Province Législature Session Type de discours Date du discours Locuteur Fonction du locuteur Parti politique Québec 33e 2e Discours d’ouverture 8 mars 1988 M. Robert Bourassa Premier ministre PLQ M. le Président, on comprendra que je veuille, en tout premier lieu, souligner cette Journée internationale de la femme et réitérer à quel point cette Assemblée constitue un lieu privilégié pour ce faire, puisqu'elle compte présentement le plus grand nombre de femmes parlementaires de son histoire. Je suis particulièrement heureux, M. le Président, que les députés des deux côtés de cette Chambre aient accepté de tenir aujourd'hui un débat sur une importante question d'avenir. En effet, ce long, patient et ardu combat des femmes est au cœur de l'évolution de notre société puisque l'égalité qu'elles revendiquent à juste titre en est la pierre d'assise. Je tiens également à faire remarquer que notre gouvernement a, depuis le début de son mandat, nommé plusieurs femmes au sein de postes décisionnels des secteurs public et parapublic et qu'il entend continuer dans cette voie tout comme il entend respecter les engagements qu'il a pris pour faire de l'égalité des femmes et des hommes une réalité durable. Je sais, M. le Président, qu'il reste encoure beaucoup à faire et que les interventions gouvernementales ne pourront à elles seules tout régler, mais nous avons la ferme intention de poursuivre avec détermination la réalisation de cet objectif d'égalité. À la suite de l'énoncé par le lieutenant-gouverneur des intentions législatives, je voudrais, ce après-midi, traiter particulièrement de quelques priorités liées à l'avenir du Québec, notamment pour ce qui a trait à sa stabilité politique, à son progrès économique, en regard notamment du traité de libre-échange, à la question de l'énergie, où j'aurai une annonce très importante à faire, et à son développement socioculturel. Bref, où allons-nous? Où allons-nous comme société, à la lumière des défis qui confrontent nos sociétés contemporaines? En traitant de stabilité politique pour le Québec, comme pour le Canada, on ne peut que souligner l'importance de ratifier l'accord du lac Meech. Lors du référendum de 1980, le Québec a signifié au reste du Canada ce qu'il attendait de ses partenaires, c'est-à-dire participer à un Canada renouvelé. Depuis des décennies, on entendait partout au Canada anglais: What does Québec want? Eh bien, nous, une fois au pouvoir, en respectant notre programme pour lequel nous avions été élus. Maîtriser l'avenir, nous avons fait des propositions constitutionnelles qui représentaient les demandes du Québec. On doit constater que ces propositions, comme on le sait, ont été acceptées par tous les partenaires de la Confédération. On doit aussi noter, en premier lieu, que neuf mois se sont écoulés depuis cet accord constitutionnel sans qu'aucune erreur n'ait été relevée. On sait que, de tous ceux qui ont témoigné à différentes commissions parlementaires, que ce soit à Ottawa ou dans d'autres provinces, plusieurs ont signalé jusqu'à quel point cette entente était une grande réussite pour l'unité canadienne. Elle n'est pas parfaite, évidemment, mais après 25 années d'affrontements, de négociations et de discussions, elle représente un progrès indéniable pour la stabilité politique de notre pays. L'accord comporte, de plus, un gain net pour l'ensemble des partenaires canadiens. Il garantit notamment une meilleure concertation entre Ottawa et les provinces, tout en civilisant les rapports internes au sein de la Fédération canadienne. C'est clair qu'une réouverture de l'accord ne garantit d'aucune façon que les acquis actuels seraient intouchés. On sait que, jusqu'à la ratification de cet accord, toute réforme constitutionnelle est bloquée au Canada. Il est impensable politiquement qu'on puisse entreprendre de réformer, de modifier la constitution du pays sans que le Québec puisse être un partenaire. Tout ce qu'on peut souhaiter, c'est cette adoption de l'accord du lac Meech par tous les partenaires. Et plus vite l'accord sera adopté, plus il sera possible d'entreprendre cette deuxième ronde de négociations. La ratification de l'accord permettra au pays de débloquer cette impasse constitutionnelle découlant de l'exclusion politique du Québec et de reprendre la vie normale. Le Canada a déjà attendu cinq ans et il est clair, il est évident que si nous ne faisons pas cette ratification, nous aurons une nouvelle impasse avec très très peu de chance de pouvoir la dénouer au cours des prochaines années. Le renforcement de la fédération, c'est l'objectif qui nous unit et nous devons tous ensemble nous assurer de l'atteindre. En mettant en relief l'importance de la stabilité politique, nous voulons aussi favoriser, puisque les deux sont intimement liés, le progrès économique de Québec. On connaît le bilan: Le taux de croissance des nouveaux emplois pour le Québec - pour donner simplement quelques chiffres très rapidement - a été de 3,5% en 1987, dépassant nettement celui du Canada, 2,8%, et également celui de l'Ontario qui était de 3,3%. Depuis deux ans, les objectifs du gouvernement en matière de création d'emplois ont non seulement été atteints mais dépassés. Nous avons présentement une situation encourageante pour l'avenir. La création d'emplois pour 1988 a très bien commencé, avec une création de 122 000 emplois de janvier 1987 à janvier 1988. Nous pouvons également espérer une stabilisation du taux de l'inflation, notamment, avec un taux de change plus favorable au dollar canadien. Nous avons déjà fait des propositions pour qu'on puisse stabiliser le taux de change à un niveau de 0,80$ ou inférieur à 0,80$ parce que, déjà cela constitue, par rapport à une quinzaine de mois, une augmentation de 10% et comme l'ensemble des Canadiens et des Québécois consomment 35% de biens qui viennent de l'extérieur, ceci contribuera substantiellement à stabiliser le taux de l'inflation. Également, la baisse internationale du prix du pétrole favorisera une réduction de la hausse des prix, il y a aussi cette attitude très responsable de l'ensemble des travailleurs du Canada et du Québec pour ce qui a trait à l'augmentation des niveaux de salaires. Donc, si nous voulons examiner l'avenir économique au cours des prochaines années, on doit constater et conclure que nous nous orientations vers une activité économique fort acceptable et des taux d'intérêt qui seront très probablement stables et qui pourraient même baisser. Il y a aussi lieu de constater que l'économie américaine maintient un dynamisme qui est encourageant pour l'économie canadienne et l'économie québécoise, étant donné que nous exportons, comme vous le savez, 20% de la production québécoise aux États-Unis. Il y a aussi le développement de tous ces marchés européens et asiatiques. Si le taux de change du dollar canadien est favorable par rapport au dollar américain, s'est accru, par ailleurs, vis-à-vis des autres continents, les autres marchés qui existent, nous avons un avantage pour exporter et nous pourrons le développer. Nous pourrons tenir compte également, dans nos politiques économiques, du marché économique européen qui devrait commencer en 1992. L'objectif du gouvernement, on le sait, on l'a répété, est de réduire le poids du service de la dette. Nous avons là aussi, comme dans le domaine des emplois, des résultats très intéressants. Par exemple, pour l'année 1987-1988, nous avons des excédents budgétaires de 450 000 000 $ et ceci nous permet sûrement de préparer la prochaine année financière avec un déficit qui sera inférieurs à 2 000 000 0000 $. M. le Président, si nous mettons tellement l'accent sur cette réduction du déficit et du service de la dette, c'est qu'elle nous permet d'établir des réductions d'impôt, nous avons une plus grande croissance économique. Nous voulons comme gouvernement - et après deux ans, je crois qu'on peut être fiers de nos résultats - briser ce cercle infernal d'une augmentation de la dette qui force à une augmentation des impôts et, par la suite, à une nouvelle augmentation de la dette. Je crois qu'on peut dire que, comme gouvernement, nous avons maintenant réussi à briser ce cercle vicieux touchant les dettes, les impôts et l'augmentation du service de la dette. Il y a évidemment aussi, comme autre facteur de croissance économique, toute cette promotion des investissements étrangers où le gouvernement s'est révélé très actif. Un élément vital pour l'avenir économique du Québec a trait, comme vous le savez, au traité de libre-échange qui est un point tournant dans l'histoire économique du Québec et du Canada. Si l'accord du lac Meech est fondamental pour la stabilité politique du Canada et du Québec, le traité de libre-échange est, lui aussi, vital pour notre avenir économique. Le but de ce traité, comme vous le savez, est de maintenir et d'améliorer l'accès du Québec au marché américain, marché très important pour nos exportations. Le Québec, on le sait, a négocié avec beaucoup de vigilance. Plusieurs conditions et propositions ont été faites. Conditions de l'appui du Québec: respect intégral de ses compétences législatives, respect intégral de ses lois, programmes et politiques dans les domaines de la politique sociale, des communications, de la langue et de la culture, maintien de la marge de manœuvre nécessaire pour atteindre les objectifs de modernisation et de développement de son économie dans toutes les régions - on sait que nous pourrons continuer, en vertu de cette entent du libre-échange, de développer, de pratiquer et d'accroître nos politiques de développement régional - obtention de périodes de transition et mise sur pied de programmes d'assistance pour les entreprises et les travailleurs dans les secteurs les moins concurrentiels mise en place d'un mécanisme de règlement des différends auquel seront associées les provinces, maintien d'un statut spécial pour l'agriculture et les pêcheries. L'accord comporte suffisamment de gains importants pour le Québec et le Canada dans son ensemble pour mériter l'appui du gouvernement du Québec. À cet égard, le gouvernement avait aussi obtenu le respect d'exigences spécifiques au cours des négociations, comme l'inclusion de l'article 15 des accords du GATT pour donner une plus grande protection aux agriculteurs. Le système de soutien aux agriculteurs, notamment les agences de gestion et de l'offre et les plans de stabilisation, est donc maintenu. Le Québec, bref, a donné son accord à cette entente de libre-échange afin de rendre son économie plus moderne, plus efficace et plus productive et, avec cet accord, le Québec peut être plus confiant vis-à-vis de son avenir économique en raison de plusieurs facteurs. Il peut faire confiance à cette concurrence accrue pour lui parce qu'il a des richesses naturelles abondantes parce qu'il a un développement de l'innovation technologique particulièrement rapide. M. le Président, l'idée force qui supporte tous ces avantages: comment se fait-il que nous, nous puissions profiter tellement de cette richesse hydroélectrique en exportant des surplus dont nous n'avons pas besoin? Cette idée repose tout simplement sur le concept du devancement du développement de ressources renouvelables. Donc, comme nous devançons, il n'est pas question de construire des barrages pour des fins uniquement extérieures, nous ne faisons qu'avancer la construction qui, de toute manière, serait nécessaire pour faire face aux besoins internes et comme il s'agit de richesses renouvelables, éternellement renouvelables, plus nous retardons ce devancement, plus nous gaspillons une richesse collective qui pourrait tellement aider à satisfaire des besoins du Québec. C'est une idée, M. le Président, que je défends avec acharnement depuis plusieurs années. Le fait de pouvoir permettre à cette richesse du Québec de profiter à la collectivité québécoise était pour moi une forme concrète de patriotisme. J'ai eu l'occasion, dans plusieurs volumes, d'expliciter les avantages de cette question. J'ai toujours souhaité le moment où on pourrait relancer ces travaux, notamment en profitant des marchés d'exportation. Eh bien, M. le Président, ce moment est arrivé et c'est avec beaucoup de fierté et avec une profonde joie que j'annonce à l'Assemblée nationale le début des travaux de la phase 2 avec un développement très important de 7 500 000 000$ et quelque 40 000 nouveaux emplois ou personnes-années. On comprendra, M. le Président, que faire cette annonce, pour moi, aujourd'hui, à l'Assemblée nationale, constitue l'un des meilleurs moments de ma carrière politique. Si nous examinons quelques secondes les raisons qui peuvent me permettre de faire cette annonce aujourd'hui, elles sont évidemment liées aux contrats que nous avons signés pour quelque 2500 mégawatts, on comprend facilement, avec des exportations qui nous donnent 40 000 000 000 $, le lien qui existe avec ces contrats ou ces ententes qui seront ratifiés, vraisemblablement, dans deux cas, d'ici à quelques mois, et ces nouvelles constructions. On sait que ces contrats vont rapporter des revenus jusqu'en l'an 2029, donc au cours des 30 prochaines années. Il y en aura d'autres qui suivront, M. le Président. Puisque ces contrats vont produire des revenus pour les 30 prochaines années, j'ai déjà dit que ce sont essentiellement et surtout les jeunes d'aujourd'hui qui pourront profiter de cette augmentation de la richesse collective. À la construction de ces trois centrales s'ajoutera une construction de ligne de transport, en plus de l'impact dans plusieurs régions. Par exemple, les fabricants de turbines dans les régions du Québec pourront profiter de ces développements hydroélectriques. On peut ajouter, à la lumière de ce qui est déjà connu, qu'il y a d'autres négociations en cours qui paraissent très prometteuses et nous espérons vivement pouvoir faire des annonces similaires au cours des prochains mois ou des prochaines années. Il n'y a pas de doute que cette annonce que je viens de communiquer à l'Assemblée nationale et à l'ensemble de la population est une raison de plus pour nous donner confiance dans l'avenir économique du Québec. Également, tout cela se fera en pleine conformité avec les exigences gouvernementales en matière de protection de l'environnement. C'est logique, puisque la qualité de l'environnement, je l'ai mentionné depuis plusieurs semaines, est devenue une grande priorité du gouvernement. Dans cette question de l'environnement, on a aussi un impact économique indéniable. Dans cette question, le gouvernement privilégie une approche intégrée. Ainsi, concernant l'assainissement des eaux, nous pourrons coordonner les trois volets: urbain, agricole et industriel. Du côté urbain, nous investirons encore 3 500 000 000 $ d'ici à dix ans, pour un programme total de 6 000 000 000 $. Du côté agricole, nous investirons près de 400 000 000 $ d'ici à dix ans, 148 000 000 $ de la part des agriculteurs et 8000 emplois seront générés dans toutes les régions. Du côté industriel, nous comptons bientôt adopter une nouvelle politique d'assainissement industriel, ce qu'on appelle l'approche intégrée eau-air-sol, une première en Amérique du Nord, qui sera mise en place dès cette année. Ainsi, d'ici à dix ans, nous voulons redonner à la population l'usage de nos cours d'eau, notamment le fleuve Saint-Laurent, améliorer et garantir la qualité de nos sources d'approvisionnement en eau potable. Il y a aussi, dans ce secteur de l'environnement, du développement de l'environnement, un autre secteur d'importance: la récupération par le recyclage. Ainsi, la récupération du papier conserve la ressource forestière. Deux multinationales considèrent maintenant l'implantation d'une usine de recyclage de papier où elles vont investir des sommes importantes. De plus, le programme éducatif que nous avons lancé dans les écoles en 1986, en coopération avec plusieurs intervenants, pour sensibiliser les jeunes au recyclage, impliquera, l'an prochain, 75 000 étudiants au Québec. La qualité de vie est évidemment inséparable, dans cette question d'environnement ou de développement économique, de développement social et des soins de la santé, comme nous l'avons entendu il y a quelques instants. Des efforts énormes ont été faits et se poursuivront. En regard de l'avenir du Québec pour son progrès culturel, ceci demeure un objectif fondamental que nous voulons pleinement assumer, que ce soit avec des politiques d'immigration dont nous avons déjà parlé, que ce soit dans la question de la langue, de la protection de la langue; on connaît les trois facteurs qui vont guider le gouvernement dans sa politique définitive, c'est-à-dire l'avenir de la collectivité francophone, le respect des libertés individuelles et la paix sociale. Je me permettrai, M. le Président, de noter au passage une déclaration d'une personne très respectable de cette Chambre, dont Son Excellence le lieutenant-gouverneur a fait l'éloge il y a quelques instants, et qui mentionnait la loi de la Californie pour ce qui a trait à l'affichage unilingue. Je lui demanderais ou je souhaiterais, de toute manière, qu'il y ait une personne charitable au sein de l'Opposition qui puisse mieux informer le chef de l'Opposition puisqu'il n'y a pas de telles restrictions dans la loi de la Californie, ni dans celle de la Suisse, ni dans celle de la Belgique. Mais nous aurons sûrement l'occasion de discuter de cette question avec l'Opposition. Je terminerai, M. le Président, par quelques mots sur un problème qui remet en cause directement l'avenir du Québec francophone, c'est-à-dire la démographie. L'État a sûrement sa responsabilité dans cette question. On sait que, durant les siècles, c'est le dynamisme familial qui nous a permis d'avoir une place dans l'histoire des peuples et si nous voulons regarder l'avenir avec confiance, nous devons retrouver ce dynamisme familial. Nous avons connu une diminution radicale des naissances au cours des trente dernières années. On connaît l'évolution du taux de fécondité: 3,9% en 1956 et 1,4% en 1986. Or, des moyens existent pour diminuer ce déficit démographique: une politique d'immigration dont a parlé et une politique familiale. Depuis deux ans, le gouvernement a fait des efforts en ce sens dont, entre autres, l'amélioration des services de garde à l'enfance, ajustement au régime d'imposition des familles à faible revenu, aucun impôt à payer pour les familles de deux enfants et plus gagnant moins de 21 000 $, adoption récente de l'énoncé des orientations et de la dynamique administrative pour une politique familiale, dépôt du projet de loi 94 sur la création d'un conseil de la famille. Il y a aussi des mesures qui doivent être prises: aide financière aux familles, consolidation et augmentation de cette aide financière par le biais de divers programmes. Lors du prochain budget, il y aura des mesures concrètes et importantes pour ce soutien à la famille: rendre plus compatibles les conditions de travail et les responsabilités parentales, après consultation du monde patronal; revoir la Loi sur les normes du travail en ce qui a trait notamment au congé parental non rémunéré avec garantie d'emploi; aménager le temps de travail, développer des garderies en milieu de travail et en milieu scolaire; assurer à chaque famille l'accès à un logement adéquat par la mise en place de programmes pour améliorer la sécurité financière et la stabilité du milieu familial par un programme d'accès à propriété. Voilà donc, M. le Président, quelques-uns des objectifs qui nous paraissent essentiels au progrès de notre société. Je suis convaincu qu'en les réalisant, le Québec deviendra une société plus juste, plus prospère et plus dynamique. Merci, M. le Président.