs que l'implantation en cours d'une cinquantaine de carrefours de la nouvelle économie, les CNE, accélérera le mouvement de croissance et le répandra partout ailleurs. Par contre, certaines autres régions sont encore aux prises avec des problèmes de sous-emploi, auxquels nous avons l'obligation morale et solidaire de nous attaquer. C'est le cas tout d'abord de la région de la Gaspésie et des Îles-de-la-Madeleine. Dès le 19 novembre dernier, le gouvernement du Québec annonçait 23 000 000 $ pour stimuler la création d'emplois et la relance économique de cette région. Le présent budget porte ce montant à 49 000 000 $. Il ajoute ainsi 9 000 000 $ pour les travaux routiers, 12 000 000 $ pour les infrastructures touristiques, 5 000 000 $ pour créer des emplois en forêt. De plus, nous allons bonifier notre politique maritime tout en déplorant encore une fois que le gouvernement fédéral se refuse toujours à nous suivre dans une voie aussi efficace et appréciée par l'industrie. Ainsi, nous réduisons de moitié la taille minimale des bateaux donnant droit au crédit d'impôt du Québec, ce qui sera particulièrement bénéfique aux chantiers de la Gaspésie et des Îles-de-la-Madeleine. Notre gouvernement désire aussi apporter une aide spécifique aux régions minières du Québec pour y garantir une expansion continue de cette industrie. Des crédits additionnels de 5 000 000 $ pour cette année serviront à créer un programme de soutien aux sociétés juniors d'exploration minière qui sont en difficulté. De plus, un budget additionnel de 5 000 000 $ pour un an servira à mettre en place un volet du programme d'aide à l'exploration minière en Abitibi-Témiscamingue. L'agglomération de Sorel et Tracy, au passé industriel pourtant brillant – on se souvient notamment de la famille Simard – vit présentement une période économique et sociale difficile. Au cours des deux dernières décennies, plusieurs entreprises ont fermé leurs portes et l'usine de Tioxide vient d'annoncer sa fermeture prochaine. D'autres usines se sont restructurées, ce qui a entraîné de nombreuses pertes d'emplois. Malgré ces difficultés, l'agglomération de Sorel et Tracy, deux municipalités d'ailleurs en voie de fusion, suivant la doctrine préconisée par notre collègue des Affaires municipales, cette région ne veut pas se laisser abattre et plusieurs de ses représentants, au premier desquels leur vaillant député, ont élaboré un plan d'intervention à volets multiples afin de lancer et de diversifier l'activité économique. Le gouvernement n'est pas indifférent à cette volonté de se prendre en main. Ce budget alloue donc 21 000 000 $ sur trois ans pour favoriser la réalisation de plusieurs projets élaborés localement dans cette région stratégique du Québec. Le Québec produit 10 % de l'aluminium du monde. La région du Saguenay–Lac-Saint-Jean, qui compte plus que tout autre dans cette production, contribue pour une proportion notable. Cependant, cette région compte encore trop peu d'entreprises qui transforment le métal léger, un créneau pourtant voué à une forte croissance. Ce budget vient soutenir le développement de la vallée de l'aluminium comme pôle d'excellence mondiale pour la transformation de cette extraordinaire ressource. J'annonce l'instauration d'un crédit d'impôt à l'intention des entreprises qui s'installeront dans la vallée de l'aluminium pour fabriquer des produits finis ou semi-finis à partir de l'aluminium ou encore des équipements spécialisés destinés aux entreprises de transformation de l'aluminium. Ce crédit équivaudra à 40 % des salaires des employés affectés à la production et à la commercialisation pendant l'année qui suivra leur embauche. La plupart des usines de pâtes et papiers du Québec sont déjà bien engagées dans le processus de transformation nécessaire et elles y ont investis plusieurs milliards de dollars. Toutefois, un certain nombre d'entreprises ont laissé vieillir leurs équipements maintenant peu productifs et mal adaptés à la concurrence mondiale. Or, plusieurs de ces usines constituent le pivot de l'activité économique des régions et des villes où elles sont implantées. J'annonce aujourd'hui l'octroi d'une somme de 100 000 000 $ à l'organisme INNO-PAP afin de soutenir le développement de l'industrie des pâtes et papiers. Les montants versés à INNO-PAP permettront de moderniser les usines québécoises les moins compétitives, de maintenir les emplois en région. Ces initiatives devraient amener la modernisation de plusieurs usines, des investissements de 700 000 000 $ et la préservation de 2 500 emplois, presque tous en région évidemment. On sait l'importance des régions rurales pour l'économie du Québec. On se rappellera à cet égard que, lors du discours inaugural du 3 mars 1999, le premier ministre avait annoncé l'intention ferme du gouvernement d'adopter une politique québécoise de la ruralité au cours de l'année 2000. Mon collègue le ministre des Régions dévoilera, au mois de juin prochain, cette politique ainsi que les mesures requises pour la mettre en œuvre. D'ici là, il importe d'assurer le financement de trois mesures introduites dans le passé et qui ont fait leurs preuves. J'annonce donc la reconduction, pour une période de cinq ans, des programmes d'agents ruraux, des programmes de soutien aux produits du terroir ainsi que du financement de l'organisme Solidarité rurale. Nous avons réservé à cette fin une somme de 3 000 000 $ par année. Lors de la Conférence sur l'agriculture et l'agroalimentaire québécois tenue à Saint-Hyacinthe en 1998, le gouvernement et ses partenaires du monde agricole ont convenu de la nécessité de moderniser les outils financiers dévolus à l'agriculture pour qu'ils deviennent de puissants leviers de développement. Pour que s'amorce sans plus tarder cette réforme tant souhaitée, j'annonce aujourd'hui un engagement gouvernemental à long terme de 300 000 000 $ par année pour le financement des outils financiers propres au secteur agricole. Plusieurs régions du Québec ont, à des degrés divers, besoin de diversifier leur économie pour y créer un plus grand nombre d'emplois. Notre gouvernement entend bien les appuyer dans leurs efforts et il leur accorde aujourd'hui 50 000 000 $ pour ce faire. Les régions visées sont les suivantes: Bas-Saint-Laurent, Saguenay–Lac-Saint-Jean, Mauricie, Estrie, Abitibi-Témiscamingue, Côte-Nord, le Nord-du-Québec, Chaudière-Appalaches, Laurentides, Lanaudière, Montérégie et Centre-du-Québec. La disponibilité de gaz naturel à des prix avantageux contribue certainement à l'essor économique des régions desservies. Pourtant, certaines régions en sont encore privées. Plusieurs entreprises stratégiques s'en trouvent désavantagées. C'est le cas de certains producteurs agricoles, notamment ceux de l'élevage du porc, de la volaille et du séchage des grains. Ce budget dégage 25 000 000 $ pour financer la contribution gouvernementale à l'extension du réseau gazier afin de desservir les régions de Québec, de l'Abitibi, de la Montérégie, de l'Estrie, du Saguenay– Lac-Saint-Jean, de la Mauricie et des Laurentides. Il devrait en résulter des investissements de 150 000 000 $ et la création de 2 400 emplois. Il y a, dans notre vaste arsenal de soutien des entreprises, un chaînon manquant. On sait pourtant que plusieurs régions du Québec comptent sur la création de très petites entreprises pour assurer une partie de leur développement économique. J'annonce donc aujourd'hui la création d'un programme de garanties de prêts pour le démarrage d'entreprises de taille modeste. Le gouvernement garantira 80 % des pertes assumées par un prêteur, jusqu'à concurrence de 100 000 $. Ce nouvel instrument leur permettra de se procurer plus facilement les capitaux requis pour la capitalisation et le fonds de roulement dont elles ont besoin. Par ailleurs, nous octroyons à la Société des établissements de plein air du Québec les fonds nécessaires pour réaliser des investissements de 30 000 000 $ au cours des trois prochaines années. Ceux-ci serviront à améliorer les infrastructures d'hébergement, de services ainsi que d'accès aux sites et territoires dans l'ensemble des régions. La promotion de la culture québécoise, maintenant, M. le Président, demeure au centre des préoccupations de notre gouvernement. Un grand Québécois disparu en cours d'année, Rosaire Morin, a écrit: «Un peuple qui défend sa culture défend bien plus en réalité: il défend du même coup sa dignité, sa liberté et – même – sa prospérité.» La culture québécoise est bien vivante et rayonne dans le monde de façon plus que proportionnelle à notre nombre. Notre peuple en est fier et soutient par son affection, son admiration et ses deniers nos créatrices et nos créateurs. Le gouvernement du Québec est en pleine harmonie avec la population dans son engagement envers la culture. Même aux heures les plus ingrates de lutte contre le déficit, les moyens de la culture ont été préservés et se sont accrus. C'est ainsi que le budget du ministère de la Culture et des Communications, qui était de 392 000 000 $ en 1997-1998, s'élèvera en 2000-2001 à plus de 430 000 000 $. Cela sans compter les divers soutiens de nature fiscale que j'ai eu l'occasion d'annoncer régulièrement. Le présent budget poursuit dans cette veine et vient ajouter une nouvelle forme de soutien fiscal à la culture. En raison de l'exiguïté du marché québécois pour le livre, nos éditeurs arrivent difficilement – on le sait – à publier tous les auteurs québécois qui mériteraient de l'être. C'est pourquoi j'annonce aujourd'hui la mise en place d'un crédit d'impôt pour l'édition de livres. Celui-ci permettra de couvrir jusqu'à 40 % des dépenses de main-d’œuvre nécessaires pour la préparation d'un ouvrage et 30 % des dépenses de main-d’œuvre nécessaires à son impression. Ce crédit d'impôt répond à un engagement du premier ministre au Sommet sur la lecture et le livre et il entre en vigueur dès maintenant. L'affirmation de notre culture nationale s'appuie sur des institutions et des musées capables de susciter un renouvellement de la création en rafraîchissant leurs collections et de mettre ce génie créatif en valeur par des manifestations d'envergure. Ces institutions comptent sur l'appui financier de notre gouvernement. J'ai donc le plaisir d'annoncer aujourd'hui l'octroi d'une somme de 29 500 000 $, qui permettra à la ministre de la Culture et des Communications de soutenir diverses initiatives dans ces deux domaines. Cette somme rendra notamment possible un soutien accru aux grandes institutions artistiques, dont les Grands Ballets de Montréal et l'Orchestre symphonique de notre capitale nationale. Le Musée du Québec pourra aussi aménager une salle Jean-Paul-Riopelle où sera exposé en particulier le magistral Hommage à Rosa Luxemburg. Avec le retour de l'équilibre dans les finances publiques, il convient maintenant de recommencer à investir dans le développement des équipements voués à la culture. J'annonce donc aujourd'hui des investissements de 30 000 000 $ dans les programmes de soutien aux équipements culturels et de restauration des biens culturels. Ainsi, nous pourrons poser les gestes les plus pressants pour maintenir en bon état les actifs existants et pour mettre aux normes certains équipements de diffusion de la culture, des arts de la scène et de la muséologie. La chaîne de télévision TV5 est un fleuron de la coopération multilatérale francophone et diffuse de façon continue dans 120 pays des émissions produites dans divers pays de la francophonie. De ce fait, elle contribue au rayonnement du Québec à travers le monde, en plus de créer des emplois à Montréal, qui en constitue le deuxième pôle stratégique. Au dernier Sommet de la francophonie, le Québec a promis d'appuyer plus intensément le développement de cette chaîne. J'annonce aujourd'hui que des crédits additionnels de 8 000 000 $ seront octroyés à cette fin. La préservation du patrimoine architectural, qui constitue un de nos trésors nationaux, requiert des efforts financiers essentiels. L'État doit donner l'exemple. Dans le cas des immeubles qui lui appartiennent, l'insouciance est difficilement soutenable. Par exemple, l'immeuble du Séminaire de Nicolet, un des plus beaux spécimens du patrimoine architectural éducatif du Québec, qui appartient à ce qui deviendra bientôt l'École nationale de police, offre, depuis plus d'un quart de siècle, le désolant spectacle de ses ruines calcinées en plein milieu d'une des plus jolies villes du Québec, la ville de Nicolet. J'annonce donc qu'une somme de 43 000 000 $ sera investie pour refaire de ce joyau un édifice adapté à sa fonction, en lui redonnant son élégance québécoise d'antan. Cet édifice patrimonial est vraiment extraordinaire, et c'est désolant qu'il soit à l'abandon. Alors, ceux qui veulent voir avant et après ont encore quelque temps pour aller voir cette ruine désolante et ensuite aller contempler ce chef-d’œuvre de l'architecture québécoise quand il aura retrouvé sa splendeur. Même chose pour l'édifice de l'Institut de tourisme et d'hôtellerie situé rue Saint-Denis, à Montréal. Celui-là n'est pas calciné, mais son légendaire manque d'esthétique dépare un joli quartier culturel et historique qui mérite mieux. Nous y investirons donc 18 000 000 $. Nous continuerons par ailleurs à venir en aide aux divers groupes qui se soucient de préserver la patrimoine religieux du Québec, cette fois-ci. Il y a cinq ans, nous avons mis sur pied un programme à cette fin; nous y avons consacré 80 000 000 $ depuis. J'ai le plaisir d'annoncer aujourd'hui une injection supplémentaire de 20 000 000 $ dans ce programme pour préserver des joyaux de l'architecture religieuse du Québec. La bonne gestion économique et financière de notre gouvernement engendre aujourd'hui d'autres dividendes qui viennent compenser bien des sacrifices passés. Elle nous permet en effet de remettre 430 000 000 $ au net à nos partenaires municipaux pour les trois prochains exercices. En 1997, nous avions demandé aux municipalités de nous aider à atteindre le déficit zéro. Elles ont accepté de contribuer, et nous avons signé avec elles un pacte fiscal renouvelable en l'an 2000. Or, au moment de renouveler ce pacte, nous avons dû leur expliquer que, si nous voulions conserver le déficit zéro, il fallait conserver aussi leur contribution de 356 000 000 $, joliment baptisée «la facture». Elles nous auront fait valoir que cette obligation pourrait les amener à devoir augmenter les impôts fonciers, notamment parce qu'elles avaient dû retarder plusieurs projets de réfection d'infrastructures. En parallèle, des difficultés importantes se profilent à l'horizon du côté de la fameuse taxe sur les entreprises de télécommunications, de gaz et d'électricité, autrement appelée TGE, que le gouvernement perçoit et remet aux municipalités. Cette taxe devient de moins en moins adaptée à l'évolution du monde des télécommunications. C'est ainsi que nous avons dû, en 1997, exclure de son champ d'application les activités reliées à la téléphonie cellulaire. Toutes fondées qu'elles soient, les adaptations à faire sont susceptibles de réduire les revenus des municipalités et constituent, de ce fait, un irritant. Nous aurons, au cours des années à venir, à relever des défis majeurs avec nos partenaires municipaux. Il importe donc de polir les aspérités qui nuisent à nos relations mutuelles. Tout d'abord, comme je l'ai annoncé précédemment, nous injectons immédiatement une somme de 175 000 000 $ destinée spécifiquement aux municipalités pour leurs infrastructures. Ensuite, le produit de la TGE, la fameuse TGE, sera désormais conservé par le gouvernement. En contrepartie, nous abolirons la fameuse facture, deux montants à peu près égaux. Les municipalités y gagneront cependant au change parce que nous prendrons à notre charge les programmes de soutien liés aux municipalités, jusqu'ici financés à même la TGE, à savoir la péréquation, l'aide aux MRC et l'aide aux villes-centres, ce qui nécessitera un déboursé de 50 000 000 $ par année à l'avenir. De plus, nous mettrons à leur disposition une somme de 155 000 000 $ pour faciliter la transition vers le nouveau régime ainsi que pour la mise en œuvre d'un plan d'action en vue de renforcer les agglomérations urbaines et les MRC annoncé par la ministre d'État aux Affaires municipales et à la Métropole le 3 mars dernier. La facture deviendra ainsi le souvenir peu agréable d'un sacrifice nécessaire. Les municipalités, on le sait, M. le Président, réclament aussi depuis quelques années l'accès à des sources de revenus qui tiendraient mieux compte de leurs efforts de développement de l'économie. Nous sommes prêts à amorcer des discussions en ce sens, tout en tenant compte bien évidemment des besoins que nous avons nous-mêmes à financer. Si l'on met bout à bout les 175 000 000 $ versés pour les infrastructures, les 155 000 000 $ d'aide générale et deux fois les 50 000 000 $ pour les programmes assurés par le gouvernement, ce budget vient donc octroyer 430 000 000 $ net aux municipalités au cours de leurs exercices financiers 2000, 2001 et 2002. Avec ce gain financier, nos municipalités seront en meilleure situation pour continuer d'offrir des services de qualité à leurs administrés. M. le Président, en épilogue au livre de René Lévesque, Option Québec, le grand cinéaste Pierre Perreault, qui nous a quittés cette année, avait écrit: «Québec, c'est un mot qui grandit.» C'est l'impression qui ressort de plus en plus de nos succès contemporains. Dans le contexte de la croissance retrouvée, de nos finances publiques assainies, toutes nos réalités et valeurs nationales, matérielles comme immatérielles, grandissent. On me permettra donc, en terminant, de m'éloigner un peu des préoccupations matérielles propres au budget pour aborder quelques questions cruciales pour notre vie en société. Il devient de plus en plus clair pour tout le monde que le régime politique canadien est irréformable. Il en est arrivé à nier l'existence même de notre nation. Un ministre fédéral écrivait au journal Le Monde , récemment, que nous ne formions «qu'une minorité parmi d'autres». Ce régime se durcit au point de présenter à son Parlement une législation antidémocratique qui déshonore le gouvernement du Canada ici comme à l'étranger. Nous sommes loin, par ailleurs, autant dans la population que dans cette Assemblée, d'une quelconque unanimité quant à la résolution de notre question nationale. Heureusement, on voit poindre, en attendant, une sorte de vision commune. À la suite des travaux de nombreux intellectuels publiés dans Le Devoir l'été dernier, un large consensus se confirme quant à la réalité existentielle du Québec. Le journal La Presse a même récemment concouru à ce constat de plus en plus évident: le Québec forme une nation, tout autant que l'Irlande, l'Écosse ou la Slovénie, Israël ou la République tchèque. Notre nation fait même partie des 20 premières puissances économiques du monde, en avant de toutes celles que j'ai nommées. M. le Président, à ce stade-ci de notre histoire, il me semble que l'intérêt collectif requiert qu'en cette Assemblée, comme partout, notre patrie soit proclamée pour ce qu'elle est, une nation, et que sa liberté de choisir son destin soit sans cesse réitérée. Pour nous, de la majorité gouvernementale, et en tout respect des opinions divergentes, les voies de l'avenir sont limpides et parfaitement adaptées à notre temps. Nous voulons refonder une union Canada– Québec, comme on parle de l'Union européenne, et la construire suivant les mêmes principes qui animent ce grand ensemble de pays souverains: libre circulation des biens, services, capitaux et personnes et création d'institutions supranationales qui assurent des rapports harmonieux entre les nations participantes. Une telle formule réglerait ainsi enfin et pour toujours la question lancinante des rapports entre le Québec et le Canada. De notre côté, cette quête du pays se poursuit sans relâche ni détour, elle est constante. Comme le dit Gaston Miron dans L'homme rapaillé : «Je n'ai jamais voyagé vers autre pays que toi, mon pays.» Pour nous, le mot «pays» est le seul qui convient pour désigner notre patrie. On le retrouve dans une belle phrase d'espérance de la grande écrivaine Anne Hébert, née à Sainte-Catherine-de-la-Jacques-Cartier, et qui y est revenue cette année pour finir sa vie. Elle écrivait: «Il peut neiger, notre pays est à l'âge des premiers jours.» Il ne neigera plus guère, M. le Président, le printemps est à nos portes. Je souhaite que ce budget soit reçu comme une manière de célébrer la venue d'une nouvelle saison pour notre patrie. M. le Président, je propose donc, conformément à l'article 271 du règlement de l'Assemblée nationale, que l'Assemblée approuve la politique budgétaire du gouvernement.