Province Législature Session Type de discours Date du discours Locuteur Fonction du locuteur Parti politique Québec 35e 2e Discours d’ouverture 25 mars 1996 M. Lucien Bouchard Premier ministre PQ M. le Président de l'Assemblée nationale, M. le chef de l'opposition officielle, Mmes et MM. les ministres, mesdames, messieurs de l'Assemblée nationale, Mmes et MM. les chefs de missions diplomatiques, distingués invités, mesdames, messieurs, plusieurs d'entre nous étions réunis dans une grande salle, la semaine dernière, dans notre capitale. Sur les murs et sur les écrans, il y avait un mot d'ordre, «Oser choisir ensemble». Il s'agissait de mettre toute la société québécoise devant sa responsabilité et de lui redonner les moyens de sa solidarité. Nous l'avons fait, je l'ai dit, au-delà de toutes nos attentes. Aujourd'hui, c'est le gouvernement du peuple québécois qui prend sa responsabilité et qui incarne, par ses décisions, la nécessaire solidarité qu'on nomme parfois de l'expression «le bien commun». Le discours inaugural, le dépôt des crédits qui s'effectuera cette semaine et le discours du budget qui sera prononcé ce printemps doivent être placés sous un autre mot d'ordre, plus urgent encore que celui de la semaine dernière: «Oser agir ensemble». Alors même que les chantiers mis en place mercredi dernier s'ouvrent pour conduire à de grandes décisions à l'automne, nous, du gouvernement, de l'Assemblée nationale et de l'appareil d'État avons fort à faire pour procéder immédiatement aux réformes qui ne peuvent attendre, aux actions qui doivent avoir un effet à très court terme, aux orientations qui doivent accélérer, dès les prochaines semaines, l'élan que le Québec veut prendre. Depuis 10 jours et un peu plus, grâce à la complicité active de tous les acteurs de notre société, les Québécoises et les Québécois ont fait principalement deux choses. Ils se sont engagés, avec un calendrier précis, dans une grande opération de justice entre les générations, une grande opération qui permettra aux générations à venir d'hériter l'espoir plutôt que la difficulté, en faisant disparaître les déficits, en matant le monstre de l'endettement et en leur substituant des emplois et l'égalité des chances. La deuxième réalisation, encore fragile, est d'avoir fait une brèche dans le mur de la morosité, du pessimisme et de la démission. Voilà qui est extraordinairement précieux. Nous avons suscité ensemble des attentes d'autant plus grandes que l'espoir économique nous avait presque quittés. Nous n'avons pas le droit de faillir à notre tâche. Il nous incombe d'élargir la brèche, de chasser la morosité, de redonner ses droits à l'optimisme. Pour cela, il faut que le gouvernement québécois et que l'Assemblée nationale mettent l'épaule à la roue et concentrent, au cours des mois qui viennent, leur considérable énergie à faire avancer le Québec sur plusieurs fronts. D'abord, l'emploi, pour engager tout de suite le mouvement de relance et permettre aux réformes du sommet de l'automne de s'établir sur un terrain déjà plus propice. Il nous faut atteindre aussi notre objectif commun de réduction du déficit pour l'année qui s'ouvre, c'est-à-dire le ramener à 3 270 000 000 $ par une gestion plus rigoureuse que jamais de notre budget et de nos dépenses. Il faut agir tout de suite pour la métropole et les régions, l'éducation et la culture, la solidarité et l'équité sociale, la qualité et la probité de l'administration publique. Il faut avoir fait notre travail dans ces dossiers que je viens d'énumérer, car, les 30 et 31 octobre et le 1er novembre prochains, le sommet de la décision viendra mettre à notre porte sept dossiers géants qu'il faudra alors mettre en œuvre. Je les énumère. Un plan de travail sur la création d'emplois présenté par le chantier de l'entrepreneur et pharmacien M. Jean Coutu, qui mettra en train des programmes d'apprentissage, de stages en entreprise, des programmes de premier emploi, d'aménagement et de partage du travail et du temps supplémentaire, entre autres choses; ensuite, un plan de travail sur la relance de Montréal, préparé par le chantier de M. André Bérard, président de la Banque Nationale; un plan de travail sur l'économie sociale, proposé par le chantier de Mme Nancy Neamtan, porte-parole de la Coalition des organismes communautaires pour le développement de la main-d’œuvre; une proposition complète de réforme de l'éducation, issue des états généraux sur l'éducation, dont le mandat vient d'être élargi et précisé par la ministre de l'Éducation; une proposition de réforme globale de la fiscalité, élaborée par une commission itinérante; une proposition étoffée de loi sur l'élimination du déficit, soumise par le ministre de l'Économie et des Finances; une réforme de la sécurité du revenu, s'appuyant sur les rapports de MM. Camille Bouchard et Pierre Fortin et présentée par la ministre de l'Emploi et de la Solidarité. J'avise donc amicalement les membres de l'Assemblée nationale qu'ils ne doivent prendre aucune disposition pour s'éloigner dans les semaines qui suivront le sommet de l'automne. Ce sera, je l'espère, une des périodes les plus chargées et les plus fructueuses de cette noble Assemblée. Je les avise aussi que cet échéancier nous laisse peu de temps d'ici là pour agir. L'année 1996, vous le voyez, s'annonce comme l'année de la convergence des idées, des chantiers et des décisions. Et comme l'écrivait l'éditorialiste Agnès Gruda vendredi, et je cite: «Et on se prend à rêver: après de longues années de morosité, la vie politique arrive-t-elle aujourd'hui à une sorte de carrefour où, pour des raisons mystérieuses, l'action devient possible?» Fin de la citation. Mesdames, messieurs, à compter d'aujourd'hui, faisons de ce rêve une réalité. C'est ce que le peuple québécois attend de nous. L'emploi d'abord. Bien sûr, il y a de mauvaises nouvelles. Nous y sommes tellement habitués que nous ne voyons plus clairement qu'il n'y en a pas que de mauvaises. Chaque jour semble charrier son lot de manchettes sur des fermetures d'usines, des déménagements, des rationalisations, et on ne se souvient plus du jour où l'État a embauché plutôt que de mettre à pied. Notre taux de chômage structurel, au Québec, est préoccupant. Il est plus élevé que la moyenne canadienne et presque le double de la situation moyenne des pays industrialisés. Le mal du chômage et de l'exclusion a un certain nombre de racines qu'il sera difficile d'extirper. Nous allons tenter de couper ces racines une à une au cours des années qui viennent. Il faut cependant savoir que la société québécoise des années quatre-vingt-dix est l'une des sociétés où l'esprit d'entrepreneurship est le plus répandu. L'entrepreneurship est un muscle que nous avons développé depuis quelques décennies à peine et qui n'a pas encore atteint sa pleine forme. C'est pourquoi nous avons des raisons de voir là une source de confiance en l'avenir. Le mois dernier était le septième mois consécutif où le Québec a enregistré un gain net d'emplois, ce qui signifie que nous avons créé plus d'emplois que nous n'en avons perdu. Combien? 63 000 de plus en sept mois. En fait, pendant cette période, le Québec, qui forme moins de 25 % de la population canadienne, a créé 37 % des emplois au Canada. Les sept derniers mois, c'était pourtant, si je ne m'abuse, la période pré et postréférendaire. Dans les quartiers, dans les villages, certains sentent ce filet d'air frais, et beaucoup de Québécois sans emploi se remettent en situation active de recherche d'emploi. Il faut leur donner raison, améliorer la situation de l'emploi, mais ceci est un effort concerté, composé, en gros, de trois ingrédients: il faut des femmes et des hommes qui sont bien préparés pour l'emploi, il faut des emplois et il faut des instruments qui fassent, le mieux possible, le lien entre les chercheurs et les donneurs d'emplois. La ministre de l'Emploi et la ministre de l'Éducation présenteront les mesures conjointes qu'elles entendent appliquer pour faire de la formation et du perfectionnement de la main-d’œuvre, à l'école et au travail, un élément clé omniprésent et permanent de la vie québécoise. Il faudra pour cela un sérieux arrimage entre l'école et l'entreprise. Le retard sur ces questions est considérable. Le bond en avant que nous ferons cette année le sera tout autant. La politique active du marché du travail se traduira par une radicale simplification des services de l'emploi pour que le jeune, le chômeur ou le nouvel arrivant puisse faire son choix vite et bien parmi les programmes offerts. Nous procéderons à un total décloisonnement des clientèles. Pour nous, il n'y a que deux catégories de Québécois: ceux qui ont un travail et ceux qui en cherchent. La régionalisation des services d'emploi sera aussi un élément majeur de notre action. Vous aurez remarqué que je conjugue tous mes verbes au futur, et non pas au conditionnel. C'est que je ne peux pas croire que le premier ministre canadien, malgré ses promesses référendaires, continuera à rester sourd aux attentes de tous les Québécois. Son refus de permettre enfin au Québec de rationaliser l'action en matière de mesures actives de main-d’œuvre nous coûte 250 000 000 $ en dédoublements et en gaspillage et il retarde une réforme indispensable. Si de nouveaux échanges entre son ministre et la nôtre ne portent pas fruit, je m'entretiendrai directement avec lui de cette question. Et j'invite le chef de l'opposition, et ancien patron de M. Chrétien dans le camp du Non, à se joindre à moi pour cette démarche ultime qui devra être couronnée de succès dans les plus brefs délais. Pendant que les chantiers découlant de la Conférence se penchent sur les questions afférentes à l'emploi, le secteur public va poursuivre son action pour donner l'exemple. Au ministère de l'Éducation, notamment, les départs à la retraite vont libérer, au cours des prochaines années, plusieurs milliers de postes d'enseignement primaire et secondaire, ce qui favorisera l'insertion d'enseignants plus jeunes qui contribueront puissamment au dynamisme de notre réseau d'éducation. Des sociétés d'État sont aussi actives pour l'emploi des jeunes. Hydro-Québec, par exemple, mettra sur pied un programme d'apprentissage visant les jeunes diplômés, un programme de stages coopératifs et des emplois d'été pour les étudiants du collégial et de l'université. Mille jeunes auront ainsi accès au marché du travail. Le gouvernement attend des propositions du même type de ses autres sociétés d'État et demandera à la SGF d'implanter des programmes équivalents dans les entreprises dont elle est actionnaire. Notre société devra débattre, cette année, de la question du départ à la retraite pour les salariés de plus de 65 ans, pour faire plus de place aux jeunes. Une des formules proposées permettrait à l'employeur de rompre le lien d'emploi, s'il le juge approprié, pour les plus de 65 ans qui ont acquis la totalité de leurs droits à la retraite. C'est un important débat de société qu'il nous faut mener à terme. Nous allons aussi intensifier nos efforts pour nommer un plus grand nombre de jeunes – jeunes professionnels, jeunes entrepreneurs, jeunes créateurs, jeunes personnes engagées dans le milieu communautaire – sur la myriade des conseils d'administration et de comités des organismes publics. C'est une chose que d'entendre les jeunes nous faire part de leurs besoins, et leurs organismes s'en chargent. Mais il est essentiel que de jeunes notions, de jeunes idées, de jeunes cerveaux, participent à la prise de décisions qui concernent toute la société. Pour créer de l'emploi, notamment dans une période où le secteur public n'en créera pas, il faut donner de l'oxygène au secteur privé. Cela signifie simplifier l'aide de l'État et alléger sa réglementation. Nous allons réduire substantiellement le nombre de mesures d'aide financière à l'entreprise. Les mesures restantes seront fondées sur le partage du risque lié aux investissements, assorties en contrepartie d'une participation de l'État aux bénéfices éventuels. En réduisant le nombre de mesures, nous éviterons les situations de cumul et nous nous concentrerons sur l'aide à l'entrepreneurship, donc au démarrage d'entreprises, à l'aide à la recherche et au développement, à l'emploi scientifique et technique et aux grands projets. Nous poursuivons donc un double objectif: d'une part, faire fleurir l'entrepreneurship au Québec dans les régions en partenariat avec les collectivités, avec le souci de la création d'emplois pour les jeunes par les jeunes; d'autre part, faire émerger ce qu'on appelle la nouvelle économie, où le savoir prend une importance déterminante, y compris dans les activités traditionnelles. La Société de développement industriel sera réorientée dans cet esprit, et nous lierons son action à celle des institutions financières pour le partage du risque et donc des bénéfices. Partout, nous allégerons le poids de la réglementation en nous attachant non plus à dicter des processus et à contrôler leur application, mais à évaluer en fonction des résultats à atteindre, donc en laissant libre cours à la créativité et à l'innovation au sein de l'entreprise. Nous veillerons aussi à instaurer des guichets uniques ainsi que des processus d'émission de permis, formulaires et dossiers uniques. Nous ferons en sorte que les nouvelles réglementations rendues nécessaires par l'impératif nouveau du 1 % de formation de la main-d’œuvre et par l'incontournable recherche de l'équité salariale soient très largement compensées par la simplification des réglementations existantes. Depuis trois ans, si notre économie a pu sortir de la récession, c'est grâce à l'exportation. L'an dernier encore, nous avons exporté 20 % de plus que l'année précédente, qui avait connu une hausse de 21 % par rapport à l'année d'avant, qui elle-même avait enregistré une augmentation de 24 % sur l'année antérieure. Il faut maintenir cette formidable progression. L'exportation n'est pas seulement l'affaire des grandes entreprises, bien qu'elles y excellent. En ce moment, une petite ou moyenne entreprise sur cinq vend à l'étranger. C'est beaucoup, mais rien n'empêche que deux sur cinq ou trois sur cinq fassent de même. C'est pourquoi nous lançons l'objectif de 2 000 nouvelles PME exportatrices pour l'an 2000. Nous allons établir dans ce but un système de renseignements efficace. Nous mettrons en place un réseau de services-conseils de première ligne dans toutes les régions. Pour ce qui est de l'aide aux exportations, nous corrigerons les insuffisances des services fédéraux actuels en créant un volet de garanties de financement québécois qui donnera à nos entreprises des avantages comparables à ceux dont profitent nos principaux compétiteurs. La clé de voûte de ce dispositif consistera à donner à la SDI les ressources nécessaires pour qu'elle puisse effectuer des garanties, notamment pour des prêts à moyen et à long terme dans le cadre des grands projets d'infrastructures à l'étranger. Nous allons aussi réinventer, de concert avec l'entreprise privée, notre action de commercialisation de nos produits à l'étranger et même notre présence économique sur le globe, sur la base de la formule mixte proposée par le vice-premier ministre et entérinée par les gens d'affaires lors de la conférence socioéconomique. Au Québec, il y a les entreprises que nous avons créées et celles que nous avons attirées. En tout, 1 200 sociétés étrangères emploient sur notre territoire 200 000 salariés. Depuis plus de 10 ans, cependant, nous n'avons pas attiré chez nous autant de nouvelles entreprises étrangères que le justifierait notre poids économique. Nous devons profiter du climat plus positif qui semble émerger pour attirer de nouveaux investissements et nous devons faire savoir que le régime fiscal québécois pour l'entreprise fortement engagée en recherche et en développement est le meilleur en Occident. Dans ce but, nous allons créer, avec le concours du secteur privé, qui se montre très intéressé, un service d'accueil et d'information pour investisseurs. Nous allons intégrer un service existant de prospection et de promotion des investissements. Nous allons réduire le temps actuellement nécessaire à préparer nos dossiers d'aide à l'investissement étranger, car les décisions d'investissement se font dans des délais de plus en plus restreints, et, dans ces matières, les retardataires ont toujours tort. Lorsqu'un investissement important semble vouloir se faire dans une région frontalière du Québec avec des retombées tangibles chez nous, nous n'hésiterons pas à offrir notre aide à nos voisins américains ou canadiens. Le ministre de l'Économie, sa collègue de l'Industrie et du Commerce, le ministre des Relations internationales, le ministre de la Métropole et le premier ministre, lorsque c'est opportun, n'hésiteront pas à se faire les commis voyageurs du Québec pour des dossiers importants, des dossiers d'exportation ou de prospection d'investissements. Nous allons répéter partout que le Québec est une économie ouverte aux investisseurs du monde entier, notamment des États-Unis. Nous allons miser, entre autres, sur l'excellente relation que nous avons rétablie avec nos partenaires français depuis un an pour rendre notre relation économique aussi florissante que peuvent l'être aujourd'hui nos échanges culturels. Et la visite qu'effectuera au Québec en juin le premier ministre français, M. Alain Juppé, sera un moment clé de ce décollage économique. De même, le Forum francophone des affaires, créé par le Québec, est un des outils qui nous permettent de faire de la francophonie une entreprise profitable pour notre langue et notre culture, mais aussi pour nos emplois. Il est paradoxal que nos exportations aient connu une progression fulgurante à l'étranger récemment mais stagnent lorsqu'il s'agit de vendre nos produits au Canada. Et, si nous nous sommes résignés à l'impossibilité de réformer le Canada politique, nous ne nous résignerons jamais à une stagnation de nos échanges économiques. L'Assemblée sera bientôt saisie d'un projet de loi concernant la mise en œuvre de l'accord sur le commerce intérieur canadien. Cet accord, bien imparfait et bien en deçà de la volonté libre-échangiste du Québec, élimine cependant certains irritants qui entravent le commerce entre provinces. Nous allons aussi développer des partenariats économiques concrets avec les communautés francophones hors Québec, notamment avec nos voisins acadiens. C'est une question de prospérité, c'est une question de solidarité. Il n'y aura pas de relance de l'économie québécoise sans relance de la métropole québécoise. Cette relance se fera notamment grâce à l'ensemble des mesures que je viens d'évoquer, mais la complexité des problèmes de la métropole requiert un traitement particulier et, je dirais plus, la création d'un pouvoir métropolitain spécifique. C'est pourquoi le ministre de la Métropole déposera ce printemps le projet de loi créant la commission de développement de la région métropolitaine de Montréal. Le ministre présidera cette commission et sera épaulé par deux vice-présidents venus du milieu, un francophone et un anglophone. La commission sera composée majoritairement d'élus locaux et elle aura un pouvoir réel pour la promotion économique et touristique et un rôle de conseil en matière d'aménagement du territoire, d'équipement et de planification stratégique des ministères. La commission nous recommandera quels pouvoirs supplémentaires devraient lui être dévolus ou devraient être décentralisés aux municipalités de la région métropolitaine. La métropole, c'est l'économie; c'est aussi la culture et la langue. Je l'ai dit et je le répète, Montréal est et sera une métropole nord-américaine francophone avec une composante anglophone essentielle qui façonne son histoire, son identité, sa culture et son avenir, une métropole francophone qui est le cœur du Québec moderne et qui bat au rythme des cultures du monde. Il est de notre intérêt à tous de préserver le caractère francophone de l'île de Montréal qui, selon le rapport déposé vendredi sur la langue française, risque de péricliter à cause, notamment, du départ de familles francophones qui habitent l'île et parce que notre capacité d'intégration des nouveaux arrivants, bien qu'en progression, n'a pas atteint la vitesse de croisière requise. Nous nous réjouissons du fait que le français langue seconde soit très largement pratiqué à Montréal. Cependant, il faut se rendre à l'évidence, ce ne sont pas celles et ceux dont le français est la langue seconde qui y intègrent les allophones. Ce sont celles et ceux dont le français est la première langue, dans les écoles, dans les bureaux et dans les commerces de l'île. En avril, la ministre de la Culture et des Communications soumettra à la discussion publique le bouquet de propositions qu'envisage le gouvernement pour corriger cette situation, dans les limites imposées par le régime fédéral canadien. Nous connaissons déjà une de ces mesures, elle fait consensus chez tous les Québécois progressistes: l'établissement, à Montréal et au Québec, de commissions scolaires linguistiques plutôt que confessionnelles. Ces commissions permettront aux francophones de mieux intégrer les nouveaux arrivants et aux anglophones de mieux assurer la vitalité de leur communauté. La ministre de l'Éducation nous fera connaître, ce printemps aussi, la marche qu'elle entend suivre pour atteindre cet objectif. L'établissement de ces commissions linguistiques ne suffira pas à donner à l'éducation montréalaise les outils qu'il lui faut pour relever les défis particuliers de la métropole. Les états généraux et le dernier avis du Conseil supérieur de l'éducation ont déjà fortement attiré l'attention du gouvernement sur cette problématique, et la ministre entend apporter les innovations requises. Les actions entreprises par le gouvernement de M. Parizeau en matière de développement des outils régionaux d'investissement sont en train de se concrétiser. La mise sur pied des 16 fonds régionaux de solidarité est en voie d'être complétée. Elle procurera aux régions un capital de risque et d'investissement initial de 100 000 000 $. De concert avec les partenaires locaux, le gouvernement a mis en place, ces derniers mois, un réseau de fonds d'investissement locaux couvrant la majorité des 96 municipalités régionales de comté; un capital d'investissement de l'ordre de 30 000 000 $ est ainsi consenti à la petite entreprise. Cette prise en charge locale et régionale des décisions d'investissement répond à une attente justifiée des régions québécoises, et nous sommes heureux d'en voir les fruits. Nos ressources naturelles sont un atout constamment renouvelé, notamment en région, et nous devons faire plus et mieux pour en augmenter le potentiel de croissance. Il convient de donner une nouvelle marge de manœuvre aux productrices et producteurs agricoles pour l'exploitation, la conversion et le développement de leurs activités en visant un nouvel équilibre entre la protection du territoire agricole, la protection de l'environnement et l'aménagement urbain. C'est pourquoi le ministre de l'Agriculture déposera un projet de loi visant à assurer le droit de produire des entreprises agricoles en zone agricole. Le forum sur les pêches, qui aura lieu en avril, consacrera la nouvelle concertation entre les secteurs privé et public et nous permettra d'annoncer des mesures propres à assurer le développement de la ressource, de l'industrie et de l'emploi dans le domaine de la pêche. Près de 100 000 000 $ seront aussi injectés en région, cette année et l'an prochain, créant près de 7 000 emplois, dans des programmes de mise en valeur des ressources forestières, grâce à un partenariat entre les intervenants régionaux, l'industrie forestière et le gouvernement. La décentralisation des pouvoirs au niveau local suit son cours. En octobre dernier, les unions municipales et le gouvernement convenaient d'un certain nombre de principes qui ont débouché sur une trentaine de projets-pilotes actuellement à l'étude. Le lac-à-l’épaule qui se tiendra à la fin de mai donnera lieu à des décisions en matière de décentralisation et de renforcement des communautés locales. Le gouvernement saisira la perche tendue par les municipalités afin qu'elles puissent contribuer au développement de l'économie et de l'emploi sur leur territoire. De plus, le ministre des Affaires municipales proposera sous peu une série de moyens afin d'accroître la capacité d'agir des municipalités régionales de comté en matière économique et sociale et il révisera le rôle et les pouvoirs de nos agglomérations urbaines. Surtout, dès le mois de mai, le ministre déposera une carte proposant la fusion et la consolidation des municipalités du Québec. La carte sera accompagnée des mécanismes incitatifs et décrira les avantages fiscaux pour l'avenir de ces communautés. Nous entendons également alléger les contrôles législatifs, réglementaires ou administratifs imposés aux municipalités afin de leur restituer une plus grande autonomie. Le ministre des Affaires municipales déposera également un projet de loi qui permettra aux instances municipales de s'associer au secteur privé dans des sociétés mixtes pour certaines de leurs activités. Les régions sont aussi le lieu de la cohabitation avec nos concitoyens des nations autochtones. J'ai été très heureux de la participation à la conférence de la semaine dernière des organisations autochtones et j'ai noté leur volonté de s'engager dans des actions conjointes de développement économique. L'entrepreneurship est en train de prendre racine, notamment dans les communautés inuit, qui tiendront un colloque à ce sujet cette année. Voilà une perspective que nous devons résolument encourager. Le ministre responsable des Affaires autochtones livrera bientôt une nouvelle politique visant à améliorer les conditions de vie économiques et sociales des premières nations par des partenariats tout en poursuivant les discussions en cours sur les questions territoriales. Je vais vous parler un instant de la culture. Je pourrais donc vous parler à la fois d'identité et de savoir, à la fois de divertissement et des tourments de l'âme, à la fois du beau geste artistique, impérissable parce que fugace, et du développement économique durable. Le milieu culturel québécois, il faut le noter et le célébrer, a atteint un niveau élevé de maturité. Nous créons, nous exportons et nous importons, nous construisons ici un des plus stimulants carrefours culturels de la planète. Ce foisonnement et cette maturité se manifestent aussi par une ferme volonté d'inventer des façons de maintenir notre niveau d'activité culturelle malgré le contexte économique difficile. L'Union des artistes, l'Union des écrivaines et écrivains québécois et la Guilde des musiciens sont convenus de mettre sur pied un fonds d'investissement de la culture et des communications. Il disposera d'un capital de départ de 15 000 000 $, dont 5 000 000 $ venant de la Société québécoise de développement des entreprises culturelles et 10 000 000 $ venant du Fonds de solidarité. Il sera géré à majorité par des représentants des travailleurs de la culture et il financera dès cette année des projets innovateurs en culture et en communications. Voilà le genre de projets qui nous inspirent confiance en l'avenir économique et culturel du Québec. La ministre de la Culture et des Communications annoncera d'ici l'été la deuxième phase du Fonds de l'autoroute de l'information. Elle signera avec la ministre de l'Éducation un protocole qui favorisera à tous les niveaux scolaires l'initiation aux arts et à la formation artistique. Ensemble, elles établiront, notamment, un partenariat entre bibliothèques scolaires et municipales pour tirer le maximum des sommes disponibles dans ce secteur très nettement sous-équipé. M. le Président, mesdames et messieurs, vous aurez noté, depuis le début de mon exposé, le nombre de mesures nouvelles pour l'emploi, la métropole, les régions, la culture, qui reposent sur le partenariat entre l'État et le secteur privé, qui combinent l'argent des institutions financières québécoises et la volonté politique. C'est une bonne chose en soi, car cette combinaison responsabilise et décentralise. Mais, pour être tout à fait franc, je dois vous dire que nous favorisons aussi ces approches parce qu'elles économisent. Dans sept jours, au 1er avril, le compte à rebours commence, le compte à rebours de l'élimination du déficit dont nous sommes convenus la semaine dernière. Déjà, le gouvernement de M. Parizeau a réduit le déficit québécois d'un tiers en un an, une tâche remarquable qui a rendu un très grand service au Québec. Notre objectif, cette année, est de prendre le relais et de faire fondre le déficit de son niveau actuel de 3 900 000 000 $ à un niveau de 3 270 000 000 $. L'année suivante, il ne sera plus que de 2 200 000 000 $. En 1998, le déficit québécois sera réduit à 1 200 000 000 $ et, à ce stade, nous aurons cessé d'emprunter pour les dépenses courantes, dégageant même un surplus consacré aux investissements productifs pour l'économie. Dans le budget que le gouvernement déposera dans trois ans, nous aurons complètement terrassé le déficit. Voilà le beau fruit du consensus du modèle québécois. Le gouvernement avait appelé la société québécoise à travailler dur pour satisfaire une première échéance: éliminer le déficit des opérations courantes en deux ans, donc arrêter d'emprunter pour payer l'épicerie. Autour de la grande table, un objectif encore plus ambitieux a bientôt émergé: atteindre d'ici la fin de la décennie le zéro absolu, c'est-à-dire éliminer complètement tout déficit pour l'État québécois et le faire avec l'appui de tous les secteurs de la société québécoise. Pour se rendre à cet objectif puis pour empêcher un nouvel endettement par la suite, le ministre de l'Économie et des Finances déposera, au moment du budget, un projet de loi sur l'équilibre budgétaire. Ce projet de loi antidéficit sera discuté avec nos partenaires au sein de la commission itinérante sur la fiscalité et sera soumis au sommet dès l'automne qui suivra, avant de revenir en Chambre pour une commission parlementaire et le processus habituel des débats et adoptions législatives. Vous le savez, cet effort de réduction du déficit n'a qu'un seul but: préserver la qualité de vie des femmes et des hommes du Québec, protéger les institutions que le Québec s'est données depuis Jean Lesage, prémunir les générations futures contre la dette et la désespérance. Pour atteindre nos objectifs, nous devons faire tous les choix intelligents qui se présentent à nous, réinventer nos réseaux de santé et d'éducation, nos programmes de sécurité du revenu, notre fonction publique. Mais je dois avouer que tout cela ne suffira pas. Il faut savoir que, pendant les quatre années à venir et avant de sortir du tunnel, nous ne pourrons pas faire partout le choix optimal. Oui, des besoins justifiables ne seront pas tout à fait comblés. Oui, des attentes parfaitement défendables ne seront pas satisfaites. Oser choisir ensemble, oser agir ensemble, ça signifie aussi, dans certains cas, accepter quelques retraites stratégiques, quelques reculs temporaires afin de gagner, pour nous et nos enfants, la grande bataille. Certains m'en voudraient peut-être de ne pas citer ici Lucius Sénèque. Je ne veux pas les décevoir... Sénèque disait, et je cite: «Être asservi à soi-même est le plus pénible des esclavages.» Fin de la citation. Or, c'est ce que notre dette nous fait subir. Elle nous asservit à nous-mêmes et, pour nous en affranchir, il faut déployer un effort considérable, un effort équitable, surtout. À ceux qui disent: Pas dans ma cour, je réponds qu'il y aura quelque chose dans la cour de chacun. Et je vais vous donner quelques exemples tirés des crédits que déposera et chiffrera mercredi le président du Conseil du trésor. Au gouvernement, tous les ministères verront leur budget restreint cette année, y compris, oui, la Santé et l'Éducation, qui représentent à eux seuls les trois cinquièmes des dépenses de l'État. Il est illusoire de penser équilibrer le budget des Québécois tout en maintenant notre niveau de dépenses dans ces deux secteurs. Cependant, le panier de services de santé des Québécois sera préservé selon un régime d'assurance-maladie qui continue de faire l'envie de bien des sociétés avancées. Le sénateur Kennedy est d'ailleurs venu en vanter les mérites ce mois-ci à Montréal. Cependant, je vous donne un exemple: Nous étions très généreux envers ceux d'entre les Québécois qui ont le loisir de séjourner à l'étranger et qui doivent s'y faire hospitaliser. Nous n'avons plus les moyens de maintenir le niveau de cette générosité. En éducation, nous avons réussi à ne pas hausser les frais de scolarité, car l'accès au savoir est une caractéristique qui distingue le Québec. Cependant, d'autres sociétés industrialisées réussissent mieux que nous à former, à diplômer des étudiants avec des budgets considérablement moindres, notamment dans la gestion du système. Nous pouvons le faire aussi. L'État québécois, beaucoup plus généreux que ses voisins en matière d'école privée, tempérera quelque peu cette générosité. Plus globalement, le travail accompli par les états généraux de l'éducation jusqu'à maintenant dépasse les attentes. Ce ne sont pas les budgets qui sont en cause ici, ce sont les approches, la philosophie, la pédagogie. De tout ce que nous allons faire cette année, lorsque nous aurons épuré nos finances et relancé l'emploi, notre action la plus durable et la plus cruciale sera notre réforme de l'éducation. Dans le domaine de la sécurité du revenu, je tiens à rassurer nos citoyens, il n'est pas question de réduire les prestations de base des bénéficiaires d'aide sociale même si les réformes fédérales en cours sur l'assurance-chômage, qui font le bonheur du ministre des Finances du Canada, font le malheur du nôtre. Un effort de réorganisation de l'allocation-logement éliminera cependant la pratique qui faisait en sorte que certains prestataires recevaient une allocation plus élevée que le coût moyen des loyers de ces Québécois. Cette mesure, de plus, rétablit l'équité entre les familles ayant accès à l'aide sociale et les familles à faibles revenus de travail. Ces trois secteurs – santé, éducation et sécurité du revenu – s'en sortent assez bien comparativement aux autres secteurs d'activité gouvernementale où les choix furent déchirants. À la Sécurité publique, il faut se résigner à fermer plusieurs centres de détention, y compris, oui, le centre flambant neuf construit à Rivière-du-Loup par l'actuelle opposition officielle, mais où il faut débourser 119 $ de plus pour chaque détenu chaque jour que ce qu'il en coûte de louer une chambre de luxe au Ritz, à Montréal. Le ministre des Relations internationales va fermer plusieurs de ses délégations à l'étranger pour se concentrer sur l'essentiel, et, même si je sais que nous pourrons inventer de nouveaux moyens de rester en prise sur le monde, il s'agit là entre tous d'un exemple de réduction que nous nous imposons dans notre cour à nous. Il y aura des tarifications nouvelles au ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation. J'en ai déjà fait état, mais j'y reviens sous un autre angle: les sommes affectées à l'aide financière aux entreprises sont une espèce en voie de disparition. Le ministère de l'Industrie, du Commerce, de la Science et de la Technologie ne donne presque plus rien aux patrons. Il prête et il investit volontiers, mais l'ère des subventions aux entreprises est bel et bien terminée. Vous savez comme moi que le ministère des Transports devra, pendant quelques années, parer au plus pressé dans l'entretien du réseau routier. Ça ne l'empêchera pas d'investir au Québec, cette année, plus de 1 600 000 000 $ et de contribuer ainsi au développement économique régional. Le ministère de l'Environnement et celui du Développement des régions effectueront des rationalisations importantes. Mon propre ministère, celui du Conseil exécutif, voit son budget sévèrement amputé. Tous, donc, ont dû contribuer et vont être mis à contribution, y compris les municipalités, qui auront de nouvelles responsabilités mais qui obtiendront en échange de nouveaux leviers pour trouver localement les moyens de les assumer, y compris un cadre réformé de relations de travail municipal, qui pourrait apparaître dans un nouveau chapitre du Code du travail. Nous allons offrir à un grand nombre de membres de la fonction publique québécoise la possibilité de prendre leur retraite anticipée ou de choisir un départ assisté grâce à des programmes divers qui nous conduiront à un allègement de la masse salariale globale. Nous savons que, sur chaque dollar dépensé par le gouvernement, 0,57 $ sont dévolus à la masse salariale. Nous prendrons toutes sortes d'autres mesures d'économie. Par exemple, chacun sait que le gouvernement a à sa disposition des locaux vides, et, pourtant, certains organismes gouvernementaux louent des locaux dans le secteur privé; cela ne se reproduira plus. Dans le budget qu'il présentera ce printemps, le ministre des Finances brossera le reste du tableau de la répartition de l'effort québécois, notamment en ce qui concerne les exemptions fiscales dont bénéficient les Québécois les plus fortunés. Et lorsque nous aurons ces deux volets, les crédits et le budget, l'équité avec laquelle nous avons agi cette année apparaîtra clairement. Il faudra aller plus loin dans cette recherche d'équité et de solidarité. C'est pourquoi nous mettons sur pied une commission itinérante sur la fiscalité qui aura le mandat de revoir tous les aspects de nos taxes et de nos impôts, individuels ou d'entreprises, et qui trouvera des moyens de mieux contrôler le marché du travail et le travail au noir. Elle fera rapport, je l'ai dit, au sommet de l'automne. Même si nous appliquons cette année des coupures sans précédent aux dépenses gouvernementales, rien ne nous interdit de poser des gestes importants pour faire progresser l'équité et la solidarité sociale dans l'activité gouvernementale et dans la société québécoise. En fait, il s'agit en quelque sorte d'un devoir, car c'est un contrepoids social à la dureté de la réalité économique. Nous agirons pour améliorer la qualité de vie des femmes, des familles, des enfants, des jeunes et de nos aînés. Les Québécoises qui travaillent dans le secteur public savent depuis plus d'un an que leurs droits à l'équité sont protégés, c'est-à-dire qu'elles savent que, lorsqu'elles exercent une tâche équivalente à celle de leurs collègues masculins, elles obtiennent un salaire égal. Ce n'est pas le cas dans le secteur privé au Québec, ce qui crée une discrimination envers les femmes qui ne saurait durer plus longtemps. Tous s'entendent sur le principe de l'équité salariale, mais pas sur son application. Il est vrai que le passage vers l'équité requiert des ajustements qui ne sont pas faciles. Cette question est à l'étude depuis longtemps. En décembre, le gouvernement a déposé un avant-projet de loi qui a suscité un débat très vif de part et d'autre et qui a démontré qu'en cette matière il ne serait pas possible de faire l'unanimité. C'est une raison de plus pour que le gouvernement engage sa crédibilité et sa responsabilité de représentant de toutes les Québécoises et de tous les Québécois et fasse les arbitrages nécessaires pour que l'équité salariale devienne une réalité. Un projet de loi en ce sens sera déposé ce printemps par la ministre d'État de l'Emploi et de la Solidarité. Je tiens personnellement à ce que la loi sur l'équité salariale soit une des premières grandes réalisations du gouvernement que je dirige. Cette année et à l'avenir, le gouvernement entend prendre une batterie de mesures pour aider la famille québécoise, lui simplifier la vie, la soutenir dans ses épreuves. Quelle que soit sa composition ou sa recomposition, la famille est à la fois la brique et le ciment de nos vies, et il faut en prendre grand soin. Nous déposerons bientôt à l'Assemblée nationale une déclaration sur la famille qui tracera les principes de notre politique générale. Mais, déjà, nous savons qu'il faut simplifier les programmes d'aide financière à la famille devenus complexes et, à certains égards, inadéquats. La ministre d'État de l'Emploi et de la Solidarité proposera une allocation québécoise unifiée pour l'enfance et la famille qui utilisera plus efficacement la somme totale de 2 300 000 000 $ que le Québec consacre déjà à ce chapitre. De même, le 1er juin qui vient, entrera en vigueur le régime général de perception automatique des pensions alimentaires, qui est sans doute la mesure la plus importante que le gouvernement pouvait prendre pour faire reculer la pauvreté dans les familles québécoises. En effet, le non-paiement des pensions par certains parents non gardiens a provoqué jusqu'à maintenant des situations déplorables, indignes d'une société solidaire. C'est pourquoi je salue le travail de mes collègues et du premier ministre qui m'a précédé et qui ont rendu possible, en un temps record, la correction de cette injustice après une inexcusable inaction au cours des 10 années antérieures. Nous allons continuer à améliorer le système des pensions alimentaires de deux façons d'ici l'été. D'abord, en élaborant un modèle de fixation des pensions accordées aux enfants, ce qui facilitera le travail des parties et des juges, et, ensuite, en apportant les corrections nécessaires au traitement fiscal des pensions alimentaires versées au bénéfice des enfants. Ainsi, nous ferons en sorte que ce soit le parent gardien et l'enfant qui bénéficient de chaque dollar de la pension versée et non le ministre du Revenu. Le moratoire et la consultation décrétés l'an dernier sur les services de garde ont pris fin, et la ministre de l'Éducation proposera des changements qui simplifieront le programme d'exonération et d'aide financière aux parents. Ils mettront l'accent sur les agences et garderies à but non lucratif, ou qui sont des coopératives, et qui participent ainsi à l'économie sociale. Le développement des services de garde sera régionalisé et la priorité sera donnée à la garde régulière et à la petite enfance. Prises ensemble, l'équité salariale, l'allocation unifiée pour la famille et l'enfance, la perception automatique des pensions alimentaires, le modèle de fixation des pensions et la modification de leur traitement fiscal, la révision des services de garde, toutes ces mesures changeront pour le mieux, concrètement, la vie des familles québécoises, et cette Assemblée pourra s'en féliciter. La solidarité québécoise s'étend à d'autres aspects au-delà de l'appui familial. Je vous parlais tout à l'heure de la santé et des transformations en cours qui allaient générer des économies sans modifier le panier de services. On commence à voir en région, on le voit en région de plus en plus, les restructurations de la dernière année cèdent la place maintenant aux augmentations de budgets des centres ambulatoires, des services à domicile pour les personnes âgées, des services d'hébergement de longue durée et des services de première ligne, comme les CLSC, de même que les activités de prévention et de promotion de la santé. Nous trouverons un moyen, cette année, de faire avancer notre solidarité en matière de santé dans le domaine qui a évolué le plus depuis 25 ans, celui du médicament. Faute de ressources, trop de Québécoises et de Québécois ne peuvent se payer des nouveaux médicaments plus efficaces, mais plus chers que les précédents. C'est pourquoi il est maintenant temps de compléter notre système de protection sociale. Dans quelques jours, un rapport d'experts, dirigé par le père de l'assurance-maladie, M. Claude Castonguay, proposera un régime d'assurance-médicaments. Le régime sera universel, équitable et efficace. Universel, car il donnera à tous un accès aux médicaments; équitable, car il tiendra en compte la capacité de payer de chacun; efficace, car il permettra de contrôler les coûts des médicaments au Québec. Sur cette solide base, le ministre de la Santé et des Services sociaux déposera ce printemps un projet de loi pour établir, au plus tard en janvier prochain, l'assurance-médicaments. Le Québec a fait il y a plus de 20 ans un autre gain dans la recherche de la solidarité sociale. Il s'agissait d'élargir l'accès à la justice en créant l'aide juridique. Nous le savons tous, l'aide juridique a besoin depuis longtemps d'une réforme en profondeur, et il s'agit d'un sujet difficile. Le ministre de la Justice procédera à cette réforme en instaurant, en plus du volet gratuit du régime, un volet contributoire. Ainsi, l'accès sera élargi à un plus grand nombre de Québécois dans le besoin, ce qui est finalement la raison d'être de l'aide juridique. Mais il y a une solidarité qui les dépasse toutes car elle transcende les générations. C'est la solidarité qui fait en sorte que la population active finance la retraite des aînés. Et, dans ce partage de la richesse, il ne doit pas y avoir de perdants. Aujourd'hui, le gouvernement fédéral se désengage progressivement de ce secteur. Le Régime de rentes du Québec est la pièce maîtresse de la sécurité du revenu à la retraite des Québécois, qui cotisent cependant de plus en plus à des régimes complémentaires privés. Ce n'est toutefois pas le cas pour les travailleurs à faibles revenus qui sont donc plus vulnérables. De plus, la pyramide d'âge laisse présager pour le prochain siècle un grave déséquilibre entre la génération qui est sur le point de prendre sa retraite et la génération qui vient d'entrer sur le marché du travail. C'est pourquoi le gouvernement procédera cette année à une consultation qui débouchera sur une politique globale de la sécurité du revenu à la retraite, dont certains éléments entreront en vigueur le 1er janvier prochain. Au sujet de la solidarité intergénérationelle, le ministre de la Justice terminera bientôt sa tournée de consultation en ce qui concerne l'article du Code civil qui oblige les grands-parents à subvenir, en certains cas, aux besoins de leurs petits-enfants. C'est un sujet qui inquiète beaucoup de nos aînés, et à bon droit. Le ministre apportera au Code civil les modifications appropriées. M. le Président, mesdames, messieurs, j'ai une bonne nouvelle à vous apprendre. J'aborde maintenant le tout dernier segment de mon discours. Le dernier. C'est le dernier et l'un des plus courts. Il n'est pas le moindre, ce segment, car il nous concerne au premier chef. Il s'agit de l'État, de ses institutions et de ses citoyens. Le lieutenant-gouverneur l'a noté avec raison dans son allocution, il nous incombe à tous, nous, membres de l'Assemblée nationale, de revaloriser la réputation des parlementaires par notre action et nos attitudes, mais le lien de confiance entre l'État et les citoyens demande d'autres actions et d'autres signes de probité. Le projet de loi n° 131 sur le resserrement des règles d'éthique des personnes qui assurent la gestion publique est un premier pas dans cette voie. Nous comptons en franchir un autre en encadrant beaucoup mieux qu'aujourd'hui la pratique du lobbying. Mais, s'il y a une chose qui, dans la gestion publique et dans le secteur privé, soulève le mécontentement des citoyens, c'est la pratique de la double rémunération. À ma demande, un groupe de travail a été mis sur pied et nous proposera bientôt des pistes de solution qui auront leur écho ici. Le gouvernement se doit également d'être transparent, et je suis heureux que les participants à la Conférence sur le devenir social et économique du Québec aient eu un accès inédit aux états financiers du gouvernement. Nous avons l'intention de continuer d'innover en ce sens, et les participants du sommet de l'automne seront tout aussi bien équipés en données et en informations pour prendre les décisions qui s'imposent. Les tribunaux administratifs sont un des lieux où aucun doute ne doit dorénavant subsister sur la qualité des nominations, la compétence des décisions, l'indépendance du processus. Le ministre de la Justice a déjà déposé son projet de loi, qui sera suivi d'un projet de loi d'application de la réforme. Nous en profitons pour déjudiciariser certains actes de l'administration et pour harmoniser les règles et les processus pour les rendre plus faciles d'utilisation pour le citoyen. Le ministre de la Justice déposera aussi des modifications importantes au Code de procédure civile afin d'alléger la procédure en vigueur et d'accélérer le processus judiciaire. Le ministre de l'Environnement procède également à une modernisation et une simplification de la réglementation environnementale. Il s'agit d'atteindre les objectifs très exigeants de protection du patrimoine et de développement durable, mais en développant des instruments économiques et des outils fiscaux nouveaux. Nous allons prendre de nouvelles mesures, aussi, pour assurer la sécurité personnelle de nos citoyens, sur la route d'abord. La dernière grande révision du Code de la sécurité routière a eu lieu il y a 10 ans déjà. Elle a permis de réduire notablement le nombre d'accidents de la route, mais on sent que de nouvelles mesures s'imposent pour faire mieux encore. L'alcool au volant cause chez nous 45 % de tous les décès et 28 % des blessés graves. Les mesures que proposera le ministre des Transports visent à réduire de 10 % ce triste bilan. De même, la criminalité a connu globalement une chute significative au cours des dernières années, mais le crime organisé continue de sévir. Nous devons saluer l'efficacité d'initiatives de coopération entre corps de police, comme l'escouade Carcajou. Le ministre de la Sécurité publique poursuivra ses efforts en ce sens. De même, l'établissement de forces policières autochtones, comme celles de Kahnawake ou des territoires cris, est couronné de succès. Les seuls qui ont des raisons d'être de mauvaise humeur partout au Québec sont les contrebandiers et les trafiquants, et nous avons l'intention que leur état d'esprit s'aggrave encore dans leurs réseaux. Le ministre de la Justice entend d'ailleurs faire d'une pierre deux coups. En ce moment, les importantes sommes d'argent saisies aux trafiquants de drogue, par exemple, dorment dans des coffres avant les procès. Nous allons créer une structure autonome responsable de la gestion des avoirs criminels confisqués, et ces revenus serviront à intensifier encore la lutte à la criminalité. Nous allons continuer, au Québec, de nous démarquer de nos voisins sur la question de l'incarcération. Nous pensons que les individus dangereux menaçant la sécurité publique doivent être incarcérés. Cependant, les individus coupables... ...d'infractions mais qui ne présentent pas une menace devraient être soumis à des sentences qui favorisent la réhabilitation, évitent l'incarcération ainsi que les dépenses considérables qu'elles occasionnent à la société. Et je conclus, M. le Président. On le sait tous, l'an dernier, il y a eu un référendum, l'année d'avant, une élection générale, l'année précédente, une course au leadership au sein du parti au pouvoir, et l'année d'avant encore, un référendum sur les offres fédérales. Cette année, nous allons gouverner à plein temps... ...et, lorsque la société québécoise... M. le Président... M. le Président, je vois que l'opposition, qui a souffert de ne pas le faire au pouvoir, est contente de voir un gouvernement qui va le faire à sa place. On le sait tous, nous allons devoir faire des grandes choses, en invitant tous nos citoyens à se parler, à s'épauler, à s'entraider. La conférence de la semaine dernière est de bon augure. Rarement avions-nous vu des banquiers et des syndicalistes, des présidents de transnationales et des gens du milieu communautaire s'engager si résolument dans une œuvre commune. Nous n'aurons pas la moindre hésitation, je l'ai dit, à enrôler le gouvernement fédéral dans nos travaux, et nous comptons bien lui demander de faire sa part pour l'économie régionale, de faire sa part pour les commissions linguistiques et la relance de Montréal, de faire sa part pour la réforme de la formation de la main-d’œuvre. Le dialogue que le gouvernement a voulu engager avec la communauté anglophone du Québec est une démarche importante qui a déjà contribué à changer le climat de nos relations et qui débouchera sur des résultats concrets au cours des prochains mois. J'ai parlé aujourd'hui des commissions scolaires linguistiques, voilà un objectif rassembleur. Les Québécois d'origines diverses ont raison de se sentir interpellés aussi par le grand rassemblement en cours. Le nouveau ministre des Relations avec les citoyens prépare, avec un regard neuf, une nouvelle approche de ce que signifient concrètement la citoyenneté et la diversité québécoise moderne. C'est une approche qui nous enrichit culturellement et économiquement, qui nous rassemble et qui nous ouvre l'esprit. Membres de l'Assemblée nationale, députés et ministres, membres de la fonction publique, des réseaux, des sociétés d'État, le plan de travail contenu dans ce discours inaugural est fondé sur une certitude: nous sommes tous des bâtisseurs, et nous allons le démontrer. Les femmes et les hommes du Québec, surtout, sont des bâtisseurs, et nous allons leur en donner les moyens. Merci, M. le Président.