Province Législature Session Type de discours Date du discours Locuteur Fonction du locuteur Parti politique Québec 32e 3e Message inaugural 9 novembre 1981 M. René Lévesque Premier ministre PQ M. le Président, mesdames et messieurs de l'Assemblée nationale et chers concitoyens et concitoyennes qui suivez nos travaux un peu partout au Québec, cette session de l'Assemblée nationale s'ouvre dans une atmosphère de crise d'une gravité sans précédent. D'abord, comme la plupart des autres à travers le monde, les citoyens québécois et leur gouvernement vivent tous les jours des problèmes de plus en plus criants sur le plan financier et budgétaire. Déjà, le 13 avril dernier, quand les électeurs nous confièrent un deuxième mandat, ils n'ignoraient pas l'essentiel de ce qui nous attendait et qui ne sera pas précisément la vie en rose. Nous avions tâché en effet, honnêtement, de mettre les cartes sur la table avant le début de la campagne électorale. Même ceux qui n'eurent pas le loisir d'en voir toutes les implications doivent reconnaître que le budget de l'année courante, qui fut abondamment commenté jusqu'au jour du scrutin en particulier par l'Opposition illustrait, de façon rigoureuse, la recette lapidaire que le ministre des Finances avait énoncée en le présentant, et je cite: "Il faut à la fois modifier la structure des revenus pour qu'elle rapporte davantage, et couper sérieusement le rythme d'augmentation des dépenses." Mais on ne savait pas à quel point ces contraintes allaient encore se dramatiser, par la faute conjuguée de deux facteurs, sur lesquels notre gouvernement n'a aucune prise: la progression ininterrompue de l'inflation dont le taux annuel confine désormais à 13%, et surtout l'escalade absolument démentielle des taux d'intérêt. Inutile de souligner que ces deux ponctions sauvages, qui jettent tant de familles et d'entreprises dans une insécurité sans précédent, se répercutent aussi cruellement sur les équilibres financiers du gouvernement québécois comme de tous les autres. Et l'on n'y peut strictement rien, sauf de naviguer au plus serré, de choisir nos priorités avec plus d'exigences et de lucidité que jamais et, en attendant de revoir la lumière au bout du tunnel, de profiter de la crise, si j'ose dire, pour rajuster certains comportements collectifs qui en ont grandement besoin, et ainsi, quand même, réussir à faire des progrès. Cependant, avant d'aborder cette situation plus en détail de même que les mesures que nous entendons prendre pour en venir à bout, il faut d'abord faire le point, comme je m'y suis engagé, sur cette autre crise qui, celle là, frappe maintenant exclusivement le Québec, cette crise constitutionnelle dans laquelle, depuis la semaine dernière, nous sommes désormais tout seuls à nous débattre. Bien sûr, les injustices constitutionnelles, c'est à dire celles du régime politique, ce n'est pas comme les taux d'intérêt, on n'en voit pas les effets concrets tous les jours. N'empêche qu'une grande partie de nos chances de réaliser nos aspirations et même tout bonnement de réussir dans la vie, nos chances comme individus aussi bien que nos chances collectives seront toujours accrochées à une situation constitutionnelle. Et ce sera plus vrai encore pour ceux et celles qui nous suivront. C'est pourquoi il me paraît important, si brièvement que ce soit, d'évoquer d'abord le cadre historique de ce qui se passe. Pour nous, qui faisons partie d'une nation française minoritaire et seule de son espèce en Amérique du Nord, le Québec est à tout jamais notre seule patrie, le seul coin du monde où nous soyons vraiment chez nous. C'est pourquoi, en acceptant on ne pouvait pas les y forcer d'entrer dans le régime fédéral, il y a 114 ans, nos ancêtres avaient exigé des garanties afin de réduire les risques de l'entreprise. Depuis lors, de façon permanente, l'État fédéral s'est toutefois efforcé de réduire ces droits et ces pouvoirs que nous assuraient ces garanties. Le rêve d'Ottawa et de sa puissante technocratie essentiellement anglophone, c'est en effet de centraliser ce pays au maximum. Ce rêve est fort répandu au Canada anglais, surtout dans la province d'Ontario, pour laquelle tout progrès de la centralisation est éminemment profitable. Or, depuis au moins une génération, cette tendance est venue se heurter de plus en plus durement à une évolution qui s'accélérait au Québec et qui, par conséquent, pouvait de moins en moins se laisser contenir dans les limites trop étroites, dans l'espèce de carcan où l'on continuait à l'enfermer. Il est frappant de noter, d'ailleurs, ceci: Alors que le gouvernement Duplessis s'était contenté de défendre mordicus notre autonomie existante, tous ceux qui lui ont succédé depuis 1960 se sont mis et se sont remis inlassablement à exiger aussi des compétences, des instruments additionnels pour accompagner cette évolution et lui assurer dans une foule de domaines de meilleures chances de succès. Inutile de rappeler qu'ils n'ont pas réussi. Au contraire, à mesure que la pression montait, le régime se braquait, se durcissait de plus en plus. C'est ainsi que, d'une part, la tendance centralisatrice et le goût féroce de remettre, comme on dit, le Québec à sa place ont atteint leur paroxysme avec le gouvernement Trudeau alors que, d'autre part, grandissait chez nous un parti souverainiste pour les gens sans cesse plus nombreux qui avaient fini de croire à quelque renouveau du système qui puisse répondre à nos espoirs comme à nos besoins. Historiquement, d'ailleurs, dans l'évolution d'à peu près tous les peuples, ces phénomènes parallèles sont conformes à la logique la plus classique. Voilà, en bref, comment nous en sommes arrivés d'abord au référendum. À commencer par les libéraux dans cette Chambre, eux qui partageaient les tribunes référendaires avec Pierre Elliott Trudeau, Jean Chrétien et les autres, personne n'a le droit d'oublier les promesses qu'on faisait alors si solennellement pour arracher un non aux Québécois. Quand le chef fédéral mettait son siège en jeu et celui de tous ses collègues québécois, qu'il nous jurait qu'il y aurait du changement et qu'il demandait avec insistance au Canada anglais surtout d'en tenir compte, de quels changements pouvait il bien s'agir sinon de ceux qu'on revendiquait depuis si longtemps? C'est apparemment dans cette perspective qu'au lendemain du 20 mai 1980, M. Trudeau déclenchait lui même une grande ronde de négociations. Il fallut en attendre la fin, au bout de deux mois, pour s'apercevoir que cela menait tout droit à l'échec et que cet échec avait été planifié d'avance avec un cynisme consommé. Après quoi, dans un geste d'une brutalité proprement totalitaire, sans mandat d'aucune sorte, sans l'ombre d'une consultation démocratique, Ottawa nous plaçait devant ses véritables intentions: un projet destiné à nous ramener en arrière comme jamais on n'avait osé le faire dans le passé. Ainsi, les libéraux provinciaux et une multitude de ceux qui les avaient suivis au référendum se découvrirent-ils les premiers trahis. Je salue, comme il se doit, le sentiment de légitime défense et aussi d'indignation tardive, mais terriblement justifiée, qui amenait récemment l'Opposition à se solidariser avec le gouvernement au lendemain de la décision de la Cour suprême. La motion que nous avons alors votée ensemble à l'unanimité des partis est aussitôt devenue notre guide essentiel pour la suite des événements. Est il besoin de dire qu'elle était là devant nous la semaine dernière, tout le long de cette soi disant rencontre de la dernière chance? En arrivant à Ottawa, nous avions aussi sous les yeux la décision de la Cour suprême. Un projet qui n'est pas interdit expressément par le droit écrit, y est il souligné, peut quand même être interdit par les conventions, c'est à dire ces règles du jeu longuement reconnues et respectées auxquelles le principe même du régime accorde autant sinon plus d'importance qu'à n'importe quelle loi écrite. Enfin, il y avait un accord, signé publiquement et en grande pompe, le 16 avril de cette année, par sept autres provinces en plus du Québec, sept provinces représentées par leur chef de gouvernement. Cet accord exprimait une volonté commune de résistance à l'abus de pouvoir d'Ottawa tout en permettant le rapatriement immédiat de la constitution et, comme il se doit, il était assorti d'une formule d'amendement. Celle ci proposait de remplacer le droit de veto traditionnel par une nouvelle forme de protection comprenant un droit de retrait assorti d'une compensation financière obligatoire. C'était signé et garanti. Pour nous, c'était un compromis majeur que d'accepter le rapatriement immédiat de la constitution sans réclamer un nouveau partage des pouvoirs qui est exigé par tant de gouvernements du Québec qui se sont succédé depuis vingt ans au moins. Mais des signatures en bonne et due forme des chefs de gouvernement d'une majorité de provinces nous assuraient alors que cela n'irait pas plus loin sans notre consentement. Ce consentement, nous l'avons effectivement accordé au deuxième jour de la conférence la semaine dernière, dans un ultime effort de compromis. Avec ceux qui étaient encore nos sept partenaires, nous avons ajouté à cet accord du 16 avril un certain nombre d'éléments du projet de charte fédéral qui, selon nous, ne présentaient pas de véritable danger pour le Québec. On atteignait ainsi la limite extrême des compromis ou des concessions acceptables. Une entente honorable, une entente vivable pour tous était donc à portée de la main. Malheureusement, M. Trudeau a opposé à cette offre une fin de non recevoir catégorique; ce n'était pas un accord honorable qui l'intéressait. Ce qui a permis en quelques heures de voir d'abord s'amorcer l'effritement du front commun des provinces. Mercredi matin de la semaine dernière, à Ottawa, les discussions étaient donc dans une impasse. C'est supposément pour sortir de cette impasse que M. Trudeau a alors proposé, comme cela, que les discussions se poursuivent pendant deux ans, aussi bien sur la formule d'amendement que sur la charte des droits et qu'au bout de cette période, s'il n'y avait pas d'entente, le choix soit laissé aux citoyens, au moyen d'un référendum à majorité régionale, c'est à dire un référendum où, par conséquent, l'accord du Québec aurait été indispensable. Nous avons vu dans cette offre de M. Trudeau un moyen possible et respectable de sortir de l'impasse, un moyen, à première vue, démocratique et conforme aussi à la résolution de l'Assemblée nationale que nous avons votée ici. C'est ce que nous avons dit privément et publiquement. Moins de deux heures après, il s'est avéré que cette proposition n'était qu'une manœuvre faite avec la plus entière mauvaise foi pour, si on me permet de m'exprimer ainsi, achever le front commun en terrorisant les anglophones qui aiment surtout aller devant le peuple apparemment le moins souvent possible. En tout cas, ceux qui négocient de cette façon peuvent obtenir des résultats à court terme, mais ils devront être jugés par leurs compatriotes. Ce n'est pas, en tout cas, notre manière à nous et je n'ai pas l'intention d'en changer. On connaît la suite. En deux jours de manipulation et de chantage intensif, l'opération fut consommée. Les sept provinces anglophones ont alors tout simplement capitulé pour rentrer au bon vieux bercail du "National Consensus" sous la houlette du "National Government". Toute l'ultime machination nocturne a d'ailleurs été décortiquée en détail par une foule d'observateurs professionnels. Cela ne donne pas un beau spectacle. Voici comment Mme Lise Bissonnette, entre autres, a résumé, dans le Devoir de samedi, ce qu'elle appelle "l'histoire des quatre jours les plus superficiels, les plus prosaïques, et parfois les plus vulgaires d'une vie": "Que les marchands de tapis et les négociateurs professionnels me pardonnent, écrit elle, cela tient à la fois du souk, du bazar et des grandes rondes du secteur public et parapublic, sauf qu'il ne s'agit ni de tapis, ni de salaires, mais des droits des citoyens. La manière, seule et unique, est le marchandage. La tactique va du bluff à la tromperie, en passant par la menace. L'attitude mentale, générale, est le cynisme." Voilà exactement ce que nous avons vécu. Pour nous, les règles d'une société démocratique sont une obligation et non pas un enjeu de marchands de tapis; nos engagements et surtout notre signature sont pour nous des choses absolument sacrées qu'il faut respecter à tout prix. Jusqu'à maintenant, j'aurais cru qu'il en allait de même pour les autres. Quoi qu'il en soit, cette farce macabre demeurera sans conteste un événement historique. Pas dans le sens qui poussait nos dix vis à vis à sabler le champagne à Ottawa après la signature de cet accord des autres. C'est un événement historique parce que le Québec a été honteusement trahi, c'est simple, et parce que les Québécois auront maintenant compris qu'aucun compromis qu'ils ont pu faire, comme citoyens ou par l'entremise de leur gouvernement, n'aura été suffisant pour que le Canada anglais reconnaisse notre caractère particulier, tout ce qui fait que nous ne sommes pas et que nous ne serons jamais une province comme les autres. Comme dans toute crise, il y a eu la minute de vérité. Et ce qu'elle révèle des autres, c'est leur véritable attitude fondamentale à l'égard du Québec. Ils nous voient comme une force à contenir de toute façon, à écarter au besoin on l'a vu cette nuit là mais jamais comme les représentants d'un peuple sans lequel leur fédération n'aurait jamais existé, et sans lequel aucune entente ne saurait être authentique. Ce qu'ils viennent d'essayer de faire ensemble, c'est un Canada sans le Québec, un Canada dont le Québec serait exclu tout en demeurant ligoté, et même, mieux ligoté que jamais. C'est l'illustration concrète, flagrante comme jamais, de l'existence de deux nations distinctes. La façon dont on a procédé nous a montré le peu de prix qu'elle attache à nos droits et à notre existence même. Il est donc clair que nous ne pouvions absolument pas accepter cette nouvelle constitution fabriquée en une nuit de fourberies. D'abord, parce qu'elle nous aurait forcés à accepter une limitation importante des pouvoirs exclusifs de l'Assemblée nationale en ce qui concerne la langue d'enseignement dans nos écoles. Je l'ai dit et je le répète: Aucun gouvernement québécois qui se respecte ne pourra jamais abandonner la moindre parcelle de ce droit absolument fondamental pour la protection du seul fait français dans la mer anglophone du continent nord américain. Ensuite, cette formule limite sérieusement les pouvoirs déjà terriblement insuffisants que nous possédons pour assurer que le développement économique du Québec se fasse d'abord au profit des Québécois. Sous le couvert hypocrite de garantir les droits à la mobilité l'an dernier, ce qu'on retrouve dans cette charte, camouflé derrière ce titre noble "Charte des droits", est ce que vous savez comment ça s'appelait, la même chose au cours des négociations qui ont raté, l'été dernier? Cela s'appelait "powers over the economy", les pouvoirs sur l'économie, les pouvoirs additionnels, centralisés on veut en réalité diminuer notre capacité de créer, ici au Québec, un plus grand nombre d'emplois en utilisant, par exemple, notre pouvoir d'achat pour avantager d'abord les nôtres. Il n'est pas question pour nous d'accepter une politique de mobilité pancanadienne qui charcuterait et qui rendrait inopérants nos programmes de promotion des entreprises québécoises en même temps que notre pouvoir de légiférer dans ce domaine. Il n'en est pas question. Enfin, la troisième raison: La formule d'amendement sur laquelle on s'est entendu en coulisse, et là encore, en déchirant allègrement les sept signatures de chefs de gouvernement de provinces anglophones, non seulement enlève t elle au Québec son droit de veto traditionnel, mais elle permet que le Québec soit pénalisé s'il choisit, à l'encontre des autres, de conserver les pouvoirs qu'il possède déjà. Autrement dit, on ne pourra pas, en droit, arracher au Québec ses pouvoirs actuels, mais on pourra en rendre l'exercice de plus en plus pénible, en fait, puisqu'on nous privera des ressources nécessaires pour les exercer. Prenons un exemple. Supposons que les neuf autres provinces s'entendent avec le gouvernement fédéral pour que celui ci devienne responsable de l'enseignement supérieur, des universités, de la recherche. C'est loin d'être une hypothèse farfelue quand on connaît les pressions qui s'exercent déjà dans ce sens au Canada anglais où les institutions aussi centrales dans l'identité culturelle d'une société ne causent pas les mêmes préoccupations que chez nous. Je pense qu'on n'a pas besoin de se faire de dessin là dessus; d'ailleurs ces pressions ont été reprises, en chœur, comme une espèce d'annonce de l'avenir, au cours de plusieurs des séances de la semaine dernière. Le Québec, évidemment, ne pourrait que refuser d'être partie à un tel projet et conserverait ses pouvoirs et ses responsabilités. Mais le gouvernement fédéral aurait tout loisir de taxer les Québécois pour défrayer le coût de l'enseignement supérieur dans les autres provinces, en plus des taxes qu'on continuerait de payer au Québec pour le soutien de nos propres institutions. Cela mène directement à la double taxation, qui est un souvenir de notre histoire pas tellement lointaine. Voilà donc les raisons qui nous ont amenés à rejeter la formule d'Ottawa. Je suis certain que la très grande majorité des membres de cette Chambre où, j'espère, j'en suis sûr, on ne déchire pas les votes comme on déchire ailleurs les signatures sera d'accord pour dire et dire clairement que nous n'avions pas d'autre choix et que cette formule est parfaitement inacceptable au Québec. Certains voudraient que même après avoir été isolés par des négociations qui se sont achevées dans notre dos et par de fausses ouvertures faites sans aucune bonne foi - nous acceptions de reprendre la discussion avec les mêmes interlocuteurs. S'il s'agit de nous faire accepter l'accord d'Ottawa, il ne saurait en être question, pour les raisons que je viens de donner. Mais à ceux qui nous prient sans arrêt, depuis vendredi dernier, de répondre aux soi disant ouvertures de M. Trudeau et d'accepter tout de suite d'aller négocier, avec les voleurs de nos droits, une limitation des dégâts, on me permettra de les renvoyer simplement aux propos il faut toujours suivre ce qui se passe dans le Canada anglais pour savoir tenus en fin de semaine par le ministre Jean Chrétien, devant 500 militants libéraux réunis à Calgary, en Alberta, dans un excellent restaurant chinois. Ces propos sont rapportés ce matin à la une du Globe and Mail de Toronto. Je me permets de traduire en français l'essentiel de cette déclaration: "Le gouvernement fédéral y énonce, paraît il, d'abord, M. Chrétien est déterminé à trouver un moyen de négocier avec le Québec afin d'obtenir son accord. Sans fournir aucune indication quant aux compromis qu'Ottawa serait prêt à faire, M. Chrétien a aussitôt prédit qu'à la fin, de toute façon, le premier ministre du Québec serait forcé de donner son accord." "Nous aurons et je prierais les membres de cette Chambre d'écouter cette phrase, comme Québécois, venant d'un Québécois dans l'Ouest canadien à être gentils et délicats, si on veut finir "la job", a dit le ministre, qui a ensuite provoqué l'hilarité générale chez son auditoire en évoquant la légendaire flexibilité de M. Trudeau. Puis, redevenant sérieux, M. Chrétien a indiqué clairement qu'en fin de compte le gouvernement du Québec devra bien reconnaître qu'il n'a d'autre choix que d'accepter le fameux "package" des dix." M. le Président, aucun gouvernement du Québec ne peut accepter d'être traité de cette façon; c'est ça l'offre de négociation du premier ministre fédéral. Et on voudrait que nous participions allègrement à une pareille reprise de la farce et de la tricherie dont nous venons de sortir? Non, la réponse o t simple. Avant toute chose Ottawa doit annoncer à tout ce qui, dans cet accord des six, vient écorcher nos droits. Car, pour nous, la démarche d'Ottawa, malgré l'accord des neuf provinces, obtenu de la façon que nous savons, conserve son caractère unilatéral et inconstitutionnel. À notre avis, l'histoire et les précédents démontrent clairement que le consentement du Québec est absolument nécessaire au consensus requis pour qu'une demande à Londres respecte les conventions constitutionnelles établies. Le Québec est le foyer et le point d'appui d'une des deux composantes de la dualité canadienne et, sans lui, cette dualité canadienne n'aurait jamais existé. Je rappelle simplement qu'on peut trouver un parallèle récent avec la situation actuelle. Lorsque le Québec a refusé, en 1971, l'accord de Victoria qui, lui aussi, avait reçu l'assentiment des neuf autres provinces et du gouvernement fédéral, cet accord a dû être abandonné. Il ne peut pas et il ne doit pas en être autrement cette fois ci. De toute manière, avant de passer à l'état de nos réflexions sur la suite, il y a une mise en garde très précise qui s'impose. En fin de semaine, certains porte parole de la communauté anglo québécoise annonçaient leur intention de nous faire céder, à force de pressions, en matière d'éducation et d'accès aux écoles. Ils nous rappelaient que c'est avec leur argent qu'ils ont bâti et payé leurs institutions scolaires et tous les services dont ils disposent. Ils oubliaient seulement de noter que tout cela était relativement facile pour une minorité totalement dominante qui a profité ensuite à fond de l'héritage colonial mais aussi, et surtout, de la tolérance et du "fair play" du Québec français et de tous les gouvernements du Québec, ce qui fait qu'elle demeure à l'évidence la mieux traitée de toutes les minorités du continent nord-américain. Or, pendant ce temps là, qu'est il arrivé, ailleurs au Canada, à ceux, à tous ceux avec qui on réclame maintenant, à cor et à cri, derrière Ottawa, ce qu'on appelle un "equal treatment", un traitement équivalent? Qu'est il arrivé à ceux pour qui on veut maintenant un traitement équivalent? Nos minorités hors Québec furent toujours traitées, partout, comme des immigrants appelés à se fondre dans le "melting pot" anglophone. Même au Nouveau Brunswick et en Ontario, où leur poids relatif est le plus important, elles sont en recul constant. La minorité franco ontarienne se faisait encore gifler tout récemment dans ce marchandage odieux où M. Trudeau troquait la reconnaissance institutionnelle du français contre l'appui du premier ministre M. Davis de l'Ontario. En Ontario, comme ailleurs, les francophones ne contrôlent pas de commissions scolaires; les francophones ne contrôlent pas de services sociaux organisés. La charte fédérale, sans rien offrir en ce sens, maintient de plus, quant à l'accès des enfants de ces francophones à l'enseignement français, le vieux critère avec lequel on les envoie promener si facilement: "where numbers warrant", là où le nombre le justifie, ce qui n'a jamais été appliqué au Québec. Dans un tel contexte, nos concitoyens anglophones ne se sentent ils pas un peu gênés de réclamer pour eux mêmes un "equal treatment"? Le veulent ils vraiment, en pensant à toutes les conséquences possibles? Il vaudrait peut être mieux réfléchir encore. C'est ce que nous allons faire, quant à nous, continuer à réfléchir, mais aussi commencer à agir. Pour en avoir le temps et pour réévaluer aussi de fond en comble la participation québécoise à tous ces exercices fédéraux provinciaux et aussi, désormais, interprovinciaux, le gouvernement a décidé jusqu'à nouvel ordre de se retirer à tous les niveaux de ces réunions, le plus souvent inutiles et coûteuses, sauf celles qui sont directement liées à nos intérêts économiques et financiers. En novembre, le mois courant, le Québec n'assistera donc qu'à celle des ministres des Finances, si elle se tient toujours. L'Assemblée nationale sera également appelée à réaffirmer, et avec une vigueur renouvelée, nos droits et nos exigences essentielles comme société nationale distincte. Ce n'est pas parce qu'on a foulé ignominieusement aux pieds sa récente motion ou résolution conjointe que le Parlement du Québec doit se sentir si peu que ce soit bâillonné. Bien sûr, nous informerons c'est déjà commencé de notre mieux tous ceux qui, à travers le monde, nous écoutent avec la moindre sympathie de la façon dont on vient de nous traiter. Mais d'abord, nous tâcherons par tous les moyens de contrer ces dizaines de millions de dollars de propagande fédérale, ce lavage de cerveaux infernal qu'on inflige exclusivement aux Québécois. On reconnaît les votes minoritaires de la motion de l'Assemblée nationale, c'est normal. Je rappellerais simplement pour mémoire qu'il s'agit d'une somme potentielle de 35 000 000 $ qui étaient destinés à l'ensemble du Canada et que, paraît il, on vire maintenant complètement pour laver les cerveaux exclusivement des Québécois. D'autre part, nous continuerons à expliquer la position québécoise aux parlementaires britanniques qu'Ottawa veut utiliser pour finir de réaliser son coup de force. Et nous vous ferons part de toute autre action et il y en aura, et bientôt que nous aurons sûrement à envisager, à mesure que la réflexion et la préparation nécessaires auront porté leurs fruits, car jamais nous n'accepterons dans le tissu de notre vie collective les effets de ce coup de poignard. J'ajouterai et ici ça donnera l'occasion à l'Opposition de manifester son appui, si elle le veut que ce ne sera jamais fini tant et aussi longtemps que notre peuple verra son épanouissement sans cesse entravé par un régime à la fois désuet et envahissant, et son évolution normale compromise par les obsessions centralisatrices qui ne cesseront jamais de s'y manifester. Cette fois ci encore, après tant d'autres et depuis un an et demi qu'il était suspendu au dessus de nos têtes, combien de temps, combien d'énergies, combien de ressources matérielles finalement dépensées en pure perte cet inqualifiable abus de pouvoir nous aura t il coûtés? Et il n'est pas vrai que c'est un mal qui passera avec les hommes qui passent. D'aucuns s'illusionnent encore à ce propos. C'est leur droit mais, quant à nous, c'est le mal du régime lui-même, un régime qui vieillit terriblement mal et dont le durcissement technocratique trahit à la fois une solide incompréhension de ce qui concerne les Québécois et une inaptitude croissante à répondre à leurs besoins. M. le Président, cela nous ramène du même coup en plein cœur des difficultés courantes, celles que nous ressentons tous quotidiennement. Il ne s'agit pas ici, j'y prendrai garde, de faire encore d'Ottawa le bouc émissaire de tout ce qui nous arrive. Mais il faut tout de même noter que les paiements de transfert du fédéral, cette juste part des citoyens québécois dans une politique traditionnelle de redistribution, n'ont pas cessé de décliner par rapport à l'inflation. En fait, le rythme de croissance de ces paiements ne rejoint plus que le tiers de l'escalade annuelle de l'indice du coût de la vie. Et nous aurons à voir dans quelques jours, avec le nouveau budget fédéral, si l'on maintient l'intention annoncée de couper encore davantage. Ce n'est pas le seul facteur, loin de là, mais c'est un facteur d'une importance extrême surtout lorsqu'il s'ajoute aux effets d'une profonde crise économique qui frappe partout de façon inégale, mais universelle et qui rejoint, en l'exacerbant, une non moins profonde crise des valeurs qui sévit aussi à l'échelle du monde occidental, en tout cas. Nous avons donc des responsabilités sans précédent à assumer collectivement à l'égard des choix parfois dramatiques qu'il nous faudra faire dans les prochains mois et même dans les prochaines années, et ça on n'y peut rien. Chaque citoyen est maintenant oblige d'admettre qu'il est moins riche qu'avant, enfin, sauf quelques exceptions de moins en moins nombreuses tout en haut de la pyramide. Mais pour tous les citoyens qui ne sont pas dans ces régions éthérées, on est obligé d'admettre qu'on est moins riche qu'avant, même si le premier réflexe est de chercher quand même à vivre comme avant; il faut donc accepter peu à peu de modifier quelques habitudes et de sacrifier certaines choses tout en préservant ce qui paraît essentiel. Le problème qui se pose au gouvernement est du même ordre. Les ressources financières de l'État québécois sont en ce moment étirées au maximum. Les données de la grande organisation des pays occidentaux avancés, c'est à dire, l'OCDE, pour la période 1974 1976 encore toute récente et cela n'a pas tellement changé sont éloquentes à ce point de vue. Si on tient compte de la capacité de payer des contribuables, le niveau des dépenses publiques per capita à ce moment là, 19741976, n'était, et probablement que c'est encore vrai, dépassé, par rapport à la capacité de payer des contribuables, que par deux pays, la Norvège et la Hollande. Si nous voulons maintenir les acquis des dernières années et préserver une marge de manœuvre suffisante pour entreprendre les nouveaux projets qu'appelleront les circonstances qui changent, il faut donc pousser plus loin, plus loin que jamais l'entreprise d'assainissement des finances publiques qu'on a commencée au cours de notre premier mandat. Dieu sait, M. le Président, qu'on pourrait évoquer de nouveau ce sera fait en temps et lieu le genre d'héritage de croissance des dépenses que nous avons recueilli il y a cinq ans, mais il est dans le rôle classique de l'Opposition je crois que tous les partis vivent cela d'avoir la mémoire courte. Un regard même rapide sur le budget permet de voir tout de suite que le poste le plus important, c'est celui des salaires. Les traitements et les avantages sociaux exclusion faite des régimes de retraite représentent, en 1981 1982, 46% du budget si on ajoutait les régimes de retraite, entre autres, cela dépasserait largement 50% et les seules augmentations de traitement totalisent 1 350 000 000 $. Ces augmentations ne font pas que garantir le pouvoir d'achat des employés du secteur public, elles leur transfèrent une part croissante de la richesse collective. La croissance du produit intérieur brut du Québec est de 10,5% en ce moment, celle des salaires du secteur public cette année, à la suite des conventions, est de 14,75%. Il faut néanmoins souligner que la dernière convention collective a permis de réduire l'écart, qui était bien plus terrible encore, entre la rémunération globale des secteurs public et parapublic et celle du secteur privé le mieux rémunéré au Québec, celui des grandes entreprises de 500 employés et plus. Ainsi, l'écart qui était de 16,3% pas loin d'un cinquième au bénéfice des employés de l'État, au début de la convention collective, est en ce moment ramené à environ 11%. Mais il reste une chose: un réalignement complet de la rémunération du secteur public sur la partie la mieux payée du secteur privé représenterait cette année une économie pour l'État et les citoyens de 1 100 000 000 $ si on avait réussi plus que ce qu'on a réussi de peine et de misère, c'est à dire de ramener cela quand même à un écart de 11% aux dernières négociations. Ce qui rend le problème encore plus pressant, c'est que les effectifs de gens dans la fonction publique et les réseaux des Affaires sociales et de l'Éducation, si on les compare avec ceux d'appareils équivalents chez nos voisins, se sont gonflés démesurément au cours des années. Nous avons fait des efforts depuis 1976, on a essayé de se rapprocher, on n'est pas loin, de la croissance zéro dans cet ensemble, mais on est encore loin du compte. Il demeure sans doute acceptable humainement de maintenir la sécurité d'emploi pour ceux et celles qui ont acquis leur permanence dans ce grand ensemble, même si les groupes qui ont une telle garantie sont fort peu nombreux dans la société. Mais il est devenu intolérable qu'en plus des personnes, les postes eux mêmes, on pourrait dire les chaises, continuent à être considérés comme intouchables et qu'on parte en guerre dès qu'il est question de chercher à faire le travail avec moins de personnel. Voilà un des éléments qu'il faut contrôler chez nous. Parlons maintenant du domaine de la santé. Le Québec s'est doté, au cours des 20 dernières années, d'un système qui fait l'envie de nos voisins des États Unis et du Canada. Or, les coûts de ce système vont croissant à un rythme excessif. Au cours des six dernières années, le nombre des médecins a augmenté huit fois, je répète, huit fois plus vite que la population, sans pour autant que le volume de travail par médecin ait tendance à décroître. Même si nos médecins, quant à leur revenu personnel, n'occupent pas le premier rang en termes comparatifs avec certains de nos voisins, ils bénéficient toutefois en partant d'un emploi assuré à revenu élevé. C'est dans un tel contexte que nous avons à examiner les ententes signées avec les syndicats des professionnels de la santé qui sont échues depuis juin dernier. S'ils jouent, et c'est indiscutable, un rôle fondamental dans le réseau des Affaires sociales, les médecins doivent aussi assumer pleinement les responsabilités qui se rattachent à cette place importante qu'ils occupent. Ainsi, certains aspects de la tarification des actes - parce qu'on a toujours ce système de paiement à l'acte - peuvent inciter des médecins à une pratique faite d'actes répétés et plus rémunérateurs que ceux qui sont destinés simplement à faire face aux vrais besoins. C'est une chose. Par ailleurs, malgré leur nombre sans cesse croissant, la répartition géographique des médecins sur le territoire et leur absence dans certaines situations qui mettent en cause la santé publique, doivent faire l'objet d'ajustements du régime pour permettre au gouvernement d'assumer ses simples devoirs à l'égard de la population. C'est pourquoi cette Assemblée étudiera très bientôt certaines modifications législatives aux diverses lois concernant la santé et les services sociaux. Troisièmement, on devra de plus toucher aux régimes de pension des employés de l'État. Dans son discours sur le budget, en mars dernier, le ministre des Finances soulignait que la croissance rapide et continue des sommes qui sont affectées à ces fonds de pension était non seulement préoccupante mais que, si rien n'était fait, cela représenterait, avant longtemps, pas moins de 10% de tout le budget du Québec. Pour remédier à cette situation, le ministre des Finances annonçait donc que les nouveaux employés seraient protégés par un nouveau régime de pension où les rentes désormais ne seraient indexées au coût de la vie qu'au delà d'un seuil de 3%, et où le coût serait partagé également entre l'État et ses employés. Nous avons décidé d'étendre aussi ce nouveau régime, dont l'Assemblée sera saisie, à tous les employés actuels, à compter du 1er juillet 1982, en préservant évidemment de façon intégrale les droits acquis au 30 juin prochain. Mais ainsi, tous seront traités à l'avenir de la même façon et pourront bénéficier d'un régime de pension qui, tout en étant moins coûteux que celui qui est en train de devenir ruineux actuellement, demeurera quand même supérieur, sauf erreur, à tout ce qui existe dans le secteur privé. Bien des gens reconnaissent aujourd'hui le côté inévitable de ces divers ajustements, mais personne, et c'est normal, ne veut en subir les conséquences et lorsqu'on prête l'oreille à toutes les protestations et les critiques qui s'élèvent, on ne peut en tirer qu'une seule conclusion: il n'y a pas d'endroit où l'on bouscule un peu les habitudes établies qui n'ait aussitôt ses justifications propres pour réclamer un régime d'exception. De fait, chacune des demandes prises isolément, peut fort bien être justifiable mais c'est la somme de toutes les demandes qu'il est devenu absolument impossible de satisfaire. Il est devenu indécent aussi de demander à des travailleurs qui, eux, n'ont pas la chance d'avoir un employeur aussi généreux que l'État de supporter plus que leur part du fardeau des finances publiques qui s'alourdit à un rythme bien supérieur à la croissance de leurs revenus. Quant à nous, nous avons l'intention de continuer à mettre toutes les cartes sur la table à propos des décisions budgétaires. Déjà, en juin dernier, sans compter que nous avions préparé le budget avant la campagne électorale, mais déjà en juin dernier, un mois plus tard, deux mois plus tard, le ministre des Finances, le président du Conseil du trésor et les autres ministres concernés ont tenu, on s'en souviendra, une rencontre pour discuter des compressions avec des représentants des gestionnaires et des employés de l'Éducation et des Affaires sociales. De même, au début de l'automne, le président du Conseil du trésor a sillonné le Québec, littéralement, pour vulgariser et démystifier le budget, ce qui était une entreprise de transparence politique sans précédent. Nous allons continuer à associer ainsi les responsables des secteurs public et parapublic, du côté syndical comme du côté patronal, mais aussi tous les citoyens, parce que tous sont impliqués, au partage des informations et aux grands arbitrages qui mènent aux choix budgétaires. Et nous espérons que, partout au Québec, ceux qui administrent les programmes et qui dispensent les soins à la population se fixeront aussi un tel objectif parce qu'il faut que les gens sachent ce qui est fait et ce qui est dépensé en leur nom. Cependant, en soi, le fait de se parler ne règle aucun problème. Même le plus franc et le plus ouvert des dialogues ne sera jamais une panacée. Nous avions tous plus ou moins acquis la conviction que la richesse publique était illimitée et que les dépenses pouvaient croître sans fin. C'est tous ensemble, donc, que nous devons réviser nos attitudes et apprendre à vivre avec des ressources limitées, restreintes. Cela suppose que nous développions ensemble une vision claire, le plus possible, des priorités à respecter dans une situation où tout n'est plus possible. Le gouvernement entend donner l'exemple et appliquer une rigueur nouvelle à la gestion des programmes qui dépendent directement de lui. Sa marge de manœuvre n'est pas très grande, toutefois, puisque, si on exclut les traitements et les avantages sociaux des employés, les autres dépenses de fonctionnement du gouvernement ne représentent que 12% du budget. Tout sera fait, en tout cas, pour rationaliser au maximum cette part des dépenses publiques. Mais ce que je viens de dire, il me semble, souligne dramatiquement l'importance, entre autres, des trois grands points que j'ai évoqués tout à l'heure: les salaires, les effectifs, certains aspects des programmes de santé et les plans de retraite. Nous nous efforcerons aussi de débusquer tous les privilèges qui pouvaient paraître normaux dans une situation d'abondance mais que le contexte achève maintenant de rendre intolérables. Nous croyons enfin qu'il faut mettre l'accent sur ce minimum de solidarité qui devra nous amener, comme société, à diriger une part importante de nos efforts et de nos ressources disponibles vers l'amélioration des conditions de vie de ceux, parmi nous, qui sont le moins favorisés. Précisément parce que les ressources sont limitées, ça exigera, de certaines catégories de citoyens qui ont joui d'une amélioration substantielle de leurs conditions de vie ces dernières années, qu'ils acceptent de mettre un frein à leurs exigences pour que nous puissions diriger notre action vers les problèmes des Québécois et des Québécoises qui sont les plus démunis et les plus vulnérables devant les difficultés actuelles. Cela supposera aussi, quand il sera question de rationalisation des services, de disparition de postes dans le secteur public et d'augmentation de productivité, entre autres par une mobilité des gens qui peuvent être interchangeable, qu'ils acceptent, qu'ils ne se contentent pas de dénoncer mais qu'ils acceptent aussi de remettre en question les conventions qui nous ont conduits à ces impasses. Est ce trop espérer que d'imaginer l'émergence dans notre société de complicités nouvelles qui nous permettraient de poursuivre ainsi des priorités différentes qui seraient à la fois plus humanitaires et plus réalistes que celles que nous avons connues? Il faut bien se dire que tout cela constitue également, si nous le voulons - parce que nous sommes aux prises, dans tous ces secteurs, avec des problèmes comparables à ceux des autres, en grande partie un formidable défi qui peut signifier l'avènement définitif de la maturité nationale. Pensons simplement à tout le chemin que nous avons su parcourir depuis une vingtaine d'années. Rappelons nous les obstacles qu'il aura fallu franchir parce que, alors non plus, ce n'était pas plus facile pour nous que pour les autres. En vingt ans, le Québec a changé de visage et, surtout, il s'est habitué à accueillir le changement. C'est l'acquis extraordinaire d'une seule génération. Est il besoin de souligner, toutefois, qu'une génération n'est qu'un maillon dans la chaîne, toujours, et qu'en fait, nous, au Québec, venons à peine de prendre notre élan? C'est avec cet élan collectif que nous avons tâché de renouer au cours de notre premier mandat. Le bilan de cet effort, nous l'avons fait au cours de la campagne électorale, et ce n'est plus le moment de le détailler à nouveau. On me permettra d'affirmer simplement que, malgré ses imperfections et ses carences, dont nous sommes aussi conscients que quiconque, c'est un bilan respectable. Ce qui me semble opportun de souligner, toutefois, ce sont les axes principaux sur lesquels notre action s'est inscrite depuis cinq ans. Pour autant qu'on puisse évaluer l'aspect positif d'un scrutin forcément, les électeurs votent toujours pour certains aspects négatifs qu'ils trouvent d'un côté ou de l'autre et, forcément aussi, pour certains aspects positifs, et personne n'est capable de démêler ça complètement il me semble que c'est surtout là dessus que nous avons été jugés il y a quelques mois. Même si des conjonctures qui varient nécessairement peuvent exiger qu'on mette l'accent sur telle préoccupation plutôt que sur telle autre, ce sont des critères qui demeureront valables dans n'importe quel avenir possible. C'est pourquoi il m'a paru indiqué de placer sous ces mêmes têtes de chapitre une grande partie du programme de la session qui commence. D'abord et avant tout, nous aurons cherché à rétablir cet ingrédient indispensable d'une société démocratique, la confiance dans l'intégrité du gouvernement et du Parlement, notamment par la réforme du financement des partis et celle de la carte et de la Loi électorale, et aussi par la télédiffusion des Débats qui a soumis l'Assemblée nationale, très sainement, je crois, au regard scrutateur et critique de nos concitoyens. En même temps, nous avons fait cet effort constant, dont j'ai parlé, qu'il faut maintenant accentuer comme jamais pour assainir les finances et instaurer plus de rigueur dans l'administration. Maintenant, pour ce qui est du Parlement et du processus électoral, ces deux piliers essentiels de la vie en démocratie, on vous proposera d'abord, dès cette session, une nouvelle loi de l'Assemblée nationale. Cette réforme, nous espérons pouvoir la réaliser tous ensemble pour qu'elle puisse véritablement fonctionner. Elle devra accorder à l'Assemblée tout entière, aux députés ministériels comme à ceux de l'Opposition, une plus grande marge d'autonomie et d'initiative et aussi des moyens de contrôle qui répondent plus adéquatement à la complexité sans cesse croissante de la responsabilité des élus face à l'administration publique. Nous sommes prêts à mettre à l'essai toute proposition qui irait clairement en ce sens au fur et à mesure que la réflexion, qui est déjà bien engagée, aboutira à des consensus. C'est dans cette même perspective de soumettre l'administration publique à un éclairage continu que nous attachons beaucoup d'importance à la loi sur l'accès à l'information gouvernementale qui vous sera proposée, elle aussi, au cours de cette session. Dans la foulée du rapport Paré et à la suite de la commission parlementaire qui s'est tenue pendant l'été, ce projet de loi comportera principalement les deux volets suivants: d'une part, un meilleur accès des citoyens aux documents des organismes publics et, d'autre part, une protection accrue de ces mêmes citoyens contre la divulgation des renseignements personnels contenus dans les fichiers de nombreux corps administratifs. Quant au processus électoral, dont nous avons déjà grandement accéléré la réforme entreprise dès les années soixante, nous avons bon espoir, avant la fin de la session et là encore, à l'unisson des partis, si possible de pouvoir proposer cette étape dont on a tant parlé: celle d'un nouveau mode de scrutin. Le ministre d'État à la Réforme électorale a reçu le mandat de consulter, comme il se doit, les deux côtés de la Chambre, mais aussi tous les milieux intéressés afin de mettre au point un système qui permette de refléter plus fidèlement la volonté des électeurs. Enfin, pour ce qui est de l'intégrité et de la transparence du gouvernement lui même, nous savons tous qu'un deuxième mandat en constitue le test par excellence; nous savons comment trop de gouvernements ont fini. Certains éléments de réforme, dont je viens de parler, devraient désormais permettre à l'Assemblée, et aussi à tous les citoyens, de nous suivre à la trace avec plus d'efficacité. Mais, de plus, il est évident que nous avons nous mêmes, pour ainsi dire, à renouveler nos vœux sur ce plan essentiel. Il nous faut pourchasser avec la plus grande vigueur toutes ces tentations de facilité, de laxisme, dont on connaît les résultats et qui surgissent infailliblement lorsqu'un séjour au pouvoir se prolonge. Je crois pouvoir affirmer que nous y sommes résolus. En tout cas, je vous donne ma parole, M. le Président, comme chef du gouvernement, que nous n'hésiterons absolument pas à agir, le cas échéant, pourvu que ce soit à partir de faits. Une deuxième grande priorité, un de ces axes principaux que j'évoquais, c'a été un effort persistant, ininterrompu pour tâcher d'améliorer le climat social, comme on dit. Dans l'état de dégradation où celui ci se trouvait il y a cinq ans, c'était sans doute la tâche la plus difficile et, en dépit de certains progrès indiscutables, ça demeure encore et ça demeurera longtemps une préoccupation sans cesse lancinante, aussi longtemps en tout cas que nous n'aurons pas établi une véritable et solide concertation entre les principaux intervenants socio économiques. Mais qu'on se réfère aux statistiques relatives au secteur privé ou qu'on compare la dernière ronde, dans les secteurs public et parapublic, à la précédente, il est clair qu'il y a eu amélioration assez notable. Il est permis de croire que certains gestes que le gouvernement a posés ont pu contribuer à ce progrès; entre autres, le nouveau cadre de relations ouvrières qu'a instauré la loi 45; la loi, toute récente encore, des conditions minimales de travail, de même que celle sur la santé et la sécurité des travailleurs, qui constituent, l'une et l'autre, des réformes d'une importance primordiale; et puis aussi, même si ça n'a pas été la guérison de tout, certaines des nouvelles balises qu'on a établies pour la négociation dans les secteurs public et parapublic; et, enfin, ces nombreux sommets qui cherchaient à mieux définir les problèmes et les perspectives du Québec tout entier, comme aussi d'une foule de régions ou de secteurs, ces conférences socio économiques ont très certainement aidé à assainir quelque peu le climat en provoquant, soit des consensus, soit surtout et c'est arrivé assez souvent des programmes d'action. Il est évident que tout cela n'est ni complet ni parfait, mais, quitte à les bonifier, ce sont des mesures dont l'impact positif doit être maintenu. Et maintenant, il faut aller plus loin. S'il importe de créer constamment de nouveaux emplois par un effort économique que j'aborderai dans quelques instants, il importe tout autant il me semble que ça saute aux yeux d'assurer une meilleure protection des emplois existants. Aussi, le gouvernement entend il tout mettre en œuvre, de concert avec les parties impliquées, pour prévenir, pour empêcher dans toute la mesure du possible les fermetures d'usines et les licenciements collectifs; et lorsqu'ils deviennent quand même inévitables, pour en limiter les dégâts en offrant une assistance accrue à ceux qui en sont victimes. À cet effet, un projet de loi vous sera présenté au cours de cette session. Dans la même optique, nous espérons aussi pouvoir conduire enfin à bon port le projet de fonds minier dont malheureusement l'étude a dû être reportée, les parties patronales et syndicales n'ayant pas réussi à se mettre d'accord au moment de la commission parlementaire. D'autre part, dans le domaine de la santé et de la sécurité du travail, nous proposerons la deuxième partie de la réforme amorcée en 1979, en présentant une loi sur la réparation des lésions professionnelles qui viendra remplacer l'actuelle Loi des accidents du travail. Le régime d'indemnisation des accidentés y sera basé désormais non plus sur la perte d'intégrité physique, 10%, 20%, etc., mais plutôt sur une philosophie de remplacement du revenu, comme dans le cas de l'assurance automobile. En matière de relations du travail, il y aura d'abord d'importants amendements au Code du travail. Sans chambarder l'économie générale de la loi, ces amendements viseront principalement à lever pour de bon ces obstacles, ces entraves et ces lenteurs que rencontrent encore quotidiennement nombre de travailleurs et de travailleuses qui tentent simplement d'exercer leur droit d'association. On procédera aussi aux amendements requis à la Loi sur la fonction publique pour donner plus de flexibilité à la représentation syndicale des agents de la paix. Pour ce qui est de l'ensemble des secteurs public et parapublic, conformément à l'engagement que nous avions pris, il s'est tenu, au mois de septembre, une commission parlementaire et, pour la première fois, sans la contrainte qu'impose l'examen d'un projet de loi, tous les individus, tous les groupes qui le voulaient ont pu exprimer leur point de vue. À la suite de cette commission et aux réflexions qu'elle a suscitées, le gouvernement a décidé de vous proposer certains amendements aux mécanismes de la négociation mais aussi, et surtout, une formule pour assurer, une fois pour toutes, la primauté du droit des personnes à recevoir les services essentiels, particulièrement dans le secteur si névralgique de la santé, parce qu'il faut finir par résoudre ce qui a paru jusqu'ici comme la quadrature du cercle. Il faut finir par arriver à ceci: le maintien d'un droit de grève qui apprenne à s'exercer, lorsqu'il croit devoir le faire, d'une manière vraiment humaine et civilisée. Ce qui nous amène à un autre thème majeur que nous entendons, lui aussi, maintenir au premier plan au cours des années qui viennent. Je veux parler de ce fondement essentiel de toute démocratie qui se respecte: une lutte qui doit être permanente contre la misère et les aspects les plus inéquitables de la condition humaine. Ce ne sont pas des choses faciles à corriger. Raison de plus pour s'y employer sans relâche. Cet effort de simple justice sociale, depuis 1976, s'est adressé en particulier à l'aide aux personnes âgées et aux handicapés, à la protection de la jeunesse, à la création du supplément au revenu de travail et à la reconnaissance des droits de la femme, une reconnaissance tardive, mais désormais en progrès constant. Voici comment nous vous proposerons, dès cette session, de reprendre cette longue marche en direction de l'équité collective et d'une plus grande égalité des chances. En tout premier lieu, puisque c'est la loi qui a préséance sur toutes les autres, il faut mentionner la Charte des droits et libertés de la personne à laquelle d'importants amendements doivent être apportés. Cette révision substantielle fait suite à une commission parlementaire à laquelle un grand nombre de personnes et d'organismes ont tenu à participer. L'éclairage ainsi fourni nous permettra de dégager clairement de nouvelles perspectives d'application mais, plus encore, d'élargissement des champs couverts afin d'enrayer notamment la discrimination pour raison d'âge ou de sexe de même qu'en matière d'avantages sociaux et pour ouvrir en même temps la porte aussi à ces correctifs indispensables qu'on appelle des programmes d'action positive. Pour ceux qui ont des yeux pour voir, je répète qu'ils pourront constater la supériorité sur tous les plans y compris la souplesse et la capacité, l'aptitude à progresser rapidement de cette charte québécoise par rapport à des textes constitutionnels essentiellement statiques et figés et je dois dire, à mon opinion personnelle, assez peu inspirants, Dieu le sait qu'on prétend nous imposer de l'extérieur. Quant au domaine de la retraite, qui s'inscrit également parmi les droits des personnes, nous avons l'intention, bien sûr, de poursuivre l'étude du projet de loi sur l'abolition de l'âge obligatoire et aussi de fouiller, sans délai, la possibilité de retraite anticipée en songeant, en priorité, aux hommes et aux femmes qui sont usés prématurément par les besognes les plus pénibles. Dans cette dernière perspective pourrait fort bien s'inscrire la revalorisation de notre Régime de rentes; et cela, c'est un très gros morceau. Nous savions depuis le début qu'il faudrait s'y mettre un jour. Inéluctablement, la population du Québec vieillit. Doublant à peu près tous les vingt ans, le nombre de personnes âgées de plus de 65 ans, qui atteint déjà les 500 000, dépassera largement les 850 000 d'ici la fin du siècle. L'existence d'une multitude de régimes de toutes natures pourrait laisser croire que ces personnes âgées en général et les retraités en particulier sont assurés d'un troisième âge sans problèmes financiers sérieux et en harmonie avec les autres générations; or, il n'en est rien. Au lieu de reposer principalement sur le régime des rentes du Québec, la sécurité du revenu de nos aînés continue de dépendre excessivement de ces paiements de transfert qui s'apparentent en fait à une sorte d'aide sociale: les suppléments de revenu garanti. C'est d'abord à corriger cette situation que visera la revalorisation proposée. La part du salaire qui sert à calculer les rentes et les cotisations devra augmenter progressivement afin qu'augmente aussi, de son côté, le taux de remplacement du revenu surtout pour les petits salariés auxquels, comme à tous les travailleurs québécois, nous devons assurer au moins une retraite décente. Nul besoin d'ajouter que ces fonds additionnels qu'on mettra de côté serviront aussi à stimuler notre développement économique. En parallèle, on amorcera aussi le travail de révision de la Loi sur les régimes supplémentaires de rentes, pour mieux garantir les droits des participants et améliorer la transférabilité des droits acquis d'un régime à l'autre. D'autre part, on vous demandera de renforcer les dispositions législatives qui régissent le congé de maternité en vue d'assurer une stricte priorité d'embauche à la travailleuse qui veut reprendre son emploi après la naissance d'un enfant, priorité qui sera maintenant valable jusqu'à concurrence de 24 mois. C'est l'endroit, à mon sens, le plus indiqué pour annoncer en même temps que le programme d'accès à la propriété, qui est destiné en priorité aux familles qui ont de jeunes enfants, un engagement électoral auquel nous avons accordé une priorité absolue, sera prêt à entrer en vigueur dès le mois prochain et toujours avec la rétroactivité qu'on avait promise. D'autre part, devant l'inaction d'Ottawa dans le dossier de la mousse isolante d'urée formaldéhyde, la MIUF, cette catastrophe dont Ottawa porte l'entière responsabilité malgré certaines déclarations incompréhensibles, nous avons dû prendre des mesures pour dépanner les victimes de cet isolant qui sont aux prises avec un problème immédiat de santé. Le ministre de l'Habitation et de la Protection du consommateur dévoilera d'ici quelques jours les modalités d'un programme de dépannage visant à aider les familles les plus durement touchées. Un projet de loi parrainé par le ministre de la Justice constituera sur le plan juridique un des éléments de ce programme. L'objet de cette loi sera d'allonger les délais de prescription qui pourraient affecter le dépôt des poursuites judiciaires. Cette dernière mesure, qui rassurera les victimes au moins sur la préservation de leur recours, de même que l'ensemble du programme qui sera annoncé incessamment, aideront les gens à mieux traverser la période difficile jusqu'à ce qu'Ottawa se décide enfin à prendre ses responsabilités. Pour clore ce chapitre, deux réformes absolument fondamentales: celle du Code civil et celle de l'aide sociale. La première, celle du Code civil, est en marche, après des années d'étude et de mise au point minutieuse. Pour donner suite à la première grande étape, la réforme du droit de la famille, on procédera, pendant cette session, à l'étude des modifications nécessaires au Code de procédure civile déjà déposées devant la Chambre. Nous présenterons aussi un deuxième livre du Code civil lui même portant cette fois sur les personnes, les successions et les biens. Quant à l'aide sociale, le gouvernement est à préparer une réforme en profondeur qu'il entend vous soumettre dans les meilleurs délais. Mais dès cet automne, une étape préliminaire qui nous paraît indispensable servira à poursuivre l'assainissement de l'aide sociale et à rationaliser bon nombre des services existants. La réforme en profondeur, de son côté, visera d'une part à relier l'aide à la réinsertion sociale. C'est d'ailleurs l'intention qui présidait il y a quelques mois au rattachement des programmes de sécurité du revenu au ministère du Travail et de la Main d'Oeuvre. Il s'agit de mettre l'accent, comme jamais dans nos programmes de création d'emploi, sur une forme de lutte à la pauvreté qui débouche obligatoirement sur l'acquisition d'un revenu de travail. D'autre part, en établissant ainsi une meilleure redistribution des richesses, on s'efforcera aussi en contrepartie pour ainsi dire d'assurer une vie plus décente et mieux adaptée à leurs besoins réels à tous ceux dont la condition physique, mentale ou sociale permet trop difficilement ou même interdit complètement d'envisager un rôle actif sur le marché du travail. Passons maintenant à ce domaine prioritaire par excellence et ce sont les circonstances qui font qu'il arrive si loin dans ce discours puisque, en fin de compte, c'est lui qui doit entretenir tous les autres: l'économie. Nous en avons beaucoup parlé au cours de la campagne électorale et avons pris un certain nombre d'engagements précis. Depuis lors, nous avons continué à réfléchir et à nous préparer non seulement à bien remplir ces engagements, mais à amorcer correctement toute notre action économique à venir. Car, s'il est une chose que cinq années d'expérience et d'efforts nous apprennent, c'est que l'économie, ça ne s'improvise pas. On se souvient des conditions difficiles, déjà difficiles, du climat de pessimisme et de morosité dans lequel nous entreprenions dès les premiers mois de 1977, avec tous les partenaires disponibles, de redonner une impulsion nouvelle à des secteurs économiques tout entiers qu'on avait laissé péricliter. L'Opération Solidarité Économique, qu'on appelle familièrement OSE, a par la suite contribué à canaliser un esprit, un goût d'entreprendre qui se sont bientôt manifestés partout au Québec. En même temps, et de plus en plus, s'est révélé un dynamisme sans précédent de l'ensemble de nos milieux d'affaires. Le mouvement aura même entraîné une nouvelle et spectaculaire relance dans la grande région métropolitaine où le phénomène est visible à l'œil nu. Le résultat net est que notre économie a progressé au cours de cette période deux fois plus vite que celle de l'Ontario. Et cela s'est traduit par une augmentation de 230 000 emplois homologués. Un taux d'emploi qui augmente ainsi de 8,6% en quatre ans, c'est non seulement remarquable, c'est proprement prodigieux. Si je le souligne, Dieu sait que ce n'est pas pour nous passer la main dans le dos comme gouvernement. C'est tout le milieu, forcément, qui produit cela, 8,6% en quatre ans. C'est prodigieux. C'est un taux de croissance six fois plus élevé on me l'a dit à quelques reprises, je suis allé vérifier de mon mieux, je ne le croyais pas, c'est vrai que celui des trois plus grands pays de la Communauté économique européenne et même croyez le ou non deux fois plus élevé que celui du Japon. Pourtant ces 230 000 emplois, cette croissance incomparablement meilleure que dans la plupart des pays que nous connaissons n'auront pas permis de réduire en deçà de 9% un taux de chômage qui, d'ailleurs, s'est remis à monter dangereusement depuis quelques mois. Comment se fait il? À une foule de facteurs qui font partie de cette crise profonde que j'évoquais tout à l'heure et qu'on partage avec les autres s'ajoute le défi écrasant que nous lanceront encore pendant quelque temps le flot de 60 000 jeunes travailleurs et travailleuses qui viennent chaque année enrichir mais gonfler en même temps nos effectifs de main-d'œuvre. On n'est pas quand même porté à se plaindre de cet enrichissement. On en aura besoin d'année en année dans l'avenir, mais entre temps il faut les accueillir. Ce sont ces jeunes, frappant pour la première fois à la porte du marché du travail, que le chômage affecte le plus lourdement et, si l'on n'y prend garde, d'une façon qui peut devenir presque irrémédiable. C'est pourquoi, en plus des mesures que nous entendons prendre pour stimuler la croissance d'ensemble de l'économie et que j'aborderai dans quelques instants je tiens à préciser dès maintenant que le gouvernement portera une attention spéciale à ce groupe d'âge si cruellement affecté par le manque d'emploi. Ainsi, dès cette session, afin de ne pas priver le Québec ni nos entreprises de l'apport de la jeunesse et surtout pour briser le fameux cercle vicieux "pas d'expérience, pas d'emploi, pas d'emploi, pas d'expérience", nous réaliserons l'engagement que nous avons pris en avril dernier. Un bon d'emploi de 3000 $ sera remis à tous ceux et celles qui ont au moins un diplôme secondaire, sont âgés de moins de 25 ans et sont sans travail depuis 6 mois. Ils devront prendre eux mêmes l'initiative de la recherche d'embauche, et les employeurs se verront ainsi rembourser une partie du salaire attaché à la création d'un nouvel emploi, dès que celui ci aura duré au moins un an. À cette mesure, sur laquelle nous fondons beaucoup d'espoir, s'ajoutera l'effort que nous avions également promis pour assurer la relève en agriculture et permettre à un plus grand nombre de jeunes qui ont du cœur au ventre de s'intégrer à ce secteur exigeant autant qu'essentiel d'une économie, mais aussi d'une société bien équilibrée. De plus, pour une foule d'autres qui ne sont pas diplômés et qui constituent une part importante des bénéficiaires de l'aide sociale, on mettra sur pied un nouveau programme qui s'appelle pour l'instant "chantier jeunesse", dont la mission sera de parrainer les organismes privés, publics, coopératifs qui soumettront des projets communautaires valables pour ces jeunes qui sont les moins bien nantis et évidemment les plus fragiles de tous. C'est aux jeunes également que s'adressera en tout premier lieu parce que ce sont eux qui sont les plus conscients de ces nouvelles priorités un programme intensifié de cueillette et de recyclage des rebuts, qui donne déjà des résultats plus que prometteurs sous forme de projets pilotes. Avec la même ténacité dans l'action qui vient de lui mériter un prix international d'excellence, le ministère de l'Environnement s'efforcera ainsi de faire progresser, chez les générations montantes qui sont de plus en plus sensibles à cette préoccupation, cette idée toute simple mais révolutionnaire d'amener notre société de consommation terriblement gaspilleuse à devenir aussi une société de conservation. Évidemment, le succès de ces mesures demeure étroitement lié au dynamisme général de l'économie. C'est le Québec tout entier qui doit lui même se transformer comme jamais en un chantier sans cesse plus actif. Ce n'est pas facile par les temps qui courent. Un contexte économique déjà exécrable est en train de s'aggraver de plus en plus, à cause surtout, à cause en tout cas grandement de la politique monétaire pratiquée par le gouvernement fédéral qui en a le contrôle exclusif. Il faut bien se rendre compte que lorsque, avec des efforts considérables, le gouvernement du Québec parvient à créer une centaine d'emplois, dans le même temps, la politique désastreuse des taux d'intérêt risque d'en faire disparaître des centaines; pas une mais des centaines d'autres. À un moment où notre marge de manœuvre est à ce point réduite et les perspectives économiques aussi peu reluisantes, nous devons donc en tout premier lieu identifier d'abord nos priorités avec la plus grande précision, et ensuite nous assurer de la plus grande cohérence possible au plan de la réalisation. C'est dans cette perspective et dans le prolongement de l'énoncé de politique économique intitulé "Bâtir le Québec" que le gouvernement rendra public, dès cet hiver, un plan d'action économique pour les années à venir. Au cours de notre premier mandat, nous avons trimé dur pour consolider certains secteurs économiques ou industriels très importants en termes d'emplois et d'impact régional: les pâtes et papiers, l'agro-alimentaire, le textile, le vêtement, le meuble et la chaussure. Toutes ces industries ont fait l'objet de mesures et de programmes gouvernementaux qui se poursuivront au cours des prochaines années. Cette action de l'État et le dynamisme propre des entreprises ont permis à bon nombre d'entre elles, en effet, d'échapper à une mort qui paraissait certaine. Dans la plupart des cas, la santé est maintenant revenue et on pense à nouveau à la croissance et au développement, si on peut les financer, et on revient toujours à ces taux d'intérêt. Il nous faudra, au cours des prochaines années, continuer sur cette lancée et redoubler d'efforts pour moderniser tout ce qui peut l'être rentablement, mais aussi et surtout pour stimuler le développement d'industries à contenu technologique plus élevé et capables d'oeuvrer efficacement sur tous les marchés en expansion. Il faut se rappeler que, depuis 20 ans, la croissance économique a été en bonne partie alimentée par les dépenses d'investissements publics dans la construction d'écoles, d'hôpitaux et d'autoroutes. Cette phase de rattrapage est à peu près maintenant révolue. Au cours de cette décennie, il faudra donc nous tourner surtout vers la croissance industrielle en exploitant à fond les ouvertures de marchés et de productions pour lesquels le Québec dispose à la fois d'avantages comparés et d'une structure d'entreprise adéquate. Il nous faudra capitaliser particulièrement sur les retombées industrielles de grands projets pour lesquels nous sommes en position privilégiée, dans des domaines comme le matériel de transport en commun il suffit de penser à Bombardier et au LRC, par exemple la distribution du gaz naturel, l'assainissement des eaux, l'aéronautique et le transport de l'énergie. Au total, ces grands projets représenteront d'ici vingt ans des dizaines et des dizaines de milliards de dollars d'investissement, à condition de bien encadrer notre action et d'être sans cesse vigilants et agressifs. C'est justement ce genre d'éveil et d'agressivité que manifestent par bonheur depuis quelque temps nos principales sociétés d'État. C'est là un changement majeur qui s'amorce dans le sens d'un contrôle accru de notre économie et de la prise en main surtout de puissants leviers de développement. Ces sociétés d'État, elles nous sont venues de la révolution tranquille, il y a une vingtaine d'années et le long du chemin, et de la conscience qu'on prenait alors de la véritable aliénation que nous subissions dans la plupart des grands secteurs économiques. Dès le départ, même modestement, elles ont joué un rôle essentiel. En acquérant le contrôle ou des participations importantes dans une série de petites ou moyennes entreprises, elles ont effectué d'utiles regroupements qui sont encore là dans le paysage et rentables de plus en plus. Et maintenant, à quelques exceptions près, elles sont même, pour la plupart, sinon toutes, très rentables. Or, depuis peu, elles se sont mises à élargir leur rôle. À partir des énormes ressources de la Caisse de dépôt, de la gestion de certaines sociétés d'État et de la collaboration financière et administrative de groupes privés, une reprise en main de quelques unes des plus grandes entreprises qui fonctionnent au Québec est en train de se produire. C'est ainsi qu'au moment où nous poussons activement la pénétration chez nous du gaz naturel, le tandem de la Caisse de dépôt et de SOQUIP a permis de prendre le contrôle, à la fois, de Gaz Métropolitain et de Gaz Inter Cité, c'est à dire d'une des sources d'investissement et de revenus les plus importantes des années à venir. De même, la Caisse de dépôt et, cette fois, la SGF ont maintenant le contrôle effectif de la Domtar, l'une des plus grandes entreprises industrielles opérant au Québec et qui, désormais, opérera au Québec pour le Québec. Enfin, une autre collaboration étroite de la caisse avec le groupe Brascan a eu pour résultat d'acquérir une participation dominante dans la Noranda. Et il faut se rappeler ici que la Caisse de dépôt, en plus de son rôle de fiduciaire soigneux du Régime de rentes, a toujours eu cette vocation que le gouvernement précédent, en particulier, avait plutôt essayé d'estomper ou de masquer ou, en tout cas, de rendre inopérante d'être aussi un moteur du développement québécois. Cette vocation, elle est maintenant prête à l'assumer, et on le voit de plus en plus, avec les puissants moyens financiers dont sa charte lui permet de disposer à cette fin. C'est également dans cette perspective, même si dans ce cas le secteur coopératif s'est fait écarter, qu'il faut placer la concurrence que se sont livrés Provigo et la Société de développement coopératif, et qui s'est, en tout cas, soldée par le rachat au Québec des magasins Dominion. Et aujourd'hui même, on pouvait annoncer, après quatre ans, la conclusion d'un accord par lequel notre Société nationale de l'amiante du Québec achète de gré à gré la majorité des actions de General Dynamics of Canada, de façon à acquérir, du même coup, le contrôle, ici au Québec, de la Société Asbestos Ltée. Ainsi, grâce à leur épargne accumulée et à leur capacité de gestion solidement encadrée par des institutions dynamiques, publiques, coopératives et privées, les Québécois peuvent désormais songer sérieusement à cette réalisation essentielle: la prise en main de centres de décision économique, avec toutes les promesses de développement accéléré que cela contient. Mais, en même temps, un autre impératif nous oblige à nous tourner aussi vers l'extérieur. Car seules progressent vraiment les économies qui sont vraiment ouvertes sur le monde. Nous n'avons pas le choix. Il nous faut développer des champs d'excellence, de nouvelles expertises et nous tailler une place sans cesse accrue sur les marchés d'exportation. D'une part, nous devrons faire un effort sans précédent de recherche et d'innovation dans ces industries de pointe que sont, par exemple, l'électronique, l'informatique, les biotechnologies, c'est à dire l'ensemble des techniques qui sont déjà en train de révolutionner les industries pharmaceutiques, l'exploitation de la biomasse forestière, c'est à dire tout ce qui reste et qui peut produire non seulement de l'énergie, mais beaucoup d'autres choses, et l'agroalimentaire sous toutes ses formes. Un nouveau programme promis lors de la campagne électorale verra donc le jour dans les meilleurs délais. Ses dispositions permettront de stimuler les activités de recherche et de développement en réduisant le risque inhérent à toute production innovatrice. L'aide apportée permettra d'augmenter les activités de conception, de fabrication de prototypes et de mise à l'essai de nouveaux produits. Elle contribuera à soutenir et à accélérer les efforts de nos entreprises sur les marchés étrangers. Parallèlement, le gouvernement aura également l'occasion tout ça se tient de demander à l'Assemblée nationale de donner suite au plan quinquennal 1982 1987 de notre Centre de recherche industrielle du Québec. Ce plan permettra d'élargir la clientèle actuelle du CRIQ et d'accroître aussi la gamme de services qu'il peut offrir aux entreprises. Pour sa part, la SDI, la Société de développement industriel, qui est devenue l'instrument par excellence de notre politique dans ce secteur, a maintenant dix ans. Il est temps d'en faire le bilan à la lumière des nouveaux besoins et des nouvelles priorités, dont l'une des principales, où la SDI aura à tenir un rôle plus important que jamais, est l'exportation. Les économies dont le marché intérieur est restreint comme le nôtre sont condamnées à exporter sans cesse davantage. Depuis 1976, le gouvernement a fait un effort intensif dans ce secteur. On a créé l'Office québécois du commerce extérieur, on a ajouté à la SDI la vocation SDI exportation, justement, et, ensemble, elles administrent toute une série de programmes pour amener nos petites et moyennes entreprises à prospecter comme jamais les marchés étrangers, ce qui se fait de plus en plus, d'ailleurs, et avec succès. Mais ce n'est pas assez, il faut aller bien plus loin. Les programmes d'exportation seront donc modifiés, accrus et adaptés à un contexte qui évolue rapidement. Ainsi, la SDI, en plus de continuer ses activités au chapitre du crédit prospection, accordera une assistance particulière à la formation de consortiums d'exportation et au financement des contrats majeurs. Quant à l'Office du commerce extérieur, une évolution de son programme APEX, comme on l'appelle, permettra aux entreprises ainsi qu'à leurs associations d'établir une stratégie plus complète de prospection des marchés étrangers. D'autres mesures viendront également maximiser le potentiel exportateur et les retombées industrielles chez nous de nos activités de ce qu'on appelle le secteur tertiaire moteur. Je vais l'expliquer dans un instant par l'exemple que je vais choisir. Une de ces mesures, qui sera annoncée bientôt, consistera en une disposition fiscale privilégiée pour les Québécois travaillant à l'étranger. Il ne faut pas perdre de vue, par exemple c'est ça, du tertiaire moteur que le Québec compte trois des dix plus grandes firmes d'ingénierie conseil au monde qui opèrent dans cinq continents. C'est un atout que nous entendons pousser à fond, de même que l'action encore en rodage d'Hydro International. De plus, nous envisageons de nommer bientôt un ministre qui sera chargé du commerce extérieur et qui coordonnera l'effort des différents services orientés vers l'exportation. Ce ministre sera à la tête d'une équipe dont l'obsession unique sera d'être d'infatigables commis voyageurs pour stimuler des ventes qui représentent déjà plus de 40% de notre production intérieure brute et pour profiter aussi des occasions nouvelles liées à l'abolition prochaine de la plupart des tarifs douaniers. Revenons maintenant chez nous, où la politique d'achat appliquée par le gouvernement depuis près de cinq ans, doit non seulement être maintenue, mais renforcée. Cela fait partie de ces pouvoirs qu'on ne nous enlèvera pas. Dans quelques jours, à Montréal, tous les intervenants seront invités à se concerter dans le cadre d'une opération... En fait, j'ai repris là un texte que je n'ai pas eu le temps de corriger, c'est aujourd'hui même que ça commence. Ces jours ci, à compter d'aujourd'hui à Montréal tous les intervenants seront invités à se concerter dans le cadre d'une opération connue sous le nom de Supermarché public 81. Pour les fournisseurs et les acheteurs du domaine public et parapublic, ce sera l'occasion de suggérer de nouveaux moyens d'assurer toujours plus de retombées économiques en s'efforçant d'acheter toujours plus québécois et au meilleur coût possible. Notre économie en est aussi une je n'apprends rien à personne et même primordialement, de ressources naturelles. C'est sa base de départ et, à beaucoup de points de vue, pour beaucoup de projets, c'est aussi sa base d'arrivée, si on sait s'en servir. Il va donc falloir poursuivre et améliorer les efforts que nous faisons du côté des mines, de la forêt ou des diverses sources d'énergie, y compris les énergies nouvelles, secteurs pour chacun desquels nous avons maintenant des sociétés québécoises qui sont devenues des instruments efficaces. Et sans doute faudra t il faire de même, se doter d'un instrument dans un proche avenir, pour cette ressource primordiale entre toutes qu'est tout simplement le fleuve Saint Laurent, lui qui a accompagné toute notre histoire, qui fut dès le début le chemin d'eau indispensable, il apparaît désormais comme une possibilité prochaine qu'on puisse le mettre en valeur systématiquement. Nous avons décidé d'accélérer la première grande étape de cet apprivoisement définitif du fleuve, le projet Archipel appelé à métamorphoser pour le mieux toute la grande région métropolitaine. Et, pour nous aider à définir la perspective d'ensemble, le Québec sera, l'an prochain, l'hôte d'un colloque international de spécialistes consacré à l'état de santé et à l'avenir de tout notre grand bassin fluvial. Le développement régional, qui est, lui aussi, intimement lié à la question des ressources, deviendra en même temps une préoccupation centrale du gouvernement qui entend soutenir de plus en plus adéquatement les initiatives régionales en respectant les aspirations et le cheminement des communautés concernées, ainsi que leur dynamisme propre. Dans la mesure où les efforts préalables auront été faits, deux sommets régionaux seront d'ailleurs tenus au cours des douze prochains mois, ici, dans la région de la capitale nationale, et en Mauricie, à ce chapitre du développement régional et de la concertation, il faut aussi inclure déjà une conférence socio économique sur l'industrie de la pomme, qui a subi récemment des pertes importantes, et qui demeure pour certaines régions, un des fondements de toute leur économie, une autre sur la recherche agro alimentaire, ainsi qu'une table de consultation sur le développement de l'industrie québécoise des alcools. Le gouvernement entend donc réaffirmer sa détermination de faire du développement économique sa préoccupation principale au cours de ce mandat, en dépit des contraintes de toutes sortes, qu'elles soient constitutionnelles ou conjoncturelles. Les Québécois n'attendent rien de moins, bien qu'ils sachent très bien aussi que plusieurs des principaux leviers échappent encore à notre contrôle. C'est d'ailleurs ce qui rend d'autant plus nécessaire le meilleur emploi possible de tous les facteurs de développement que nous détenons en propre; ce qui exige une harmonisation des intérêts différents, mais complémentaires, du capital et du travail, ces deux éléments indispensables de tout progrès économique. Un peu partout, dans les milieux syndicaux comme patronaux, tant chez les financiers et cadres que chez les travailleurs, on note à ce sujet une prise de conscience qui est en train de s'accentuer. Les enjeux sont d'une importance capitale, touchant aussi bien l'efficacité de la production que la qualité des relations de travail, aussi bien les chances de succès et d'expansion de nos entreprises. Le gouvernement a été amené, depuis quelques mois on en a parlé assez précisément, pendant la campagne électorale à se pencher sur la formule qui émerge de cette évolution, celle de la participation. Comme il s'agit d'abord d'y voir clair et qu'on ne saurait brûler les étapes, nous entendons former, d'ici la fin de l'année 1981, une commission d'étude, de consultation et de mise en place de mesures destinées à favoriser cette tendance prometteuse à la participation des travailleurs dans l'entreprise. On y étudiera, avec un soin particulier, les moyens d'arriver à un nouvel équilibre des responsabilités et des intérêts quant à la propriété et au financement, quant à l'organisation du travail et quant au partage éventuel des profits. Enfin, même si le domaine de l'économie n'est pas de ceux où on agit beaucoup par voie de législation c'est par voie d'actions concrètes et par voie de programmes surtout, par voie de projets, que l'économie se développe cela demande quand même de la législation parce qu'il faut mieux encadrer certains secteurs, lever des obstacles au développement, et dans ce sens, d'abord, nous allons entreprendre, et rapidement, la réforme du cadre juridique de nos institutions financières afin d'en garantir la solidité. Est il besoin de rappeler, à la suite du rapport du groupe d'étude sur l'épargne au Québec, et certains événements qui sont encore récents, à quel point cette réforme est à la fois fondamentale et urgente? La pièce maîtresse sera la refonte complète de la Loi sur les coopératives d'épargne et de crédit et également de la Loi sur les coopératives. Par suite des épreuves que nous connaissons, nous aurons sans doute à réviser aussi le statut des Caisses d'entraide économique et à envisager également des réformes à l'assurance dépôts. De plus, en amendant la Loi sur les connaissements, nous faciliterons l'expansion de nos institutions financières dans le domaine des prêts commerciaux et industriels à court terme. Après consultation, on procédera également à une refonte du crédit agricole qui, pour demeurer ce moteur du développement qu'il a toujours été, doit être adapté aux réalités d'aujourd'hui, entre autres, aux exigences de la génération de la relève qu'il faut aider à prendre un bon départ. Les lois sur les terres de colonisation seront, elles aussi, refondues dans une nouvelle loi sur les terres publiques agricoles afin d'en faciliter la vente ou la location selon des modalités qui seront plus modernes et plus souples que celles qui existaient dans l'ancienne loi, qui est là depuis trop longtemps. Et l'on présentera aussi une révision de la Loi sur les coopératives agricoles. Nous allons également proposer c'est plus que le temps la révocation des droits de mines qui avaient été concédés avant 1880 et qui n'ont jamais été exploités afin de favoriser enfin l'exploration et la mise en valeur des ressources minières. Cela s'applique surtout, comme on le sait, dans les Cantons de l'Est. À la suite du colloque de Gaspé, au printemps de 1980, et conformément aux recommandations d'une conférence économique sur la qualité des produits marins qui a été tenue à Sept Iles au mois de mars, nous serons amenés à voter aussi une loi sur les produits agricoles, les produits marins et les aliments qui servira de guide au mouvement de modernisation de l'industrie de la pêche au Québec. Nous vous demanderons aussi d'autoriser le gouvernement à acquérir, même par expropriation si nécessaire, les terrains requis pour l'établissement d'un terminal gazier à Gros Cacouna. Nous vous proposerons encore de donner des moyens additionnels à certaines sociétés d'érable. A cet égard, nous entendons particulièrement réviser la Loi créant la Raffinerie de sucre du Québec et aussi mettre sur pied une société autonome pour gérer certains équipements gouvernementaux dans des domaines comme l'hôtellerie et le loisir. Dans le secteur du transport, compte tenu, notamment, de l'augmentation des coûts du pétrole, nous allons entreprendre une vaste opération de réorganisation et de rationalisation, d'abord, par la création d'une Société nationale des transports pour gérer efficacement les intérêts que le gouvernement possède mais un peu de bric et de broc, jusqu'ici dans le transport maritime, dans le transport aérien et dans le transport routier. Ensuite, il y aura la présentation d'une loi destinée on connaît déjà le projet à assurer la polyvalence du transport scolaire. Enfin, on procédera à l'intégration du transport en commun métropolitain et à l'établissement de la tarification interzonale pour les usagers de Laval et de Montréal ainsi que Longueuil et les autres villes desservies par la Commission de transport de la rive sud. C'est sur la région métropolitaine également que portera cette année notre effort le plus marquant en matière de réforme municipale, une autre préoccupation majeure à laquelle nous avons consacré beaucoup de temps et d'énergie depuis cinq ans. Nous déposerons prochainement un projet de loi amendant la Loi de la Communauté urbaine de Montréal. Pour une foule de raisons, les grandes réformes municipales des dernières années n'ont que peu touché à cette institution qui concerne près de 2000 non de Québécois. Le temps est venu d'y voir, maintenant que nous avons en main les mémoires de tous les intéressés et que le comité ministériel mis en place il y a quelques mois arrive au terme de ses travaux. Cette réforme, nous voulons la faire dans la recherche d'un équilibre véritable reflétant la dimension culturelle de la région et la place que Montréal doit y occuper comme métropole francophone et comme moteur économique non seulement régional ou pan-québécois, mais nord américain. La communauté urbaine, pour l'exercice de ses compétences, devra se doter en même temps de structures de décision qui respectent la responsabilité de tous les élus et qui assurent un fonctionnement à la fois efficace et si possible vraiment communautaire. Autre domaine où des changements de haute importance pourraient également se profiler à l'horizon, l'éducation. Déjà, on en parle suffisamment pour que nul n'ignore qu'il s'agit d'un réaménagement de notre système d'écoles primaires et secondaires. Cela n'exclut pas, bien sûr, que, dans cette évolution constante qui est et qui doit être le lot de l'éducation partout dans le monde, on se penche également sur les autres secteurs, et c'est ce qui se fera dans les mois qui viennent. Mais si nous voulons vraiment une éducation de qualité en dépit des difficultés financières qu'il faut traverser, c'est à la base même de l'édifice qu'il nous semble indiqué d'effectuer avant longtemps certaines réfections qui tardent déjà. Le gouvernement envisage donc le réaménagement que j'ai évoqué, mais il n'en sera pas question tant que toutes les consultations en cours ne seront pas terminées et tant que le plus large des consensus ne se dégagera pas de l'ensemble du milieu. Nous aurons également, comme d'habitude, à enchaîner sur bon nombre de sujets qui arrivent à maturité. Le travail législatif devient de plus en plus un processus continu où la session qui commence ou la session qui s'achève ne font que ponctuer le flot ininterrompu de projets de loi, de travaux de commissions parlementaires qui se succèdent à longueur d'année. C'est ainsi que nous aurons très bientôt à compléter l'étude définitive du très important c'est le moins qu'on puisse dire projet de loi no 16 concernant le nouveau cadre juridique et financier d'Hydro Québec sur lequel, je crois, nous sommes déjà assez bien informés de part et d'autre. Dans le domaine des affaires culturelles, nous serons appelés à renforcer substantiellement les moyens dont dispose la SODIC, la Société de développement des industries culturelles afin d'élargir la portée et l'efficacité de son mandat. D'autre part, la nouvelle Loi des archives, qui s'est fait attendre assez longtemps, viendra assurer enfin la conservation et aussi la diffusion de nos sources historiques, aussi bien nationales que familiales, ce qui devrait nous sensibiliser tous à l'intérêt de nos racines et à l'importance d'en conserver les traces. De plus, on révisera les lois de la Place des Arts de Montréal et du Grand Théâtre de Québec. Enfin, un sujet qui, autant sinon plus que tout autre, nous accompagne et nous préoccupe désormais de façon permanente, c'est celui des relations entre l'État et le citoyen. Forcément, à mesure qu'elle se développait et se diversifiait pour répondre à des besoins de plus en plus nombreux et complexes, la machine administrative s'est bureaucratisée et est devenue elle même d'une complexité presque inextricable. On sait à quel point non seulement l'efficacité, mais aussi l'accessibilité et l'humanité peuvent ainsi être compromises si on ne fait pas attention. Nous procéderons, dans cette perspective, parce que c'est dans cette perspective peut être principalement que cela doit se situer, à un réexamen critique, et nous l'espérons pragmatique aussi, de la Loi sur la fonction publique afin de mieux l'ajuster aux objectifs qui ont présidé à son adoption il y a quelques années. Nous poursuivrons aussi inlassablement l'effort d'humanisation de l'administration publique dans lequel nous sommes engagés depuis quelque temps. Ainsi, la politique d'identification des fonctionnaires déjà réalisée dans la fonction publique est présentement en voie d'implantation dans le réseau des affaires sociales. De plus, en continuant de plus belle la lutte à la paperasse, plusieurs réglementations désuètes seront encore abolies incessamment. Quant au prochain geste significatif, ce sera la mise en place d'un système de "pilote" unique dont nous parlions déjà il y a quelques mois, de façon à ce que le citoyen qui s'adresse à l'administration puisse toujours compter sur un seul interlocuteur bien identifié et personnellement responsable de la bonne marche du dossier. Voilà donc beaucoup de pain sur la planche, en même temps que de gros nuages à l'horizon. Pour l'Assemblée nationale comme pour tous les Québécois, l'heure est à une productivité exemplaire qui nous permette d'ici le printemps prochain de réaliser cet ambitieux programme législatif. Le gouvernement s'engage, pour sa part, à mettre en marche en même temps toutes les actions précises que je viens d'évoquer. Dans tous les secteurs essentiels de la vie collective, il y a là, en dépit des difficultés, des progrès notables, je crois, à accomplir. Et pour ce qui est de notre sécurité et de notre dignité nationales, les menaces qu'on voit s'accumuler à court terme ne sauraient nous enlever la confiance absolue que nous donne, pour l'avenir, la performance assez extraordinaire du peuple québécois au cours des 20 dernières années. Ce qu'il faut surtout éviter d'abandonner pendant ces 20 autres années qui vont nous mener à la fin du siècle, c'est cette direction essentiellement instinctive et pour ainsi dire organique que nous avons suivie depuis les années soixante et la confiance en nous mêmes qu'elle nous aura donnée. Il y a 20 ans, à l'aurore de notre toute nouvelle ouverture sur le monde, c'est cet élan qui nous emportait déjà que le premier ministre Lesage avait décrit avec cette fierté claironnante: "Nous, Québécois, disait il, jusqu'à maintenant notre situation historique et géographique nous a forcés de devenir ce que nous sommes; nous voulons désormais être ce que nous pouvons devenir!" Comme je le disais, c'est avec cet élan que nous avons renoué de notre mieux depuis cinq ans. Et c'est encore lui, j'en suis sûr, qui nous permettra non seulement de passer au travers d'une période semée d'embûches et même, à l'occasion, de sacrifices, mais d'y découvrir à quel point nous sommes capables de nous occuper de nos propres affaires et de les mener à bien, autant que n'importe qui dans le monde et infiniment mieux que ceux qui prétendent encore, et même davantage en ce moment, le faire à notre place. Merci.